JUPITER, ZEÛç. Le plus grand dieu des mythologies grecque et romaine.
1. ZLUs. Attributions physiques Le nom grec
du dieu variait suivant les dialectes. A côté de la forme commune, on trouve A ç, Z.q (dorien), Ta ç (crétois), ZEÛç (éolien), 3,E1ç (laconien, béotien) 1.
Sans qu'il soit besoin de raisons empruntées à la grammaire comparée, il est naturel de considérer Zeus, d'abord du point de vue physique, comme dieu du ciel et des phénomènes célestes. C'est ainsi qu'il apparaît dans les cultes les plus anciens, dans de vieilles expressions de la langue (ZEÛ; (ln;), dans une foule de passages d'Homère 2.
Le Zeus d'Homère habite l'éther (ZEÛç aiOiptoç, aiOip
t, ((ov), c'est-à-dire la région splendide et calme qui s'étend au-dessus de l'atmosphère terrestre, des nuages, des tempêtes. Il règne sur les dieux odpav(covEç; lui-même, il est le OEiç oûpzvtoç par excellence, le premier des dieux célestes. Les montagnes, dont les sommets, baignés de lumière et d'air pur, semblent monter jusqu'à l'éther, sont ses trônes : il n'est guère en Grèce de lieux hauts
sur lesquels Zeus °7 7ra'ro; ',
adoré. Sans prétendre à les énumérer tous, on rappellera : en Messénie, l'Ithôme (fig. 1192) 2, où une tradition voulait que le dieu fût
né ° ; en Laconie, le mont Taléton dans le Taygètef0 ; en Argolide, au-dessus de Némée, le mont Apésas, où Persée
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aurait offert le premier sacrifice à Zeus'; en Arcadie, le mont Lycée, dont le sanctuaire et les légendes étaient si curieuses ; en Attique, sur le Parnès, l'Hymette et même sur l'Anchesme, iipo; o i p.€yx 2 ; en Béotie, sur l'Hélicon, sur le Laphystion 3, au-dessus de Lébadée, et sur le mont IIypatos; en Épire, sur le Tomaros, au-dessus de Dodone ; en Thessalie, sur le Pélion; en Macédoine, sur l'Olympe; en Chalcidique, sur l'Athos; en Thrace, sur le Pangée; en Crète, sur l'Ida et le Dicté; en Asie Mineure, sur l'Ida, le Gargaron, l'Olympe de Pruse, etc.' Le point culminant de chaque île était ordinairement consacré à Zeus ; il en était ainsi, par exemple, à Égine (Zeus HavE),aiivto;) 3, à Délos (K1ivOto;) 6, en Eubée (Krlvaio;), à Rhodes ('Areaipto;) 7, en Crète ('ISxïo;, OtxTxio;), à Céphallonie (Aivrictos) 8,
en Sicile (AiTVaio;). Trônant sur ces observatoires naturels (12.ETénieZ), Zeus voyait tout; d'où les surnoms de Ilavd7;T•ri;, 'E7d7[Trlç, 'EM07tET•li;, 'E7Cd4ft0; 0.
Dieu du ciel, Zeus était considéré comme le maître de tous les phénomènes météorologiques30. Il était le maître des vents, aussi bien des vents mauvais, qui amènent la neige et les déluges d'eau, que des vents bienfaisants qui font mûrir les fruits. Les Spartiates l'invoquaient sous le nom euphémique d'Eud,vE.to;", et les navigateurs avaient bien soin de ne pas négliger Zeus O(lpto;12, qui était adoré particulièrement à Syracuse' 3 et à DéFig.4193.-Gé los", et qui avait un sanctuaire célèbre à
l'entrée du terrible Euxin1. C'était lui qui assemblait les nuages (NE9E),T,yepitr1ç) 16 et les faisait éclater en pluie et en orages (`T ÉTto; 17, "Op.eipto;, AûavTrip) 18.
Dans ces pays oit l'été est brûlant et où presque chaque année, de nos jours encore, on fait des prières solennelles pour avoir de l'eau, c'était Zeus que les anciens Grecs invoquaient en cas de sécheresse. `Taov, bcov, lui criaient les Athéniens, W 1pfXE Zs , xarl 'r apoÛpa; TWV 'AOr1val«)v xal 'r ès 7:EÔ(cuv 19 ; et l'on voyait sur l'Acro
pole, près de l'Érechtheion, une statue représentant Gé implorant Zeus pour qu'il fît pleuvoir20 (fig. 4193). Mais c'est surtout comme maître de la foudre qu'il était craint et adoré. C'est pour lui que les Cyclopes. sous
la direction d'Ilépbaestos, en forgent les carreaux
[F'ULMEN, CYCLOPES]; il déchaîne l'orage en agitant l'égide [AEGIS] ; avec ces deux armes, le foudre et l'égide (fig. 4191) 21, il a vaincu Typhon, les Titans, les Géants. Anciennement, au moins pour certaines tribus grecques, il ne se distinguait pas de la foudre, il était la foudre même22. Son nom, comme maître de la foudre ", est Zeus IiEpaSvto; KaTatUTr„^
, 'AaTpxaaïos ,
(fig. 4195) 2'°.
Attributions morales. Un tel
dieu devait naturellement être le plus fort et le premier des dieux. Dans l'Iliade, Zeus nous apparaît comme le maître du monde, des
dieux et des hommes. lIéra, sa saur, est obligée d'obéir à ses ordres; ses frères, Posidon et Hadès ou Aulonée, ne sont que les premiers de ses sujets. Posidon se révolte un instant contre son autorité : il rappelle que, lors du partage primitif, chacun des trois fils de Cronos et de Rhéa a eu son lot déterminé, que la mer lui appartient, comme les enfers à Hadès, comme le ciel à Zeus, que chacun est le maître dans son royaume particulier. mais n'a aucun droit sur la terre ni sur l'Olympe, qui sont restés indivis ; mais bientôt il est obligé de céder à Zeus 25. Quant à Hadès, il est si bien soumis à son frère aîné que
par moments il semble se confondre avec lui. Il est appelé dans l'Iliade Zeus KarayOdvto; 26 ; Eschyle parle du Zeus des morts 27 : « Un autre Zeus prononce chez les morts la sentence suprême 28 ». Les monuments figurés ne les distinguent quelquefois pas l'un de l'autre (fig. 4196)
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et les inscriptions nous parlent d'un Zeus XOdvtoç ou Zeus Euôou),Etî; 1, quise confond avec Pluton [EUBOULEUS].
Si Zeus est omnipotent, il est aussi souverainement sage. Il sait tout 2, prévoit tout', ordonne tout dans l'univers, conformément à l'inéluctable loi du Destin (Moisa), avec laquelle Zeus n'entre jamais en lutte, qui, par conséquent, est sienne, identique à sa volonté (Oro; «1-.72) 4. C'est pourquoi il était adoré sous le nom de Motsayt1z7l; pourquoi encore on lui donnait parfois comme épouse Thémis, personnification des lois qui régissent le monde (OU.taroç).
Un (lieu omniscient peut signifier l'avenir. L'éclair, le tonnerre, le vol des aigles étaient autant de présages
envoyés par Zeus (ôtoor,p.(at ; ZEÛç Eri,uaaioç 6) ; de lui
venaient les nouvelles qui se répandent au loin avec une rapidité mystérieuse (Os.4at) : Ilérodote raconte que la nouvelle de la victoire de Platées fut portée le même jour jusqu'en Asie, à Mycale ; dans ce fait miraculeux, les Grecs voyaient l'action d"'Oaaa ou de el Lr, mes
sagères de Zeus eI tlu.toç 'r, E lp•fip.oç, E ip4toç, hava(iptio; 8
[FASIA]. C'étaità Zeus qu'on attribuait naturellement toutes les choses extraordinaires; on se hâtait de l'invoquer quand il se produisait un fait prodigieux (ZEÛç Tspsa'uoç) h Il ('lait considéré comme l'auteur de toute divination; Apollon Del'phien était son prophète (i.1tôç crooL,r7r,ç10); à Dodone, à Olympie, dans l'oasis d'Ammon, Zeus rendait directement (les oracles''.
Les hommes devaient à Zeus beaucoup d'autres biens encore que la divination ; car il était bon et miséricordieux. En Arcadie, sur le chemin qui menait de Mégalopolis au Ménale, on voyait un temple dédié au dieu Bon ('AyaOôçOEdç). Si les dieux, dit Pausanias, donnent aux hommes les biens de la vie, et si Zeus est le premier de tous les dieux, il est raisonnable de supposer que cette dénomination désigne Zeus 12 ». Par la pluie, il faisait pousser les plantes' 3 ; la terrelui (levait ses moissons (culte
de Zeus FEwoyiç 1', 'E-..t pvûtitos, 'E7ctx47rta;, 'ErtSrputoç 13
Mdpw; 1G). Lorsque les Céiens, éprouvés par une longue sécheresse, implorent le secours d'Aristée, celui-ci sacrifie à Zeus 'Ixp.aioç (pluvieux), et aussitôt les vents étésiens commencent à souffler et rafraîchissent l'atmosphère durant quarante jours [AR1STAEUS]. De même, les agriculteurs de l'Attique invoquaient à la fin de l'hiver Zeus Met
a(yto;17, en été Zeus IIo),ie1;; 18, au commencement de l'hiver Zeus Mcap.zxtirlç.
Zeus MEt),(yro; ou Mt),(Zw;, dieu de douceur, avait deux aspects, l'un physique, l'autre 'moral. Thésée, lorsqu'il revint en Attique, après avoir purgé la terre des brigands, fut purifié par les Phytalides devant l'autel de ce dieu
On se purifiait en posant le pied gauche sur la peau de
la victime sacrifiée à Zeus MEn),(yto; [Dlos KoDION] 20. Comme
dieu des purifications et des lustrations, Zeus était invoqué encore sous le nom de KaOâpeto;2f ; près de Gythion, on montrait une pierre oit Oreste s'était assis et avait été aussitôt guéri de ses fureurs par Zeus Ka7r7rc'Ta;, c'està-dire celui qui apaise22. Les Danaïdes, souillées du sang de leurs époux, furent purifiées par Athéna et Hermès, sur les ordres de Zeus. Chez les Magnètes, lorsque venait l'été et que se levait Sirios, les jeunes gens montaient en procession au Pélion, et, vêtus de la peau des bêtes sacrifiées, célébraient des cérémonies purificatoires et propitiatoires, près de l'antre de Chiron, le centaure médecin, en l'honneur de Zeus 23 A Rhodes, on adorait Zeus sous le nom de IIatxv 21 ; des inscriptions d'Epidaure et d'IIermione parlent 'l'un Zeus
'Acx?L-fjud; 2s
« Lève tes yeux, dit le chœur des Suppliantes, vers le dieu qui, du haut du ciel, observe et protège les mortels infortunés. Zeus s'irrite quand les gémissements des malheureux ne sont pas écoutés 26 » Sous les noms
d' `IxÉrto; 2 , 'IxETri t7to; 28, °IE'rŸ10 29, 'EEaZEorilo 30 tlsiit0; 31
(celui à l'autel de qui l'on se réfugie), Zeus était le recours des suppliants. Les crimes, les meurtres, parce qu'ils troublent l'ordre de l'univers, lui sont odieux; il est le vengeur du sang répandu (HEXcy.vxio;), le dieu qui châtie les méchants ('A),tI-iipto;, 'AXicrrwp), qui leur envoie cet esprit de trouble et d'erreur ("A771) 32, par lequel l'homme courtàsa perte. Par contre, ceux qui l'implorent avec un cœur pur trouvent en lui un protecteur contre les maux
( 'A7co'rpd7ratoç 3d, 'A),E (xaxoç, 'AXEssuy'r)atol) 3', un dis
pensateur de biens". Comme dieu qui détourne des hommes les malheurs dont ils sont perpétuellement menacés, qui les sauve dans les pressants dangers, Zeus reçoit ordinairement le nom de Ec,yvs p 3c, il est adoré sous
ce nom dans une foule de villes 37 [soTERrA]. « ZEÛç Ew'rljp
xai N(x » fut souvent le mot d'ordre des armées grec
[Juxo . Si de la famille nous plus vaste, mais fermé encore, que Zeus y préside aussi
(Zeus iblpcrproç, ou, à Athènes, Ilarpûo; 12) Il est encore le
dieu de l'amitié (fig. 1197) et de la camaraderie militaire
Quand Jason eut rassemblé Zeus
les Argonautes, il sacrifia à
ple de Zeus '01.14 oc; ou 'Op.x
yûpco; (fig. 4198 et 1199), « parce que c'était en cet endroit qu'Agamemnon avait rassemblé en conseil les principaux
,I UTP J IJl'
ques 1. C'est lui qui met l'ennemi en fuite (Tpor:eoç) 1.
Comme son fils Arès, comme sa fille Athéna, il est un dieu de la guerre. C'est à l'autel de Zeus "A?eroç que les rois d'l pire, au commencement de leur règne, prêtent serment'. Sous le nom d' 'Ayri'rmQ a, il mène les armées à la bataille. Les Arcadiens l'appellent Zeus 'O7a(Icti.co; s ; à l'époque archaïque on le voit figuré parfois avec les armes de l'hoplite.
Dieu do la toute-puissance et de la force réglée, Zeus apparaissait aux Grecs comme la plus parfaite représen
tation de l'aua,ix et, de l'àpE-rii. Dieu fort Zeus MO€
vcoç) 6 comme son
fils IIéraclès, il a pour serviteurs
Comme Héraclès, il protège les jeux où les Grecs déploient une force disciplinée par la gymnastique ; c'est un dieu
teur des âywvaç
que la Grèce célèbre dans les sanctuaires panhelléniques d'Olympie et de Némée.
Zeus, principe de tout ordre et de toute règle, est
en particulier le dieu de l'ordre social; il préside aux multiples rapports qui existent entre les hommes, à la vie de la famille et à la vie publique, à l'hospitalité, aux traités.
le foyer domestique, le lien familial. Sous les noms de
IIaooatoç, KTrjcco; 9, il s'intéresse aux biens de la mai
son, les accroît et les garde ; c'est un dieu domestique, ivocx(co; Oe6ç, qui a son image dans les celliers. Comme Zeus l'avfO),coç 10, il préside aux naissances légitimes; comme Zeus T€aacoç 1i, il protège, de concert avec Iiéra, déesse (les justes noces, la sainteté du lien conjugal
passons dans un cercle la tppaTp(a, nous voyons
quand Adrasle a tué accidentellemeflf, le fils de Crésus, celui-ci invoque Zeus Ka
Oâpaco;, qui devait
faire expier son forfait au meurtrier ; mais il invoque aussi Zeus
premier comme protecteur des foyers, parce qu'il avait permis que le meurtrier de son fils vécût dans sa maison et y jouît de l'hospitalité, le second comme garant de la foi entre com
pagnons (l'armes 1' n. Zeus est le protecteur des confédérations ; celle de Béotie invoque le patronage de Zeus
'O!,to)sdtoç, dont le nom nous
garantit l'origine éolo-thessalienne et le caractère national19. Les députés de la ligue achéenne se réunissaient à fEgion, dans le tem
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des Grecs avant de commencer la guerre contre Priam' ». D'une manière plus générale, Zeus protège tous les Grecs 2; il était adoré sous le nom de Zeus 'E)tX vto; 3, bien avant qu'lladrien ne fondât le culte de Zeus IIavEÀ),svto;'; c'est par respect pour Zeus `E),),rw:oç que les Athéniens, après Salamine et avant Platées, refusent d'entrer en composition avec Mardonius Les Grecs lui doivent leur victoire sur les Perses ; aussi l'adorent-ils sous le nom de Zeus 'E1cnOl :oç (fig 400) ; jusqu'à l'époque la plus tardive, les 'E),Eu€pta furent célébrés à Platées'. Lorsque Néron rend la liberté à l'Achaïe, les Grecs l'appellent Zeus 'E),EuOépto;, et sous ce nom lui élèvent des autels'. Zeus, à Lébadée s et ailleurs était invoqué sous le nom de Ba6:ÀEUç, qui lui revenait de droit puisqu'il régnait sur les dieux et les hommes : lorsqu'llomère l'appelle le père des dieux
il ne prend pas le mot de rus.-r' p au sens de créateur ; car, parmi les dieux, Zeus est l'un des derniers nés; il exprime seulement par là, comme le remarque Aristote, l'autorité paternelle que ce dieu exerce sur eux; Zeus apparaît donc, dans les poèmes homé
ripes et hésiodiques, comme une sorte de roi patriarcal dont les 5aata'fil E; sur terre donnent une sorte d'image réduite; c'est de lui qu'ils descendent (ix ôÈ A:oç 3a6tÂ.î,iEç)10 qu'ils tirent leur autorité (T:üŸi i'Éx At; h -Tc). Comme Zeus dans l'Olympe, ils siègent sur des trônes, ont le sceptre à la main; celui d'Agamemnon avait appartenu d'abord
à Zeus et était l'oeuvre d'Héphaestos ". A l'époque historique, dans les États grecs où existe la royauté, elle se rattache toujours à Zeus. Les rois de Sparte qui, en qualité d'Héraclides, descendaient de lui, étaient prêtres, l'un de Zeus Oupzvto; f2, l'autre de Zeus AaxeÔa(p.uv 13. Les rois de Macé
doine, Héraclides eux aussi,
adoraient Zeus BoTT:x?oç dans le temple de Pella leur capi
tale, Jovis templum t'eterrimae 111aeedonum religionis"Antio
che fut fondée autour d'un
sanctuaire de Zeus Bottiéen consacré par Alexandre 1 '. Tous les rois de l'époque hellénistique, aussi bien les I lolémées et les Séleucides que les rois de Macédoine, adorateurs de Zeus BoTTlaioç, et que lesa'ois d'Épire, adorateurs de Zeus O(alsnvxioç, font à Zeus la première place sur leurs monnaies (fig. 4?01, 4202, 41203)16.
De même que les rois, les républiques se plaçaient sous la protection du plus haut des dieux. A Athè
nes, le culte de Zeus Ho),,EÛ; remontait, disait-on,jusqu'à Érechthée 17. A Rhodes, on le rencontre dans toutes les villes de file Dieu de sagesse
et de raison, son image était dans les (lo'i?(tu p:x où délibérait la ou),-ii de la cité 1° ; protecteur de la ou)c sous le
nom de BouXaïoç 20 (fig. 420 ti), et peut-être d'EuÉOou), ç 21
il était aussi, sous le nom
d"Ayopaïoç 22, le protecteur
de l'agora, marché et lieu d'assemblée des citoyens.
Dans la vie politique comme dans la vie civile des
anciens Grecs, on sait l'importance qu'avait le serment (opxoç), ce lien des démocraties, comme l'appelle l'orateur Lycurgue 23. Toute divinité attestée par serment se
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vengeait de ceux qui s'étaient servi de son nom pour se parjurer; mais il fallait craindre encore le châtiment de Zeus. t'était lui qui avait institué le serment parmi les hommes et les dieux : ô 7rivt' fnv Atbç ôpxoç '. Les dieux eux-mêmes étaient punis en cas de parjure. « L'Olympien qui s'est parjuré, dit Ilésiode, gît inanimé pendant toute une année ; le nectar ni l'ambroisie n'approchent plus de ses lèvres ; mais sans souffle, sans voix, il gît, accablé dans un lourd sommeil'. » Comme protecteur du serment (ôpxtoç, Ecdpxtoç , Zeus est assisté par Thémis 3, ou par sa fille Diké 4, par les Erynies, et par les déesses du serment, IIpaçtô(xat E. En cas de parjure, ses vengeances sont terribles 6 ; l'art, venant à l'aide de la morale, avait représenté, dans le (iou),Eor' ptov d'Olympie, Zeus "Opxtoç le foudre dans chaque main'. Protecteur des serments et de la bonne foi (H(rTto;), Zeus veille aux conventions, aux traités, aux bornes des champs ("Opto;) °.
Un des devoirs les plus stricts du Grec ancien était le devoir d'hospitalité; l'institution, comme pour le serinent, en remontait à Zeus. L'hospitalité à laquelle présidait Zeus Eévtoç ° ou `Ixéeto;10 ne désignait pas seulement les relations d'amitié entre des familles ou des villes; elle se devait à tous sans exception, aux inconnus, aux mendiants. « Si j'ai pitié de ta misère, dit Eumée à Ulysse qu'il ne reconnaît pas, c'est que je redoute Zeus hospitalier11 »
La conclusion qui se dégage de cette revue des attributions physiques et morales de Zeus, c'est qu'il résume en lui à peu près tous les attributs de la divinité. Nul dieu n'a tenu une place aussi importante dans la vie des Grecs : « Zeus remplit toutes les rues, dit Aratus, il remplit la mer et les ports de la mer; partout nous avons besoin de Zeus. » Le plus grand des dieux (l ytcro;)12
il absorbe et efface tous les autres, lorsque la pensée grecque réussit à s'élever jusqu'au monothéisme; pour les lyriques, les tragiques, les orphiques, les philosophes, il est le dieu véritable, qui est, qui fut, et qui sera'. Bien que Dieu soit unique, il a beaucoup de noms tirés des phénomènes que lui-même produit. On l'appelle Zeus, voulant exprimer par là que c'est par lui que nous vivons". Il est appelé fils de Cronos et du temps (Xpdvo; , passant d'un âge sans fin à une autre éternité. On l'appelle le dieu de l'éclair ('ArTpa7raioç) et du
tonnerre (BoovTaï(4), de l'éther (A'tOiptoç) et de la pluie
eréTwç , celui qui donne les fruits ('E7txxp7ttoç), qui protège les naissances (PEvéO)uoç), le foyer ("Epxitoç), la famille (`O11.6yvtoç, H rpto;), les villes (IIo),tEÛç); il est le dieu de l'amitié (`ETatgE:oÇTE xai (DO),toç), de l'hospitalité (Eévtoç), le dieu des armes (ETpzTtoç) et des triomphes (Tp(r7ratoazoç), le dieu purificateur (K2O petoç)etvengeur(lla).a(t.vaioç),ledieu doux 1 E0J.-'toç), refuge des suppliants ('Ixéato;), celui qui
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sauve (Fw-/ ) et qui affranchit ('E),EuQépto;); pour tout dire en peu de mots, le dieu à la fois céleste (oûpxvtoç) et souterrain (x0dvto;), qui reçoit des noms tirés de toute chose et de tout phénomène, comme étant lui-même la cause universelle. Voilà pourquoi les vers orphiques ont dit : « Zeus fut le premier, Zeus est le dernier ; c'est le « maître du tonnerre ; Zeus est la tète ; Zeus est le milieu, « c'est de lui que tout vient ; Zeus est la base de la terre et « du ciel étoilé. » La nécessité même n'est pas autre chose que celui qui existe comme une substance immobile. Il est la Moipa, Némésis, Adrastée 15... »
Principaux lieux de culte. Après les attributions de Zeus, il faut passer en revue les sanctuaires les plus importants de son culte.
Nous avons vu qu'à l'origine Zeus fut adoré sur les montagnes. Plusieurs de ces montagnes consacrées à Zeus portent le nom d"'0),up.7oç16. Le premier des monts de ce nom, pour l'importance mythologique, est celui qui fait la frontière entre la Thessalie et la Macédoine. « La masse principale et comme le corps de la montagne s'élance d'un seul coup jusqu'aux derniers sommets, et se soulevant ainsi tout d'une pièce, forme de toutes parts des pentes immenses, rapides, continues : c'est l'Olympe proprement dit, la haute cime où les Grecs faisaient habiter les dieux. Pour la décrire, il suffit de rassembler les traits épars dans les poètes de l'antiquité, et surtout dans IIomère. Ils disent le long Olympe, l'Olympe aux tètes nombreuses, aux pics ardus, l'Olympe aux plis innombrables, l'Olympe ombragé, l'Olympe neigeux, l'éclatant Olympe... Cette position forte et avancée au premier seuil de la Grèce explique fort bien le rôle que l'Olympe a joué dans l'histoire et comment il y apparaît de temps en temps avec éclat pour rentrer ensuite dans l'obscurité. Jamais son nom n'a été plus grand qu'au temps des invasions primitives, alors que toutes les tribus qui devaient, plus tard former le peuple grec se pressaient dans ses défilés et campaient sur ses pentes. Aussi leur imagination conserva-t-elle de ces lieux une empreinte ineffaçable l'. » Si à l'époque historique on ne trouve pas d'autre sanctuaire, dans l'Olympe même, qu'un sanctuaire d'Apollon 16, du moins la ville de Dium, au pied de l'Olympe, gardait-elle le culte et le nom de Zeus 10, et la Thessalie n'avait pas perdu le souvenir de la lutte de Zeus contre les Titans et les Géants; la vallée de Tempé était le centre du culte de Zeus IIEaolpto;, qui avait ouvert à travers l'Ossa un passage pour les eaux du Pénée".
L'Elide a possédé, comme on sait, le plus fameux sanctuaire de Zeus '0a5l,.7r:cç. Quoique les fouilles n'y aient point donné de débris aussi anciens qu'à l'Acropole
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ræon d'Argos, la légende place à une époque très reculée, au temps des vieux Pélasges, la fondation du culte de Zeus à Olympie. Les Pélasges y auraient d'abord adoré Cronos, Ouranos et Gé. Le sanctuaire d'Olympie a dû son long éclat à la dévotion des peuples du Péloponnèse et à ses jeux, les plus beaux de la Grèce, qui tous les quatre ans amenaient dans l'Attis une foule panhellénique'. D'Olympie, le culte de Zeus s'était répandu dans beaucoup de villes surtout dans les colonies doriennes de la Sicile 3, et à Athènes 4, où Zeus Olympien eut l'un des plus grands temples de l'antiquité. Commencé par Pisistrate, qui, comme tous les rois et tyrans, adorait dans Zeus Olympien l'idéal de sa propre autorité, ce temple fut continué par Antiochus Epiphane, et terminé par Hadrien.
Nous avons déjà parlé de l'importance du culte de Zeus
'lOo) 3('v., en Messénie, (le Zeus A.ûxatoç en Arcadie, de Zeus 'Arccxv7loç à Némée, de Zeus `Oµtiptoç en Achaïe, de Zeus `Ou-0i.0'uoç en Béotie, de Zeus Do77t«ioç en Macédoine.
Aucun dieu ne tient plus de place que Zeus dans la numismatique de la Grèce du Nord et de ces pays encore à moitié barbares, Acarnanie, Etolie, Epire, dont le grand sanctuaire était Dodone
De tous les sanctuaires de Zeus, celui dont les origines sont les plus lointaines est celui de Dodone, en Epire, au pied du mont l'maros ou Tomaros 6; le culte qui s'y célébrait nous donne quelque idée de la religion de ces tribus préhelléniques qu'on désigne sous le nom vague de Pélasges. Zeus, à Dodone, était invoqué sous le nom de
Nâioç 7, le dieu des
sources, celui qui fait pleuvoir et qui donne l'eau aux fontaines. La région de Dodone est en effet particulièrement pluvieuse ; les sources y sont nombreuses, et l'eau, dans le fond de 'la vallée, est telle
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nient abondante qu'elle forme des marais. lin doublet féminin de Zeus Ncùoç était lluSvr] s, qu'on appelait encore à(Dôdvil ou Oo i's , celle qui donne [DIONÉ]. Les
monnaies d'Epire nous représentent (fig. 4'206, 4207) le couple divin, Zeus N (oç, couronné de chêne, avec Dioné, portant le voile de l'épouse et le diadème (le la reine 10. Le p.avte ov de Dodone fut extrêmement célèbre. La tradition voulait qu'il eût été consulté par Deucalion ",
bires13. Au vie siècle, Crésus y fait
demander l'avenir 76 ; au ve, Pindare célèbre dans un hymne la gloire de Zeus Dodonéen ". La divination s'y pratiquait de plusieurs façons [DIVINATIO]. La principale et sans doute la plus ancienne consistait à interpréter les murmures du feuillage d'un grand chêne qui se dressait dans l'enceinte sacrée. La légende voulait qu'un morceau de l'arbre' fatidique eût été employé dans la construction (lu navire Argo. Cet arbre était de l'espèce des chênes doux ((i,xyot), dont les fruits auraient servi de nourriture, avant l'invention du blé, aux
antiques Pélasges, premiers adorateurs du dieu13. Le chêne sacré de Dodone est la meilleure preuve que l'ancienne race d'oit devaient sortir les Grecs avait le culte des arbres 19. Une seconde espèce de divination consistait à interpréter les sons que rendait un bassin de bronze L0, ou le murmure d'une source sacrée 21: on remarquera l'importance qu'avait à Dodone la divination par les sons. A une certaine époque, on pratiqua encore â Dodone la cléromancie, ou divination par les sorts 22. Enfin, on pratiquait l'ornitho
mancie; dans le chêne sacré habitaient des colombes, dont le vol révélait l'avenir (fig.4'208)'-3. Les demandes des
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consultants étaient transmises aux prêtres écrites sur des lames de plomb ; les prêtres les rendaiént avec la réponse écrite. On gardait ces lames de plomb, ou l'on en gardait copie, dans les archives du sanctuaire. Les fouilles en ont rendu un grand nombre', dont la plus. ancienne est du vie siècle 2. Le dieu de Dodone répondait à toutes les demandes, à celles des États comme à celles des particuli ers 3.
Les renseignements qui nous sont parvenus sur les prêtres et prêtresses de Dodone ne sont pas nets. Dans les inscriptions dodonéennes, il n'est jamais question de prêtresses, et les prêtres sont appelés simplement z niwvxïot. Il est sûr pourtant qu'il y avait à Dodone des prêtresses comparables à la Pythie de Delphes, avec cette différence qu'elles étaient plusieurs; on les appelait les IIEaEtat, par un rapport avec les colombes (77i),Et4) sacrées qui nous échappe. Les prêtres s'appelaient les E? ot ou "Eaaot, proprement les gens de l'Hellopie (c'était le nom du pays de Dodone); on les appelait encore les Tdt..ouoot, c'est-à-dire les gens du mont Tmaros 2. Ils partageaient avec les IIEaEtat le soin de la divination; ils semblent avoir été astreints à des pratiques rigoureuses, couchant sur la terre et ne se lavant pas les pieds
Le sanctuaire de Dodone fut ravagé en 220 av. J.-C. par Dorimachos, stratège des Etoliens, qui étaient alors en guerre avec les Epirotes 7. Au commencement du fer siècle avant notre ère, il fut pillé de nouveau par la tribu thrace des Moedes 8. Philostrate dit qu'Apollonios de Thyane a visité Dodone 0 ; en effet, au ne siècle de notre ère, on entrevoit une sorte de renaissance de l'oracle, mais elle fut sans éclat ni durée. Le sanctuaire de Dodone n'avait jamais renfermé d'édifices considérables (le théâtre excepté) ; le temple qu'Alexandre avait projeté d'y bâtir ne fut jamais construit 10.
Non moins célèbre que l'oracle de Dodone était celui d'Ammon, dans la grande Oasis [AiMMON] 1S. D'origine égyptienne 12, Zeus Ammon était devenu pour les Grecs un véritable dieu hellénique. Ils le consultent dès la fondation de Cyrène (fig. 4209, 410) i3 ; ils s'adressent à lui aussi bien qu'au dieu de Delphes ou à celui de Dodone 14; lorsque la Pythie se met à philippiser, l'oracle d'Ammon profite de la défiance qu'elle inspire ; les Athéniens introduisent son culte dans leur ville vers le milieu du Ive siècle'"'. On a cru que c'était par flatterie
pour Alexandre, 'qui se prétendait fils de ce dieu; mais une inscription de 333, antérieure d'un an à la visite d'Alexandre au temple de l'Oasis, prouve le contraire 16. A Epidaure, le culte de Zeus Ammon est attesté dès la première moitié du ive siècle "7. On notera la légende qui donne une origine commune aux sanctuaires d'Ammon et de Dodone 7B, reliant ainsi les deux plus grands oracles de Zeus iig.4210.-ZeusAmmon.
que la Grèce archaïque ait connus.
Nul dieu n'a été plus adoré en Crète que Zeus, et nulle légende n'est plus curieuse que celle du Zeus Crétois.
Rhéa enfantait à Cronos de nombreux rejetons ; mais à peine étaient-ils nés que Cronos les dévorait; car i1 avait appris d'Ouranos et de Gé qu'il était destiné à être subjugué un jour par l'un de ses enfants. A la fin, Rhéa s'enfuit à Lyttos de Crète, y accouche d'un fils, et pendant que Gé le cache au fond de ses antres, lthéa, enveloppant de
langes une énorme pierre, la présente à Cronos n. Cette légende, qu'on trouve déjà dans la Théogonie d'IIésiode et qui était devenue panhellénique (à Delphes on conservait la pierre de Cronos) 20, est d'origine crétoise. L'enfance merveilleuse de Zeus, nourri sur le Dicté ou
l'Ida2" par la nymphe Adrastée avec le plus doux miel des abeilles", et avec le lait de la chèvre (ou vache) 23 Amalthée, et gardé par les Curètes qui dansaient la bruyante pyrrhique pour que Cronos n'entendît point vagir le petit Zeus toute cette poétique légende de ZEÛ; KPr1 yivr,s n (fig. 4211) a déjà été racontée ailleurs
illustrés par la riche numismatique des villes crétoises 2f. Chose surprenante, sur l'Ida, près de la grotte où leur Zeus avait grandi, les Crétois montraient son tombeau 21. Le Zeus de Ph'stos (Zs'l h'Eaxavoç) n'est pas moins singulier 28 : les monnaies de cette ville le
montrent (fig. 4212) sous la forme d'un jeune homme imberbe, assis sur un arbre, tenant un coq sur ses ge
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noux 1. ZEù; Tan),aïoç, qui avait un temple à Obus 2, est sans
doute un dieu d'origine solaire, peu différent du géant Talos, qui, d'après la légende, faisait chaque jour le tour de l'île, au temps de Minos, pour en écarter l'ennemi 3.
Dieux d'Asie Mineure, de Thrace, de Syrie, qui ont été assimilés avec Zeus. Le Zeus Crétois nous fait quitter le champ de la mythologie de la Grèce propre, et nous amène à la mythologie d'Asie Mineure. On a, en effet, souvent remarqué l'étroite ressemblance qu'il y a entre Rhéa et Cybèle, entre Zeus Crétois et Attis [c,tBÉI.É] ; comme Attis, le Zeus de Crète est un dieu qui naît et qui meurt; comme Attis, il est figuré sous les traits d'un jeune homme imberbe. Les Curètes qui ont protégé son enfance ressemblent tellement aux Corybantes de Phrygie
{CORYBAYTES] ou aux Dactyles de Troade [DAC'rvLI] que l'an
tiquité déjà ne les distinguait plus bien. Comme celui de Zagreus ou de la Grande Mère, le culte crétois de ZEÛ; 'IBaTo; est un culte mystique. Comme la Crète, l'Asie a son Ida, où la légende voulait que Zeus fût né et qu'il eût été élevé par Rhéa-Adrastée °.
Dans les pays hellénisés, Thrace, Asie Mineure, Syrie, beaucoup de dieux ont été assimilés avec Zeus [nom
CHENUS], quoique parfois ils
n'eussent de commun avec lui que d'être chacun le Nl€';cro; Oadç du peuple qui les adorait. Le fait est patent en Carie, où la vieille divinité nationale, assimilée de bonne heure à Zeus par les Grecs, avait été à l'origine un dieu guerrier et marin, tel que pouvait l'être le dieu de ces hardis guerriers qui se firent craindre, à l'époque très ancienne, dans tout le bassin oriental de la Méditerranée. De là le nom bizarre de Zr,vo7roaEtlûs que les Grecs avaient donné au Zeus Carien °.
Le temple de Zau; Kclptc;, commun aux Cariens et aux Lydiens, à cause de la parenté du sang, était à Mylasa' (fig. 4213). Près de Mylasa, au bourg de Labranda, se
trouvait le temple de ZEÛ; ETpârtoç ou A«Ppavôos;, men
tionné par Hérodote 7. A Mylasa encore, on voyait le temple de Zeus Osogo ou Osogos, protecteur de la tribu des Otorcondes 8. Aux portes de Stratonicée, était le temple de Zeus Chrysaor'. A IIalicarnasse, on adorait ZEÛç Kwuupoç i0. A Panamara, enfin, existait un temple de Zeus dont les inscriptions, extrêmement nombreuses, ont, quoique de date tardive, jeté beaucoup de jour sur les cultes cariens; le Zeus qui y était adoré était Zau; Kxptoç; comme protecteur de Panamara, il était appelé IIav2(L toç 11 ; mais les inscriptions de Carie nous le montrent patronnant les xwNat les plus
Zeus Carien avait pour attribut la lance ou le sceptre et surtout la double hache u, en lydien (et sans doute aussi en carien) labrys, d'où les noms La
branda, AA avSniç. C'est ladouble hache Fig. 4214.
à la main que le dieu guerrier des
Cariens était représenté sur leurs monnaies (fig. 4214)14 Dans beaucoup d'autres villes importantes de la Carie, la numismatique signale le culte de Zeus 1s
Dans la Phrygie Epictète, en Galatie, Paphlagonie, on trouve un dieu indigène qui rappelle le ZEisç KEeauvdç,
Les Phrygiens identifiaient Zeus avec leurs dieux nationaux Sabazios 11, Papas, l'associaient à leur Mên dans les dédicaces 1s. On notera l'importance particulière du culte de Zeus à Sébaste, l'ancienne Atbç et à Aezani 1J. Les Thraces appellent Zeus du nom de seigneur, xuptoç, comme ils font ordinairement leurs dieux20; ils l'identifient à leur dieu Héros 21. Le Zeus thrace le plus connu est Zabç ZE'ie),Otoép o;, dont parle Cicéron u.
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Il serait trop long d'énumérer ici les innombrables Zeus locaux que l'épigraphie a révélés en Asie Mineure 1. Bien souvent le nom de Zeus, appliqué à un dieu d'Anatolie, de Thrace ou de Syrie, n'a pas d'autre sens que Oed;, deus2. D'autre part, des dieux Anatoliens ou Thraces qui pourraient fort bien être identifiés avec Zeus sont désignés parfois très vaguement: Oeb; Atxaio;, 6. "Ocras xal
Le même dieu qui, dans le nord de l'Asie Mineure, est
appelé Zsûç Beov-rwv, s'appelle en Méonie O. rpx7rttuv (sic) xcd BeovTwv 8. Le même dieu s'appelle en Bithynie Zei(ç
Si de l'Anatolie nous passons aux pays sémitiques, nous y vérifions encore mieux la justesse de la remarque de Waddington. Les Sémites, beaucoup moins polythéistes que les Grecs, avaient généralement comme dieu suprême un dieu céleste et solaire : il fut partout identifié avec Zeus. On trouvera dans ce dictionnaire des articles spéciaux sur le fameux dieu de Doliché en Comma
gène [DOLIC11EN11S] et sur celui d'Emèse [ELAGABALI, dont
un grand prêtre devint empereur de Rome. Un Zeus
syrien non moins célèbre, et dont le culte, comme celui des deux précédents, a été transporté par les marchands
et les soldats syriens dans toutes les parties de l'Empire,
est le Zeus d'Héliopolis (Ba'albek), ZEbs `IDitoao)iiT-rls• Ma
crobe nous renseigne " très précisément sur la statue du dieu d'Iéliopolis : Simulacrum aureunl specie iinberbi intaat dextera elevata cura flagro in aurigae modum, laeva tend fulmen et spicas, quae cuncta Jovis Salis que consociataln patentiam monstrant. Elle se dressait, tout en or, dans le temple superbe d'Héliopolis; et les adorateurs du dieu en faisaient sculpter l'image sur les ex-voto qu'ils lui dédiaient aux pays lointains; si bien que la description de Macrobe s'applique trait pour trait, par exemple, à l'exvoto d'Avignon 12 (fig. 4215, ou à celui de Nîmes13, les deux monuments les plus remarquables du culte de Jupiter Heliopolitan us. Quelquefois, le dieu d'Héliopolis s'identifiait à Jupiter Dolichenus 11. 11 semble que les gens de Béryte (le port syrien le plus proche d'Héliopolis) aient été les agents les plus actifs de la diffusion de ce culte 35; le relief de Nîmes fut voué par un homme de Béryte, et le collège très important des sectateurs de Jupiter Ileliopolitanus à Pouzzoles était formé par les Derytenses qui Puteolis consistunt S c.
D'autres Zeus syriens, pour n'avoir pas fait fortune hors de la Syrie, comme les trois précédents, n'en étaient pas moins des dieux d'importance : tels le Zeû; pa..a~o; xxi rs),a).aveûç, qui régnait sur le pays montueux qui s'étend entre Alep et la plaine d'Antioche, sur la montagne au pied de laquelle devait s'élever plus tard le fameux sanctuaire de saint Simon le Stylite 1 ; Zeus Baalmarcod, au mont Liban, près de Beyrouth, qui était adoré avec une déesse identifiée à Juno Caetestis 11. Zeuç dieu de la région volcanique appelée encore aujourd'hui le Safa (dans le Hauran) 19; Zsi; (iatTOxatxeGç, sur le territoire d'Apamée ; arrêtons-nous à celui-ci, comme au plus connu. Dans la chaîne montagneuse qui sépare le bassin de l'Oronte de la mer, entre Tripolis et Apamée, au pied d'une des cimes les plus hautes de la chaîne, était le village de Bætocécé, célèbre par son sanctuaire, auquel il appartenait. Ce vieux sanctuaire phénicien jouissait de privilèges, que confirmèrent les Séleucides et les empereurs romains 20. Il subsiste presque intact'''. Au fond du hirain, grande enceinte rectangulaire bâtie en pierres aussi colossales que celles de Ba'albek 22, est le vad;, temple ionique plutôt petit ; en dehors se dresse un autre temple 23, sans enceinte, encore plus petit que le précédent; une troisième construction, qui n'était point un temple, servait probablemént de dépendances, de maison d'habitation pour les desservants.
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L'épithète la plus ordinaire de Zeus, en Syrie, est "r Ÿtrroç. « On la trouve à Palmyre dans sept inscriptions, dont plusieurs sont bilingues; la contre-partie palmyrénienne montre que la divinité sémitique représentée à Palmyre par ZEù; °r'.], a-ro; est Chansach = le Soleil, ou le dieu anonyme, si populaire à Palmyre, qui apparaît dans la formule courante : A celui dont le nom est béni dans l'éternité, au bon, au miséricordieux 1. » Le culte du Vaal ou plutôt des JJaals de Palmyre, avait été introduit à Rome, mais on ne voit pas qu'ils y aient été identifiés avec Zeus ou Jupiter.
Ceci nous amène à dire un mot de certaines théories qui ont voulu reconnaître des dieux sémitiques dans des Zeus qu'on croyait grecs. L'historien des Juifs à l'époque gréco-romaine, M. Schürer, a très justement montré' que le culte du 00 eiç "lue-ro;, qui est mentionné si fréquemment dans les inscriptions de la Russie méridionale, s'explique par l'influence des communautés juives établies de bonne heure dans ces régions; et que le culte de ZEù; "rqtrro; en Asie Mineure semble avoir eu beaucoup de points de contact avec celui de Sabazios 3. En faut-il conclure que partout où nous trouvons le culte de ZEù; "11eaoç, nous sommes en présence d'un dieu sémitique habillé à la grecque? Nullement. Par exemple, il est impossible de croire qu'une dédicace à ZE; "Y'+tecos, trouvée en pleine Macédoine, près d'Edesse 4, datant du me siècle av. J.-C., et faite par des gens à noms purement macédoniens, témoigne d'une influence sémitique. Il est de même bien difficile d'admettre, comme un éminent savant l'a soutenu, que ZEù; MEta(ytc; soit d'origine phénicienne ', qu'il faille faire dériver
ble;X(ytaç du phénicien ilfolok. Il est vrai que Zeù; MEt),izto; semble
avoir été adoré par la population d'étrangers qui habitait le Pirée. Mais tout ce qu'on peut conclure de là, c'est que ces étrangers ont adopté le culte de Z.Eç 1Et) tzto; parce qu'ils reconnaissaient dans ce dieu grec une ressemblance avec un de leurs propres dieux. ZEù; Mst)■(yto; est reFig. 4216. -Zeus Ktésios. présenté, dit-on, sous la forme d'un
serpent; mais ZEù; I~znatoç t.ussi
(fig. 41216) et, en général, tous les dieux chthoniens auxquels l'homme doit les richesses que donne la terre 6. Il resterait enfin à discuter la théorie qui voit dans le ZEÙç Aox«îo; des antiques Arcadiens un Baal venu de Phénicie; mais peut-être suffit-il de renvoyer au livre oit elle a été exposée avec le plus de talent'.
pas que Zeus ait jamais été adoré sous la forme de pierres ou de colonnes 8. Ses plus anciennes représentations sont des statues. Pausanias mentionne deux vieilles idoles de Zeus à Argos 0 ; elles étaient en bois; l'une, placée dans le temple de Zeus Aapteaïo;10, avait trois yeux, le troisième oeil étant au milieu du front ; d'après Pausanias, les trois yeux de la vieille idole figuraient la souveraineté de Zeus sur les trois parties de l'univers, le ciel, la terre, la mer; on prétendait que cette image venait de Troie, du palais de Laomédon, et que Priam avait été massacré devant elle. Un autre Zeus en bois était celui qui faisait partie du groupe en bois de cèdre rehaussé d'or, voué par les Mégariens dans leur trésor d'Olympie ; ce groupe, oeuvre du Lacédémonien Doutas, représentait le combat d'Iléraclès et d'Achéloos ; Zeus présidait comme juge, ayant auprès de lui Déjanire, qui était le prix du combat ; Athéna assistait Iléraclès, et Arès Achéloos". A Sparte, Pausanias avait vu une très vieille statue de Zeus IIypatos, faite de feuilles de cuivre martelées et rivées, qu'on lui avait dit être l'oeuvre de Cléarchos de Rhégium, élève de Dipoinos et de Skyllis ; Pausanias déclare n'avoir pas vu plus ancienne statue de métal".
Les fouilles ne nous ont rendu aucune très ancienne statue de Zeus. Ce sont les peintures de vases qui nous donnent les premières représentations connues de notre dieu. Il est très vraisemblable qu'une coupe cyrénéenne du Louvre 13, oit l'on a d'abord cru voir Prométhée, représente
Zeus sur son trône, un aigle volant vers lui (fig. 4217). Le vase François nous montre Zeus deux fois : dans la scène du retour d'Iléphaestos dans l'Olympe, Zeus est assis sur un trône à dossier, le sceptre à la main ; derrière lui, sur un trône pareil, est Véra; les autres dieux sont debout ou
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assis, comme Arès, sur un simple escabeau. Dans le cortège des dieux se rendant aux noces de Thétis, Zeus est en quadrige, le foudre dans la main gauche, les rênes et le xévrpov dans la main droite ; à côté de lui est IIéra, et le char est accompagné à pied par Ourania et Calliopé
Les peintures de vases du vie siècle représentent Zeus assistant à la dispute du trépied2, au combat d'Héraclès et de Kyknos 3, recevant Héraclès dans l'Olympe', donnant le jour à Athéna', célébrant ses noces avec Héra, combattant Typhon et les Géants 7, etc. Il a été parlé ailleurs
du ïEpbs yx(,tos de Zeus et de Héra [mûmes GAMOS, JIJINO] et de la Gigantomachie [GIGANTES]. Quand Zeus combat à
pied, il est quelquefois représenté avec les armes ou, au moins, le casque de l'hoplite 8.
Zeus, non plus qu'Asclépios, Posidon ou Iéraclès, n'a pas toujours été représenté sous les traits d'un homme d'âge mur. Il y avait sur l'agora d'IEgion une enceinte de Zs EnTrip dans laquelle on voyait deux statues du d,ieu, en bronze ; la plus ancienne le montrait imberbe 9. Il y avait encore à 1Egion une statue de Zeus imberbe, adoles
cent (ZEÛ; TE r)Atx(xv irai;) : c'était l'oeuvre d'Agélaïdas 10 ;
nous disons adolescent, et non enfant, parce qu'une« monnaie d'lEgion, qui montre le dieu sous les traits d'un adolescent, porte à l'exergue AIrI€GJN IIAIC 11 ; à l'époque archaïque, le plus beau garçon d'1l:gion était voué à ce Zeus, et cessait de l'être sitôt que la barbe lui était venue i2. A Olympie aussi, on voyait une statue de Zeus imberbe; c'était l'oeuvre de Dionysios, sculpteur argien comme Agélaïdas, et peut-être élève de ce maître". Ces statues de Zeus imberbe avaient dû être commandées à l'école argienne, dont on connaît la prédilection pour les figures juvéniles".
Une des plus fameuses statues de Zeus que la Grèce ait eues avant celle de Phidias était la statue du Zeus 13 de l'Ithôme faite par Agélaïdas pour les Messéniens. Lorsqu'Epaminondas eut fondé la nouvelle Messène, les Messéniens, qui étaient revenus de Naupacte avec la statue de leur dieu, en mirent l'image sur leur monnaie (fig. 478 et 41192) 1fi : Zeus y apparaît, comme sur les monnaies d'lEgion, nu, dans un vif mouvement de marche, la dextre brandissant le foudre, le bras gauche étendu en avant, l'aigle posé sur le dos de la main ; il est tantôt barbu et tantôt imberbe. Ce motif de Zeus nu brandissant la foudre est-il une création d'Agélaïdas? Il est vraisemblable que le maître argien ne fit que traiter en perfection un motif connu, dont le petit bronze très archaïque signé d'Hybrisstasf7 nous offre l'exemple le plus ancien. Quelques petits bronzes trouvés à Olympie (fig. 4219)18 nous don
nent sans doute une idée exacte de l'oeuvre du maître argien. Le même motif est reproduit sur des monnaies d'époque hellénistique et romaine 19.
Il n'est guère probable qu'il faille reconnaître Zeus dans
la statuette de bronze archaïque trouvée dans les fouilles d'Olympie, qui représente un personnage barbu, enveloppé dans le manteau, les bras pliés au coude 2'; au contraire, il n'y a aucune raison de ne pas regarder comme des
têtes de Zeus les deux belles têtes barbues, archaïques, plus petites que nature, l'une de bronze (fig. 4220)2', l'autre de terre cuite (fig. 1221) 22, trouvées dans les mêmes fouilles : celle-ci datant du premier quart du ve siècle, celle-là du dernier quart du vie siècle. Olympie nous offre encore, avant celui de Phidias, le Zeus du fronton oriental 23, représenté debout, nu, le bas du corps enveloppé dans
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le manteau, les bras abaissés, le gauche tenant le spectre, le droit tenant le foudre. C'est ici le lieu de mentionner ces beaux didrachmes d'Elis, où paraissent tour à tour, et quelquefois réunis sur les deux faces, la tête de l'aigle et la tête de Zeus (fig. 422), types parfaits de la gravure péloponésienne du milieu du ve siè
cle De la même époque que ces belles monnaies semble avoir été l'original dont une statue célèbre de la Glyptothèque de Munich offre une copie 2 : elle montre Zeus debout, nu, la tête ceinte du bandeau, les cheveux assez courts, en boucles serrées collées au crâne ; les avant-bras sont restaurés ; on a supposé avec vraisemblance que la main droite devait tenir le foudre, et que l'aigle devait être posé sur la main gauche. M. Furtwaengler a proposé d'attribuer à Myron l'original de la statue de Munich.
C'est à la plus belle période du ve siècle, à l'époque de Phi lias et à l'art attique, qu'il faut sans doute rapporter l'original dont une statuette de bronze à Florence (fig. 4223) nous offre la copie la plus parfaite 3. Zeus est représenté debout, nu, le manteau posé sur l'épaule gauche; la main droite baissée tenait le foudre,.la main gauche s'appuyait au sceptre ; l'attitude est immobile, le poids du corps portant sur la jambe droite ; les cheveux et la barbe sont traités avec plus de liberté que dans la statue de Munich; l'expression du visage est d'une grande et noble douceur, qui fait penser à Phidias. Ce type est connu par de nombreuses répliques, non seulement par des œuvres de ronde-bosse, mais par un relief de candélabre', par une peinture murale du temps
d'Auguste 6, par des monnaies impériales 6. Il semble avoir été particulièrement affectionné à Rome, où peutêtre l'original avait été transporté.
Zeus avait été figuré plusieurs fois au Parthénon. Une des métopes du côté Est devait le représenter en char, combattant un géant. Il figurait au centre du fronton oriental, celui de la naissance d'Athéna. Déjà au temps de Nointel, la partie centrale de ce fronton avait disparu ;
mais grâce au puteal de Madrid' et aux traces laissées par les marbres sur la corniche du frontons, il est possible de restituer la scène. Phidias avait représenté, non pas comme les artistes archaïques, la déesse sortant toute petite de la tête de son père, mais le moment qui suivit la naissance : le prodige était accompli; Zeus, assis de profil sur un trône, regardait la jeune déesse, qui s'éloignait vivement vers la gauche, revêtue de ses armes, tandis qu'Héphaestos, placé derrière le trône de Zeus, les bras levés, la hache encore brandie, restait frappé de stupeur à la vue de la nouvelle déesse. Enfin, Zeus figurait sur la frise, à l'extrémité gauche du groupe des dieux' : il était représenté (voir p. 671, fig. 4162) dans une pose noblement familière, accoudé commodément sur le dossier d'un trône dont les bras sont supportés par des sphinx ; à côté de lui, Iléra se tournait vers son divin époux en écartant son voile 10
C'est probablement de 451 à 44811 que Phidias exécuta pour les Eléens la fameuse statue en or et ivoire, qui fut son ouvrage le plus célèbre, compté parmi les sept merveilles du monde. De proportions colossales on évalue la hauteur totale, y compris la base, à 14 mètres), le dieu était figuré assis; la main gauche s'appuyaità un sceptre surmonté peut-être de l'aigle ; sur la main droite avancée était posée une Victoire ailée, qui, tournée vers le dieu, lui présentait une bandelette; la
tête était coiffée d'une couronne d'olivier sauvage, xo'rtvoç. Pour la restitution de cette merveille de la plastique ancienne, nous sommes loin d'avoir des documents aussi précis que pour la restitution de l'Athéna chryséléphantine. Aucun des marbres ou des bronzes de nos musées n'offre de copie
directe du Zeus de Phidias 12. La description de Pausanias ne dit pas si le dieu, sous l'himation, portait la tunique, ou si au contraire l'himation, jeté sur l'épaule, laissait à découvert la poitrine ; et la monnaie d'Elis qui reproduit la statue entière (fig. 4224 et 4206) ne permet pas de résoudre cette question d'une façon sûre. Du moins, le profil de la tête est connu par d'autres monnaies d'Elis, du temps d'Hadrien (fig. 4225) et de Septime Sévère 13. Le génie de Phidias avait donné à la figure du dieu une expression dont les anciens sont unanimes à attester
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l'effet'. C'était un malheur que de n'avoir pas contemplé ce chef-d'oeuvre de l'art religieux, comme c'en était un que de n'avoir pas été initié. Une tradition peu digne de foi rapporte que le maître s'était inspiré de ces vers de l'Iliade2 : « A ces mots, le fils de Cronos abaissa ses noirs sourcils; sa chevelure s'agita sur sa tête immortelle, et le vaste Olympe trembla. » Tout porte à croire au contraire que le Zeus de Phidias n'avait point ce terrible caractère, mais qu'il émouvait par une expression au guste de douceur paternelle.
Deux marbres célèbres du Vatican ont passé longtemps pour des répliques fidèles de l'oeuvre de Phidias : le Jupiter Verospi et le buste d'Otricoli Mais, si l'on compare le Jupiter Verospi avec les monnaies d'Elis, on voit qu'il incline la tête en avant, alors que le Zeus de Phidias la tenait droite ; qu'il saisit le sceptre beaucoup plus haut que ne devait faire celui-ci; que son bras gauche a un geste presque théâtral en comparaison de la façon si simple dont le Zeus de Phidias tenait le sceptre; que le manteau, qui couvrait toute l'épaule et tout l'arrière-bras gauches de la statue de Phidias, a été disposé
autrement dans la statue du Vatican; qu'enfin la chevelure et la barbe du Jupiter Verospi sont traitées dans un tout autre caractère, le même qu'exprime en perfection le buste d'Otricoli. Les traits du Jupiter d'Otricoli ne sont pas réellement humains, mais transformés d'une façon extrèmement voulue et réfléchie, pour exprimer l'idéal de majesté, de puissance et d'intelligence conçu par le sculpteur. En renforçant le milieu de l'os frontal, l'artiste a voulu indiquer la volonté souveraine et la suprême sagesse; les yeux sont admirables, à la fois profonds et saillants ; les lèvres (en partie restaurées) réunissent la douceur et la majesté à un degré surhumain ; la chevelure et la barbe sont plus expressives que dans toute autre tête de dieu grec: « en elles circule comme une force divine surabondante » Cet art à effet est bien loin de l'art plus simple de Phidias, et en général de l'art du ve siècle. Le buste d'Otricoli et le Jupiter Verospi nous montrent comment l'art du Ive siècle avait transformé le type créé par Phidias. II est peu probable qu'il faille attribuer cette transformation à Lysippe, qui a été plutôt un réaliste ; il est vraisemblable que le type du Zeus d'Otricoli soit une
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création de ce qu'on appelle la seconde école attique 6.
Dans l'oeuvre de Lysippe, les représentations de Zens étaient nombreuses.
Le maître de Sicyone avait exécuté au moins quatre statues de ce dieu: une pour Sicyone; une pour le temple
Argos ; une pour Mégare ; une enfin pour Tarente, celleci colossale haute de 40 coudées; c'était, au dire de Strabon, le plus grand bronze connu, après le Colosse de Rhodes '. On a cherché un souvenir plus ou moins direct des Zeus lysippéens dans des
terres cuites hellénistiques de la fabrique smyrniote
C'est à la lin du Ive siècle qu'il faut sans doute rapporter le type de Zeus-Sarapis, reconnaissable au calathos, à la tunique, et à un air de mystique douceur. Ce type, qui à l'origine a dû représenter Iladès, nous est connu par beaucoup de répliques en marbre 0, par des terres cuites de Smyrne10, par des reliefs, et par beaucoup de monnaies" [sAHAPIs) ; il a été attribué sans raisons 12 suffisantes à Bryaxis, le collaborateur de Scopas dans la décoration du Mausolée.
Les monnaies d'Alexandre et des Séleucides nous ramènent à la statue de Phidias. Le Zeus aétophore des unes, le Zeus nicéphore des autres est inspiré de très près de l'oeuvre du maître athénien (voir p. 69b et DRACIIIIIA, p. 399). Zeus nicéphore parait sur les monnaies de Syrie dès le temps de Séleucus 1 Nicator; c'est donc ce roi qui éleva dans le célèbre sanctuaire de Daphné, près d'Antioche, la statue de Zeus nicéphore mentionnée par Justin13 et Ammien Marcellin 1'; c'était une exacte copie du chef-d'oeuvre de Phidias'.
« Arrien, dit Eustathe dans son commentaire sur Denys le Périégète, raconte qu'il y avait chez les Bithyniens un sculpteur nommé Daidalos, dont il existe à Nicomédie une oeuvre admirable, la statue de Zeus Stratios'°. » Les tétradrachmes des rois de Bithynie, depuis Prusias I jusqu'à Nicomède III (17/ av. J.-C.), portent au revers un Zeus debout, le bas du corps enveloppé du manteau, le bras gauche appuyé à la haste, la main droite couronnant le nom du roi. Il est fort probable, comme l'a conjecturé Overbeck, que ces monnaies nous offrent une copie du Zeus de Nicomédie ; cette statue colossale serait postérieure à '?64, date de la fondation de Nicomédie "
Zeus est un des dieux grecs dont la représentation
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pouvait lemoins varier. Devant exprimer l'idée de la toutepuissance du roi des dieux et des hommes, les artistes ne pouvaient donner à Zeus que l'âge de la pleine maturité. Mais si Zeus est le plus puissant des dieux, sa force ne s'exprime pas aux yeux comme celle d'Héraclès, par un extraordinaire développement musculaire. Si sa figure est sérieuse, elle n'est pas sombre, comme celle d'Iiadès. Il s'y peint une bonté grave. Les yeux sont placés profondément sous l'orbite ; le front, haut, est traversé d'un pli médian, et fortement bombé à la partie inférieure; les cheveux et la barbe, par leur abondance, expriment la force. Ces caractères saisissants du visage de Zeus,marqués avec tant d'énergie dans le buste d'Otricoli, se retrouvent plus ou moins accentués dans les diverses effigies de ce dieu qui nous sont parvenues de l'époque romaine.
On peut les diviser en deux grandes catégories, suivant qu'elles représentent le dieu assis ou debout. La première catégorie se rattache de près ou de loin à la statue d'Olympie. Phidias amuit fait d'elle le type par excellence de la a statue de culte », et on devait le retrouver, plus ou moins modifié, dans la cella de la plupart des temples du dieu. Aucune des statues ou statuettes de Zeus assis ne le montrant avec la tunique ; il ne faudrait pas conclure de là que le Zeus de Phidias ne portait pas ce vêtement, car l'abandon de la tunique peut fort bien remonter seulement aux successeurs de Phidias, qui, comme Céphisodote pour Mégalopolis', ou Euclide pour 1Egira d'Achaïe avaient exécuté des statues de Zeus assis. La plus grande statue de ce type qui nous soit connue est le Zeus de Gaza, au musée de Constantinople
Il faut mentionner encore le Jupiter Vescovalii, et, comme petits bronzes, une statuette du Cabinet de France remarquable par les dimensions du siège, ou la belle statuette trouvée en Ilongrie, qui de la collection Pourtalès a passé au Musée britannique 6. La persistance du type illustré par Phidias fut telle, qu'on l'observe encore sur un aureus au nom de Licinius, frappé en l'an 317 de notre ère 7.
Zeus debout est figuré, ou nu, ou avec le manteau. Il s'appuie d'une main au sceptre ; l'autre main tient un attribut, ordinairement le foudre; en général, l'aigle est à ses pieds, les ailes ouvertes, prêt à prendre son vol. Selon la main qui tient le sceptre, selon la façon dont est placé le manteau, selon les attributs, etc., le motif de Zeus debout donne lieu à un certain nombre de types et de sous-types qui ont été consciencieusement énumérés par Overbeck. On a trouvé à Olympie le torse d'un Zeus debout 8 : le travail en est assez médiocre, et l'auteur inconnu : ce fragment a donné lieu à une étude intéressante de M. Treu sur les représentations de Zeus analogues à celle des monnaies d'Amastris de Paphlagonie au type
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de Ze u EzpaTrlyd,. On remarquera la statue de Palerme, qui montre le dieu campé dans une attitude vraiment fière, le corps, à l'exception du
torse, enveloppé dans le manteau 9. Une bonne image de Zeus nu, debout, appuyé au sceptre, est le bronze d'Évreux, d'une si excellente conservation (fig. 4'22,8)18 ; c'est un travail romain assez emphatique, et il est impossible de savoir si vraiment, comme on l'a supposé, le type d'où dérive cette réplique est dû à l'art lysippéen.
Les reliefs votifs représentent Zeus, ou trônant ", ou debout, vêtu du manteau 12 ; au lieu du foudre, ils lui mettent ordinairement entre les mains la patère. Les reliefs archaïsants le représentent en général debout, le foudre à la main, appuyé au sceptre, le
corps nu 13, ou à moitié drapé dans le manteau 14. Un curieux relief archaïsant, celui de Wiltonhouse is, représente Zeus assis sur un siège sans dossier, le bas du corps et l'épaule gauche couverts du manteau, l'aigle posé sur la paume (et non sur le dos) de la main gauche avancée, la main droite baissée ne tenant rien. A côté de ces reliefs archaïsants, se place naturellement la tête du Louvre connue sous le nom de Jupiter Talleyrand, élégant travail archaïsant de l'époque d'lladrien 16 (voir t. I, fig. 785).
Zeus lançant la foudre a été assez souvent figuré par les modeleurs de petits bronzes 17 ; l'attitude est restée toujours à peu près celle qu'Agélaïdas avait représentée. Un buste colossal du Louvre représente probablement Zeus tonnant: la tête est plus courte que celle du Zeus d'Otricoli, le front moins haut; la chevelure est agitée et rejetée en arrière, comme par le vent; on doit se figurer le dieu debout dans son quadrige, tenantles carreaux dans la main droite levée, pour foudroyer les Géants ou les Titans 1$. La plus célèbre représentation plastique de Zeus dans la Gigantomachie est celle de Pergame 19. Du Zeus de la Gigantomachie, il faut rapprocher les Zeus à l'égide des petits bronzes et des carnées20.
Une curieuse représentation de Zeus, qui ne nous est connue que par des monnaies, le montre porté à travers les airs, sur le dos de son aigle 21
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Les légendes. [Nous n'insisterons pas longuement sur les détails connus de la légende de Zeus, car la plupart ont fait ou feront l'objet d'articles spéciaux. Mais il est nécessaire de les rassembler ici dans un résumé succinct où se placeront les renvois.
Zeus est fils de Rhéa et de Cronos [cYtifu.É, SATURNUS]. Comme Cronos savait qu'un fils né de lui le détrônerait, il dévorait ses enfants à mesure qu'ils venaient au monde. Quand Rhéa eut accouché de Zeus, d'après les uns eu, Crète, d'après d'autres en Lydie sur le Tmolos ou en Ar_ cadie sur le Parrhasion', elle fit disparaître l'enfant. le cacha dans les profondeurs d'un antre et présenta à son époux une pierre enveloppée de langes qu'il avala, croyant détruire son rejeton. L'enfant divin croît merveilleusement dans la caverne de l'Ida ou du Dicté, sous la surveillance de la nymphe Adrastée [AMALTHEA], gardé par les Curètes ou Corybantes qui dansent autour de lui la bruyante pyrrhique pour empêcher ses vagissements
d'être entendus par Cronos [CORYBANTES, CURETES]. Par
venu à l'âge viril, Zeus engage la lutte avec Cronos et ses partisans. Il a pour alliés un fort parti de Titans, les Géants à cent bras et les Cyclopes que le vieil Ouranos avait enchaînés autrefois dans les profondeurs des abîmes
[CYCLOPES, TITANES]. La victoire lui est assurée par l'engin nouveau et formidable de la foudre [FULMEN], que lui
ont forgé les Cyclopes et qui, en affirmant sa puissance céleste, terrifie ses ennemis. Cronos et les siens sont précipités à leur tour dans le Tartare et Zeus devient roi de l'Olympe. Il partage l'empire du monde avec ses deux frères : à Poseidon la mer [NEPTUNUS], à Hadès tout ce qui est sous la terre [PLUTO].
Il ne faut pas confondre cette Titanomachie 2 avec la Gigantomachie, qui sera au contraire un essai de rébellion contre la puissance établie de Zeus [MUANTES]. Le mythe de Prométhée et la punition du Titan rebelle sont un autre épisode des vengeances exercées par le souyerain de l'Olympe contre ceux qui contrecarrent ses
volontés [PROMETHEUS]. L'Iliade fait même allusion 3 àune
sédition fomentée par les Olympiens en personne contre leur maître : Aéra, Poseidon et Athéna, les plus proches parents du dieu, son frère, sa femme et sa fille, complotent de le saisir et de le lier. Mais Thétis avertie fait surgir de la mer le Titan aux cent bras, Aigaion ou llriarée, qui vient se placer aux côtés de Zeus et met en fuite les conspirateurs
Zeus a épousé sa propre soeur Héra [JuNo]. Leur mariage est le type de l'union sainte et consacrée par la religion HIÉROS GAMOS], ce qui n'empêche pas leurs caractères de se heurter ; leurs querelles de ménage sont célèbres. La naissance d'Athéna, sortie tout armée du cer
veau de son père [MINERVA], celles d'Héphaistos [VULCANUS]
et du monstrueux Typhon, enfantés par Héra seule, sont les résultats de la désunion intermittente des deux époux. D'après certaines versions, Junon n'était pas la première femme de Jupiter. Hésiode 5 dit qu'il a épousé d'abord Métis, personnification de la sagesse, puis Thé
mis [JUsT1TIA], dont il a les Heures et les Parques [HORAE, 1'ATUM , Déméter dont il a Proserpine [cÉRits], Eurynome
dont il a les Grâces [GRATIAE], Mnémosyne dont il a les Muses [MUSAS], Latone dont il a Apollon et Artémis
[APOLLO, PIANA], enfin Héra qui lui donne Arès [MARS], HÉDÉ et ILITHYIE. La famille olympienne se constitue
alors et la hiérarchie céleste s'établit, accordant parfois la préséance à des enfants nés de nymphes secondaires ou de femmes mortelles, comme Hermès, fils de Matta [MERCUMUS], comme Dionysos, fils de Sémélé [BACCHUS]. Parmi les Olympiens prennent même place des divinités qui ne doivent pas leur naissance à Zeus, comme l'antique déesse du foyer Hestia [ VESTA], et Aphrodite, née de l'écume des flots [4ENUS].
Les aventures amoureuses de Zeus sont innombrables. Sur le fond naturaliste des croyances qui en font le père de toutes choses, le principe fécondant et la cause essentielle du monde, l'imagination des Grecs avait brodé toutes sortes de légendes qui toujours se ramenaient à l'union de Zeus avec une femme. Nous énumérerons les plus célèbres, en rappelant que la plupart ont fait l'objet d'articles spéciaux.
Aigina, fille du fleuve Asopos, est enlevée par Zeus changé en aigle, d'après d'autres en feu ; il la transporta et la cacha dans l'île qui plus tard prit le nom d'Égine 7 ; ce fut Sisyphe qui révéla au père le nom du ravisseur et qui excita ainsi contre lui la colère de l'Olympien'. De cette union naquit Éaque, le plus pieux des hommes, devenu plus tard juge des Enfers [AEACUS]. L'enlèvement d'Égine était représenté dans deux groupes de statues consacrées à Olympie et à Delphes', et sur un tableau peint par Elasippos 10. Un stamnos à figures rouges du Vatican reproduit ce sujet". L'aventure d'Alcmène, femme d'Amphitryon, fait partie de la légende d'Hercule [HERCULES, p. 82]. Sous la forme d'un Satyre, Zeus séduit Antiope, fille du Thébain Nykteus, et renommée par son extraordinaire beauté; il en a deux jumeaux, Amphion et Zéthos ;2 : on ne connaît pas de représentation antique de ce mythe qui soit certaine 13. Danaé, fille du roi d'Argos Akrisios, a été enfermée dans une chambre bardée de fer par son père auquel un oracle a
révélé qu'il serait tué par le fils de sa fille. A travers l'ouverture du toit, Zeus descend sous forme d'une pluie d'or et donne naissance à Persée [PERSEUS] : un très beau vase du Musée de l'Ermitage (fig. 4229) montre Danaé assise sur son lit et levant la tête pour voir la pluie merveilleuse''. L'histoire d'Europe et celle d'Io ont été
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racontées [EUROPA, 10, ARGUS].-L'aventure de la nymphe
Callisto est moins connue. Pour triompher d'elle, le dieu
prit les traits mêmes et le costume d'Artémis. Chassée par la déesse, la malheureuse fut changée en ourse;
Polygnote l''a mise dans son tableau de la Nekyia'. Un vase d'argent, trouvé en Espagne, a fourni l'unique représentation de cette légende ; on y voit, en outre, le célèbre groupe de Léda avec le cygne2, Zeus en conversation avec Sémélé, enfin le rapt de Ganymède par l'aigle : c'est donc une sorte de résumé des amours de Zeus (fig. 4230), exécuté en relief repoussé sur une patère dont le manche porte la figure du dieu debout, s'ap
payant sur un sceptre et tenant le foudre 3. Nous n'avons pas à nous occuper de Sémélé' [BACCHUS, p. 600, 601, 609]. Le mythe de Léda se confond parfois avec celui de Némésis, autre déesse poursuivie par Zeus sous forme de cygne ; elle s'était muée elle-même en oie. Leur union produit un oeuf qui, trouvé plus tard par Léda, aurait été gardé par elle et d'oie naquirent Hélène et le
Dioscure Pollux' [DloscuRI]. Le rapt de Thalcia présente aussi des points de ressemblance avec celui de Ganymède. Dans les deux fables, c'est l'aigle qui fait office de ravisseur. Un vase peint (fig. 4231) est pourvu d'une inscription qui rend certaine l'identification avec Thaleia e. Mais les monuments relatifs à Ganymède sont beaucoup plus nombreux'. Suivant la légende la plus ancienne,le fils de Tros est ravi dans la plaine d'Ilion, ou en Crète, par Zeus lui-même, apparu sous sa forme humaine ', et il devient l'échanson de l'Olympe (fig. 4232) 9. La métamorphose de Zeus en aigle ou le rôle de l'oiseau comme messager du dieu paraissent appartenir à l'époque hellénistique : cette variante de la légende fut consacrée sous une forme définitive par le sculpteur Léocharès dans un groupe célèbre dont on possède plusieurs répliques (fig. 4233) 10
Il serait facile de multiplier les exemples de ces aventures, rappeler Niobé, mère d'Argos et de Pélasgos, qui fut, dit-on, la première mortelle aimée du dieu, alors qu'Alcmène fut la der
nière ; Maïa, fille d'Atlas et mère de Mercure, Phthia pour qui Zeus se changea en colombe, d'autres encore. Comme nous n'étudions pas ici tous les noms mythologiques, nous renvoyons le lecteur aux ouvrages spéciaux déjà cités. Les légendes que nous venons de men
tionner suffisent à montrer le nombre infini de variantes que les cultes locaux et les inventions des poètes avaient développées sur un thème unique, qui symbo
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lisait la fécondité toute-puissante du maître des cieux et de la terre.
On a étudié ailleurs le côté particulier de lalégende de
Zeus qui tend, sous l'influence des doctrines orphiques, à le confondre avec le Dionysos infernal, et qui en fait l'époux de sa propre fille Proserpine, à laquelle il s'unit
sous forme de serpent [DRACO, p. 409 ; ELEUSIMA, p. 578 ;
LE JUPITER ÉTRUSQUE. Le dieu qui chez les Étrusques
correspondait au ZEÛç grec et au Jupiter romain s'appelait Tinia (quelquefois Tina, génitif Tinas). La vraie nature de ce dieu n'a pas été reconnue d'abord par tous les savants. Comme il paraît sur les miroirs gravés ' sous deux formes, barbu et imberbe (fig. 4234), on avait voulu distinguer entre Tina et Tinia; Tina, aurait été le dieu barbu; Tinia le dieu imberbe ; comme ce dieu imberbe est figuré couronné de feuilles, et qu'un grammairien explique Tinia par vasa vinaria 2, on proposait de reconnaître dans Tinia un Bacchus étrusque 3. D'autres savants l'identifiaient avec le Janus italique 4. En réalité, Tina et Tinia désignent un seul et même dieu, et la forme Tina n'est connue que par une seule inscription 5. D'autre part, on sait maintenant que les Étrusques appelaient leur Bacchus F+u fluns 6, et leur Janus Ani'.
Le fait que les ides étaient consacrées, chez les Étrusques, à Tinia, est une première preuve de l'analogie étroite qui, rapproche Tinia de Jupiter; le fait que Tinia était pour les Étrusques le maître de l'éclair semble absolument décisifs. Dans les livres des Étrusques, (lit Pline 9, on lit que neuf dieux lancent la foudre, dont il est onze espèces, le seul Jupiter lançant trois de ces espèces " Sénèque nous explique ce qu'étaient les trois foudres (manubiae) du Jupiter étrusque 11 [FULMEN, p. 4355] ' la première était un avertissement de Jupiter aux hommes 12; il la lançait à son gré; la seconde était un avertissement encore, mais plus grave que le précédent ; Jupiter ne pouvait lancer celle-ci sans le consentement des douze dieux consentes, complices (six dieux et six déesses) qui formaient son conseil; pour lancer la troisième, qui était le châtiment, il lui fallait le consentement des dieux supérieurs ou cachés, dii superiores, involuti, dieux mystérieux, les seuls que les Étrusques crussent éternels [mi, p. 183 ; ETRUSCI, p. 824]. On le voit, le Jupiter étrusque était simplement chargé de maintenir l'ordre dans l'univers ; il avait la foudre pour signifier aux hommes les arrêts du destin 13 ; mais comme les dieux involuti ne se dévoilaient jamais, Tinia était en fait le premier dieu du Panthéon étrusque; son temple, avec ceux de Minerve et de Junon, se dressait sur l'acropole de chaque cité du pays toscan. Dans ces temples, l'idole qui le représentait portait les vêtements, avait les insignes des magistrats suprêmes ou des triomphateurs de Rome, la chaise curule, le sceptre surmonté de l'aigle [CAPITOLI1JM, p. 902; comm., p. 1469].
LE JUPITER ITALIQUE. Le nom que les peuples italiques
donnaient à celui de leurs dieux qui correspondait au Zeus grec dérive, comme le nom de ZEÛç, et comme sans doute celui de Tinia 14, de la racine di, div, à laquelle répond l'idée d'éclat, de lumière céleste ". Les anciens rattachaient, à tort, Jupiter à juvare 18 ; mais le rapport de ce nom avec des mots comme dius, dialis, ne leur avait pas échappé". Cette racine di ou div se retrouve dans les noms de plusieurs vieilles divinités italiques, JanusDianus 1S, Diana, Dius Fidius, Vedius, dea Dia, ou dans des expressions de la langue, sub dio, interdiu, fulgur dium.
Jupiter ou Juppiter est un mot composé, qui correspond au grec ZEÛç 7c«T-1C; de pareils composés" ne sont pas rares en latin (Marspiter, Diespiter, Dispiter, Opiter; comparer le grec 4p.-iir-1p). Le nominatif Jupiter avait plusieurs équivalents : Diespiter, Diovis, Jovis. Le premier serait formé de la racine Dies et non du nominatif dies, non plus que du génitif diei 20. Diovis est attesté par Varron 21 et par une inscription latine archaïque 22 ; il se trouve aussi dans l'osque. Jovis était d'un emploi ordinaire à l'époque archaïque : vetustissimi nominativum Jovis praeferunt, dit Priscien 23 ; ces vetustissimi sont par
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exemple Naevius, Accius, Pacuvius, Coecilius. On trouve encore Jovis à l'époque impériale 1.
Si haut que les textes littéraires nous permettent de remonter dans le passé de la Grèce, Zeus nous apparaît toujours comme le dieu le plus important du panthéon grec. Il n'en va pas de même pour le Jupiter italique. Au temps oùles races indigènes de la péninsule n'avaient pas encore subi l'influence hellénique, les religions romaine et italienne eurent leur divinité principale et centrale dans le dieu qui tue, Maurs ou Mars, que ces races se représentaient brandissant une lance, protégeant les troupeaux de son peuple, combattant pour lui Ce n'est que peu à peu que Mars a cédé le pas devant Jovis ou Jupiter, dont le culte, du reste, n'est pas moins primitif chez les races italiques. Jupiter fut à l'origine, dans toute l'Italie, ce que Zeus fut primitivement dans la Grèce, un dieu physique, dispensateur de la lumière, maître du ciel et des phénomènes célestes : la pluie, l'éclair, le tonnerre, le vent et, d'une façon générale, tout ce qui se passe dans l'atmosphère et au ciel dépendait de lui; maître de la pluie, du bon et du mauvais temps, il disposait de 'la prospérité de la nature ; il était pour des populations éminemment agricoles un dieu dont l'importance ne pouvait faire que grandir. De bonne heure, du reste, des idées morales vinrent enrichir et modifier cette conception purement physique du dieu du jour.
Dans tout le pays osque, le culte de Jupiter paraît avoir eu beaucoup d'importance. Les monnaies le font connaître à Capoue, 4tella, Calatia, .zEsernia, Larinum, Teate, et en Lucanie 3. Une tête de bronze, barbue, qui a été trouvée dans l'ancien territoire des Frentani (Samnium) porte l'inscription loveis Lo fi eis = Jovis Liberi 4. Jupiter Liber était le grand dieu de Capoue 5, peut-être de PQmpéi G. Une dédicace du Bruttium en dialecte sabellique, niais écrite en lettres grecques, fait connaître Jupiter Versor 7, l'exact pendant du Jupiter Stator de home, l'analogue du Zs' Tpo7aioç des Grecs. Par Tite Live, nous connaissons Jupiter Vicilinus à Compsa 8 ; par une inscription, Jupiter Flazius ou Flazzus à Pouzzoles' ; par Servius, nous savons que le Jupiter osque était avant tout un dieu lumineux, et que son appellation la plus générale était Lucetius 10, nom duquel il est clair qu'il faut rapprocher ceux de Lucanie et de. Lucérie.
Le culte de Jupiter est connu chez les Ombriens surtout par les règlements religieux gravés sur `les fameuses tables de bronze trouvées en 14I14 à Gubbio, l'ancien Iguvium 11. Ils nous font connaître un grand nombre de divinités locales, entre lesquelles Jupiter tenait la première place. Il y est surnommé Grabovius, surnom qu'on y voit porté aussi par Mars et par le dieu Vofonius. Certains de ces dieux iguviens, Trebus Jovius, Tefer (ou
Tefrus) Jovius, doivent être des fils de Jupiter; de même les Romains ont eu une Venus Jovia, un Hercules Jovius.
Le culte de Jupiter nous est connu chez les Marsesf2, les Falisques 13, les Picénins 14.
Les Sabins adoraient sous le nom de Jupiter Liber un dieu analogue au Dionysos grec, personnification des énergies créatrices de la nature. Il est connu par une dédidace d'Amiternum ", la capitale de la Sabine, et par la lex Vicana Furfensisl6 (696 de Rome). Un autre Jupiter Sabin, Jupiter Cacunus 17, connu aussi par une inscription de Rome18, semble avoir été un dieu de sommet, analogue au Jupiter Apenninus des Ombriens; de même, le Jupiter du mont Tarincrinis, chez les Marrucins 19.
Sur la côte volsque, à Anxur (la ville que les Romains appelaient Terracine), était adoré un Jupiter agricole dont a parlé Virgile 20, et qui, d'après Ser
vius et les monnaies de la gens Vibia é (fig. 4233) 21, était figuré jeune et im
berbe. A son culte était joint celui de la déesse de la ville voisine Feronia, déesse qui fut assimilée avec Juno Virgo.
Arrivons au Latium. La métropole de Anxnr. ce pays, l'antique Lanuvium, adorait au
près du fleuve Numicus ou Numicius une divinité nommée Jupiter Indiges 22, qui à une époque plus récente, sous l'influence de l'hellénisme, fut identifié avec l née23. Rome ne cessa de témoigner une grande dévotion au vieux sanctuaire de Lanuvium; à l'époque impériale, les pontifes et les consuls s'y transportaient encore une fois l'an, pour y sacrifier.
A Préneste, on adorait un Jupiter plus jeune encore que celui d'Anxur, un Jupiter enfant, puer2', qui était représenté nourri à la mamelle par la Fortune, Fortuna Prinligenia, déesse de fécondité, dont l'oracle était célèbre [FOHTUNA]. Dans cette même ville de Préneste, Jupiter fut adoré aussi sous le nom d'Askanius. Tibur avait Jupiter Praesles2 , Tusculum Jupiter Maius26, deux surnoms qui indiquent la force, la puissance, au lieu que ce que nous savons du Jupiter Indiges de Lanuvium, ou du Jupiter Puer de Préneste nous fait plutôt penser à un dieu de la fécondité, de la croissance et de la vie.
Un texte de Festus 27, sur la hiérarchie des prêtres de Rome telle qu'elle était établie depuis le commencement de la République, montre qu'à l'origine le plus grand dieu de Rome n'était pas Jupiter, mais Janus 28 [JANUS]. Le prêtre de Janus portait le nom de REX. Dans les prières, Janus passait avant Jupiter, comme on le voit par exemple dans la formule de la DEVOTIO, qui nous a été conservée par Tite-Live 29. Sur les anciennes monnaies romaines, ce n'est que la demi-livre qui porte la tête de Jupiter 3° ; sur la livre est la tête de Janus. Mais Janus ne devait pas tarder à
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céder le pas à Jupiter, probablement parce qu'il n'était le dieu que d'un seul des groupes dont la réunion forma Rome ; Jupiter, au contraire, était adoré par chacun de ces groupes. Il est bien probable qu'il l'était déjà, avant la fondation de Rome, sur le haut de quelques-unes des sept collines, sur l'Esquilin, où un bosquet de hêtres fut de tout temps consacré àJupiter Fagutalis', peut-être sur le Caelius 2 et le Viminal', enfin sur le Capitole, qui était destiné à devenir le siège le plus célèbre du culte de ce dieu. Mais avant de parler de Jupiter Capitolin, nous avons à passer en revue les différents aspects sous lesquels Jupiter pouvait se présenter à l'esprit d'un Romain.
Comme pour les autres peuples italiques, et en particulier pour les Osques, Jupiter a été avant tout pour les Romains un dieu céleste et lumineux, le Lucetius que les Saliens" invoquaient dans leurs chants. Les ides lui étaient consacrées, comme au dieu de la lumière, parce que, la lune étant pleine aux ides, il faisait clair à ce moment du mois, non seulement le jour, mais la nuit'. Aux ides de janvier, on célébrait les féries (le Jupiter Stator ; à celles de février, nous trouvons les fêtes de Jupiter et de Faunus in insula; à celles de mars, la fête de Jupiter et d'ANNA PEBENNA; à celles d'avril, la fête de Jupiter Victor et de LIBEBTAS, etc. 6. Plusieurs expressions latines, où le mot Jupiter est l'équivalent exact du mot caelum, montrent bien que le dieu fut à l'origine un dieu céleste (sub caelo ; Jupiter ternes, hibernes, etc. ; ou ce vers des Eglogues de Virgile : Juppiter et lueto descendet plurimus imbri 7). Il s'ensuit de là que les Latins devaient considérer Jupiter comme le dieu de la foudre : au Champ de Mars existait, sans doute depuis une très haute antiquité, un temple de Jupiter Fulgur'.
Une autre épithète de Jupiter considéré comme maître du ciel était Jupiter Elicius, épithète dont le sens vrai avait échappé aux anciens [FULMEN, p.1356]. Une tradition, qui remonte probablement à Valérius Antias, rapporte qu'au temps de Numa, les Romains, effrayés par des éclairs épouvantables, firent descendre (elicere) Jupiter de son ciel, sur l'avis d'Égérie et avec l'aide de Faunus et de Picus; une fois descendu, ils lui sacrifièrent, au lieu de la tête (caput) d'homme qu'il avait demandée, une tête d'oignon'. Il est sûr qu'Elicius vient d'eliciendo. Mais nous savons que c'était un usage à Rome, en temps de sécheresse, de prier les dieux pour avoir la pluie ; on promenait dans la ville, avec des prières et des sacrifices
1 Le dieu du Fagutal esquilin était un dieu prophétique, rappelant le Zsi; de Dodone, et le Faunus latin. Pour les textes littéraires, cf. Varr. V, 49 et
6 Terent. Seaurus VII, 28 Keil. G Macrob. Sat. I, 15, 4 ; Lydus, De mens. III, 7. 6 Cf. le calendrier romain dans Bouché-Leelerq, Manuel Fastes Arvales, Corp. inscr. lat. VI, 2295 ; Fastes d'Ostie, id. I, p. 322 .
dio hypaethra constituentur. Les inscriptions de l'époque impériale mentionnent le mime dieu sous une indigitation un peu différente : Jupiter Fut.
p. 2, 12. Les matrones y prenaient part les cheveux en désordre (Petron. 44 , et les magistrats sans les insignes de leurs fonctions (Tertull. De jejun. 16 ,
particuliers, une certaine pierre (lapis manalis), qu'on allait prendre hors de la porte Capène , cette cérémonie était probablement l'AQUAELICItJB4 Ou aquilicium, dont parle Tertullien 10 ; et Jupiter Elicius est le dieu auquel on demandait de faire descendre la pluie sur la terre altérée, le dieu romain qui correspond au Zn' uTtos des Grecs''. Maître de la pluie, Jupiter était par excellence un (lieu nourricier; ainsi s'expliquent certaines de ses épithètes, Pecunia 12, Rumines ; celle-ci vient de ruina, qui signifiait mamelle".
On a voulu voir dans Jupiter Liber une transformation du Dionysos grec. Il est infiniment plus probable de reconnaître dans Jupiter Liber une vieille divinité italique" de la force créatrice, qui distribue libéralement les biens de la terre. A côté de Jupiter Liber, on doit ranger Jupiter Libertas 15, dont le surnom, quoi qu'on ait fait pour l'expliquer, est insolite.
Au temps des semailles, les paysans romains fêtaient Jupiter Dapalis 1° ; ils faisaient des libations à Jupiter au moment d'engranger 10, et de même que dans les maisons grecques on vénérait ZEèç Ktifiatot, `EpxEio;, dans les maisons romaines on vénérait Jupiter Penetralis, Herceus l'. Protecteur de la maison, J upiter l'est aussi du lien conjugal [mènes GA3tosi ; c'est à lui que dans le mariage par con farreatio les époux offrent les grains d'épautre u. On lui sacrifiait lors de l'entrée d'un adolescent dans l'âge de puberté2°
Dieu de l'agriculture, Jupiter protégeait les bornes des champs. Dans la cella du temple du. Capitole était fichée une borne, et au-dessus de cette borne, pour qu'elle fût en pleine lumière, le toit avait une ouverture 21. Jupiter Terminus paraît sur les monnaies frappées par Térentius Varron, le savant, quand il était proquesteur de Pompée 22,
Le 19 août, aux approches de la vendange, pour qu'elle fût bonne, le flanien Dialis [FLAVIEN] faisait des prières à Jupiter ; c'était la fête des Vinalia rustica 23. La vendange finie, on célébrait, le 11 octobre, les MEDITRINALIA, où l'on goûtait le vin nouveau24; le 11 octobre, dans le calendrier d'Amiternum, est une fête de Jupiter25. Au 23 avril du printemps suivant tombait une troisième fête du vin, en l'honneur, elle aussi, de Jupiter; c'était celle des Vinalia priora2e [VINALIA].
De très bonne heure, Jupiter devint pour les Romains une divinité chargée de soins qui dépassaient le monde physique et rustique ; divinité tutélaire de la cité et de
Vinalia rustica (19 aoùt) étaient consacrés à Jupiter ; de plus, le [amen Dialis lui sacrifiait aux vendanges. Cf. Fest. p. 265, et Varr. De Ling. lat. VI, 16. 16 Jupiter Libertas avait un temple sur l'Aventin (Monum. Ancyr. 4, 6; Becker, Topogr.
ririlem sumpserint ad Clapit (ilium cunt. Les monnaies de Commode (Cohen,
Jusenis, représentent précisément, comme l'a montré Overbeck, l'empereur Commode
Plie. Hist. nat. XVIII, 287. On peut mentionner ici les PormvumA (5 juillet), dont
l'explication est probablement dans un fait historique précis ; mais les anciens ne
sont pas d'accord là-dessus (cf. Varr. loc. cit. ; hlacrob. III, 2, 14 ; Ovid. De acte am. II, 257; Plut. Romul. 29). Pour les prêtres de Jupiter, voir les articles
dans, la victoire au dehors ; le meilleur et le plus puissant des dieux, celui devant qui tous les dieux du paganisme (levaient s'incliner, comme il inclinait leurs fidèles devant les siens.
Le temple de Jupiter Feretrius aurait été fondé par Romulus, quand celui-ci eut tué Acron, roi des Ciucinales ' ; Numa aurait donné à la fondation de Romulus la consécration légale par la lex opinlorum spolioruln 2; Ancus Marcius aurait agrandi le sanctuaire 3. La première mention historique du culte de Jupiter Feretrius date de 326 de Rome (consécration des dépouilles opimes remportées par A. Cornelius Cossus sur le roi de Véies Tolumnius 4). Le temple de Jupiter Férétrius était en ruines à la fin de la République ; il fut relevé par Auguste, qui en parle dans son Testament, dont le texte grec traduit Feretrius
par '1 O 3' 7 7 oç 6. On
ni quelle en était la
forme 6, ni oit il se trouvait (fig. 11236). L'adjectif fereirius, sur l'étymologie duquel les anciens ne s'accordaient pas, paraît plutôt dérivé de ferire que de ferre ou de feretrum7. En effet, Jupiter Feretrius paraît bien le même dieu que Jupiter lapis. Dans le temple de Jupiter Feretrius, on conservait la pierre de silex avec laquelle les fétiaux, quand il s'agissait de conclure un traité, immolaient le porc qu'il fallait sacrifier en pareille occasion' ; le serment qu'on prêtait alors invoquait Jupiter lapis, et conclure un traité s'appelait foedus ferire' LFETIALES].
Un très ancien culte de J upiter considéré dans ses rapports avec la cité romaine est celui de Jupiter Victor. Nous connaissons à Rome trois sanctuaires de ce dieu : le premier, sur le Quirinal, est connu par une dédicace du vie siècle de Rome"; le second sur le Palatin" ; le troisième sur le mont Capitolin 12. Jupiter Victor est le même qu'Ovide 13 appelle farfelus ; l'épithète officielle est toujours restée victor ; on ne trouve qu'une seule monnaie où Jupiter soit appelé invictus''°.
Du culte de Jupiter Victor, on passe naturellement à celui de Jupiter Stator (qui sislit aciem), dont la légende rapporte l'établissement à Romulus 13. Le premier témoignage historique qu'on ait sur ce culte date de 1460 de Rome ". Le temple semble avoir été restauré par Auguste
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en 726. D'après le témoignage unanime des anciens, ce sanctuaire se trouvait sur le déclin nord du Palatin L7, dans la regio IV, près de l'arc de Titus ; on le voit figuré sur le relief du tombeau des Ilaterii la ; il était assez grand pour pouvoir servir aux réunions du sénat" et des frères Anales 20. Un autre temple de Jupiter Stator se trouvait au Circus Flaminius12; ce fut le premier temple de marbre que Rome ait eu. Q. Caecilius Métellus l'avait entouré d'un portique 22, et orné de statues 23 rapportées de Macédoine (608 de Rouie). L'architecte, d'après Vitruve, en aurait été Ilermodore 24, qui éleva aussi le temple de Mars au Circus Flaminius 2S. Le culte de Jupiter Stator était célébré sous la surveillance des Quindécemvirs 26.
Pour Jupiter Latiaris, qui était adoré parla confédération des villes latines sur le mont Albain, et dont le culte était, à Rome même, célébré dans un temple spécial, il suffit de renvoyer à l'article FERIAE LATINAE. De même, pour le temple de Jupiter Capitolin, et pour les Capitoles des villes provinciales, on doit se reporter à l'article CAPITOLIUM.
Le centre de l'État romain et de son culte est le Capitole. C'est là que fut assise, au temps des Tarquins, avec le concours d'haruspices et l'emploi de rites toscans; dans un temple à trois nefs, la triade capitoline, Jupiter, Junon, Minerve. Dans cette triade, la divinité la plus importante fut Jupiter, à qui appartenaient l'autel des sacrifices, le trésor, les ex-voto; Minerve et Junon ne sont que des divinités ctivvaot, que Jupiter reçoit dans son temple, auxquelles il veut bien faire une place. Il n'est pas douteux qu'il y ait eu dans la fondation tarquinienne une influence grecque, qui s'est fait sentir sur la religion romaine par l'intermédiaire des ltrusques.ll n'est point vrai que les divinités de la triade capitoline correspondent chacune à l'un des éléments constitutifs de la cité romaine, Latini, Sabini, Tusci; le culte de cette triade exprime l'unité de la cité ; il n'a pas été fondé pour amener cette unité. Il dut prendre très vite une importance considérable, se distinguer des autres cultes, les dépasser en signification; ce qui le prouve, c'est la grandeur des travaux de substruction entrepris par les Tarquins pour supporter le temple du Capitole 27, et c'est aussi les dimensions mêmes de ce temple, qui, quoique de la fin de l'époque royale, est resté toujours l'un des plus grands temples romains. Véritable génie tutélaire du peuple romain, Jupiter Capitolin (fig. 41237)2' était appelé Optimus Maximus, c'est-à-dire le meilleur et le plus grand des dieux, aucune cité, aucun État
des autres magistrats, el sacrifiaient
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n'ayant de protecteur aussi puissant que celui de Rome. Le culte qui lui est rendu est un culte surtout politique, un culte d'État. C'était au jour de la fondation du temple du Capitole (le 13 septembre) qu'à l'époque ancienne les consuls entraient en charge' ; et quand, plus tard, cet usage fut abandonné, les consuls, en prenant possession de leurs fonctions, se rendaient au Capitole, suivis du enat, des prêtres,
à Jupiter Capitolin 2; même usage sous l'Empire, quand un nouvel empereur avait été proclamé 3. Au Capitole étaient conservés les livres sibyllins 4, les traités', beaucoup de lois 6, les diplômes militaires'. C'est au Capitole que se réunissait le sénat quand il s'agissait de déclarer la guerre 8, que les généraux faisaient des vaux pour la victoire avant de partir en expéditionet qu'après une guerre heureuse ils venaient déposer une couronne d'or et consacrer une part du butin, ou qu'ils sacrifiaient quand le sénat leur avait décerné le triomphe : honneur exceptionnel, cérémonie essentiellement religieuse, qui identifiait un moment le général victorieux avec Jupiter Optimus Maximus lui-même TmemrnUS]. C'est en l'honneur de Jupiter Optimus Maximus que la cité célébrait les ludi romani ou grands jeux (niagni ludi), qui, d'abord célébrés à dates irrégulières, suivant les circonstances, pour accomplir les vœux qu'on avait faits à Jupiter au commencement d'une guerre, étaient bientôt devenus annuels [LEM]. D'autres jeux en l'honneur du Jupiter du Capitole étaient les ludi Capitolini, sur l'origine desquels on n'est pas d'accord, et dont l'histoire est très mal connue.
L'idée que les Romains s'étaient faite du dieu tutélaire de leur État devait devenir de plus en plus générale, sous l'influence de la philosophie grecque. Devant Jupiter Optimus Maximus conçu comme le dieu suprême de l'univers, s'effacèrent à la longue les autres Jupiters de la vieille Rome ; dans les provinces, les Romains n'ont
guère adoré d'autres Jupiters; c'est à lui que les Romains assimilèrent le ZE1g des Grecs, et le dieu principal des peuples barbares avec lesquels ils entrèrent en contact.
L'importance du culte de Jupiter ne devait et ne pouvait que gagner à l'établissement du régime impérial. Protecteur de l'État romain, Jupiter devait être adoré avec une vénération particulière par le prince qui personnifiait cet État; le dieu qui veillait au salut de l'empire était le même qui veillait au salut du prince (fig. !i238)1°; de là ces épithètes fréquentes sur les monnaies et les inscriptions d'époque impériale : conservator
orbis , conservatorAugustorum12, conservalorimperaloris lotiusquedomus divinae 13, conservator imperii 14, propugnafor, sospitator, tutator, custos, conservator Aug. Caes.
Augg., etc. A partir de Dioclétien, on remarque que les monnaies au type de Jupiter ne l'appellent presque jamais plus Stator, Victor, Liberator ; la dénomination qui prévaut est celle de Conservator : elle subsiste jusqu'après l'avènement officiel du christianisme''. Beaucoup de ces monnaies impériales montrent, non point Jupiter, mais l'empereur en Jupiter, identifié avec le dieu très grand, très bon, protecteur de Rome 16. Les voeux faits le jour de la naissance de l'empereur sont adressés à Jupiter Capitolin Pareillement, c'est à lui que sacrifie l'empereur quand il part de la Ville ou qu'il y revient 18, à lui aussi que sont adressés les sacrifices des particuliers pro redite, pro sainte, ob victoriam Caesaris 19. Le grand habit triomphal, c'est-à-dire le vêtement même de Jupiter Capitolin, était réservé à l'empereur".
La liste serait longue des marques de dévotion envers Jupiter données par les empereurs. Il suffit de relever les faits les plus saillants. On sait le grand nombre de sanctuaires romains restaurés par Auguste : du nombre sont les temples deJupiter Feretrius, de Jupiter Libertas, deJupifer Stator, de Jupiter Optimus Maximus. Après la guerre des Cantabres (728), oit il crut avoir échappé à la mort grâce à Jupiter 7onans, il dédie à ce dieu, le I septembre 73221, sur la pente sud du Capitole, un temple dont il paraît que Jupiter Capitolin aurait été jaloux, au point d'apparaître en songe à l'empereur et de lui faire reproche". Domitien aussi devait une reconnaissance particulière à Jupiter, s'étant sauvé dans le temple du Capitole lors de l'entrée des Vitelliens à Rome 23; il voua un temple à Jupiter Custos, frappa monnaie au type de Jupiter Conservalor, et dédia à ce dieu l'histoire de son salut, figurée en relief. En 86, voulant renouveler dans Rome les fêtes qui avaient jadis illustré Olympie, il fonde lagon Capitolinus24, fête pentétérique22, que l'empereur présidait, et oit il couronnait les vainqueurs de la couronne de chêne LCOlloxA, p. 1531 ; une grande place était faite dans ces jeux à la musique, à la poésie et à l'éloquence"; le thème ordinaire des compositions était l'éloge de l'empereur identifié avec Jupiter Capitolin 27 : ce concours musical et poétique a duré très longtemps 28 ; c'est de là qu'est venue an moyen âge la tradition de couronner les poètes au Capitole".
Lorsque la dyarchie se fonde, Dioclétien et Maximien prennent les surnoms, l'un de Jovius, l'autre d'Ilerculius30, les inscrivent sur leur monnaie ; ces empereurs se donnent comme les propres fils de Jupiter Optimus Maximus. Les portiques de Pompée, rebâtis par Dioclétien, deviennent les portiques Jovien et Herculéen 31, sont dédiés au Genius Jovii (Ilerculei) Augusti. Jupiter est le modèle de Dioclétien, Hercule celui de Maximien ; celui-ci est le bras dont se sert la sagesse de l'autres: tu fecisti fortiter, ille sopienter 32 ; c'est ainsi du moins que les panégyristes
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expriment l'idéal des deux empereurs. Les surnoms Jovius et Herculius passent à leurs fils et petits-fils adoptifs'. Jupiter dans l'art romain. La plus ancienne statue du Jupiter romain fut la statue du temple de Jupiter Capitolin, commandée par Tarquin l'Ancien au Véien Vulca 2. Elle représentait le dieu assis, vêtu du manteau, la dextre tenant le foudre ; le visage, barbu, était repeint en rouge à certaines fêtes Cette idole archaïque fut détruite avec le temple du Capitole, en l'an 671 de home.'`. Sur le fronton de ce temple primitif, il y eut d'abord un quadrige de terre cuite, probablement le quadrige de Zeus 5, qui fut remplacé en 458 par un autre quadrige de bronze, celui-ci offrande des Ogulnii G. De l'époque républicaine, il ne nous reste pas d'autres représentations de Jupiter que celles des monnaies. La tête de Jupiter barbu servit de type à d'anciennes pièces de cuivre (semis) ; elle paraît plus tard sur les victoriates et les deniers. Nous reproduisons (fig. 4239) le plus ancien semis au type de la tête de Jupiter (486 de Rome) ; c'est, on le voit, un type emprunté à l'art hellénique, qui n'a pas besoin de légende pour être interprété; la lettre qui est sous la tête signifie semis. Sur des monnaies de la famille Petillia, on lit derrière la tête du dieu Capitolinus. Ces monnaies durent être frappées dans les derniers temps de la République'. Sur un grand nombre de deniers, par exemple sur ceux des Cornelii Claudii, on trouve un autre type de tête (fig. 4240) : Jupiter est représenté jeune, imberbe, l'air énergique, les cheveux au vent; le revers montre parfois le même dieu jeune, debout, portant le foudre d'une main, et sur l'autre son aigles. D'autres deniers do la République montrent (fig. 4241) Jupiter porté sur un quadrige courant; le dieu tient le sceptre et le foudre; il est guidé par la Victoire lo -La plus ancienne représentation de la triade Capitoline -ne date que de 655 (denier de Cri. Cornelius Blasio) : elle
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nous montre Jupiter imberbe, nu, debout, appuyé au sceptre, tenant le foudre de la main gauche ; à sa droite, Junon ; à sa gauche, Minerve, qui le couronne"; on le voit, ce denier ne reproduit point la
« statue du culte » de la cella du temple Capitolin, puisque l'oeuvre de Vulca montrait Jupiter barbu et vêtu du manteau. Cette remarque permet de douter que les deniers au type du quadrige de Jupiter soient imités du quadrige qui surmontait le fronton du premier temple
capitolin. Le second temple du Capitolin, reconstruit par Lutatius Catulus, avait comme statue de culte une statue chryséléphantine, à l'imitation de celle du Zeus d'Olympie; de cette statue chryséléphantine non plus, la numismatique romaine n'offre pas de reproduction.
Parmi les représentations numismatiques de l'époque impériale, il faut remarquer particulièrement : 1° les beaux médaillons de Trajan, d'IIa
drien et d'Antonin le Pieux, qui nous montrent la triade capitoline, debout ou assise (fig. 4242) 12 ; 2° un type ordinairement accompagné de l'inscription Jovi Victori, et qui représente le dieu assis, tenant la victoire sur la main droite avancée, la main gauche appuyée au sceptre ; c'est le type qui parait vsous lalégende JoviVictori) sur un
beau médaillon d'Hadrien 13; 3° le type de Jupiter Conservator (plus haut, fig.4238), qui montre le dieu debout, couvrant de son manteau l'empereur, qu'il dépasse de la tête 1S.
Les représentations statuaires de Jupiter ne diffèrent en rien de celles de Zeus '5. On remarquera que l'idée de faire présider les douze grands dieux aux douze mois de l'année est propre à l'Italie : c'est l'idée qui inspire des monuments comme le relief des douze dieux, du Louvre", ou comme une peinture de Pompéi ", dans laquelle Jupiter paraît sous les traits d'un jeune homme imberbe; l'intaille du musée de l'Ermitage qui le représente imberbe [AEGIS, fig. 146] est aussi de l'époque romaine 16.