Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

KALLYNTERIA

$ALLYNTERIA (KxUuvTrtpta).-I. Fête athénienne en l'honneur d'Athéna Polias 1. Cette fête a des liens étroits avec celle des Plynteria ; elles veulent être étudiées ensemble. Elles sont caractérisées par des cérémonies de purification, en l'honneur d'Athéna; mais elles se distinguent d'autres fêtes analogues, en ce qu'il ne s'agit pas de la purification des fidèles, Inais de la purification du sanctuaire et de l'image sacrée de la déesse. Ces deux fêtes avaient lieu dans le mois Thargélion (mai). D'après le témoignage le plus précis que nous ayons à ce sujet, celui du lexicographe Photius, les Kallynteria se célébraient le 19 du mois et les Plynteria le 29 2. D'après Plutarque, la date des Plynteria serait le 25Thargélion 0. En tout cas, les auteurs s'accordent à placer les Kallynteria avant les Plynteria, et à considérer les deux fêtes comme solidaires l'une de l'autre. Pourtant, on a mis en doute le témoignage de Photius, en considérant le sens étymologique des deux mots 4. Nous verrons que ces fêtes comportaient, en particulier, le lavage du temple, le baiil de l'image sacrée de la déesse, et une cérémonie où l'on parait à nouveau la déesse ; il semble que le mot Ilauvrslptce doive s'appliquer aux premières de ces opérations, et le mot I )i),ovT'pta à la dernière ; et, comme on devait nécessairement baigner la déesse avant de l'habiller, les Plynteria devaient précéder les Kallynteria. Le texte de Photius soulève une autre difficulté; il fixe pour le jour des PLYNTEInA le deuxième jour avant la fin du mois Thargélion ; or, d'après un témoignage formel de Xénophon 6, le jour des Plynteria était un jour de congé officiel, où les affaires publiques étaient arrêtées ; et nous avons, d'autre part, la mention d'une Lr.x)-rlala qui a siégé précisément le '29 Thargélion 6; ce ne peut donc être le jour des Plynteria. La théorie la plus généralement acceptée aujourd'hui, sur ce sujet, consiste a concilier du mieux possible les témoignages de Plutarque et de Photius. On admet, pour les Plynteria, la date du 25 Thargélion donnée par Plutarque ; et on en croit Photius quand il place les liallyn KAL 800 KAL teria avant les Plynteria 1. Mais alors il faut expliquer les mots KaUuvtiripta et IIauvtlptx ; le mot Ilnuvr7iptx désigne nécessairement la cérémonie du bain de la déesse; les Kxnnuv-riptce seraient alors la cérémonie préparatoire du nettoyage du sanctuaire d'Athéna Polias sur l'Acropole. Il semble, en effet, que cette hypothèse soit la plus raisonnable ; nous verrons qu'elle rend assez bien compte des cérémonies diverses de ces fêtes, telles que nous les connaissons par les textes. Le problème est d'ailleurs très compliqué ; car, si vraiment les deux fêtes sont connexes, comment se fait-il qu'un intervalle de cinq jours, du 19 au 2 Thargélion, sépare les deux parties logiquement unies de la fête? Aucun témoignage ne nous autorise à admettre que la fête durait cinq jours consécutifs, d'abord sous le nom de Kallynteria, ensuite sous celui de Plynteria. On a remarqué, d'autre part, que dans cet intervalle les Athéniens célébraient au Pirée la fêle des BENDIDEIA ; et on a supposé que les Kallynteria n'étaient que le prélude des Bendideia ; mais cette hypothèse ne s'appuie sur aucun texte, et elle a l'inconvénient d'isoler les Plynteria des Kallynteria, contrairement au témoignage formel de Photius 2. Aug. Mommsen essaie de résoudre le problème en expliquant l'origine même de ces fêtes 3. Les légendes relatives à l'origine des fêtes des Kallynteria et des Plynteria ne sont pas très claires. C'étaient essentiellement des fêtes d'Athéna Polias. Mais, en même temps, plusieurs textes attestent que la fille de Cécrops, Aglaure, y avait une place importante [cECROPInES]. Photius nous dit que le nom de Kxnnu';Trl; tx vient de ce qu'Aglaure avait été la première prêtresse d'A,théna, chargée de laver et de parer la statue de la déesse. Il rattache aussi les Plynteria au souvenir d'Aglaure: cette fête aurait été instituée en mémoire de ce fait qu'après la mort d'Aglaure les vêtements de la déesse restèrent un an sans être lavés. IIésychius dit formellement (lue la fête des Plynteria était célébrée en l'honneur d'Aglaure On rappelle aussi le témoignage d'llarpocration qui dit qu'une tradition identifiait Aglaure et Athéna s. Ces divers témoignages sont difficiles à concilier. Nous ne pouvons pas admettre que ces fêtes fussent celles d'Athéna-Aglaure; car, que viendrait faire ici le souvenir delamortd'Aglaure, dont parle Photius ? Il serait bien étrange que la fête eût été célébrée à la fois en l'honneur d'Athéna et d'Aglaure ; car la légende qui rapproche Aglaure d'Athéna nous montre Athéna faisant périr Aglaure d'une mort violente pour avoir, malgré sa défense, ouvert le coffret d'Erichthonios [cECnoPIDES]. Si certaines légendes attribuent le crime aux trois filles de Cécrops, d'autres en rendent responsable Aglaure seule 7. On comprend donc que la mort d'Aglaure ait pu être commémorée aux Plynteria, mais non que la fête fût célébrée en son honneur. Il reste que les Kallynteria et les Plynteria sont des fêtes d'Athéna Polias, mais que le souvenir d'Aglaure y est associé. Voici comment Aug. Mommsen explique l'origine de ces fêtes, et, du même coup, l'intervalle de plusieurs jours qui, dans la pratique, sépare les Kallynteria des Plynteria. Athéna part en voyage, confiant aux Cécropides le soin d'entretenir et de nettoyer son sanc tuaire, car elles sont les prêtresses de son culte [CECROPIDES, uIxERVA]. C'est le premier acte du drame, commémoré et symbolisé par la fête des Kxnnuvrrlptu. En même temps, Athén aleur a confié Erichthonios, en leur défendant d'ouvrir le coffre. L'absence d'Athéna est censée durer plusieurs jours ; c'est alors que les Cécropides enfreignent l'ordre de la déesse. C'est aussi dans cet intervalle que les Athéniens célèbrent la fête des 1IEFaDIDETA, qui n'a aucun lien avec la précédente. Puis Athéna revient sur l'Acropole, constate la désobéissance de ses servantes, et leur inflige un châtiment terrible. C'est la seconde partie du draine, commémorée et symbolisée par la fête des Plynteria, le 25 Thargélion, plusieurs jours après celle des KxanuvTripiz. Tout ainsi s'explique, l'intervalle entre les deux fêtes, le caractère particulier de la seconde fête, qui s'adresse à Athéna, mais rappelle en même temps la mort tragique d'Aglaure. On comprend aussi que le jour de la célébration des Plynteria fût considéré par les Athéniens, au témoignage des auteurs, comme un jour néfaste, iv Toi; 12ântaTx Tâv â7totiipziwv 8. On comprend enfin les cérémonies particulières de cette fête, sur lesquelles nous reviendrons tout à l'heure : aussitôt après avoir châtié les Cécropides, Athéna, doit songer à purifier le sanctuaire souillé, à se baigner elle-même dans les flots de la nier, à reprendre le nettoyage du temple interrompu par le crime et le châtiment des Cécropides. Aug. Mommsen se demande encore s si, avant d'être des fêtes d'un caractère mystique, les fêtes des Kxnnuvr~ptx et des IlnuvTriptx n'ont peut-être pas été des fêtes agraires. Elles auraient changé de caractère au moment de l'institution des Thargélies agraires [THAROELIA]. Elles seraient donc destinées à célébrer la première récolte du blé au printemps. Elles expriment l'idée de la pureté immaculée d'Athéna; mais, en même temps, elles symbolisent les espérances d'abondance que font naître les fruits qui commencent alors à mûrir. Le soin de veiller sur Erichthonios appartenait en commun à Athéna et aux Cécropides, dispensatrices de la rosée bienfaisante. Erichthonios symbolise la tige de blé sur laquelle veillent les forces associées du ciel (Athéna) et de la terre (Cécropides). Le drame que commémorent les fêtes du 19 et du 2h Thargélion jette brusquement le trouble dans la nature; la mort des Cécropides, c'est la fin des bienfaisantes rosées. On peut donc voir dans ces fêtes des fêtes d'expiation, par lesquelles les laboureurs implorent la réconciliation avec Athéna : ainsi s'expliqueraient les cérémonies solennelles, la purification du sanctuaire, le bain de la déesse, et tous les soins minutieux dont est entouré en ces jours tout ce qui appartient à Athéna. Nous verrons que les figues jouent un rôle dans la procession des Plynteria; la ligue est le symbole des fruits dus aux premiers efforts de la culture, et on sait que le figuier, aussi bien que l'olivier, était considéré en Attique comme un présent d'Athéna10 Décrivons maintenant les fêtes, telles que nous les connaissons par les auteurs et par les inscriptions. Elles commençaient, comme nous l'avons dit, par le nettoyage et la purification du temple d'Athéna Polias, sur l'Acropole 11. Pendant ce temps, le sanctuaire était isolé au moyen de cordes'. Les fonctionnaires du temple, chargés de ces purifications, étaient des jeunes filles qu'on appe lait aouTpcôsç et 7rauvrptâoç 2 et un personnage appelé xxTxv(7r'rriç, qui était, semble-t-il, spécialement chargé de soigner la statue de la déesse 3. Ces opérations préliminaires occupaient sans doute la journée des Kallynteria. Puis venait le grand jour des Plynteria. Nous voyons des prêtresses appelées IIpa;cspyiôat jouer ce jour-là un rôle considérable'. Il semble que les IIpa;tspytôxt formassent un vrai collège; une inscription parle de la 7rzrptoç Ourtx Twv Ilpx;cupycôûv, et une autre nous montre les Ilpa,ispytôac en corps consacrant la statue d'une prêtresse d'Athéna 5. On ne peut pas affirmer que ce collège fût composé exclusivement de femmes. Le rôle des Praxiergidai, au jour des Plynleria, consiste essentiellement à préparer la statue d'Athéna pour le bain sacré, en la dépouillant de ses vêtements et de ses bijoux, et en l'enveloppant d'un voile 6 ; puis, le soir, la fête terminée, à la parer de nouveau 7. Nous ne savons pas quel lien il pouvait y avoir entre les IIoa,tspytôac et les autres fonctionnaires du La statue prête, la procession sacrée s'organise ; il s'agi t d'emporter solennellement la statue vers la mer. Des personnages appelés vof,.oïi6),7.xsç sont spécialement désignés pour préparer la 7cop.:ri,, et la diriger 8. Le cortège se met en marche, pour ne revenir que le soir. Pendant ce temps, la ville est privée de sa divinité protectrice, et c'est pourquoi ettejournée est considérée comme néfaste, et les affaires publiques sont suspendues. Peut-être aussi y avait-il, ce jour-là, sur l'Acropole, célébration de mystères ; Plutarque, à propos des Plynleria, parle des ôpycoi x7rôap-rl-ra célébrés par les Praxiergidai 9 ;let, sans doute, il faut rapporter à la même fête les mystères d'Aglaure, dont parle un texte 10 ; car nous n'avons pas de raison de supposer qu'il y eût une fête d'Aglaure, indépendante des Plynteria ". Une inscription nous dit qu'Athéna recevait une brebis, au jour des Plynleria, comme offrande de purification 12 ; nous ne savons à quel moment de la fête se plaçait ce sacrifice. Ce qu'il y avait de plus caractéristique dans la procession des Plynleria, c'est qu'on y portait solennellement des plats de figues13. Nous avons vu que cette particularité s'expliquait par le caractère agraire de la fète ; mais, en même temps, ces plats de figues, rappelant comment les hommes avaient un jour remplacé l'aliment sauvage du gland far une nourriture plus douce, étaient un hommage à Athéna, la bienfaitrice de la cité. Il faut aussi se rappeler que les IIauvr-ipta étaient une fête expiatoire ; or, nous savons que les figues étaient généralement employées dans les lustrations 14 Le bain de la déesse avait lieu à Phalère; les textes sont formels sur ce point i5, et il est impossible de prétendre, comme on l'a fait quelquefois, que cette partie de la cérémonie se passait soit sur l'Acropole même, soit à la fontaine Kallirhoé f6. C'est l'antique et vénérable ;dxvov d'Athéna Polias qu'on plongeait ainsi dans lainer f7. Puis, le soir venu, le cortège sacré reprenait le chemin d'Athènes, à la lumière des torches ; les éphèbes y avaient leur place d'honneur, comme porte-flambeaux, à côté des IIpa,tsr yiôat18. La statue de la déesse, purifiée, était solennellement replacée dans le temple, et parée à nouveau. II. Une inscription signale des fêtes appelées Ilauvri pta, en l'honneur d'Athéna Rias, à Paros i9. Un mois llauvT't ûv appartient au calendrier de Chios 20 et de Paros 2t, correspondant précisément au Thargélion attique. L. COUVE. qui n'est pas différent de l'hydrie HUMA, p. 319]. Les lexicographes définissent ces deux mots l'un par l'autre ', et les auteurs grecs les emploient indifféremment l'un pour l'autre 2 ; clans une même comédie d'Aristopllane, à quelques vers de distance, le même vase est successivement appelé kalpis et hydrie 3. II semble seulement que le mot ûôpice soit le terme courant en prose; le mot xza7tcç est surtout employé par les poètes'. On a vu à l'article IIYDBIA que l'hydrie servait accidentellement comme vase à recevoir les ossements ou les cendres des morts ; de même le mot I )iircç est employé par Plutarque pour désigner le vase d'argent où Annibal avait déposé les restes de Marcellus 5, et par Ilérodien pour désigner le vase d'albâtre qui contenait les cendres de Septime Sévère6. On appelait indifféremment kalpis et hydrie les vases où on mettait les bulletins pour les votes judiciaires et les tirages au sort'. Le mot Kalpis est quelquefois appliqué à un vase à parfums 8. Enfin, un vers de Callimaque paraît désigner par ce mot une amphore panathénaïque 6. II. Athénée appelle xxasrtov une sorte de vase à boire dont il a trouvé la mention dans le grammairien Pamphilos ; ne le connaissant pas lui-même, il suppose que c'est un vase semblable au axxntov 10. Mais nous ne savons pas ce qu'était le axZ?iov, sans doute un bol creux, comme le mot paraît l'indiquer". L. COUVE.