Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

KATALOGOS

UATALOGOS [DILECTL"sj. IiAT_1LYSEOS TOU DTMOU GRAPHE (IXi Tr),ûaealç Toi ô7)ucu yca.?ri). Dans le droit criminel d'Athènes, les mots Y.ŒT ),uel; To7 ô"il;,.ou désignent toute atteinte à la constitution démocratique, en faveur de l'oligarchie ou de la tyrannie, et peuvent par suite s'appliquer à la plupart des crimes politiques ; ainsi, faute d'une définition précise, les Athéniens n'ont jamais distingué nettement la xx7xauec;'roi 8ruou de la trahison, 7rçoôoc:x. Plusieurs textes réunissent ces deux crimes comme à peu près identiques 1; et ils ont été souvent confondus dans la même répression ; après la chute des Quatre Cents, Antiphon et Archépto-• lémos furent condamnés pour avoir commis des actes de trahison, mais surtout au fond pour avoir participé au gouvernement oligarchique; et l'orateur Lycurgue dit que le décret de Démophantos, dont on va voir le contenu, était dirigé contre les traîtres' ; pendant la guerre du Péloponnèse, Aristarchos fut accusé à la fois d'attentat à la démocratie et de trahison i. D'autre part, la conspiration, _,tir mulalx, et la formation de sociétés secrètes, d'E7xtpe_2s, ont été souvent regardés comme les éléments constitutifs de l'atteinte à la démocratie ° ; et dans des crises politiques le peuple a pu considérer comme attentats aux institutions populaires certains actes criminels, par exemple, en 415, la mutilation des Hermès et la profanation des mystères '. La démocratie athénienne, très soupçonneuse, qui 8 Andoc_ 1, 95-96 (décret de Démophantos) ; Lys. Orat. 20, pour Polystratos accusé d'avoir été xa-aloye!; sous les Quatre Cents ; le titre de ce discours 05905 aaral;icew; $soloyia paraît exact; mais le discours 25 porte à tort ce même titre (cf. Blass, V. se fait souvent garantir le maintien de sa constitution dans ses traités d'alliance avec des villes étrangères a réprimé ces délits politiques avec une rigueur impitoyable ; elle poursuit la simple tentative, la simple intention attestée par un acte quelconque ; elle considère comme coupables de xxrx),uct; Tov ô-rlp.ou les citoyens qui, après le renversement de la constitution populaire, acceptent des fonctions publiques sous le nouveau régime oligarchique ou tyranniques; on peut sans doute juger un coupable même après sa mort, comme dans le crime de trahison ^. La répression de ce délit est très ancienne; la première tentative de tyrannie que nous connaissions, celle de Cylon, antérieure à Dracon-, aboutit à l'exécution immédiate par les Eupatrides d'une partie de ses partisans et à la condamnation des autres à l'exil perpétuel [EUPATBIDES] 10. Une loi de Solon excepta de l'amnistie ceux qui avaient été condamnés par l'Aréopage, ou par les prytanes, ou par les éphètes, pour meurtre ou tentative de tyrannie'''EPILTAI, p. 6i5, col. `?]. Sous le régime de la constitution de Solon jusqu'à Ephialte, c'est sans doute l'Aréopage qui juge les attentats politiques '2, et déjà concurremment avec le peuple ". A partir d'Ephialte, c'est à la fois le sénat des Cinq Cents et l'assemblée du peuple ou les héliastes 1 ; puis, vers le milieu du ive siècle av. J .-C., la juridiction du sénat en cette matière est restreinte à l'amende de 500 drachmes [EISACGELIA] 1i. On ne sait au juste de quelle époque est la clause du serinent des sénateurs où ils s'interdisaient de faire arrêter avant le jugement un citoyen qui pouvait présenter comme cautions trois citoyens d'un cens égal au sien, sauf pour les crimes de trahison ou de xaTD,uctç Toü ôrii,ou ". Nous ne savons pas non plus s'il faut faire remonter jusqu'à Solon, tout en les considérant comme authentiques, les clauses du serment des héliastes relatives à cette matière : les héliastes juraient de ne jamais voter l'établissement d'une tyrannie ni d'une oligarchie, de s'opposer à ceux qui léseraient la démocratie [DIKASTAI] ". Après la chute des Quatre Cents, le décret voté sur la proposition de Démophantos déclarait ennemis publics l'auteur d'un attentat à la démocratie et le citoyen qui accepterait une fonction publique après la chute de la démocratie ; il était permis de les tuer ; leurs biens devaient être confisqués et le dixième consacré à Minerve; les citoyens devaient en outre s'engager par serment à tuer ces criminels et leurs complices, à considérer comme sacrés ceux qui les tueraient et à accorder à ceux qui succomberaient dans la lutte, à eux et à leurs enfants, les honneurs accordés autrefois à Ilarmodius et à Aristogiton I . La forme de l'accusation a toujours été, peut-être même devant l'Aréopage, l'eieayye),ix,portée devant les archontes thesmothètes; un seul texte de loi, suspect au moins pour cette partie, mentionne la forme de la ypcei i 19. La xxTx.nue;ç Tor) ô'ruou figure, avec la trahison et le délit d'association illicite, dans la loi qui a réglementé l'application del'eiexy ü Plut. Sol. 19, 4. Cette clause ligure encore d'une manière assez inexplicable dans le décret d'amnistie de Patrokleidès après la bataille d'Aigos Potamos (Andoc. I. 77-78 . Le passage de Plutarque, Sol. et Popict. comp. 2, 4, fait sans doute allusion à cette loi. -12 Aristot. Ath. pot. 3, 5; 25, 3. 13 Condamnation de Miltiade par le peuple en 490 pour délit de tromperie àl'égard du peuple (Ilcrod. 6, 136). 1i %ristot. 1. c_ 40, 2 ; Andoc. I, 91; Lys. 22, 2 ; Aristoph. Achars. 379 ; Equit. Ce serment est postérieur de quelques années à Clisthène, mais il a pu être modifié (Aristot. Ath. pot. 22, 2 . 17 Dem. 24, 149. 18 Andoc. 1, 96-97 ; Lyc. c. Leocr. § 125. 19 Dem. 46, 26. Pollux (6, 151) ne donne pas le nom générique de l'action. 102 KAT 808 KAT ysnix, dans le vp.o; sicayya-ttxdç 1 qui devait comprendre aussi, d'après Théophraste, le délit de l'orateur cherchant à renverser ]a démocratie 2. La peine était probablement en général très sévère: Ilypéride dit que dans les siexyy-?,fat d'autrefois, la punition était si grave que les accusés n'attendaient pas le jugement pour s'exiler 3. A l'époque de Solon, c'était l'atimie, peut-être alors identique à l'exil perpétuel, pour le coupable et sa famille. C'était, en général, au ve siècle, la même peine que pour la trahison, c'est-à-dire la mort, avec l'ensevelissement du coupable hors de l'Attique, la confiscation de ses biens et l'atimie pour ses descendants 4. Cependant, la peine pouvait être plus légère quand le délit était moins grave ; il est question d'une simple peine pécuniaire dans un discours de Lysias On a vu que l'accusation comportait l'incarcération immédiate, non pas cependant la mise au secret En 415, dans l'affaire des llerrnocopides, on suspendit momentanément le décret de Scamandrios pour appliquer la question aux citoyens dénoncés 7. Il faut rejeter absolument les textes des rhéteurs d'après lesquels on aurait mis à mort, à Athènes, les enfants et les cinq plus proches parents du citoyen condamné pour attentat contre la démocratie 8. Il est probable que les autres villes, quand leur gouvernement était démocratique, avaient aussi dans leur droit pénal le crime de xurxXuetç Toû 8r i u ; partout les auteurs emploient ces expressions pour désigner les attentats, les conspirations contre la démocratie, les tentatives de tyrannies. Ces délits ont partout été réprimés avec autant et plus de rigueur qu'à Athènes. Les exemples abondent dans les guerres civiles des villes grecques. Les peines sont en général la mort avec ou sans jugement, presque toujours accompagnée de la confiscation des biens, et l'exil perpétuel 10. A Syracuse, c'est contre les tentatives de tyrannie qui suivirent celle de Tyndaridès, en 454, qu'on établit l'espèce d'ostracisme appelé 7CsTaÂtcp.6ç'1. Nous avons la formule du serment civique de Chersonèse, vers la fin du Ive siècle av. J.-C. 12 ; les citoyens juraient, entre autres choses, de ne point trahir la ville, de ne pas attenter aux institutions démocratiques, de ne pas aider ceux qui y attenteraient, de ne conspirer ni contre l'État ni contre aucun des citoyens qui n'auraient pas été reconnus ennemis publics, de dénoncer tout complot, toute conspiration aux magistrats, par la voie de l'sizayys),ta. Cu. LÉCRIVAIN. Dans les siècles les plus lointains de la Grèce, lorsque la justice sociale ne s'était pas encore substituée à la OEp tç privée en matière criminelle, on recourait fréquemment à la pratique de la noyade. Le coupable était jeté à la mer, si lamer était proche; sinon, on chargeait une rivière de l'y porter'. On châtiait ainsi toutes sortes de crimes : la trahison le brigandage ', le meurtre 4, l'adultère s, l'amour illicite 6. Mais le xaTa7tovTt6utiç n'était pas une peine légale, c'était un acte de vengeance exécuté par la partie offensée ou par le peuple en masse. Pourvu qu'il ne revînt pas dans le pays qui le repoussait, le patient pouvait échapper à la mort. On croyait que la protection divine le sauvait toujours lorsqu'il avait été plus malheureux que coupable. Le xxTa7rovttepdç, qui n'était pas la sanction d'un jugement, n'était pas non plus une exécution capitale : il était à lui seul un jugement, le jugement de Dieu. L'offenseur aimait mieux s'y soumettre que de périr sur-le-champ. Nombreux sont les mythes où il saute dans les vagues afin d'échapper à la poursuite du vengeur. Quand les pirates fuient devant Dionysos 7, quand Ino Leucothéa 8 ou les filles de Staphylos ° craignent de tomber sous les coups d'un mari ou d'un père irrité, les voilà qui courent au rivage et s'élancent dans les flots. Thésée, menacé par Minos, va chercher un anneau au fond des abîmes, pour prouver son bon droit10. Ce ne sont plus des coupables qu'on jette à la mer, ce sont des accusés qui s'y jettent d'eux-mêmes. Et, comme s'il y avait là une loi du folk-lohe, dans le premier cas, on est sûrement un homme mort ; dans le second, presque toujours on en réchappe, par la grâce des dauphins, sauveurs de l'innocence. Si le résultat de l'épreuve est si souvent favorable dans la légende, tout au moins pouvait-il l'être dans la réalité. Comment ? Lorsqu'il ne s'agissait pas d'un forfait irrémissible ou lorsqu'il subsistait un doute sur la question de culpabilité, l'homme venait en aide à la providence. Cela est bien visible dans les fables où le héros se précipite dans la mer spontanément, sans qu'on le poursuive. Képhalos, meurtrier involontaire, est le premier à faire le saut de Leucade le saut de la roche infernale 12. Cas typique, qui explique le sens primitif de l'acte : ce n'est pas un suicide, c'est une procédure à l'usage TLUv Ev xiTfatç vTCOV 13. Longtemps après, lorsqu'on fera une fois par an sauter du haut des rochers, comme victime expiatoire, un criminel avéré, on lui attachera de toutes parts des plumes et des oiseaux, pour amortir sa chute, et on le recueillera dans une barque, pour le transporter en pays étranger. Qu'on examine les contes oh l'autorité paternelle punit les filles séduites (comme Danaè Augè 15, Sémélè 16 et Ilhoiô 17) ou les mauvais fils (comme Tennès'8) en les faisant enfermer dans un coffre ()tâpvx) qui est KAT 809 KAT ensuite abandonna sur les flots. Ici le xaTaaov-rtaN.ç est manifestement une peine-ordalie. Quelles que fussent les formalités de 1' « expertise divino-légale » 1, elle devait se faire sur des points consacrés de la côte, tels que les promontoires de Leucade, de Dictynna en Crète de Skylla, près de Trézène 3, les roches Évayeiç ou Skironiennes, près de Mégare le saut de Glaucos, près d'Anthédon b, la baie de Kallonè, à Lesbos 6. L'idée religieuse est donc inséparable de l'idée juri dique dans le XXTa77ov7trfJ2ç de l'époque primitive. On offre une victime aux dieux : à eux de la prendre ou de l'épargner. Tantôt on sacrifie sans délai le criminel surpris en flagrant délit, et alors domine l'idée juridique; tantôt on réserve le criminel pour une fête solennelle, et alors domine l'idée religieuse. Le raraaovTtcfs.d; rituel a laissé bien des traces dans la légende hellénique 7. Il a dû être particulièrement usité dans la période du moyen âge oft se sont répandus les principes de la purification. Dans la patrie de ces principes nouveaux, en Orient, on jetait à la mer des victimes humaines 8. On fit de même en Grèce. Il y fut admis que l'eau de la mer ôte toute souillure 9 sans jamais se souiller 1° et qu'elle « lave toutes les fautes des hommes » 11. Par substitution, on lançait souvent à la mer des animaux 12 ; mais, dans les grandes fêtes ou dans les moments de crise, des victimes humaines y étaient précipitées ou se dévouaient volontairement. Une légende relative à la première colonisation de Lesbos présente à la fois toutes les variétés du x2T1C7ovTtafJ.dç rituel : les Penthilides jettent à la mer un taureau offert à Poseidôn et une vierge offerte à Amphitrite, puis le héros Enalos s'y jette à son tour 12. On voit comment le sens juridique du saut de Leucade fut obscurci par son sens expiatoire et cathartique : à la légende de Képhalos, se substituèrent celles de Leucatès d'Aplu'o (litè 13, de Sappho 16, et désormais un fut précipité, fous les ans, à date fixe, en l'honneur d'Apollon KŒOzpalo; i7. La justice sociale avait depuis longtemps aboli l'usage officiel des ordalies, que la Oipp.d; transmise de génération en génération maintenait dans la conscience des Grecs la croyance à l'épreuve par l'eau. A l'époque d'Eschyle et d'Euripide, on était toujours persuadé que l'homme coupable d'un grand crime, comme l'impiété 18 ou le meurtre 49, ne pouvait impunément traverser la mer ni même un cours d'eau 20. Bien plus tard, les formules d'imprécation ôtaient aux maudits l'espoir de trouver la mer navigable (p. Ox),acca r),cot') 21, Devant les tribunaux, des accusés invoquaient comme une preuve « très grande ef' très digne defoi» , supérieure aux présomptions humaines, ce « signe des dieux », une traversée heureuse 22. Toutefois, la législation écrite ne connaissait plus le xaTa77ovTteft.6ç ni comme moyen de preuve ni comme pénalité. C'est seulement dans les cas exceptionnels où la justice sociale n'avait pas pu supprimer l'autorité de la Oif,.t; que la vieille coutume a persisté. Le père de famille, qui avait perdu le droit de vie et de mort sur ses enfants, pouvait cependant recourir à l'in fanticide avant le jour fixé pour les A1rnRIDROiSIIA [EXPOsITIO, I11FANTICIDIUM]. Depuis les siècles de la légende jus qu'à ceux du christianisme, des milliers de petits êtres périrent prématurément, lancés à la mer ou à la rivière avec une pierre au cou 23. Placés au-dessus des lois, les tyrans employaient très souvent contre leurs ennemis ce mode d'exécution extralégale ; mis hors la loi, ils en étaient victimes. En Sicile, Ilikétas fit jeter à la mer la femme de Dion, sa soeur et son jeune fils : vengeance politique, que ne voilait même pas une parodie de justice 2'. A Méthymna, le tyran Cléoménès fit coudre dans des sacs et précipiter dans les flots trois ou quatre entremetteuses2°, quand la loi portait peut-être la peine de mort en cas de 7 poaym 'e(a 26, mais non la peine de la noyade. Alexandre fit jeter dans le Tigre, chaînes aux mains, des soldats mutinés 27. Pour quelques vers satiriques publiés contre Ptolémée Philadelphe, Sotadès fut enfermé dans un vase de plomb qu'on immergea en pleine mer 28. Bien des tyrans subirent le talion 29, mais seulement pour la forme. On les mettait à mort avant de les lancer à l'eau. Tout en pratiquant la règle Patere legem quant fecisti, le peuple trouvait commode et pieuse cette façon d'expulser un cadavre qui devait légalement être privé de sépulture. Le terrible Proclès, à Épidaure, avait tué sols hôte et fait secrètement porter à la mer le cadavre : il fut tué à son tour, et son cadavre jeté à la mer 30. Coutume indélébile, dont Aratus fit encore l'application au tyran d'Argos Aristomachos 31. Par une remarquable extension, elle fut un jour invoquée contre un citoyen banni par ostracisme : les Athéniens de Samos firent tuer Ilyperbolos et jeter au large son corps enfermé dans une outre 32. Comme on appliquait le vieux principe de la solidarité à la famille des tyrans 33, il ne faut pas être surpris de voir les Locriens, après avoir égorgé KAT 810 KAT la femme et les filles de Denys le Jeune, jeter à la mer leurs corps déchirés ou leurs ossements broyés à la meule' . La Oig.tç étant la seule règle admise en droit des gens, on pourrait s'attendre à voir les Grecs jeter leurs ennemis à la mer. Ils auraient pu invoquer l'exemple d'Achille jetant dans le Scamandre, pour être entraînés à la mer 2, une foule de guerriers 3 morts ou blessés 4. Cependant, à l'époque historique, les véritables Grecs ne se livrent pas à de tels excès C'était bon pour les demi-barbares de Mysie s, de Thrace 7, de Macédoine, de se conduire en temps de guerre comme des Carthaginois $. Ainsi, le roi Philippe, vainqueur des Phocidiens en 332, fit jeter dans le golfe Pagasétique six mille morts et trois mille prisonniers, soi-disant pour punir leur impiété 3. Cet exemple prouve que, sous forme de droit religieux, la Ofp.t; ne cessa pas de faire infliger la peine du r.2iru7vovrtau.d;. A Delphes, cette peine fut maintenue par l'influence de l'oracle dans le système archaïque des répressions usitées contre le sacrilège f0. Les hagiographes racontent encore des histoires plus ou moins véridiques de martyrs jetés à la mer, comme Lucien, au bras de qui on attacha d'abord une grande pierre'',ou Callistrate,qu'onenfermad'aborddansunsacf2. Le xxr271ovrtc(J.d; symbolique a toujours subsisté en Grèce et s'y retrouve très fréquemment. Il a conservé, dans les siècles historiques, ce caractère d'ordalie qu'avait, dans les siècles légendaires, le xxrxTOVrtcud; réel. A Palika, en Sicile, l'accusé jetait dans ',certaines sources sulfureuses une tablette portant son nom: il était proclamé innocent, si la tablette qui le représentait revenait à la surface; coupable, si elle restait au fond 13. A EpidaureLiméra, l'épreuve se faisait dans un étang consacré àlno, avec des gâteaux probablement à forme humaine ; mais c'était un signe favorable s'ils enfonçaient ''°. Pas d'hésitation possible sur l'origine de cette procédure judiciaire et de cette consultation religieuse. N'y a-t-il pas là de quoi expliquer pourquoi les Athéniens, après le retour d'Alcibiade, jetèrent à la ruer les stèles oit était gravée sa condamnation'", pourquoi des concitoyens l6 ou des confédérés 17 se lièrent parfois en plongeant dans les flots des masses de fer? Ces cas de XIT31715vrtrN.d; symbolique ne sont-ils pas en rapport de filiation avec l'ordalie primitive? Le xxr27ovTtcu3; à caractère de peine s'est également perpétué sous la forme symbolique. Les Grecs n'ont jamais renoncé, comme on l'a vu, au rxrxnovTtcild; des morts. Achille jetait ses ennemis à l'eau i8 pour qu'ils fussent dévorés par les poissons 10 et privés de sépulture éternellement 20. La même idée explique le traitement appliqué dans toute l'antiquité aux tyrans et aux impies. Elle se combine toutefois, après la période. homérique, avec l'idée de la souillure attachée aux grands forfaits 2t et de la purification par l'eau et surtout par l'eau de mer. Aussi admet-on qu'il faut expulser du pays par jugement exprès (û-epoptety) tout animal ou tout objet qui a causé mort d'homme, et cette expulsion se fait souvent par xcrx71611Ttsliç. Au Ive siècle, dans un cas où les tpuaoGrcùsi; d'Athènes auraient fait jeter sur la frontière le corps du délit 22, le tribunal de Thasos fit jeter à la mer une statue coupable d'homicide 23 Conservée dans les institutions judiciaires, la coutume tin rxrx71o'Ttai,.dç le fut, à plus forte raison, dans les cérémonies religieuses. Elle représenta le principe expiatoire et lustral par les symboles les plus variés et les plus ingénieux. Alapointede Leucade, le xo;stiç, quoique mitigé, est réel, même lorsque le rôle du criminel revient à un prêtre 2+. Mais, dans les Thargélies d'une ville ionienne au vie siècle, ce sont les cendres des ',xoi,.aro( qui sont dispersées sur la mer au gré des vents 23. A Ténédos, le sacrificateur, après avoir immolé la victime, court sous une volée de pierres jusqu'à la plage voisine2G. A Athènes, on ne s'en prend pas aux hommes. Pendant les Bouphonies [DIPOLEIA, p. 2701, c'est la hache du sacrificateur, condamnée solennellement, qu'on porte à la mer 27. A d'autres moments, on va noyer au large l'agneau émissaire, le x .0aro;28. Lorsque nous voyons les mystes des Éleusinies faire des ablutions et laver des victimes dans les Ilheitoi au jour dit "A),2lu (1t)Tac [ELELSISIA, p. 565-566j, les femmes de Tanagra plonger dans la mer tout près du F)rdrou Till ô-fez les femmes d'Alexandrie lancer dans les flots la statue et les « jardins n d'Adonis [AnoNts, p. 73] 30, ou même les Athéniens consacrer (les statues de jeunes filles à Poseidôn 3L, nous devons reconnaître dans tous ces faits des vestiges 1l en est de même de certaines offrandes faites aux fleuves et aux fontaines. La légende parlait d'une vierge et d'un garçon jetés chaque année dans le fleuve Ameilichos en l'honneur d'Artémis Triclaria32; l'épopée racontait qu'on honorait le Scamandre en y lançant des chevaux 33. A l'époque historique, on côntinue de se racheter, les jeunes gens surtout, par l'offrande symbo lique de la chevelure 3+ [co3A, p. 1368,. GUSTAVE GLOfZ. IiATASIIOPÈ (hxrxcxoar;). Espionnage militaire. Dans la Grèce primitive, l'espionnage militaire ne relevait d'aucun tribunal : il était châtié par les voies sommaires L'Iliade représente le Troyen Dolon surpris en flagrant délit et tué sur place sans autre forme de KAT 811 KAT procès'. Le roi d'Orchomène, Aristocratès, personnage déjà historique, fut convaincu par des lettres interceptéês d'avoir entretenu des intelligences avec l'ennemi : il fut lapidé par ses sujets 2. On voit par ces exemples l'espionnage puni au nom de l'intérêt commun par des chefs ou par le peuple, mais sans être défini en droit, sans être distingué de tout autre attentat contre l'État, sans même être soumis à un jugement régulier. Lorsque la trahison fut réprimée par la justice sociale, on dut établir des différences théoriques selon que le prévenu était citoyen ou non. Ces différences tenaient, non seulement au statut des personnes incriminées, mais à la nature même du crime ; car le citoyen avait occasion de trahir sa patrie par les moyens les plus divers 3, tandis que l'étranger nuisait à un pays qui n'était pas le sien et ne pouvait guère le faire que par la pratique de l'espionnage. Voilà pourquoi, en droit attique, le citoyen est accusé d'espionnage par l'action LIA] : z Tiexolto; en fait, il est qualifié r;po3r'; par la Le non-citoyen accusé d'espionnage n'est jamais traité de 7,0U'r-riç : seul, il se trouve dans la situation juridique du .xTcxoîtoç''. Sans doute, on est tenté de croire, d'après un passage de Démosthène 6, que le citoyen complice d'un non-citoyen est entraîné par lui dans la procédure applicable à la xaTxaxo77.r) ; mais le vague d'une injure non accompagnée de poursuite' et la rigueur absolue du principe de disjonction posé par le décret de Kannônos s défendent de supposer qu'en aucun cas on se soit départi de la distinction fondée sur la condition civile de l'espion. Il nous suffit donc de rechercher comment la législation athénienne se comportait à l'égard de l'espion étranger. Il n'existait point d'action spécifique appelée ypxp•' xx'aexoir ç 9. Les pouvoirs publics trouvaient assez d'armes dans les arsenaux du droit militaire et du droit criminel, pour qu'on n'eût jamais senti le besoin d'en forger une pour frapper les espions étrangers. A l'armée, les affaires ordinaires d'espionnage ressortissaient peut-être aux cours martiales. Cependant, on n'a conservé aucun exemple d'une pareille procédure. On sait seulement que, dans le cas de flagrant délit, le stratège prononçait de son autorité propre sur le sort des espions arrêtés i0. Charès, ayant découvert les espions qui infestaient son camp, leur infligea la peine qu'ils méritaient (â;(wç ixôaace)), sans plus ample formalité'' Pendant l'expédition de Sicile, Lamachos fit périr à coups de bâton un homme d'origine servile qu'on avait surpris correspondant avec l'ennemi par des signaux de feu12. Que la peine de l'APoTYilpANIsios fût réservée aux étrangers ou attachée à des crimes déterminés sans acception de personnes 13, il importe peu dans le cas particulier de la xzraexo7u . Mais à la ville, devant la juridiction ordinaire, quelle était la procédure? Une espèce nous est révélée par Démosthène, Eschine et le Pseudo-Plutarque". Anaxinos d'Oréos, qui séjournait à Athènes sous le couvert d'entreprises commerciales ", fut accusé d'espionnage par Démosthène. Mis à la torture deux fois, il ne laissa pas échapper d'aveux. Il n'en fut pas moins condamné à mort et livré aux Onze. Dans tout cela, on ne voit pas à quels magistrats revenait l'hégémonie et à quels juges la connaissance de l'affaire. On l'attribue généralement aux stratèges 16, mais sans preuves. D'autre part, on ne remarque pas assez le rôle capital joué par l'accusateur. C'est lui qui découvre les menées de l'espion et procure son arrestation, lui dont les conclusions sur la question de peine sont adoptées par la sentence. Il y a là des analogies frappantes avec une autre espèce. Antiphon, dont le nom avait été rayé sur la liste des citoyens, promit à Philippe de mettre le feu aux arsenaux maritimes. Démosthène le surprit, caché au Pirée, et l'amena à l'assemblée, où Eschine le fit relâcher. Mais après une nouvelle instruction, l'Aréopage le ressaisit et par une ApopIIAsls le ramena devant le peuple. Cette fois, il fut attaché à la roue et condamné à la peine capitale " Antiphon a été poursuivi, non pour incendie, ruais pour faits d'espionnage, pour attentat contre la sûreté de l'État. La procédure employée contre lui est plus poli tique que judiciaire : c'est l'eisangélie [EISAGGELIA, INCEN01CM]. Tel est le cas d'Anaxinos. Tous les deux, Anaxinos et Antiphon, sont cités devant le peuple18 par la voie de rible formule : « Quiconque livre une ville, des vaisseaux, une troupe de terre ou de mer, quiconque se rend chez l'ennemi sans mission publique, ou s'établit chez l'ennemi, ou prend du service à l'ennemi, ou reçoit des présents de l'ennemi... i9 De ce chef, il n'y a donc nulle, distinction entre les citoyens et les étrangers inculpés d'espionnage, entre les 7tpoaô7at et les XKTxexo7tot. La seule différence certaine, c'est que les citoyens ne sont pas soumis à la question, tandis que les étrangers le sont régulièrement20. Peutêtre aussi le mode d'exécution n'est-il pas le même. Pour les x rxo7tot, l'emploi du bâton n'est pas invraisemblable : chez les Athéniens, l'APOTYMPANISolOS n'était pas seulement usité dans les camps, et on le voit servir aux Syracusains pour mettre à mort des espions politiques, assimilés à des espions militaires 21. A aucune époque en Grèce, l'étranger prévenu d'espionnage n'a donc pu compter sur une justice impartiale ni même obtenir ce minimum de garanties qu'offre une juridiction de droit commun. A l'armée, Lamachos et Charès traitent les espions comme les traitait Diomède, sauf qu'ils ne les tuent pas de leur propre main. A la ville, un Anaxinos et un Antiphon ne sont pas KEK 812 KEK massacrés sans plus ample informé, comme l'a été Aristocratès; mais, après une instruction hâtive, une foule passionnée rend contre eux un arrêt de mort. G. GLOTZ. coiffure féminine qui a été à la mode en Grèce, et particulièrement à Athènes, à l'époque classique. Les descriptions des auteurs sont très sommaires' ; suffisantes pourtant pour nous permettre de reconnaître avec assez de certitude le kékryphale parmi les innombrables types de coiffures féminines. Le mot lui-même indique le caractère essentiel de cette coiffure. On en a proposé diverses explications La plus vraisemblable est celle qui rattache le mot xmxpéçaaoç au radical du verbe xpû7.rw 3. Le kékryphale est essentiellement une coiffe sous laquelle est dissimulée la chevelure. C'est d'ailleurs l'explication que donne un lexicographe ancien4. Les textes nous enseignent aussi que le kékryphale est une coiffe d'étoffe tissée, qui enserre la chevelure L'épithète Mtarlnnç, qui est jointe quelquefois au mot xExpS?a),oç, paraît indiquer que cette coiffure est d'origine ionienne 6. Enfin, nous savons que le xaxoé?x),oç était aussi appelé xooxûpavToç coiffe lissée à latrame7. Avant le ve siècle, le mot kékryphale ne se rencontre qu'une fois dans la littérature, dans l'Iliade'. C'est au chant XXII, dans le passage où le poète décrit la coiffure (l'Andromaque. llelbig, qui a fait une étude approfondie de ce passage, constate que le mot ne se trouve pas ailleurs dans l'Épopée : « Il faut en conclure ou bien que le kékryphale n'était pas la coiffure ordinaire des femmes ioniennes de cette époque, ou bien que la coiffure se transforma dans les intervalles entre lesquels parurent les différentes parties de l'Épopée °, » Voici comment llelbig analyse ce passage 10. Le poète représente Andromaque arrachant d'un seul coup sa coiffure qui apparaît, dans ces vers, assez compliquée. Elle se compose de ômft.vov. Le sens de trois de ces mots, qui sont connus par des textes de l'époque classique, n'est pas douteux : le x6xpi ),oç est un bonnet qui recouvre la plus grande partie de la chevelure, ne découvrant que la naissance des cheveux sur le front ; 1 N..aa; est un diadème de métal AMPVx] ; lo xiaint..vov est un mantelet qui, jeté sur la tête, laisse à découvert le visage. Il est plus difficile de déterminer le sens exact du mot 7r)Exti-rl âvaôsaN.-r, ; si l'on s'en réfère à l'étymologie, c'est un objet tressé, qui lie quelque chose en hauteur. Cette définition reste vague, mais elle s'éclaire, si l'on se reporte aux monuments de l'art étrusque. On ne peut lire les vers du poète relatifs à la coiffure d'Andromaque, en face des plus anciennes peintures murales des tombes étrusques, sans être frappé de la parfaite concordance des moindres détails ". Les femmes, dans ces peintures, portent un haut bonnet, raide, arrondi au sommet, qui couvre entièrement la tête et ne laisse apercevoir qu'un étroit bandeau de cheveux sur le front; c'est le xmxpl Œ),oç. Immédiatement au-dessus du front, cette coiffe est entourée d'un bandeau d'étoffe plissée du d'un diadème, métallique : c'est l'~I,.7cu;. « Au sommet de la tète, un bourrelet épais d'étoffe maintient la coiffe sur le crâne et corrige agréablement, au point de vue de la plastique et (le la couleur, la raideur de cette sorte d'entonnoir en étoffe qu'est le kékryphale » : c'est la r),Ext-rl'&vaô~cu~'3. Enfin, une sorte de mantelet est; posé sur le bonnet, tombant des deux côtés de la tête, et laissant le visage à découvert : c'est le xp-rlômvov (fig. 3105). Cet ensemble forme un tout qu'il devait être facile, dans un n'ouverrlent de colère ou de désespoir, d'arracher d'un seul coup ; ceci encore confirme le rapprochement entre les peintures étrusques et les vers de l'Iliade. Si, comme nous le pensons, Ilelbig a vu juste, nous pouvons nous faire une idée claire du kékryphale homérique. Sans doute le bonnet (les femmes étrusques n'a jamais porté le nom de xExpé?a),oç [coma, p. 136i, r:TRb, SCI, FLAMEI\, p. 2070] ; il faut plutôt y reconnaître le TI'TULUS [fig. 1839, 2777, 2810, 2812, 2822, 283i]. Mais nous n'en avons pas moins le droit d'admettre que le kékryphale d'Andromaque était quelque chose de semblable : ce n'était pas une coiffe légère, s'adaptant bien aux formes de la tête, comme à l'époque classique, mais un haut bonnet raide, analogue à la coiffe empesée des femmes bretonnes. S'il en est ainsi, il n'est pas téméraire de reconnaître le prototype du kékryphale d'Andromaque dans la coiffe de quelques très anciennes figurines de l'époque mycénienne'. Mais ce sont encore les coiffures étrusques qui en donnent l'idée la plus exacte. D'ailleurs, llelbig a longuement montré 's que les Grecs d'Ionie n'avaient pas été les inventeurs de ce type de coiffure, et (pue, très anciennement, chez les peuples asiatiques, le haut bonnet raide avait été une coiffure courante,, commune aux hommes et aux femmes. Pour ne parler ici que de la coiffure féminine, et pour ne pas multiplier les exemples qui sont recueillis très nombreux dans le livre d'Ilelbig sur l'Épopée homérique, il ressort de plusieurs passages de l'Ancien Testament que les Juives en grande toilette étaient coiffées d'un haut bonnet 10, Sur un bas-relief assyrien de Kouyoundjik, les femmes sont représentées portant un bonnet haut et raide coupé de rubans, et sur ce bonnet une sorte de mantelet : c'est donc une coiffure qui ressemblebeaucoup à celle d'Andromaque 17. Enfin, les monuments archaïques KEK 813 KEK de l'île de Chypre et certains monuments phéniciens trouvés en Italie, particulièrement des statuettes de terre cuite, montrent que les femmes phéniciennes (comme les divinités féminines représentées par l'art chypriote) portaient une coiffure semblable 1. Quoi qu'il en soit, le kékryphale, tel que nous venons de le décrire, n'a pas été adopté en Grèce, à l'époque classique. En tout cas, dans la masse énorme des monuments figurés de toutes les époques qui nous sont parvenus, nous ne rencontrons que sur un très petit nombre d'exemplaires des figures de femmes coiffées du haut bonnet, raide, conique. Je citerai., par exemple, une statuette de terre cuite de Tanagre 2 et une peinture de vase à figures rouges 3. Je ne pense pas qu'on puisse citer beaucoup d'exemples semblables. Le kéléryphale de l'époque classique n'est pas un bonnet, façonné, de forme fixe, qu'on n'a qu'à poser sur sa tète, en y faisant entrer ses cheveux. C'est une pièce d'étoffe rectangulaire, qui n'a pas de forme par ellemême ; chaque femme en enveloppe sa chevelure à son gré. Le gotit individuel et la mode peuvent diversifier à l'infini les modes d'enroulement et d'ajustement du kékryphale. C'est ainsi qu'en France, de nos jours, le mouchoir est la coiffure caractéristique de toutes les paysannes de la région du Sud-Ouest ; mais, si la pièce d'étoffe est partout la même, il y a autant de types de coiffures que de provinces. Nous ne pouvons avoir la prétention de dresser ici un catalogue complet des divers types de kékryphales qui sont connus; nous essaierons seulement de faire connaître les types principaux. Il n'est pas vraisemblable que ce mode de coiffure ait été en vogue beaucoup avant le commencement du te siècle. Dans la céramique, le kékryphale apparaît pour la première fois sur des vases à figures rouges de style sévère; il parait être beaucoup moins connu dans la période des vases attiques à figures noires. D'autre part, les sculpteurs archaïques d'Athènes, au vit siècle, ne le connaissent pas. La mode en a dît venir de la Grèce orientale, à l'époque où l'Athènes de Pisistrate naissait à la civilisation, et où l'influence ionienne se manifestait si puissamment partout, dans les moeurs, dans le goût, dans l'art. Peut-être cette mode ne s'est-elle pas imposée tout de suite ; en tout cas, d'après le témoignage des monuments figurés, le kékryphale n'est vraiment devenu la coiffure favorite des femmes d'Athènes qu'au commencement du ve siècle. Les plus anciens monuments de la sculpture grecque où il soit nettement reconnaissable sont des bas-reliefs funéraires de style ionien. C'est d'abord la fameuse stèle de Pharsale (fig. 4233) qui doit appartenir encore au vie siècle; les deux jeunes filles portent la même coiffure, que Itayeta décrite ainsi : « Les cheveux sont maintenus par une pièce d'étoffe qui s'enroule autour de la tète, et forme derrière la nuque une sorte de poche où est en fermé le chignon; les bouts de cette pièce d'étoffe sont ramenés en avant par-dessous la partie qui enserre la tète, et retombent devant les oreilles en formant de petits plis régulièrement superposés ». C'est ensuite la stèle de Philis, trouvée à Thasos, et appartenant comme la précédente au musée du Louvre ; ici le mode d'ajustement du kékryphale est différent; la coiffe est simplement enroulée autour de la tète, découvrant les boucles de cheveux sur le front ; elle s'ouvre par derrière, pour laisser passer Fextrémité des mèches s. Cette stèle est une oeuvre ionienne du commencement du ve siècle. L'influence ionienne n'est pas moins manifeste dans une série de plaquettes votives de terre cuite, trouvées sur l'Acropole d'Athènes, et contemporaines sans doute de la stèle de Philis. La déesse qui y est figurée est coiffée aussi du kékryphale, qui enveloppe ici complètement la chevelure, en découvrant seulement l'oreille et la naissance des cheveux 6. Une fois adopté par les Athéniennes, le kékryphale est vite devenu une des coiffures à la mode. Nous le savons par le témoignage d'Aristophane 7. L'industrie des xexpayxaoraôrot ou axxy'J 9h'rxl, termes synonymes 8, devait être une industrie florissante 0. Les kékryphales étaient faits de soie, de lin ou de laine 10 ; ils étaient souvent de couleurs voyantes 11. Il est probable que Pline voulait parler du kékryphale, quand il rapportait que Polygnote de Thasos coiffait volontiers les femmes qu'il peignait « énitris versicoloribus » 72. D'ailleurs, nous savons, par les peintures de vases, que les kékryphales n'étaient pas toujours de teinte uniforme, mais qu'ils étaient souvent décorés de broderies en couleurs (fig. /4254). 1leulé se trompait quand il écrivait que cette coiffure était un signe caractéristique des nymphes ou des simples mortelles, et non des déesses 1'°. Les peintures de vases du v' siècle nous apprennent que la coiffure en kékryphale était donnée aux plus grandes divinités 1J. Du reste, nous possédons une inscription de Samos, où sont énumérés les objets dont se composait le yÀty.oç de la Véra samienne, au milieu du Ive siècle avant notre ère; nous y voyons figurer des des aWstdUvx: et des xer.pl; IïEK -814-KEK rvxar. 1. Le kékryphale était à Athènes la coiffure à la mode, pour les femmes de toute condition; et, dans l'art, il est attribué à des déesses comme à de simples mortelles, à des jeunes filles comme à des matrones, à des maîtresses comme à des servantes 2. Les monuments figurés de tout genre, du ve et du ive siècle, où l'on peut étudier le kékryphale, sont extrêmement nombreux. Ce sont naturellement d'abord les monuments de la sculpture proprement dite, statues et bas-reliefs. Pour ne rappeler que quelques oeuvres connues de tous, de l'époque des grands maîtres du vit siècle, je citerai le fronton ouest d'Olympie, où la jeune femme enlevée par un Centaure est coiffée d'un élégant kékry phale dont les extrémités sont nouées audessus du front'; la frise orientale du Parthénon, où la jeune femme communément appelée Peitho porte la même coiffure, avec cette variante que le kékryphale est ouvert par derrière pour laisser passer quelques mèches de cheveux (fig. 1-233) Il faut aussi rappeler toute la série des figures au kékryphale, statues ou tètes isolées qu'on groupe volontiers, mais sans bonnes raisons, sous la dénomination commune de figures de Sapho. Les collections de bas-reliefs, votifs c ou funéraires fournissent aussi d'innombrables exemples de figures féminines coiffées du kékryphale (fig. 3651 . De précieux documents sont fournis par les statuettes de terre cuite, de Tanagre et d'ailleurs 8. Le témoignage des monnaies montre aussi que le kékryphale n'était pas à la mode à Athènes seulement; je rappelle, par exemple, que le kékryphale est la coiffure d'Arét.lurse sur les monnaies de Syracuse', d'Aphrodite sur les monnaies de Corinthe 10, de Sapho sur les monnaies de Mitylène (voir plus loin, fig. 41259). Mais les peintures de vases sont le plus riche trésor oit nous puissions puiser, pour étudier le kékryphale. Les modèles qu'ils nous fournissent sont extrêmement variés. Comme les céramistes du vit siècle s'inspiraient manifestement des modèles qu'ils avaient sous les yeux, il apparaît clairement que le kékryphale était une coiffure qui se prêtait à une infinité de combinaisons diverses, suivant la mode du jour et suivant le goût particulier de chacune. Le type le plus simple est celui-ci; le kékryphale est un mouchoir de petites dimensions, qui enferme seulement la masse la plus lourde de la chevelure sur la nuque ; il est noué sur le haut de la tête, laissant à découvert la naissance des cheveux sur le front, et une partie de l'occiput 11 (fig. 2287, 2371). Le noeud est souvent dissimulé par une stéphané ou un bandeau métallique posé sur le front. Quelquefois, au contraire, le mouchoir est noué sur la nuque; il enveloppe tout le haut de la tête, laissant échapper l'extrémité des mèches, sous lesquelles le noeud se dissimule 12. Un type plus compliqué est celui où le mouchoir est assez grand pour être vraiment enroulé autour de la tête ; il est disposé de facon à s'ouvrir par derrière et à laisser échapper l'extrémité des mèches ; les deux bouts du mouchoir sont en général dissimulés quelque part sous la coiffe (fig. 90:i, 2381)". Souvent, il semble que l'une des extrémités du mouchoir soit ramenée en avant, et enroulée sur elle-même de facon à former une sorte de bourrelet sur le front; le bout va se cacher sous la coiffe, derrière l'oreille". D'autres fois, une des extrémités étant dissimulée sous la coiffe, l'autre s'épand sur la moque'. Ailleurs, sans que la disposition générale de la coiffe soit modifiée, le kékryphale présente cette particularité d'être enserré d'un 'réseau de bandelettes, ou d'étroits rubans, ce qui donne àl'édifice de la chevelure une certaine rigiditél` Dans les cas que nous venons de citer, le kékryphale est ouvert par derrière. Le plus souvent, pourtant, le mouchoir enveloppe la chevelure tout entière et ne laisse absolument à découvert que la naissance des cheveux sur le front. Mais ici encore la diversité des types est très grande. Ici, l'ajustement du mouchoir est assez lâche pour que la chute naturelle de la chevelure massée sous la coiffe ne soit pas contrariée" (fig. 815, 2128, 3087, 368U; les extrémités du mouchoir sont souvent dissimulées ; souvent aussi l'un des bouts pend sur la nuque. Cette dernière combinaison produit des effets diversement élégants, suivant qu'il ne ressort qu'un petit bout d'étoffe, ou qu'au contraire l'extrémité du mouchoir s'épand en nappe ondulée sur la nuquete (fig. 456). L'as pect général de la coiffure est aussi très différent, suivant que l'étoffe dont la coiffe est faite est tendue, ou au contraire plissée 19. KEK 815 KEK Ailleurs, l'enveloppement est plus serré, de façon que la masse des cheveux, au lieu de tomber naturellement, s'étend comme une sorte de fuseau rigide derrière la tète. Cette rigidité de la coiffure lient souvent, simplement, à ce que le mouchoir a été enroulé de façon très serrée autour de la chevelure. Le plus souvent, elle est assurée au moyen d'un réseau plus ou moins compliqué de rubans «fig. 83, 11, 329, 998, 2606, 3876). Ici encore, la fantaisie individuelle peut varier à l'infini les effets. Tantôt l'extrémité de la coiffe est arrondie; tantôt elle s'en va en pointe ; tantôt elle forme comme uneboule(fig.4257) un lien ayant comprimé le chignon un peu avant le bout 2. Quelques-uns de ces ajustements sont assez compliqués.D'autrespein tures nous montrent des combinaisons très bizarres; ici, par exemple, la masse des cheveux a été divisée en deux chignons, de façon que le mouchoir qui enveloppe le tout se termine en deux pointes '. Une peinture de vase est particulièrement intéressante, en ce qu'elle nous montre une jeune fille en train de se coiffer du kékryphale «fig. 1258); la pièce d'étoffe dont elle se pare est assez longue pour que, après avoir enveloppé la chevelure, elle puisse s'enrouler tout autour de la tête en un épais bourrelet; un des bouts sera dissimulé dans les plis du bourrelet, l'autre s'épandra en plis élégants sur la nuque. Signalons enfin un dernier mode d'ajustement du kékryphale; il est enroulé autour de la tête, de façon que l'un des bouts ressorte tout au sommet de la tête ; l'effet produit est celui d'un turban, plus ou moins serré sur la tète, et surmonté d'une sorte de pompon 5 (fig. 592, 2606, 3683) ; le pompon n'est pas autre chose que le bout du mouchoir qui ressort. Jusqu'ici, nous avons considéré le kékryphale comme une pièce d'étoffe qui n'a pas de forme par elle-même et y. que chaque femme enroule et ajuste à son gré; c'est en effet ainsi qu'il se présente à nous le plus souvent. Mais le même nom convient sans doute aussi à un autre type de coiffure assez voisin ; ici le kékryphale apparaît comme un bonnet d'étoffe souple, comme un vrai petit sac cousu d'avance, dans lequel les cheveux sont enfermés ; l'ajustement est sans doute assuré par un simple lacet passé dans une coulisse 6. Tels, chez nous, les bonnets de bain en caoutchouc; cette comparaison s'impose d'autant mieux que ce type de kékryphale se voit sur des peintures de vases, représentant des femmes au bain 7 (fig 747). Il convient d'ajouter que, dans bien des cas, il est très difficile de décider si nous avons sous les yeux un de ces bonnets, préparés d'avance, off on n'a qu'à enfermer les cheveux, ou au contraire un vrai mouchoir qu'on ajuste sur le moment mème. Ainsi, nous signalions tout à l'heure la particularité de la coiffe qui est enroulée, de façon que l'un des bouts ressorte tout au sommet de la tête; souvent tous les détails d'ajustement sont parfaitement visibles ; mais souvent il semble que nous ayons sous les yeux un bonnet, surmonté d'un vrai pompon 6, Ailleurs la coiffe, au lieu d'avoir la forme arrondie du bonnet de bain, est beaucoup plus allongée; elle ne ramasse pas les cheveux sur le haut de la tête, mais retombe par derrière sur la nuque 2. Souvent l'extrémité du bonnet s'en va tout à fait en pointe, de sorte qu'il affecte à peu près la forme du classique bonnet de coton, souvent agrémenté, à l'extrémité, de petits glands pendants (fig. 4239) 10 Il est difficile de dire à quel moment le kékryphale a cessé d'être à la mode en Grèce. L'étude des monuments figurés, sculptures11 et vases peintsl2, montre que les diverses variétés du kékryphale étaient encore en usage à l'époque hellénistique. Assez tard, nous voyons apparaître 13 une variété nouvelle, celle du bonnet-filet, qui retient, sans les cacher, les cheveux sur le haut de Il est probable que, si nous étions aidés par des textes plus précis, nous pourrions, parmi les types très variés de kékryphales que nous font connaître les monuments, distinguer ceux que les femmes portaient dans la maison et ceux qu'elles portaient au dehors, en toilette. Dans l'état actuel de nos connaissances, on peut seulement supposer, d'une façon générale, que les ajustements les plus simples étaient aussi ceux qui accompagnaient la toilette négligée d'intérieur. Ainsi le petit bonnet, s'adaptant à la forme de la tête, que nous avons vu porté par des femmes au bain. C'est peut-être lui que désigne aussi le mot xa,aÀit -sp:8etoç qu'Aristophane applique à une coiffure de nuit' . Nous avons groupé sous le nom générique de kékryphale de nombreuses variétés de coiffures féminines qui ont ceci de commun qu'elles enveloppent la chevelure, 81G KEK en la dissimulant plus ou moins complètement ; l'étymologie même du mot justifie cette définition très large. Les textes nous font connaître quelques autres mots qu'ils définissent imparfaitement, mais qui paraissent s'appliquer à des coiffures analogues, par exemple cxrrot, op.Wdauytç'. Nous ne savons pas quelles différences précises séparaient le xExpûYa),o; ou la xEpz)ii 7r.p:0ET0; du exrxoç ou du 7rop.?d),ui, ou si même ces expressions n'étaient pas à peu près synonymes. D'autre part, ce groupe de coiffures se distingue nettement d'un autre groupe, celui des coiffures à bandelettes, dans lesquelles les cheveux ne sont pas cachés sous une coiffe, mais simplement assujettis soit par un large bandeau d'étoffe unique, soit par un réseau de bandelettes II. Le kékryphale est essentiellement une coiffure féminine. Mais nous savons, par le témoignage d'Athénée, qu'à l'époque des Diadoques, les efféminés de Sparte se coiffaient du kékryphale 2. Et, en fait, un certain nombre de peintures de vases nous montrent des hommes ainsi coiffés. Nous ne faisons pas ici allusion à l'ALOPÉKIS, qui est un bonnet de peau de renard, de type très particulier 3, ni aux calottes que les athlètes portaient pour se préserver la tête (fig. 3478) [GALERUS], ni aux bonnets de toute espèce que les monuments nous font connaître [PILETS, TUTULUS] (fig. 151, 2676, 3324). Nous ne voulons parler ici que des peintures où nous voyons des hommes coiffés du kékryphale proprement dit, c'est-à-dire du mouchoir enroulé autour de la tête, à la mode féminine. Elles sont assez nombreuses. Ce sont en général des peintures de vases représentant des scènes d'orgies dionysiaques; le kékryphale est porté par des comastes comme dans une coupe à figures noires signée d'IIéschylos 4, ou par Dionysos lui-même'. Au même groupe peuvent se rattacher des représentations, qui n'ont pas encore été expliquées de façon satisfaisante, mais qui ont certainement un caractère religieux, où on voit des vieillards barbus, qui marchent, portant des ombrelles et précédés de joueuses de flùtes, ou jouant de la lyre; ils sont vêtus de robes de femmes et coiffés du kékryphale (fig. 4260) 6. Il semblerait donc que le kékryphale n'ait été porté par les hommes que dans certaines cérémonies religieuses, peut-être plus spécialement dans les cérémonies du culte dionysiaque; mais les textes ne fournissent aucune indication à ce sujet. D'ailleurs, l'explication ne vaudrait pas pour toutes les peintures où on voit des hommes coiffés du kékryphale. Une coupe à figures rouges', sur laquelle est représenté le mythe d'Héraklès et Eurytos, montre un KEL des fils d'Eurytos, barbu, vêtu d'une peau de pa`ithère sur un chiton, et coiffé d'un kékryphale féminin. Cette coupe est une coupe de style sévère, du cycle d'Épis_ tétos 6; on peut penser qu'elle date du temps où le kékryphale n'était pas encore vraiment acclimaté à Athènes; affubler de cette coiffure un de ses personnages était pour le peintre une manière d'indiquer que le personnage était étranger. En tout cas, on peut remarquer que presque tous les vases où sont figurés des hommes coiffés du kékryphale appartiennent à la plus ancienne période de la peinture attique à figures rouges'. Du jour où le kékryphale est devenu la coiffure à la mode pour les femmes, on n'a plus eu l'idée d'en coiffer les hommes, sauf peut-être dans des cas tout à fait exceptionnels. III. Harnais de tète des chevauxi0 [Amen, FRONTALE]. IV. Creux ou partie concave d'un filet de chasse" [RETS, teuse. Il a élé assez souvent mentionné par les poètes grecs, et a été décrit par plusieurs écrivains de l'antiquité'. Mais il s'en faut que toutes les descriptions s'accordent entre elles. La critique des textes relatifs à la kélébé a été faite successivement par Letronne et Krause. Letronne renonce à concilier les textes Le plus important est celui d' Athénée ; or Athénée, après avoir recueilli nombre de passages des poètes où la kélébé est nommée, déclare qu'il ne connaît pas lui-même ce type de vase et qu'il lui est impossible de dire quelle en peut ètre la forme. De plus, il est remarquable que le mot xEaMrl ne se trove dans aucun auteur de prose. Letronne conclut que c'est un mot exclusivement poétique, propre d'ailleurs au dialecte éolien, qui n'a pas de sens précis, et qui s'applique à n'importe quel type de vase. Krause a essayé de serrer les textes de plus près. De l'aveu d'ignorance d'Athénée, il conclut que la kélébé, vase d'origine très ancienne, avait cessé d'être en usage à l'époque d'Athénée '°. Le fait que le mot yaiMô-fi ne se rencontre que chez les poètes ne prouve rien ; car la même remarque s'applique à un grand nombre d'autres noms de vases, qui certainement désignaient des vases de forme déterminée. Aucun texte ne dit formellement que la kélébé fût un vase à boire ; il faut faire attention que le mot 7ror ;prou n'a pas le sens restreint qu'on lui donne d'ordinaire ; il s'applique à toute sorte de vases ; il a un sens presque aussi vague que le mot français poterie. Seule une scholie sans valeur établit un rapprochement entre la kélébé et la IYLIX 5. Tous les autres textes désignent beaucoup plutôt une sorte de cratère. Dans deux vers d'Anacréon, cités par Athénée, il s'agit d'un cratère où le convive puisera une coupe de vin qu'il videra d'un trait 6. Théocrite nous montre la sorcière Simaitha enveloppant d'une toison de laine la kélébé qui servira à ses opérations; c'est donc un vase d'assez grandes dimensions, familier aux bergers, et pouvant ètre posé sur le feu'. Or, plusieurs textes définissent le rnot xm),iÔrl comme désignant un vase de berger, (1 Mn KEL -817KEI. aauEvtxbv âyyeiov 1. D'autres disent que la kélébé est un vase où on peut faire chauffer de l'eau ou conserver chauds les liquides 2. D'autres appellent ainsi un vase à conserver le miel 3. D'autres insistent sur la taille élevée du vase'. Denys le Petit, cité par Athénée, dit que la kélébé est un vase analogue au THERIKLEION et à la musas. Or le mot Ortp(x),etov ne désigne pas seulement un type de kylix, mais aussi une forme de cratère 3 ; et la 7rsouctx; est donnée comme un vase haut et droit'. Enfin Suidas dit que la kélébé est un vase où on peut se laver les pieds 7. On peut aussi remarquer que le mot xaiert rappelle le mot Me-rtç [LEBES], qui désigne un vase de grandes dimensions 6. Enfin nous voyons 9 la kélébé désignée par un synonyme, xeneeetov âuwibr-rov ; cette épithète peut indiquer qu'on prend le vase par les deux anses, ou encore qu'on peut poser le vase (quand il est vide) à plat, renversé, ce qui suppose un vase dont l'ouverture est très large et qui a des rebords plats 10. De cet ensemble de témoignages, qui ne sont pas contradictoires, il semble qu'on puisse conclure, avec Krause, que la kélébé était*réellement un vase d'une forme déterminée: vase de grandes dimensions, à large ouverture, probablementà deux anses, une sorte de cratère [CRATER]. Peut-être les kélébés de petite taille servaient-elles aussi de vase à boire, comme le siYPiiOS. Il est impossible de préciser davantage. Pourtant, depuis Panofka et Gerhard", la plupart des archéologues" désignent sous le nom de kélébé un type de vase bien défini : le cratère à oreillettes plates sur deux anses verticales, type qui est représenté dans les Musées par un grand nombre d'exemplaires, à figures noires et â figures rouges. Il n'y a pas de raison absolue pour rejeter cette dénomination ; la définition que nous avons donnée de la kélébé est assez vague pour qu'elle puisse s'appliquer à ce type de vase. On peut donc conserver cette dénomination traditionnelle, qui est commode, à condition de ne pas oublier qu'elle n'est que conventionnelle. Ainsi, dans le langage courant, la kélébé est un cratère, caractérisé par deux anses verticales sur lesquelles repose une oreillette plate. Le type apparaît définitivement constitué dans les ateliers corinthiens de la fin du vire siècle et du commencement du vie siècle. Le Musée du Louvre possède la plus riche collection de ces vases, qui proviennent surtout des nécropoles de Caeré en Étrurie, mais qui sont d'origine corinthienne, comme on en peut juger par la nature de l'argile, les caractères de la décoration, le style des peintures, et souvent par l'alphabet des inscriptions qu'on y lit à côté des personnages 73. D'ailleurs, on a récemment trouvé des vases semblables dans des fouilles entreprises à Corinthe même 1Y; et des vases du même type sont figurés sur quelques pinafces du temple de Neptune à Corinthe 1s. Ce sont des cratères très pansus, généralement assez bas ; l'épaule supporte un col vertical, très bas, parfaitement cylin Brique, qui est surmonté d'un large plat-bord; aux extrémités d'un diamètre de l'orifice, le plat-bord est accosté d'une oreillette plate et rectangulaire qui repose sur le haut de l'anse ronde et verticale (fig. 11261)16 Ce type de vase est peut-être né dans les ateliers céramiques de Corinthe; en tout cas, les tombes les plus anciennes de la nécropole corinthienne du Fusco à Syracuse (première moitié du vue siècle) ont donné un assez grand nombre de vases analogues, dont l'étude montre clairement comment la forme de la kélébé s'est fixée peu à peu. C'était d'abord un cratère à anses verticales, sans oreillettes 17; puis une sorte de tenon arrondi est venue former un pont entre le haut de l'anse et le plat-bord de r.s l'orifice 18 (fig. 462) ; puis l'anse s'est élevée jusqu'au niveau de l'orifice, et le tenon s'est aplati, de façon à former une oreillette plate, reposant sur l'anse" C'est le type classique de la kélébé corinthienne, décrite plus haut. Mais le type de transition, avec un tenon arrondi unissant l'anse à l'orifice (au lieu d'une oreillette plate , s'est conservé jusqu'au vie siècle; on en trouve KER 81 8 KER des exemples dans la céramique corinthienne', dans la céramique chalcidienne 2, dans la céramique cyrénéenne3 ; dans la céramique attique à figures noires', le Vase François est une variété du même type. Le type classique de la kélébé à oreillettes plates n'est pas resIé le monopole de la céramique corinthienne. 11 existe à Naucratis 5. Il a été adopté, à partir du vie siècle, par la céramique attique à figures noires' et à figures rouges 7. La forme générale est demeurée la même ; niais la kélébé attique est moins lourde ; la panse est plus élancée, le col plus haut; l'aspect général est moins massif et plus élégant; enfin, le plus souvent, les oreillettes plates reposent, non plus sur une anse arrondie, mais sur deux colonnettes verticales tenant lieu d'anse°. C'est pour cette raison que certains archéologues appellent amphore el colonnettes le vase que nous venons de décrire sous le nom de kélébé 9. II. Notons enfin que l'on a quelquefois, sans bonnes raisons, donné le nom de kélébé à un vase de forme ventrue, qui est muni d'un couvercle surmonté d'un bouton, et de deux anses verticales, élancées et très hautes 10. Ce vase, propre à la céramique à figures rouges récente, a revu d'ailleurs d'autres noms aussi peu justillés : stalnnos apulien, lékané, etc. ". Louis COUVE. I.ERA.TION (KEplTtov). Petit poids en usage pour les médecins à Athènes. Il équivalait au dix-huitième de l'unité de poids ou drachme (Ii gr. 363) et pesait par conséquent environ 0 gr. 2112 milligrammes. On comptait deux xepxTtx par OÉpp.o;, trois par i,Goad;, six par •tp«p.p.a; et le xepzttov se subdivisait lui-même en quatre attâpta'. IlERES (Iirlpe; ; au singulier K-jp). Divinités ou démons qui président à la mort; mais, comme on le verra, elles se présentent aussi sous d'autres aspects. Caractère et rôle. Chez Homère déjà, leur rôle est complexe. Souvent le mot xiip est employé par lui comme un nom commun : c'est la mort, le moment fatal, quand il s'agit d'une personne en particuliertandis que Oxva7o; désigne la mort en général'. D'autres fois, une épithète ou la tournure de la phrase indiquent qu'il s'agit d'un être personnifié, d'une sorte de génie de la mort. La Ker est « noire» ; elle est « haïssable» ; elle « dompte les mortels » 5; le fils de Zeus lui-même, Héraclès, n'a pu lui échapper 6. Ailleurs encore, les Kères de la mort sont multiples : de tous côtés, elles enveloppent les mortels' ; Hector ne se soustrait un moment à leurs prises que pour succomber bientôt après 3 ; elles forment, comme les Erinyes et les Harpyies, une troupe de démons qui entraînent les défunts dans les demeures d'Hadès s. C'est dans la scène de bataille figurée sur le bouclier d'Achille t0 que la Ker reçoit, chez Homère, sa physionomie la plus nette et la plus plastique. Elle rôde dans la mêlée avec Fris (la Discorde) et Kydoïmos (le Tumulte), saisissant un guerrier fraîchement blessé, un autre sans blessure, et traînant par les pieds un cadavre; sur ses épaules flotte un manteau rougi de sang humain. Tous ces démons s'agitent et combattent comme des mortels, s'arrachent l'un à l'autre les cadavres des mains. La silhouette de la Ker est marquée, dans cet épisode, en traits si nets et si concrets, qu'on se demande si le poète n'a pas eu sous les yeux quelque représentation figurée 1l. Dans ces différents passages, et dans quelques autres 12, la Ker est nettement, un génie funèbre. Il semble que, dans certains cas, elle soit conçue comme guettant l'homme dès sa naissance, prête à le saisir dès que l'instant fatal sera survenu. L'âme de Patrocle, apparaissant après sa mort à Achille, s'écrie : « La Ker odieuse, à laquelle j'étais destiné en naissant, m'a dévoré".» De là sans doute, par une extension naturelle de ce concept, la Ker est quelquefois envisagée comme présidant à la destinée tout entière de l'individu. Ce sens est nettement accusé dans les vers où Achille rappelle qu'il ale choix entre deux hères diverses, l'une devant lui assurer une vie courte et une gloire éternelle, l'autre peu de gloire avec de longs jours'`. Dans d'autres passages, il est question de héros qui marchent à la guerre, tout en sachant qu'ils doivent succomber : c'est, dit le poète, que les Kr,pE; p,E)Avoto Oav7oto les entraînaient l'; les Kères sont donc bien ici désignées comme génies de la destinée, mais d'une destinée qui doit fatalement aboutir à la mort. On trouve d'ailleurs plusieurs fois, dans les tournures de ce genre, le terme de lloipx substitué comme équivalent à celui de hr~p 16 [FATUM]. Le témoignage le plus remarquable de cette conception des hères se trouve dans un célèbre épisode du XiXII' chant de l'Iliade' : Hector et Achille sont aux prises ; Zeus met dans les plateaux d'une balance leurs deux Kères ; celle d'Ilector, la plus lourde; fait pencher le plateau et entraîne le héros dans l'IIadès; Apollon, qui l'avait protégé jusqu'alors, l'abandonne. Cette pesée des Kères se retrouve ailleurs, à propos de la bataille racontée au chant VIII. Vers midi, comme le 'sort hésite entre Achéens et Troyens, Zeus saisit la balance d'or et y place les deux Kères des deux armées : celle des Achéens l'emporte, c'est-à-dire entraîne leur défaite16. Ce qu'il y a de nouveau dans ce second épisode, et d'un exemple absolument unique chez Homère, c'est le fait qu'une collectivité de personnes, une armée, est ici représentée par une seule Ker 1°. KER -819KER Le rôle qui est dévolu aux Hères dans l'épopée homérique a persisté dans toute l'antiquité grecque : ce sont avant tout des génies de la destinée et de la mort. Mais des traits nouveaux se surajoutent ou même se substituent à ceux-là. Ainsi, avec le progrès des idées morales, elles deviennent, en vertu de leur puissance de destruction, des vengeresses du crime. Plus fréquemment encore, elles ne sont conçues que comme des démons malfaisants, des esprits malins et pernicieux. On voit aussi, çà et là, apparaître des Kères bienveillantes.. Enfin, il y a trace de certaines croyances où elles semblent personnifier les âmes des défunts. Tous ces traits apparaissent pêle-mêle pour ainsi dire à travers la littérature grecque de toutes les époques, sans qu'il soit facile de discerner les plus anciens ni de suivre nettement l'évolution qui a fait passer de l'un à l'autre. Hésiode fait aux Kères une place dans la généalogie divine. D'après un passage de la Théogonie 1, la Nuit a enfanté le Destin (M6poç), la Ker noire, la Mort (Owtioç), le Sommeil et les Songes 2. La place qu'occupe la Ker dans cette énumération, entre Moros et Thanatos, indique que le poète est fidèle à la conception homérique, sous cette réserve que la Ker est içi_concue comme une divinité unique. Quelques vers plus loin une seconde généalogie, qui est manifestement d'une autre main que la première ''', suppose au contraire que les Kères sont multiples ; mais ce qui est ici nouveau, c'est que le poète leur attribue un ministère justicier; filles de la Nuit, comme les Mo-Cpt, elles châtient sans pitié (vr)ieo^ovouç) les crimes des dieux et des hommes, e-t leur courroux ne cesse point que le coupable n'ait reçu son châtiment 3. Il s'est introduit ici, dans le rôle des hères, une notion morale, où il est possible de reconnaître une influence de l'oracle de Delphes 6. On ne trouve, dans les Œuvres et Jours, qu'une seule mention des r. peç, pris comme nom commun, et dans le sens banal de « morts » 7. Mais une conception nouvelle se fait jour dans la curieuse expression de xr;pi-ce.9Enly nv0pcunov, qu'en rencontre une fois x. Comme l'a montré M. O. Crusius par la comparaison avec des mots de forrnation analogue, l'épithète ne peut s'entendre que dans une seule acception : « nourris par la lier » 2. Ceci implique qu'une Ker est attribuée à l'homme dès la naissance, et qu'elle le conduit jusqu'au terme de sa vie. Il y a ici comme l'embryon de la croyance au génie qui veille sur l'homme et le protège. Enfin, dans le plus récent des poèmes hésiodiques, le Bouclier d'Hercule, les Hères reparaissent comme génies de carnage f0. La scène de bataille que l'auteur attribue à la décoration du bouclier, renchérit sur celle d'Homère, dont elle s'inspire. Divinités sanguinaires, au corps bleuâtre, leurs dents blanches s'entrechoquent à grand bruit ; elles enfoncent dans les chairs des blessés ou des mourants leurs ongles énormes ; puis, quand elles se sont repues de sang, elles rejettent derrière elles le cadavre, et s'enfoncent de nouveau dans la mêlée. La poésie cyclique et lyrique offre également des réminiscences d'Homère. C'est ainsi qu'on trouvait sans doute une liérostasie dans l'Étltiopide d'Arctinos de Milet, au moment du duel entre Achille et Memnon '1. Mimnerme et Théognis nomment spécialement deux Kères, celle de la vieillesse et celle de la mort''. Plusieurs fois aussi, chez les lyriques, les hères sont conçues d'une manière assez impersonnelle, comme de mauvais génies qui troublent l'esprit et la vie de l'homme " ; et, d'après un témoignage ", Stésichore les assimile aux Telchines, esprits malins dont le rôle est de nuire à la végétation 11. On voit fréquemment mentionner les Kères dans les tragiques, soit comme personnifiant la mort, les maladies, le malheur, la faute 16, soit aussi comme divinités infernales, émissaires de la divinité et vengeresses du crime. En ce sens, que nous avons déjà vu indiqué chez Ilésiode ", leur rôle est conçu comme identique à celui des Erinyes 1B. Elles ont, comme celles-ci, le Tartare pour demeure"; comme elles, elles sont appelées filles de l'Hadès, dont les Héraclides, après leur mort, deviendront les époux fe; le nom même d'Erinyes est accolé au leur comme épithète 21. La place qu'elles occupaient, sans doute à ce titre, dans les croyances populaires, nous est attestée par ce fait qu'une tragédie ou un drame satyrique d'Aristias portait leur nom, h-7ipeç 2'. Dans une tragédie intitulée I'uzoe-raaia 23, Eschyle avait mis en scène Zeus pesant les âmes d'Achille et de Memnon au moment de leur combat singulier. La source de cette allégorie est certainement dans l'épisode de la pesée des Kères que nous avons mentionné chez IIomère et chez Arctinos. Mais comment cette pesée des Kères a-t-elle pu devenir, chez Eschyle, une pesée des âmes? Les commentateurs anciens ont déjà expliqué cette substitution par ce fait qu'à l'époque d'Eschyle on entendait quelquefois par Kères les âmes elles-mêmes 2". Nous saisirions donc KER 820 K EP1 ici une acception du mot que nous n'avons pas encore rencontrée, et qui, pour apparaître seulement au v° siècle, peut cependant être d'une origine beaucoup plus ancienne. Précisément, comme on le verra plus loin, des monuments figurés représentent parfois les Kères, dans cette scène de la Kérostasie, sous la forme de petites figures ailées tout à fait analogues aux El'3n),a des âmes. Et enfin on a rapproché de cette indication une formule consacrée qu'on répétait à Athènes lors de la fête des Anthestéries. Ce proverbe est donné d'ordinaire dans les termes suivants : comme un ordre adressé aux Cariens (c'est-à-dire aux esclaves) d'avoir à reprendre le travail des champs, une fois la fête terminée' [nloNYsIA, p. 235 et n. 811. Il y a quelque difficulté à admettre, avec Ilésychius, que l'appellation des Cariens, si grand que fût le nombre de ceux-ci, ait pu désigner la généralité des esclaves 2 Aussi plusieurs critiques ont-ils considéré, et avec raison semble-t-il, comme plus exacte une variante de ce dicton où le motK7,pEç est substitué à celui de KâpEç 3. La formule, ainsi rectifiée, serait une exorcisation à l'adresse des âmes des trépassés, qui sont censées présentes pendant la fête afin de prendre part aux sacrifices, et que l'on congédie une fois les réjouissances terminées En rapprochant ces différentes indications, on est conduit à penser que, d'après certaines croyances populaires, les Kères sont considérées quelquefois comme les âmes des morts, et l'on s'explique mieux ainsi la forme particulière qu'a prise chez Eschyle la fiction de la pesée des Kères. A l'époque alexandrine, et jusqu'à la fin du paganisme grec, les Kères continuent d'être fréquemment mentionnées dans les auteurs, reflétant, comme dans la littérature antérieure, des conceptions assez diverses. Les formules homériques, où le mot xjpeç n'est guère qu'un nom commun avec le sens de mort, destin fatal, se retrouvent. chez les auteurs hellénistiques '', dans les poèmes orphiques 6, et dans les épiques post-chrétiens 7. Dans d'autres formules de ce genre, les Kères apparaissent, grâce à l'épithète qui leur est attribuée, comme des divinités personnelles de la mort s. On les voit aussi jouer un rôle actif dans les batailles, percer de leurs flèches le coeur d'un ennemi 9. Ce caractère se marque encore dans l'inscription qui était gravée, à Argos, sur le tombeau de Coroebos : d'après la légende, Corcebos avait délivré son pays d'un monstre, une Poiné envoyée par Apollon, et dont on disait qu'elle ravissait les enfants au sein de leur mère ; or cette furie, qu'on avait représentée sur la tombe du héros en souvenir de son exploit, est appelée une Ker dans une pièce de l'Anthologie qui servait d'épitaphef0. Dans l'épisode de Talas, Apollonius de Rhodes représente les Kères comme « les chiennes rapides de l'Hadès qui, du milieu des brouillards oit elles tourbillonnent, s'élancent sur les vivants ». Pour exterminer le géant d'airain qui défend aux Argonautes l'accès du rivage, Médée les invoque trois fois par ses incantations, et trois fois par ses prières ; et, fascinant de ses yeux les yeux du géant, elle fait passer sous son regard le fantôme de ces furies, qui l'égarent et causent sa perte". D'après quelques textes, les Kères sont aussi simplement des génies malfaisants, des fléaux conçus sous une forme plus ou moins concrète i2. On peut les conjurer par des purifications 13. Lycophron donne à Hercule l'épithète de xr,pat,.uv7-f,ç" [RL:RCuLES, p. 1121 ; c'est qu'il a la vertu de vaincre les Kères: un hymne orphique supplie le héros de les écarter à coups de flèches 15. Nous les retrouvons encore, assez fréquemment, dans leur rôle de divinités du destin 13. Elles « filent » la destinée''. La Mort (Dlopoç) est à leurs ordres 'a. Comme Até et les Erinyes, elles aveuglent l'homme et se rient du malheur qu'elles ont provoqué ". Représentations. Il. existe peu de représentations figurées où l'on puisse reconnaître, avec certitude, l'image des Kères. Cependant, dès la période archaïque, l'art s'était essayé à en reproduire le type. La description si concrète du Bouclier d'Hésiode doit s'inspirer de monuments contemporains. Une des scènes du fameux coffre de Cypsélos était consacrée au duel d'Etdocle et de Polynice : derrière Polynice, frappé à mort, se dressait une Ker aux dents de bête, aux ongles crochus20. On voit quelquefois, sur des vases peints archaïques, qui représentent des scènes de bataille, des démons ailés féminins se mêler aux combattants : il est vraisemblable que, parmi eux, l'artiste a entendu faire figure,• des Kères 2' Ce sont aussi des Kères qu'il faut reconnaître derrière Etéocle et Polynice sur des reliefs d'urnes étrusques". La pesée des Kères se voit sur un lécythe archaïque de Capoue (fig. 11203) qui, étant antérieur à la Psychostasie d'Eschyle, ne peut s'inspirer que de la donnée épique": un personnage, sans doute Hermès, est debout entre deux combattants et pèse sur les plateaux d'une balance deux KER 821 KER figurines ailées. Le même motif se retrouve sur d'autres vases peints d'une époque postérieure et sur un miroir étrusque 2 : les petites figures posées sur la balance y sont tantôt ailées et nues, tantôt vêtues, tantôt elles ont l'aspect et l'attitude de deux guerriers au combat : de sorte qu'on peut se demander si l'artiste n'a pas voulu représenter les âmes elles-mêmes, conformément à la donnée d'Eschyle. La même question se pose pour les figurines ailées qui voltigent à l'intérieur ou tout autour des tombeaux, sur quelques vases attiques ou italo-grecs 3, ou qui encore, dans différentes scènes de funérailles, se mêlent aux assistants, prenant part d'ordinaire aux manifestations de la douleur'. Ces ai ù) minuscules sont-ils les âmes des mourants eux-mêmes 6? Mais l'explication ne vaut pas pour les cas où l'on en voit plusieurs autour d'un seul défunt. Faut-il y reconnaître, avec M. Crusius, des âmesKères venant accueillir une nouvelle compagne 6? Cette hypothèse, pour ingénieuse qu'elle paraisse, ne rend pas compte de l'attitude. de deuil qui est prise par beaucoup de ces petites figures. M. Pottier y reconnaîtrait plus volontiers des Eros funèbres 7. Cependant, dans certaines scènes d'agonie, ces mèmes génies ailés doivent être certainement interprétés comme présidant à la mort : ainsi, sur un beau fragment attique (fig. 1`364 publié par M. llartwig a, sur un lécythe à figures noires de Sicile où l'on voit Memnon porté par des Ethiopiens °, dans quelques scènes où Alcyoneus succombe vaincu par Hercule10. Mais ici encore l'interprétation peut hésiter entre les noms de Ker, de Thanatos et d'llypnos 11. Enfin, dans quelques monuments, on a reconnu le combat d'Hercule et de la Ker [HERCULES, p. 11`3 et fig. 3 78-4J. Interprétation. Si l'on fait abstraction de quelques essais, aujourd'hui surannés, d'étymologies védiques' la plupart des mythologues modernes ont pensé que la Ker est, à l'origine, comme Eris et Kydoimos dans la description du bouclier d'Achille 13, la personnification du nom commun rf,o L4 ; quant à ce mot lui-mème, on le rattache à xzipDm, trancher, couper, de telle sorte que x-qp serait, à proprement parler, le «coup» de lamort 13. Pour simple et plausible que paraisse à première vue cette genèse des Kères, elle ne rend pas compte, comme l'a vu M. O. Crusius, de tous les aspects sous lesquels se montrent ces divinités. Le même savant s'arrête à une interprétation différente 16, qui est déjà suggérée par des textes anciens. Plusieurs gloses signalent, en effet, l'acception de x-jp dans le sens de yuzi": la xi~p n'est donc pas autre chose primitivement que l'âme elle-mème '8, et les Kères, les âmes divinisées des défunts. Ce sens se serait conservé dans la formule prononcée par les Athéniens à la fête des Anthestéries, et il justifierait la psychostasie substituée par Eschyle à la pesée des Kères qu'a imaginée l'épopée. Il explique encore bien des traits attribués aux Kères. Les âmes humaines, après la mort, sont avides du sang humain qui les réchauffe et leur donne un regain de sentiment ; c'est ce que prouve, parmi bien des légendes, la IVékyia de l'Odyssée 19 [INFERI, p. 49t; : de même les Kères rôdent dans les combats, guettant la mort, suçant le sang comme des vampires 2U. On sait que les âmes des morts ou « héros » sont considérées tantôt comme des génies bienfaisants et protecteurs 21, tantôt comme des puissances jalouses, irritées, dangereuses 22 : ce double caractère se retrouve chez les Kères : le premier, beaucoup plus rare, il est vrai, se trahit çà et là dans certains traits, comme dans l'épithète hésiodique x-fiplrem?Eiç attribuée aux mortels 23; mais les Kères sont avant tout des êtres funestes et haïssables, qui troublent et empoisonnent la KER 822 KER vie humaine, suscitant les maladies et d'autres maux Par là s'éclaire enfin l'identification qui est faite parfois des Hères et des Erinyes. Les Erinyes, elles aussi, ne sont pas autre chose, à l'origine, que les âmes des morts qui s'acharnent k poursuivre sur les survivants les crimes dont elles ont été victimes. Les textes parlent souvent des Erinyes d'un mort 2; ceci ne peut s'entendre qu'en un sens : l'Erinys est bien l'âme du défunt envisagée dans sa fonction de vengeresse 3. Par suite, dans l'expression complexe K-"rtps; 'Eptvus;, lepremierdes deux mots doit être interprété comme le nom, le second comme un attribut. Il y a. des Kères Erinyes, c'est-à-dire courroucées, comme il y a des Mères Euménides, c'est-à-dire apaisées, réconciliées, qui ont accordé leur pardon 4. F'. Demi tell. qui, en Grèce, jouait un rôle important dans les cérémonies de certains cultes, et plus particulièrement du culte éleusinien'. Le mot se présente sous la forme xzp'voç dans des inscriptions où sont énumérés les trésors des sanctuaires éleusiniens d'Athènes et d'Eleusis, vers la fin du Ive siècle 2. Cette forme doit être considérée comme meilleure que la forme x_pvoç, qui ne se rencontre que dans des textes littéraires beaucoup plus récents. Mais les deux mots désignent un seul et même vase. Le sens premier du mot xpwo; est médical ; ce mot désigne une rugosité de la gorgea. Par analogie, on a appelé xi 7vct ou r.Eawcoôri ,zyysia des vases qui présentaient certaines bizarreries de forme, TpaZEiaç âvô'lu.a) '. Et en effet le kernos, tel que nous le connaissons par un texte d'Athénée, nous apparaît comme un vase muni de bizarres appendices'. Le kernos, dit Athénée, qui s'en rapporte aux témoignages d'Ammonios et de Polémon, est un vase de terre sur lequel sont appliqués un grand nombre de petits kotyliskoi [coTYLOS, p. 1 MO]. Il ressort de ce même texte que le kernos était un accessoire du culte éleusinien ; c'était un vase qu'on portait sur la tête dans certaines TE)AETaI solennelles ; les petits vases, kotyliskoi, dont se composait le kernos, étaient destinés à recevoir une petite quantité des principaux produits du sol, offrande sacrée des fidèles à la divinité: miel, huile, vin, lait, froment, orge, sauge, pavot, pois, lentilles, fèves, épeautre, avoine, laine non lavée, gâteau de fruits E. Or on a trouvé, dans ces dernières années, à Athènes, dans le voisinage de l'lleusinion (à l'ouest de l'Acropole), et surtout à Eleusis, un grand nombre de vases qui répondent assez exactement à la description d'Athénée; il est impossible de n'y pas reconnaître des kernoi'. 11 faut seulement remarquer que beaucoup des exemplaires retrouvés n'ont certainement jamais pu servir au culte ; tels sont les exemplaires en marbre ou en terre cuite où les kotyliskoi, appliqués sur la panse, ne sont pas creux et par conséquent n'ont jamais pu contenir quoi que ce soit. Ce sont des âvz-ifip.ata, à l'imitation des vrais kernoi du culte. D'ailleurs, plusieurs de ces exemplaires portent 1 Outre les textes cités au cours de cet article, cf. des expressions comme srpzivo,, 13.s sq.; XI, 279 sq. ; Aesch. Sept. 887 ; Soph. Oed. Col. 1134. 3 Rohcle, Psyche, p. 217. -1 D'autres figures m) thologiques offrent asec les Kères d'étroites analogies : les Harpyies, conçues d'ordinaire comme divinités ravisseuses, les Sirènes, Lamies, "phinx, etc. Le nom même de lier s'es t peut-être conservé en osque dans la formule Keri des inscriptions dédicatoires. Mais l'aspect général de tous ces vases éleusiniens est le même: la partie inférieure représente une kylix à pied; cette kylix est recouverte d'une sorte de bol renversé, qui fait corps avec elle ; le vase est ouvert à la partie supérieure et comporte un couvercle. Au milieu, c'est-à-dire dans la partie la plus large du vase, deux anses à peu près horizontales sont attachées ; quelques exemplaires présentent cette particularité que les anses sont surmontées d'un appendice en forme de petit vase. Enfin, tout autour du vase, à la partie supérieure, sur l'épaule, sont appliqués de petits vases, les kotyliskoi d'Athénée «fig. 4265). Quelques exemplaires, qui ont pu servir au culte, portent des kotyliskoi creux qui sont de vrais vases Mais la plupart des exemplaires conservés ne sont que des kernoi votifs; aussi les kotyliskoi appliqués sur la panse sont-ils généralement pleins. Ils n'ont pu avoir aucune utilité pratique; mais ils rappellent, par leur aspect extérieur, les modèles usités dans les cérémonies religieuses. Quelquesuns de ces kernoi, par ticulièrement ceux qui ont dei servir, ne portentqu'unpetitnombre de kotyliskoi, symétriquement disposés en un rang sur la panse. Parmi les kernoi votifs, beaucoup portent un nombre considérable de ces appendices, pressés en plusieurs rangées superposées le (fig. 4266). Beaucoup ait contraire n'ont pas de kotyliskoi du tout ; ce sont des kernoi, comme l'indique l'aspect général, mais ce sont des kernoi simplifiés " ; tels sont, en particulier, les exemplaires en marbre. En dépit de toutes les différences de détail qui séparent les kernoi éleusiniens parvenus jusqu'à nous (kernoi d'usage KER 823 KER courant et kernoi votifs, kernoi avec kotyliskoi et kernoi sans kotyliskoi, kernoi de terre cuite, de marbre et de bronze), nous avons affaire ici à un seul type de vase, celui-là même qu'a décrit Athénée. Quel était le rôle du kernos dans le culte éleusinien? Il servait à porter, nous l'avons vu, les prémices des fruits du sol ; les kotyliskoi (levaient contenir comme un spécimen ou un échantillon de chaque fruit. Il reste encore à expliquer une particularité du vase. Le kernos comporte un couvercle t; les couvercles qu'on aretrouvés sont de formes assez diverses, les uns coniques, d'autres cylindriques ; mais ils ont tous ceci de commun qu'ils sont percés d'ouvertures nombreuses. C'est cette particularité (lui avait surtout frappé les premiers savants qui s'étaient occupés de ces curieuses poteries' ; ils avaient pensé qu'on n'en pouvait donner qu'une seule explication satisfaisante, à savoir que ces vases étaient des 9uu~aTrp~a ; la fumée de l'encens qui brûlait à l'intérieur du vase s'échappait par les ouvertures du couvercle. Mais alors il faudrait renoncer à la dénomination de kernos, car, dans les textes relatifs au kernos, en particulier dans celui d'Athénée, rien n'indique que les kernoi aient jamais servi de 9uutxzr~9el ; et, d'autre part, nous avons vu que les caractères essentiels des vases éleusiniens répondaient bien à la description qu'Athénée donne du kernos. De plus, si ces vases sont des 9upulnipla, on ne s'explique plus du tout le rôle des kotyliskoi. Enfin nous verrons que les vases en question se portaient sur la tète ; on admettra difficilement qu'on pût porter, posé directement sur la tête, un vase oû brûlait de l'encens. Les vases éleusiniens dont nous parlons ne sont donc pas des 9u!.I,cxtiuip;x ; ce sont des kernoi. Comment expliquer ces couvercles percés d'ouvertures ? Les ouvertures paraissent indiquer qu'on mettait dans l'intérieur du kernos quelque chose qui avait besoin de recevoir de l'air du dehors. On a proposé l'explication suivante qui demeure très hypothétique, mais que nous pouvons provisoirement accepter, si étrange qu'elle puisse paraître. Le texte d'Athénée n'est pas le seul où il soit question du kernos ; un scholiaste'' s'exprime ainsi : « On appelle xepvoptlpoç la prêtresse qui porte les cratères; xiivoç est en effet le nom des cratères mystiques sur ou dans lesquels on place les lampes ». Nous pouvons donc admettre que de petites lampes ou des bougies étaient allumées à l'intérieur du kernos. D'ailleurs nous avons à cet égard un témoignage assez curieux ; le kernos est figuré sur un certain nombre de petits cuEooaa de plomb ou de bronze, trouvés en Attique 5 ; sur quelques exemplaires, on voit surgir de l'intérieur du vase de petits bâtonnets, qui ne peuvent guère être autre chose que des bougies 6. D'autre part, on a rappelé que, parmi les fruits énumérés par Athénée comme figurant dans la xnpvo?op(a, il y en a un qu'on ne se représente pas enfermé, si petit qu'il fût, dans un kotyliskos ; c'est le rx)A.thov, gâteau de fruits; pourquoi ne pas admettre que l'intérieur du kernos était réservé au 7Ta) Onv ? Enfin, pour combiner ces deux explications, on pourrait supposer que l'intérieur du kernos contenait le 7:x) tov, garni de bougies'. Ceci n'aurait V. rien d'invraisemblable; nous connaissons les (;(11,:ptri.tüvzeç qui figuraient aux fêtes d'Artémis de Munychie 8. Quoi qu'il en soit de ce petit problème, il demeure acquis que le kernos servait, dans quelques-unes des fêtes éleusiniennes, à porter solennellement les prémices des fruits de la terre. La xnpvopop(a ne faisait sans doute pas partie des cérémonies d'initiation aux mystères; car elle n'est pas mentionnée dans le formulaire des initiations que nous connaissons. Nous ne savons pas à quel moment des fêtes elle se plaçait. Les fidèles devaient porter les kernoi en procession, comme l'indique le mot 7teu4€pets dont se sert Athénée, à moins que ce mot ne s'applique à un choeur de danse 9. La procession ou la danse achevée, ceux qui portaient les kernoi prenaient une partie des fruits qu'ils avaient ainsi portés et en mangeaient 10. C'était une sorte de repas sacré, comme nous savons qu'il y en avait dans bien d'autres cérémonies religieuses. On portait le kernos sur la tête. Ceci ressort d'abord du texte d'Athénée : « On le porte, comme on porte le À xvov », c'est-à-dire comme on porte le van sacré dans certaines fêtes de Dionysos, sur la tète 11. Ensuite, et surtout, il a été trouvé à Eleusis, en 1893, un très curieux monument consacré par une femme nommée Ninnion, sur lequel est figurée une xzpvoaop(E12. C'est une tablette de terre cuite, en forme d'édicule à fronton, décorée de peintures à figures rouges, de style récent; tablette votive, qu'on peut attribuer à la fin du ve siècle ou au commencement du Ive. Sur le pinax, le peintre a représenté une procession sacrée, à l'une des fètes des mystères d'Eleusis; Perséphone et Déméter y sont figurées, assises sur des trônes, appuyées sur un sceptre; dans le champ, une colonne et un omphalos indiquent que la scène se passe dans l'enceinte sacrée. Autour des deux déesses se presse le cortège des adorants : jeunes gens et vieillards portant des rameaux blancs et l'oenochoé des libations ; jeunes femmes tenant des torches allumées. Deux jeunes filles, au lieu de torches, portent des rs rameaux de feuillage; sur leur tète est posé le kernos, assujetti au moyen de bandelettes blanches qui sont 104 hER attachées aux anses et au pied du vase et viennent se fixer aux bandelettes et à la stéphané qui enserrent la tête (fig. 4267). Le kernos est ici du type le plus simple, sans kotyliskoi ; on n'y distingue pas d'ouvertures dans le couvercle ; mais le caractère général est celui des vases que nous avons décrits plus haut. Il est hors de doute que nous avons ici la représentation d'une xspvopop.a, procession sacrée des mystères éleusiniens. Il semble d'ailleurs que la xEOvouopfx comportât, à côté d'une procession, une danse sacrée. Quelques textes signalent le xEpvo?dpov tipyrlt,ta', qu'Athénée range au nombre des danses orgiastiques [ELEUSINIA, p. 571-673]. Or, précisément, une danse de cette espèce paraît figurée sur le fronton du pinax de Ninnion, où on voit, entre autres personnages, une femme jouant de la double flûte, et une autre femme qui porte sur la tête un kernos. Cet exemple d'une femme dansant avec un vase sur la tête n'est pas isolé; on a rapproché avec raison du vase éleusinien une peinture d'une fresque étrusque de Chiusi (fig. 2822), où l'on voit, à côté d'un joueur de flûte, une femme qui danse, un haut vase posé sur la tête. Cette peinture n'a rien à voir avec les cérémonies du culte éleusinien; le vase que porte la danseuse ne rappelle en rien le kernos; mais l'analogie des deux représentations n'en est as moins à noter2. Les plus anciens monuments qui nous parlent du kernos sont le pinax de Ninnion, qui peut remonter à la fin du ve siècle, et les inscriptions d'Eleusis, citées plus haut, qui sont datées de la fin du même siècle. Quelquesuns des kernoi trouvés à Eleusis, en raison des inscriptions qu'ils portent et des circonstances de la décpuverte 3, remontent au moins au Ive siècle ; beaucoup sont au contraire plus récents. Le kernos apparaît comme emblème sur les monnaies d'Eleusis et d'Attique (fig. 4268), à partir du début du me siècle'. Il figure aussi sur un grand nombre de aGN.ec?,a ou tessères de plomb (ou de bronze) provenant d'Attique, et généralement attribués au me siècle; il y figure seul, ou bien associé au calathos, à la torche, et à d'autres attributs des divinités éleusiniennes 5. Il figure enfin, à une date encore plus récente, sur un certain nombre de monuments éleusiniens : sur le calathos des grandes statues cistophores d'Eleusis ° fig. 2632 ; sur un bas-relief fameux de l'Eleusinion d'Athènes' fig. 2638) ; sur le grand vase à reliefs de Cumes du Musée de l'Ermitage, où sont représentées les divinités éleusiniennes8 (fig. 2639). Il faut remarquer que, sur la plupart de ces monuments, le kernos est rapproché du BACCBOS, faisceau de rameaux, qui est l'attribut essentiel des mystes à Eleusis °. Ainsi, sur le pinax de Ninnion, dans le champ du tableau principal, deux bacchoi en croix sont figurés, indiquant le caractère 821 KER éleusinien de la représentation; des bacchoi sont aussi figurés en marge du même tableau, au rebord du pinax. Un des kernoi de terre cuite trouvés à Eleusis est décoré de peintures : on y reconnaît des guirlandes, des couronnes de feuillage et des bacchoif0. Cette association du kernos et du bacchos prouve que c'étaient là deux accessoires importants du culte éleusinien ; mais nous ne pouvons pas affirmer que les bacchoi dussent jouer un rôle particulier clans la xEpvouopia. Les kernoi figurés sur les monuments éleusiniens que nous venons d'énumérer sont toujours du type simplifié, sans kotyliskoi. Ce n'est pas une raison pour leur refuser ce nom, s'il est vrai que la forme générale de ces vases est la même que celle des kernoi à kotyliskoi, trouvés à Eleusis. Aussi longtemps qu'on ne connaissait pas les kernoi à kotyliskoi, conformes au type décrit par Athénée, on ne pouvait songer à donner le nom de kernos aux vases plus simples qui sont figurés sur le bas-relief de 1'l leusinion, sur les monnaies d'Eleusis, et ailleurs. On y voyait des plémochoés [ELEESINIA, p. 573-674]. On sait en effet, par te témoignage d'Athénée", que la urutmoCiIOF, vase à libations, jouait un rôle important dans les cérémonies des mystères éleusiniens f2. Mais le rôle du KER:\os n'était pas moindre, et nous croyons avoir montré que tous les vases éleusiniens de même forme, avec ou sans kotyliskoi, ne forment qu'un seul et même groupe, et doivent être appelés kernoi. D'ailleurs, ces vases éleusiniens (même ceux qui n'ont pas de kotyliskoi), avec leur couvercle percé d'ouvertures, n'ont pas le caractère de vases à libations. Il est impossible de voir une plémochoé, vase à libations, dans un vase qu'on porte sur la tète dans une procession. Enfin on peut rappeler les monnaies d'Eleusis dont nous avons déjà parlé ; on y voit un vase de l'intérieur duquel sortent des épis de blé (fig. 4268) ; cette particularité permet d'éliminer l'hypothèse du vase à libations; elle justifie au contraire l'appellation de b.EBnos, puisque le kernos est un vase où l'on porte les prémices des fruits de la terre. II. Hors d'Eleusis, le rôle religieux du kernos est attesté par les textes pour le culte de Cybèle 15; mais nous n'avons pas de grands détails à ce sujet. Nous savons seulement qu'une prêtresse de Cybèle était appelée xupvoé,dpo;"^, et que le terme xepvopopo"sv figurait dans le formulaire sacré des mystères d'Attis-Cybèle '5 [CYBELE, p. 1682]. Ajoutons que, sur une monnaie de Smyrne, on voit un vase à couvercle qui rappelle le kernos éleusinien III. Le caractère du kernos éleusinien étant ainsi bien défini, il convient d'ajouter que, par extension et par abus de langage, les archéologues donnent quelquefois le nom de kernos àdes vases, assez différents les uns des autres, et très différents du type spécial que nous venons d'étudier, mais qui ont ceci de commun, qu'ils font penser àla définition du kernos donnée par Athénée : « Un vase de terre cuite sur lequel sont appliqués un grand nombre de petits vases ». Quelques-uns de ces vases méritent à KEx s25 KLA peine d'être mentionnés ; leur décoration indique en général que ce sont des poteries de. basse époque; surtout ils n'ont manifestement pas un caractère religieux; composés de petits vases à couvercle, juxtaposés, réunis entre eux par des tenons, et rattachés à une seule anse commune, ils rappellent les huiliers que nous plaçons sur nos tables pour les repas ; et il est vraisemblable que ce sont, en effet, des ustensiles de table destinés aux assaisonnements; il n'y a aucune raison de leur donner le nom de kernos'. D'autres vases, quelquefois appelés kernoi, sont plus intéressants, quoique tout à fait différents du kernos d'Eleusis, parce qu'ils ont peut-être eu un caractère religieux. Nous voulons parler d'un groupe de vases, très archaïques, qui ont été tous trouvés dans les nécropoles de Milo', et dont on connaît jusqu'ici une dizaine d'exemplaires 3. En dépit de différences de détail, ils se ramènent tous à un type unique ; ils se composent essentiellement d'un haut support, à peu près cylindrique et creux, à l'extrémité supérieure duquel sont attachés, groupés en cercle, un certain nombre de petits vases ; ces petits vases sont unis entre eux et reliés au support commun par des tenons. Quelques exemplaires n'ont qu'un cercle de petits vases ; d'autres comportent deux cercles concentriques. La forme des petits vases varie d'un exemplaire à l'autre ; ce sont de petits récipients en forme de pithos, ou d'alabastre, ou de tasse. Le nombre total des petits vases ainsi groupés autour du support central varie suivant les exemplaires : sept, huit, dix, dix-sept, vingt, vingt-cinq. Ces curieux monuments, qui sont jusqu'à nouvel ordre particuliers à la céramique mélienne, appartiennent à la période postmycénienne ; ils sont décorés de dessins géométriques rectilignes. On est tenté d'y voir des vases d'un caractère funéraire et religieux ; ce sont vraisemblablement des vases à libations. Ce type de vase est d'origine fort ancienne ; à Milo même, on a trouvé un exemplaire analogue dans une tombe d'époque mycénienne ; il ne se compose que de trois petits pithoi groupés au haut d'un support creux' ; c'est le prototype des autres exemplaires. Enfin, il faut rappeler tout un groupe de monuments analogues, de provenances et de dates très diverses, qu'on trouve dans les musées, et qui se composent essentiellement d'un anneau surmonté de petits vases. Quelques-uns sont très anciens. Il y en a un au musée du Louvre, provenant de Chypre ' ; c'est un anneau rond sur lequel sont posés trois petits vases (une tasse à une anse, et deux petites bouteilles sans anses), et une tête de bête à cornes. L'anneau et la panse des petits vases sont décorés de dessins géométriques, semblables à ceux des kernoi de Milo, décrits plus haut. C'est sans doute un vase à libations'. Le mot kernos est un terme commode qui peut servir à désigner ce genre de vases ; mais à la condition qu'on n'établisse aucun lien de parenté entre ces vases et les kernoi élelisiniens s. Il est pourtant remarquable qu'à Eleusis même on à trouvé quelques fragments, très archaïques, d'anneaux analogues, surmontés de petits vases (tasses à une anse ou sans anse)°. Il serait tentant d'y voir la forme la plus ancienne du kernos. Le kernos éleusinien aurait été d'abord simplement un anneau garni de petits vases ; puis il se serait composé de deux parties indépendantes, rapprochées à volonté, l'anneau garni de petits kotyliskoi et un vase à couvercle; enfin il aurait conquis, parla fusion de ces deux parties, sa forme définitive, celle que nous ont fait connaître les vases des Ive et me siècles, trouvés à Eleusis. Ce n'est là qu'une hypothèse 10. La liaison avec l'Égypte elle-même, que M. Foucart, dans un travail récent, a indiquée comme pouvant être la source des mystères grecs", serait confirmée par la découverte à Carthage d'un kernos de style égyptisant, composé de sept gobelets communiquant avec un tuyau cylindrique qui est décoré au centre d'une tête d'Hathor et d'une tète de vache (fig. 4269)". L. COUVE. lierre». Ce nom désigne une fête où l'on coupait le lierre pour les sacrifices. Elle se célébrait annuellement à Phlionte, en l'honneur de la déesse HIébé qui avait dans cette ville un sanctuaire très vénéré au milieu d'un bois de cyprès'. Cette fête avait ceci de particulier qu'on y proclamait une amnistie pour des prisonniers et qu'on y affranchissait des esclaves ; les prisonniers ou les esclaves libérés venaient suspendre leurs chaînes, en ex-voto, aux arbres du bois sacré L. CouvE.