Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

KRITAI

IUIETARCIIES [CIIETARCIIA et KOINON]. IiMITAI (Kprra'). Le mot xp,rrrç a d'abord le sens générique de juge' ; il signifie aussi l'arbitre 2 et traduit quelquefois l'expression latine judex 3. Nous n'avons ici tl étudier ce mot que dans le sens particulier de juge des concours, en Grèce. Pour Athènes, nous n'avons de renseignements, et encore ils sont fort insuffisants, que pour les concours dramatiques, soit tragiques, soit comiques. A une date inconnue, quelque temps avant la fête soit des grandes Dionysies, soit des Lénéennes, les sénateurs, probablement sans distinction de tribus, choisissaient, de concert avec les chorèges'', dont on ne sait pas exactement le rôle, mais qui avaient sans doute au moins droit de présentation, un certain nombre de juges. La pluralité des urnes, dont parle Isocrate'', s'explique non pas parce qu'on aurait pris dans chaque tribu un nombre égal de juges et qu'il y aurait eu dix urnes, une pour chaque tribu, mais plutôt parce qu'on constituait un jury spécial pour chaque concours. Les noms choisis étaient jetés dans ces urnes qui, après avoir été scellées par les prytanes et les chorèges, étaient déposées sur l'Acropole, peut-être dans l'Opisthodomos du Parthénon, sous la surveillance des trésoriers d'Athena G. Au jour de la représentation, au début de chaque concours, il est probable que l'archonte président ouvrait l'urne qui contenait les noms des juges et que ceux-ci, informés d'avance de leur nomination, étaient présents. On a conjecturé qu'il y avait alors un premier tirage au sort qui aurait donné les juges définitifs au nombre de dix, un par tribu'; les textes de Lysias et de Plutarque6 ne donnent pas ce sens. C'est probablement à ce moment que l'archonte faisait prêter aux juges, sans doute après un sacrifice 0, le serment de juger justement"; les juges devaient ensuite s'asseoir ", sans doute tous ensemble à une place déterminée 12, pour suivre les représentations et pour écrire, à la fin du concours, sur des tablettes, les noms des poètes dans l'ordre oit ils les classaient13. Ils ne semblent pas avoir inscrit le nom du chorège qui triomphait avec chaque poète. Enfin, par un tirage au sort, dont on ne connaît pas la procédure, l'archonte extrayait de l'ensemble des tablettes, pour le concours de comédie, cinq tablettes qui renfermaient ainsi le verdict définitif '¢. Le texte de Lysias montre que les noms des cinq juges et leur vote étaient communiqués au public. Pour les concours tragiques, nous ne savons pas le nombre des juges définitifs : d'après Plutarque '6, dans un concours où il yavait en présence Sophocle et Eschyle, l'archonte, voyant le public divisé, n'aurait pas tiré au sort les juges et les aurait remplacés par les dix stratèges; cette anecdote ne suffit pas à faire croire qu'il y avait dix juges définitifs pour la tragédie". Le public ne prenait pas part, officiellement au jugement; mais plusieurs anecdotes17 et les plaintes de Platon 18 montrent que son opinion, ses passions, ses acclamations, ses huées n'en exercnieuitpas moins sur les juges une influence considérable. Malgré toutes les précautions prises, il pouvait naturellement y avoir des fraudes; Démosthène reproche à Midias d'avoir corrompu, nous ne savons colnntent, l'archonte et les juges"; le récit de Lysias montre aussi une tentative de fraude. Ces délits pouvaient ètrepoursuivis devantlestribunaux20.Nousignorons comment étaient jugéslesacteurs, soit dans les concours ordinaires de tragédies et de comédies, soit dans les concours spéciaux de protagonistes. En dehors d'Athènes, nous n'avons que des renseignements épars. Le texte d'llesychius21 mentionne les cinq juges pour les concours de comédie en Sicile. Il y avait en général22 dans les villes grecques pour les concours musicaux des juges choisis, xcrraf, fpxCsïç. Sylla, célé KRO 870 KRO brant sa victoire de Chéronée par des jeux scéniques, fit venir des juges de plusieurs villes de Grèce, sauf de Thèbes' : mais il s'agissait peut-être dans ce cas du jugement des comédiens, comme dans les textes relatifs au concours de tragédies organisé par Alexandre en Phénicie2 et à ]a représentation d'une comédie grecque à Naples à l'époque de l'empereur Claude. Il y eut aussi des juges dans les concours purement littéraires institués par Artémise pour louer son frère 4 et à Alexandrie par le roi Ptolémée 5. Cu. LÉcluvaIN. 1. Dès une très haute antiquité, les sacrifices solennels en l'honneur de Kronos furent importants dans l'héortologie d'Olympie'. I1 y avait en particulier, une fois par an, à l'équinoxe du printemps, au mois Elaphios, un sacrifice solennel que les prêtres appelés BarOAat offraient, sur le sommet du mont Kronion 2. Le dieu n'avait point là de temple, mais un simple autel, en plein air. Cette cérémonie, dont nous ignorons le détail, était une des grandes fêtes des Eléens, qui rappelaient ainsi la légende par laquelle Kronos avait partagé avec IIélios, à l'origine des temps, la domination sur le pays. Il vint aussi un moment où se répandit la conception de l'âge d'or sous le règne de Kronos ; alors les kronia d'Olympie devinrent la célébration du souvenir de l'âge d'or 3. Mais il est probable que, pendant longtemps, le culte de Kronos à Olympie eut un caractère plus sombre, et que les sacrifices offerts sur l'autel du mont Kronion furent des sacrifices sanglants. Nous savons en effet qu'ailleurs tel était bien le caractère des sacrifices kroniens : à Alexandrie, par exemple, où on immolait des victimes en l'honneur de Kronos, à l'époque des Ptolémées'°. De même en Crète et à Rhodes". A Rhodes, en particulier, nous savons qu'à l'occasion de la grande fête annuelle des kronia, on immolait une victime humaine, choisie parmi les criminels condamnés à mort 0. Cette fête avait lieu au mois Pédagytnion, qui correspond aux mois attiques Gamélion ou Anthestérion (janvier ou février)'. Enfin à Athènes, au moins à l'époque impériale, nous savons qu'il y avait un sacrifice solennel à Kronos, peut-être à l'imitation de celui d'Olympie, le 15 du mois Elaphçbolion, mois qui correspond précisément à l'Elaphios d'Olympie 8. II. Ce sacrifice du mois Illaphebolion est absolument indépendant des grandes fêtes kroniennes d'Athènes, qui avaient un autre caractère que celles dont nous venons de parler. Les kronia étaient, après les. Panathénées, la fête principale du mois Ilékatombaion (juillet) 0. Plutarque rapporte une légende d'après laquelle, au temps de Thésée, le mois Ilékatombaion se serait appelé Kronios, et d'après laquelle, par conséquent, les fêtes kroniennes d'Athènes remonteraient à une très haute antiquitéi0. Aug. Mommsen rejette le témoignage de Plutarque ; il remarque que, dans les villes où le calendrier comporte un mois Kronion, à Samos, par exemple, et à Périnthe ", ce mois correspond au Skirophorion et non à l'llékatombaion. Il est possible que la légende rapportée par Plutarque soit née simplement du fait qu'il y avait une fête de Kronos dans le mois Ilékatombaion 12. Quoi qu'il en soit de ce problème secondaire, les kronia d'Athènes avaient lieu le 12 du mois Ilékatombaion 13. Les Athéniens rapportaient à Cécrops [institution de la fête 11 Les kronia étaient célébrées en l'honneur de Kronos, associé à Rhéa, mère des dieux 15. Elles avaient lieu probablement sur les bords de l'Ilissus, où se trouvait le sanctuaire de Kronos et Rhéa, près de l'Olympieion. Elles ne duraient qu'un seul jour; ce jour-là, la Bou),rl ne siégeait pas, et les affaires publiques étaient arrêtées". C'était une fête populaire, agraire, qui comportait essentiellement un sacrifice solennel et des banquets'. On ne sait pas exactement en quoi consistait le sacrifice, mais il y a lieu de croire qu'aux kronia, comme dans les autres fêtes agraires que nous connaissons, les fidèles apportaient au dieu les fruits de la campagne; l'hypothèse dè sacrifices sanglants doit être écartée'". Les banquets étaient la principale originalité de cette fête, en ce que les maîtres y festoyaient avec leurs serviteurs et leurs esclaves, considérés comme des collaborateurs à l'oeuvre commune de la moisson, et non comme des inférieurs". On retrouve d'ailleurs des coutumes analogues dans d'autres fêtes agraires 20, par exemple les PELORIA de Thessalie et les PITUOIGIA des Anthcstéreis dionysiaques. Quelle peut être l'origine de cette fête, et comment se rattache-t-elle au culte de Kronos ? C'est manifestement, par son caractère, une fête agraire, et, par sa date, une fête d'été, une fêle de la moisson. Elle s'adressait donc à Kronos, considéré comme le dieu qui fait mûrir le blé [SAI'URNUS] ; mais il n'est pas sûr que cette conception de Kronos soit justifiée ; et il paraît bien hardi de considérer comme un symbole de la faucille des moissonneurs la harpe avec laquelle Kronos avait mutilé son père Ouranos L1. Pourtant il n'est pas douteux que cette interprétation rendrait compte, mieux qu'aucune autre, du caractère général de la fête des kronia. On pourrait aussi être tenté de voir dans cette fête une commémoration de l'âge d'or ; c'était une fête ,joyeuse et gaie, au témoignage des auteurs anciens, et la participation des serviteurs aux banquets de leurs maîtres serait un souvenir de ces temps lointains et bénis où tous les hommes étaient égaux. Mais il ne semble pas que la conception de l'âge d'or ait été une conception ni très ancienne ni vraiment populaire 22. Au contraire, les kronia sont très certaine KRO 871 K111 ment une fête essentiellement populaire, et vraisemblablement d'origine très ancienne; nous avons vu que les anciens en rapportaient l'institution à Cécrops; de plus, les particularités de cette fête se retrouvent les mêmes dans quelques-unes des fêtes les plus anciennes de la Grèce, par exemple dans les PELORIA de Thessalie. Il est possible, comme on l'a proposé, que Kronos ait été à l'origine un dieu d'un caractère populaire ; on connaît d'autres fêtes qui ressemblent beaucoup aux kronia, et qui paraissent remonter aux origines mêmes du peuple grec, les PELORIA déjà nommées, ou encore la panégyrie du héros Géraistos, à Trézène ; or Kronos appartient au même cycle mythique que les héros géants Péloros et Géraistos [SATURNUS]'. Si elle était vérifiable, cette hypothèse, qui nous reporte aux temps primitifs où l'agriculture était en honneur, rendrait compte du caractère à la fois populaire et agraire des kronia. Les gens du peuple auraient eu leurs fêtes propres, sous le patronage de leurs divinités propres, et Kronos aurait été une de ces divinités. On verra, dans un autre article du Dictionnaire [SATURNALES], que les Saturnales romaines rappellent beaucoup, à certains égards, les kronia d'Athènes. D'ailleurs, dès l'antiquité, chez les auteurs de basse époque, une confusion s'établit entre ces deux fêtes 2. Il y a pourtant, entre l'une et l'autre, une différence essentielle, en ce que les Saturnales sont une fête d'hiver, tandis que les kronia sont une fête d'été. Mais est-il absolument sûr que les kronia n'aient jamais été célébrées en hiver? La question est posée dans la dernière et récente édition de l'Ileortologie d'Aug. Mommsen'. Il semble, en effet, résulter d'un témoignage de Philochore, qui nous a été transmis par Macrobe, que Cécrops aurait institué en l'honneur de Kronos deux fêtes annuelles, l'une à la récolte du blé (c'est celle du 12 Ilékatombaion), l'autre « fructibus jan' coactis », c'est-à-dire au moment de la récolte du raisin ou des olives; celle-ci ne saurait être une fête d'été'. Aug. Mommsen avait d'abord pensé que Macrobe avait mal traduit le texte de PhiloChore et qu'en fait il voulait parler exclusivement des kronia d'été. Aujourd'hui, il est tenté d'admettre qu'il y avait réellement à Athènes deux fêtes de Kronos, ayant d'ailleurs le même caractère populaire et agraire. II rappelle que les Rhodiens offraient leur sacrifice solennel à Kronos en hiver; les kronia d'Olympie avaient lieu au commencement du printemps; de même les fêtes agraires du mois Géraistios, à Trézène, qui ressemblent beaucoup aux kronia d'Athènes. Enfin les Saturnales romaines, fêtes d'hiver, pourraient être considérées comme dérivant des kronia d'hiver. D'autre part, pour ce qui est des kronia d'été, il rappelle que le mois lironion du calendrier ionien correspond au Skirophorion attique (juin). Il pousse son hypothèse plus loin encore ; il suppose que les kronia d'hiver se célébraient au mois Anthestérion (février), et que, à un moment donné, elles ont donné naissance (avant de se confondre avec elles) aux PITIIOIGIA des Anthestéries dionysiaques [DIONYSIA], V dont le caractère est, en effet, très voisin de celui des kronia 5. Ce ne sont là que des hypothèses invérifiables. III. Il y avait, en Béotie, une fête appelée kronia, avec des concours musicaux 6. Nous n'avons sur elle aucun détail. L. Couve. IiROSSOS Kpcoer6ç, xomcôç, xrdretov). Ce terme, surtout employé dans le langage poétique', désigne une variété de l'IIYDRIA ou du STAMNOS 2. C'est un vase à puiser l'eau. Comme l'hydrie3, il pouvait parfois servir à renfermer les cendres d'un mort'. La forme précise n'en est pas connue et il n'y a pas lieu de tenir compte des restitutions autrefois proposées 5. E. P. IlIIOIL\EION (Kpouvsiov). Vase cité par Athénée', d'après Epigénès, à côté du CRATER, du CADUS, et autres grands récipients. E P.