Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

KYRIOS

KYIIIOS (Kdpu;). -Le mot xupto;, dans le droit attique, est employé dans des sens divers. Ainsi, dans un sens large, il est usité pour indiquer non point seulement ceux qui exercent une puissance légale, comme le tuteur d'un impubère ou d'une femme, mais encore pour désigner toute personne exerçant sur une autre une autorité quelconque, comme, par exemple, les maîtres sur leurs élèves 1. Dans un sens plus restreint, le mot xéEnç est employé pour désigner le tuteur, soit des impubères, soit des femmes 2. Enfin, dans un sens plus restreint encore et qui paraît avoir été à Athènes son sens technique, ce mot sert à désigner la personne qui est investie de la tutelle sur une femme pubère. Le droit attique, considérant la femme comme un être inférieur' et comme presque entièrement privée de capacité juridique par la faiblesse même de sa nature et par son inexpérience 4, la soumet durant toute sa vie à la puissance d'un xû,to; par l'intermédiaire ou plutôt avec l'assistance de qui elle exercera les droits que la loi lui laisse. La femme athénienne commence, comme tout impubère, par se trouver, dans la première période de sa vie, sous l'autorité d'un tuteur proprement dit, Éa(Tpono; [Épris-topos]. Cette tutelle, ainsi que celle des mineurs en général, est une institution protectrice. Mais, à une certaine époque de la vie de la femme, l'autorité de l'i (TC5 7ro; cesse pour faire place à celle du kyrios, autorité dont le caractère n'est plus celui d'une garantie accordée à un être faible, mais qui constitue un pouvoir, une autorité du fort sur le faible, et qui a pour fondement l'intérêt, le kyrios étant, en principe, le parent le plus proche, l'héritier présomptif de la femme. La tutelle des femmes athéniennes a donc le même caractère que celle des femmes romaines; mais, tandis qu'à Rome la tutelle des femmes ne tarda pas à perdrQ de son importance dès que des moeurs plus adoucies furent venues remplacer l'antique sévérité, à Athènes, au contraire, cette tutelle ne cessa jamais de s'exercer dans toute sa rigueur, probablement parce que la condition faite aux femmes athéniennes par les moeurs fut toujours très inférieure à celle qu'elles obtinrent à home. Il est assez difficile de savoir exactement à quelle époque les fonctions de l'il-ale to; de la femme sont remplacées par celles du kyrios, car la question n'est résolue expressément par aucun texte. Il est un point toutefois sur lequel on paraît être d'accord, c'est que l'.7,rcoar, ne survit point au mariage de la femme. Cela ressort d'une manière à peu près certaine d'un texte d'Isée 5. L'existence d'une véritable tutelle aurait d'ailleurs, soit au point de vue de la personne, soit au point de vue des biens de la femme, été incompatible avec le rôle et les pouvoirs du mari 6. Il est vraisemblable, d'autre part, que la tutelle de 1'€7dtps-.o; peut cesser avant le mariage pour faire place à celle du kyrios'. Mais alors, si la première tutelle des femmes ne dure point jusqu'au mariage, il paraît assez rationnel de dire qu'elle finit avec rage de la puberté, car on ne voit guère d'autre époque à laquelle aurait pu s'effectuerla substitution du kyrios au tuteur Au surplus, il y a peu d'intérêt à savoir à quel fige précisément a lieu la majorité des filles, car, en fait, il n'y a pas de différence sensible entre les pouvoirs du tuteur ordinaire et ceux du kyrios. Le plus souvent même, quand IYR 877 KYR le tuteur était un des proches parents de la jeune fille, il n'y avait rien de changé, si ce n'est son titre. La règle à suivre, en ce qui concerne la délation de la tutelle des femmes, est posée dans un discours attribué à Démosthène et qui relate une loi vraisemblablement fort ancienne'. Ce texte a pour but de déterminer celui qui remplit la fonction de kyrios : 1° lorsque le père, les frères ou le grand-père de la femme vivent encore ; `?° à défaut de ceux-ci : a) lorsque la femme est une épicière, et b) lorsqu'elle ne l'est point. Dans la première hypothèse, la tutelle est légitime et elle est exercée par les divers parents nommés par la loi, à savoir le père, le frère consanguin et le grand-père paternel. Il est évident toutefois qu'elle ne leur appartient point à tous simultanément, mais successivement, de sorte que le frère n'est appelé à remplir les fonctions de kyrios qu'à défaut du père, et le grand-père qu'à défaut du frère. S'il existe plusieurs frères consanguins, ils exercent tous la tutelle en commun, à condition toutefois qu'ils soient majeurs 2. La tutelle de la femme n'est déférée d'ailleurs, comme le décide formellement le texte précité de Démosthène, qu'au frère consanguin, et elle n'appartient jamais au frère utérin en cette seule qualités. A défaut des parents dont nous venons de parler, la tutelle est-elle dévolue à d'autres parents paternels d'un degré plus éloigné, et en suivant l'ordre de l'âyzicts(v.? On a soutenu l'aftirmativel; mais les textes des arguments divers sur lesquels on s'est fondé ne nous paraissent point suffisants pour ébranler l'autorité du texte de Démosthène qui renferme la loi de la matière, et qu'il ne nous paraît pas permis de compléter ou d'étendre arbitrairement. On comprend, du reste, que la loi n'ait pas déféré la tutelle des femmes à d'autres parents plus éloignés, parce qu'elle ne pouvait pas attendre d'eux la même sollicitude pour leur pupille Si la tutelle, à notre avis, n'était point déférée à des parents paternels d'un degré plus éloigné, à plus forte raison ne pouvait-elle appartenir au beau-père'. A défaut du père, du frère consanguin ou de l'aïeul paternel, la loi citée par Démosthène, envisageant d'abord le cas où il s'agit d'une fille épicière, décide que l'épicière a pour kyrios le plus proche anchisteus [ÉPIELEBOS]. Cet anchisteus, ainsi investi de la tutelle, peut alors, suivant le droit de l'épiclérat, se faire adjuger l'épicière en mariage, ou bien, renonçant à son droit de l'épouser, user de celui que lui confère sa qualité de kyrios pour la donner en mariage à un parent d'un degré plus éloigné, ou même, s'il ne se trouve aucun parent, ou qu'aucun d'eux ne veuille de ce mariage, la marier à un étranger 7. La tutelle, dans les diverses hypothèses que nous venons d'examiner, est légitime, en ce sens que le kyrios est désigné par la loi elle-même. Mais il peut se faire que l'on ne se trouve dans aucun de ces cas et que le kyrios ne puisse être désigné par la loi. Tel serait notamment le cas d'une femme née hors mariage de deux parents possédant le droit de cité athénienne. Comme la fille naturelle n'a point d'anchistie, elle ne peut avoir de kyrios en vertu des règles précédemment posées, et cependant elle doit, en raison de son incapacité, être munie d'un tuteur. C'est vraisemblablement à cette hypothèse et aux autres semblables que se référait la disposition finale de la loi citée par Démosthène, disposition assez obscure d'ailleurs et qui a donné lieu à diverses interprétations $. La théorie qui nous paraît la plus satisfaisante est celle qui attribue la désignation du kyrios à l'archonte éponyme. Ce pouvoir de l'archonte est, au surplus, parfaitement conforme à la mission générale que la loi' lui attribue de veiller à la protection des incapables 10. Il y a lieu de croire que l'archonte choisissait le kyrios de la femme parmi les personnes qui tenaient de plus près à celle-ci, nommant, par exemple, son mari, ou son fils majeur, si elle était veuve. Cela suppose d'ailleurs, et la question est fort douteuse, que ni le mari, ni les enfants majeurs de la veuve ne sont investis de plein droit de la tutelle de leur femme ou mère Nous devons mentionner, pour compléter l'indication des personnes appelées à exercer les fonctions de kyrios, un cas exceptionnel oit ces fonctions sont remplies, du moins en ce qui concerne la dation en mariàge, par l'État lui même : c'est le cas des filles d'Aristide qui auraient été mariées et dotées par la cité". Pour déterminer les fonctions du tuteur d'une femme pubère, il faut être fixé préalablement sur la capacité de la femme dans le droit attique. Il existe à cet égard une loi célèbre qui interdit à la femme. de même qu'au mineur, de contracter au delà de la valeur d'un médimne d'orge 's. Le droit de la femme de contracter semble ainsi restreint dans des limites fort étroites. Mais la situation des femmes paraît bien plus favorable si l'on se reporte à certains passages des orateurs ou des poètes athéniens ". Ces textes laissent supposer que la femme peut emprunter, prêter, vendre, en un mot qu'elle a la capacité civile et que, par suite, la loi précitée devait être tombée en désuétude''. Nous estimons néanmoins que les passages en question des orateurs et des poètes ne relèvent que des faits exceptionnels et abusifs, et que la loi prohibitive n'avait rien perdu de sa force, car elle est mentionnée par des auteurs relativement récents", qui en parlent comme d'une règle toujours en vigueur dans le droit classique 17. Tout ce que l'on peut admettre, c'est que la femme peut procéder seule aux actes ayant un caractère d'actes d'administration, quelle que soit l'étendue de l'intérêt engagé, pourvu qu'ils n'entraînent pas aliénation au delà de la valeur d'un médirnne d'orge. La femme peut ainsi exploiter elle-même ses domaines, toucher ses revenus, se faire consentir une hypothèque, etc. Pour toute autre opération constituant un acte de IiYR 878 IiYR disposition au delà de la valeur précitée, la femme ne peut y consentir valablement que si elle est assistée de son kyrios. Cette autorisation est nécessaire à la femme notamment pour les achats et ventes, ainsi que pour la constitution de droits réels sur ses biens, droits de gage ou d'hypothèque La femme est également incapable de figurer seule dans un contrat de louage, ou dans un contrat de prêt. Elle ne peut non plus, sans autorisation, s'engager comme caution 2. L'incapacité de contracter, cuu.z)iasty, qui frappe la femme, entraine enfin pour elle l'incapacité de tester, car, dans le droit attique, les testaments sont compris parmi les eup.e6))ata3. La femme ne peut même pas faire de legs, et les passages des discours de Démosthène que l'on a allégués en sens contraire 3 ne sont nullement de nature à faire échec à la règle Mais la femme peut, pour le testament comme pour tout autre acte juridique, être relevée de son incapacité par l'assistance de son kyrios L'incapacité de la femme ne souffre-t-elle pas une exception en ce qui concerne les donations ayant une destination pieuse? C'est ce que pourraient laisser croire, pour le droit attique, un texte de Lysias 8, et, pour d'autres cités, certaines inscriptions où, dans des actes de donation, on voit la femme figurer seule, sans mention aucune de son kyrios 9. Mais cette conclusion est fort conjecturale 1D. Lorsqu'il s'agit d'un acte dépassant les limites de sa capacité bien restreinte, la femme figure-t-elle dans le contrat qui l'intéresse, son kyrios se bornant à praestare auctoritateln, comme le faisait à Rome le tuteur de la femme à l'époque de (laïus, ou bien, au contraire, est-elle représentée par lui? C'est cette dernière solution qui nous parait devoir être admise, car plusieurs textes" nous montrent, soit à Athènes, soit dans d'autres cités, la femme figurant elle-même personnellement dans les contrats f2. Aucune solennité ne semble d'ailleurs exigée pour l'autorisation du kyrios, car les textes se bornent à signaler sa présence à l'acte passé par la femme, sans exiger de lui aucune autorisation formelle. Il suffit même, pour la validité de l'acte, que le kyrios n'y fasse pas opposition, car l'acte peut être passé en son absence 13 Le kyrios est, d'autre part, entièrement libre d'accorder ou de refuser son autorisation, et il ne semble pas qu'il y ait, comme en droit romain, de recours possible au magistrat contre le refus d'autorisation. Le seul remède, en cas de refus injuste et préjudiciable, est la ypxyr, xxxadaew;, à supposer que les conditions requises pour l'exercice de cette action existent dans l'espèce. Si, en principe, c'est la femme qui figure elle-même dans les actes juridiques oit elle est intéressée, par exception, il est un acte, et c'est peut-être le plus important de l'existence de la femme, à savoir le mariage, où elle ne prend aucune part, car l'engyésis, mode ordinaire de formation du mariage, est un contrat qui se passe exclusivement entre le kyrios et le futur époux14. Peutêtre aussi, lorsque la femme possède des biens personnels, la constitution de ses biens en dot a-t-elle lieu par le tuteur seul, sans intervention de la femme is. II faut admettre aussi une autre exception en ce qui concerne les actions en justice, du moins les actions civiles, et dire que la femme, contrairement à ce qui a lieu lorsqu'il s'agit de contracter, est représentée par son kyrios. C'est ce que démontrent plusieurs textes des orateurs ", oit l'on voit le kyrios non point seulement assister la femme, mais la représenter, conduire luimême le procès. Si d'autres textes" disent que c'est la femme qui est vaincue ou qui triomphe au procès, cela signifie simplement que c'est la femme qui, en dernière analyse, souffre ou profite des condamnations prononcées contre elle ou en sa faveur l8. Dans certains cas, toutefois, la femme paraît avoir eu le droit d'ester en justice sans l'assistance de son kyrios. Un premier cas est celui où il s'agit d'une marchande publique". Il eût été d'ailleurs difficile de refuser l'action quand on permettait le commerce 20. La demande en divorce (7a-d),erlrit,) peut aussi, du moins dans une opinion, être formée par la femme seule, saris qu'elle soit ici représentée par son kyrios 2'. Quant au cas oit il y a opposition d'intérêts entre la femme et son kyrios, le silence des sources à cet égard laisse supposer qu'il ne pouvait y avoir lieu à une action privée, ni de la part du kyrios contre sa pupille, ni de la part de celle-ci contre son tuteur. Si toutefois la femme a plusieurs kyrioi, comme dans le cas où elle est sous la tutelle de ses frères, ses intérêts peuvent être défendus par l'un des tuteurs contre les autres22. Si, d'autre part, la conduite du kyrios envers la femme est blâmable au point de constituer ce que le droit attique considère comme une xxw7y, l'action publique, dite ypxY 1 xarwcew;, peut alors être intentée dans l'intérêt de la femme contre son tuteur par tout citoyen d'Athènes, parent ou non de la femme, mais ordinairement par ses proches parents". Le kyrios a, d'autre part, en ce qui concerne la personne de sa pupille, des pouvoirs très étendus. Ainsi, il possède le droit, qui nous paraîtrait aujourd'hui exorbitant, de donner sa pupille en mariage sans son consentement". Il peut, du reste, disposer ainsi de sa pupille, soit de son vivant, soit par testament ". 11 a également le droit de dissoudre par sa seule volonté le mariage de la femme qui est sous sa puissance [DI.vonTIu31j 2C,. On pourrait croire aussi que le kyrios peut, en refusant son concours à la demande en divorce formée par la femme, s'opposer au divorce. Mais il est plus rationnel d'admettre que la femme pouvait divorcer, malgré son kyrios, lorsqu'elle en avait de justes motifs. Donc, en cas de hYR S79 IiYR refus injuste de la part du kyrios d'intenter l'action en divorce, ou bien il pouvait y avoir lieu à la ypx.,A r.«r.icsuç contre lui, ou bien la femme pouvait faire présenter sa requête par un autre parent ou même par un étranger'. Lors de la dissolution du mariage, la veuve, si elle n'use pas de la faculté qui lui appartient de demeurer avec ses enfants dans le domicile conjugal, peut abandonner la maison de son mari et alter se replacer sous l'autorité de son kyrios. Celui-ci, si elle est en âge d'être remariée, a le droit de lui donner un nouvel époux, et c'est même une obligation morale pour le kyrios de remarier sa pupille en lui constituant la même dot qu'il a recouvrée 2. Le tuteur de la femme peut, du reste, lorsque celle-ci n'a pas obtenu immédiatement le remboursement de sa dot, intenter contre le mari, soit une action en restitution de la dot, ô(x-ri 7tpetxôç, soit, à défaut de restitution, et afin de procurer à la femme des ressources alimentaires, exercer une autre action, la ôfrr, r(oo, tendant à la prestation d'aliments ou des intérêts de la dot 3. Les pouvoirs du kyrios sont les mêmes, quel que soit le titre en vertu duquel il exerce ses fonctions, que la tutelle soit légitime, déférée par le magistrat, ou testamentaire. Ainsi les frères ont, en ce qui concerne le mariage de leur soeur, les mêmes pouvoirs que le père et il n'y a pas de motifs pour supposer que les pouvoirs des autres kyrioi n'aient pas la même étendue. Le mari notamment, quand il est investi de la tutelle de sa femme, a le droit de la donner en mariage à un tiers. Il est toutefois deux cas exceptionnels où le kyrios est soumis à des règles spéciales. Le premier est celui oé il s'agit d'une épicière 97ieca : son plus proche parent, qui est son kyrios, est alors tenu de l'épouser ou de la doter [rn'ncLLllos] 0. Le second concerne le cas d'une épicière ordinaire. Son kyrios ne peut l'enlever purement et simplement à son mari ; il doit user de la procédure judiciaire de l'épidicasie Le kyrios peut déléguer à un tiers l'exercice de ses droits pour un ou plusieurs cas déterminés. Cette solution, qui est conforme aux principes généraux du droit, ne soulève aucune objection. Tout au plus pourrait-on dire que cette délégation ne peut avoir lieu qu'au profit du parent le plus proche. C'est ainsi, par exemple, que le père kyrios pourrait et devrait, en cas d'absence, se faire remplacer par son fils 8. A défaut de délégation préalable, la ratification par le kyrios de l'acte fait par un tiers équivaut au mandat 9. La tutelle d'une femme peut être exercée simultanément par plusieurs personnes, comme dans le cas où une femme a plusieurs frères consanguins. Le règlement des attributions respectives des cotuteurs doit, en l'absence de texte, se faire de la même manière que pour la tutelle des impubères. Il faut donc admettre que chacun V. des cotuteurs a compétence pour faire seul tous les actes de gestion qu'il ferait valablement s'il était seul. En cas de difficultés sur la gestion entre les cotuteurs, il y alieu de les faire trancher par les tribunaux 1° En ce qui concerne l'extinction de la tutelle des femmes et les conséquences de cette extinction, il existe deux différences notables avec la tutelle des impubères. C'est d'abord que la tutelle des femmes, étant perpétuelle, n'est susceptible de cesser que a parte tutoris. C'est, en second lieu, que le kyrios de la femme, n'ayant point à administrer, n'a aucun compte à rendre à la fin de la tutelle. La tutelle des femmes pubères n'est point une institution spéciale au droit attique. On la retrouve dans les autres républiques de la Grèce, comme, du reste, d'une manière générale, chez tous les peuples d'origine aryenne. L'universalité de cette coutume chez les peuples grecs est attestée par les jurisconsultes romains euxmêmes. Ainsi, à Pergame, la tutelle des femmes était encore en vigueur à l'époque de Cicéron 11. Elle existait de même en Bithynie, au témoignage de Gaïus, à l'époque A Gortyne également on trouve des traces, quoique assez incertaines, d'une tutelle fondée sur le sexe ts. A Sparte, la tutelle des femmes a dû exister comme ailleurs, mais probablement elle y disparut d'assez bonne heure relativement. Certains textes nous disent, en effet, que la majeure partie des richesses de la république se trouvait entre les mains des femmes au temps d'Agis19, ou que les hommes, quoique ayant en apparence le droit de commander, étaient soumis à l'autorité des femmes20. Cette situation de fait peut, il est vrai, se concilier parfaitement avec une législation qui astreindrait la femme à se procurer l'autorisation d'un kyrios pour la validité des actes juridiques qu'elle aurait à faire 21. Mais il faut reconnaître que si la situation des femmes était, en fait, à Sparte, telle que nous la dépeignent Plutarque et Aristote, la tutelle des femmes se trouvait bien près de disparaître, car elle n'avait plus sa raison d'être originaire22. On peut admettre d'ailleurs, en se fondant sur les actes d'affranchissement d'esclaves sous forme de vente à la Divinité recueillis à Delphes, que, dans les États doriens ou éoliens auxquels appartiennent les auteurs de ces actes, la situation légale de la femme était supérieure à ce qu'elle était à Athènes. Ces actes renferment, en effet, de nombreux cas d'affranchissement de ce genre par des femmes procédant seules, sans assistance de kyrios 2S. Comme il est difficile d'admettre que cette exception au droit commun soit motivée par le caractère religieux de l'acte, il faut reconnaître qu'à Delphes, comme dans plusieurs autres États doriens ou éoliens, la femme jouissait d'une plus grande capacité qu'à Athènes 24. 111 KYII 880 KYT La tutelle des femmes avait été également introduite dans les villes de la Grande Grèce ; mais là le mouvement d'émancipation des femmes se produisit d'assez bonne heure relativement, sous l'influence notamment des idées pythagoriciennes, et dans plusieurs de ces villes les femmes furent formellement affranchies de la nécessité d'avoir un kyrios pour les assister dans les principaux actes de la vie civile'. Enfin, de Grèce la tutelle des femmes a passé en Égypte, oh elle est mentionnée dans des papyrus du temps des Lagides et même dans un papyrus du temps d'Antonin le