LAETI. Ce nom a désigné au Bas-Empire une
catégorie d'auxiliaires barbares, établis, sans doute volontairement, comme colons, sur quelques frontières et en d'autres endroits, à la charge de fournir le service militaire. Ils ont été probablement constitués sur le modèle des milites limitanei. Ils sont mentionnés pour la première fois, à la fin du tu0 siècle ap. J.-C., dans le panégyrique de Constance Chlore : Maximien avait rétabli sur le territoire des Nerviens et des Trévires des pètes Francs qui en avaient été chassés par des invasions'. Ils sont souvent mentionnés par Ammien Marcellin 2 el; par le Code Théodosien 3; ils figurent sous le nom de Liliani dans l'armée conduite par Aetius contre Attila ''°; la dernière mention se trouve dans une loi de l'empereur Sévère de 465'. La Notitia di,gnilatum' énumère pour l'Occident, au début du va siècle, douze corps de Lètes cantonnés dans la Gaule, soit seuls, soit réunis à des corps de ventiles, et chacun sous la direction d'un praefectus, à savoir : le praefectus Laetorum Teuton icianorum Carnunta (à Chartres ; le praefectus Laetorum Batavorum et gentilium Suevorum, à Baveux et à Coutances; le praefectusLaetorum gentilium Suevorutn, au Mans ; le praefectus Laetorum Francorum, à Rennes; le praefectus Laetorum Lingonensium per diversa dispersorum Belgicae primat", répartis en différents endroits de la première Belgique ; le praefectus Laetoruit AcloPunt (peut-être Aeduorunt) Epuso (peut-être Yvoi) dans la première Belgique ; le praefectus Laetorum Nerviorum, Panomantis (plutôt Fano Ma/Ois) ( peut-être Famars, près de Valenciennes) dans la deuxième Belgique ; le praefectus Laetorum Batavorum 1Yentetacensiunt, à Arras ; le praefectus Laetorum Batavorum Contraginnensium , à Noyon ; le praefectus Laetorum gentilium 8, à Reims et à Senlis ; le praefectus Laetorum Lagensium0, près de Tongres; le praefectus Laetorum gentilium Suevorem, à Clermont. On voit que quelquesuns de ces corps sont cantonnés à l'intérieur de la Gaule, à Clermont, à Chartres, au Mans, ou le long de la Manche, à Rennes, à Bayeux, à Coutances, mais que la plupart se trouvent sur les frontières de la Germanie. Quelquesuns des noms qu'ils portent indiquent certainement leur origine; tels sont les Francs. L'épithète Teutoniciano_ rural indique aussi une origine germanique ; les troisième, dixième et douzième groupes sont probablement des Suèves qui fournissaient à la fois des tètes et des gentiles ; les épithètes locales que portent deux des corps de Bataves. le huitième et le neuvième, paraissent indiquer des cantonnements; il en est de même des épithètes Batavorum, Lingonensium, Aeduorum?, Nerviorum, qui ne peuvent guère se rapporter à l'origine. Alors les Lètes Nerviens auraient été établis sur le territoire même des Nerrii ; les Bataves, les Lingons, les Éduens très loin de leurs centres légaux de cantonnement. Du reste. il avait dû y avoir plus d'un déplacement. Les Lètes se
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trouvaient donc surtout dans la Gaule, et c'est pour cette raison que Zozime les appelle à tort un peuple gaulois'. Le texte du panégyrique de Constance Chlore prouve que les premiers et.,bli gants étaient antérieurs aux campagnes de Maximien. en Gaule. Y en avait-il seulement dans ce pays ? D'après. Ammien', on établit en 370 des Alamans dans le nord de l'Italie; or, nous savons qu'il y avait des Lètes Alamans ; il se peut donc qu'il y ait eu au moins pendant quelque temps des Lètes Alamans en Italie. Tous les textes représentent les Lètes comme d'origine barbare et surtout germanique3 ; ils citent des
Alamans des Francs, des Suèves', et on peut sans doute encore ycomprendre des Sarmates: le texte du Code Théodosien sur 1.es Sarmates est obscur 6, mais un vers de Claudien 7 indique des établissements de Sarmates en Gaule sous Gratien.
Au point de vue juridique, les Lètes n'étaient certainement pas assimilés aux nEDITICn; la lettre de Julien à Constance les en distingue assez nettement'. Ils n'avaient non plus rien de commun avec les foederati [FOEDIis;; au contraire, ils se rapprochent beaucoup des GENTILES au-dessus desquels ils paraissent cependant avoir été classés. Les Lètes n'étaient ni des garnisons locales, ni des corps de troupes spéciaux: mais plutôt des espèces de pépinières où le gouvernement romain pouvait puiser plus largement encore que parmi les colons. Chaque groupe était organisé en corporation 9 et administré par un praefectas ou un praepositus10, sous la direction générale d'un des maures de la milice, du magister militzcrrl pi'aesentalis a parte peditem ; il fournissait des recrues, selon les besoins, soit aux légions", soit aux scholae de la garde "2. Les Lètes cherchaient souvent à, échapper au service militaire par les mêmes fraudes que les autres catégories de soldats, soit en désertant, en devenant vagi, soit en obtenant illégalement des diplômes de retraite, des brevets de protectores, ou d'autres dignités soit municipales, soit impériales, soit ecclésiastiquesi3. Il est probable qu'ils pouvaient arriver aux grades de praepositi et de tribuni dans tous les corps de troupes"' et même à des grades supérieurs, commue le montre l'exemple de Magnence''. Godefroy a prouvé" que l'obligation imposée il. .beaucoup de fonctionnaires de fournir des garants ne s'appliquait pas aux praepositi des Lètes. Les Li'tes étaient assujettis héréditairement au service militaire. En échange de cette obligation, chaque groupe de Lètes avait la jouissance héréditaire et irrévocable, sauf le cas de fraude, ou d'inexécution des charges, d'une certaine étendue de terres, soumises probablement au même régime que les ter-rue limitaneae et les lundi limitroplti [LIMES, LIMI2ANElj, et appelées tenue laeticae. Une constitution
d'Honorius, de 399, constate que des barbares, introduits en masse dans l'empire, avaient occupé plus de terres létiques qu'ils ne devaient, grâce à la collusion des magistrats municipaux, principales et défenseurs ; et elle envoie des inspecteurs chargés de reviser les concessions en décidant qu'elles ne seraient accordées à l'avenir que par décision impériale ". Mommsen a conjecturé " qu'une partie de l'impôt des terres létiques revenait à la cité, centre légal du cantonnement, et que c'est en restaurant les établissements létiques de la Gaule que julien avait pu rendre leurs revenus à plusieurs cités de la Gaule" : cette hypothèse est insuffisamment fondée.
On a proposé, sans arriver à une conclusion satisfaisante, de nombreuses étymologies du mot 1nel-us. Il faut rejeter d'abord l'opinion des auteurs tels qu'Adrien Valois20, Henri Valois 2t, Tillemont", qui voient dans ce mot le nom propre d'un peuple gaulois ou germanique. C'est évidemment un terme générique. On a voulu y voir l'adjectif laetus, joyeux, c'est-à-dire un surnom de troupes, comme la légion des petulantes `13 ; cette étymologie est aussi invraisemblable que celle de Gaupp qui a rapproché ce mot de l'adjectif grec ailiToç (publie, populaire) 2Y. Beaucoup d'auteurs le regardent comme la traduction latine d'un mot germanique, tel que lie!, liod, leod, led, leu le, qui signifierait les gens, les auxiliaires25. D'autres le font venir du celtique laydh, leyt, signifiant une classe de clients 20. L'opinion la plus vraisemblable est celle qui rapproche les laeti gallo-romains des l'ides qui constituaient, au-dessous des nobles et des hommes libres, la classe inférieure de la population dans toutes les races germaniques sous les différents noms de titi, lidi, ledi, leti, laeti, lassi, lare i27. Cu. L$CBIVAIN.