LARENTALIA, LARENTINALI\ [LARES].
LARES. La religion des dieux Lares, qui compte parmi les plus anciennes des peuples de l'Italie latine, fait partie du groupe très important des cultes domestiques où figurent, avec Vesta et Vulcain', les Pénates, les Maries et les Génies ; on la rencontre dès les débuts de l'histoire, chez les Latins, les Sabins et les Étrusques 2. Si les pratiques qui la distinguent sont rattachées de préférence à la nation sabine, le nom même de Lar est rapporté à la langue de l'Étrurie 3. Il y signifiait chef ou prince et correspondait à va des Grecs ; les historiens le donnent à Porsenna et à Tolumnius, rois et guerriers; à Rome même, on cite un consul des commencements de la République avec le cognolnen de Lar 4. Pour en déterminer la signification religieuse qui importe seule ici, il
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convient de s afrancleir des interprétations dont la notion de Lare a été l'objet sous l'influence de l'hellénisme ; pour cela, il. suffit de raconter l'origine du culte des Lares et son évolution, en suivant autant que possible l'ordre chronologique des témoignages et des faits,
le document le plus ancien où leur nom figure est le chant des Frères Arvales; nous l'y rencontrons sous la forme Lases qui paraît en accentuer le caractère étrusque et qui nous est garanti par d'autres textes encore 1.. Ce chant, qui, d'après l'interprétation commune qu'il n'y a pas lieu d'abandonner z, est une prière pour la prospérité des récoltes au début du printemps, s'ouvre par d'invocation ; E nos Lares juvate; ces divinités y jouent, avec Mars et les Semones, le rôle de protecteurs des laboureurs, dont elles préservent le travail contre les Iléaux, Elles ont la même signification aux yeux du vieux Caton ; dans le traité de l'Agriculture °, il recommande à la fermière d'orner le foyer de couronnes, aux Calendes, aux Ides, aux Nones, aux jours de fêtes, et d'adresser, ces mêmes jours, des prières au Lare Familier pour que la recolle soit abondante. Ailleurs, il avertit le père de famille qui vient à sa villa, de saluer avant toute chose le Lare Familier et de ne faire le tour de sa propriété qu'après s'être acquitté de ce devoir. A peu près dans le même temps, nous voyons Plaute faire une place importante à la religion des Lares dans sa comédie où se traduit avec tant de fidélité l'opinion populaire. Dans l'Aululaire le Lare de la maison d'EucI'on prononce le prologue et définit pour les spectateurs ce qu'est ,;on action divine , depuis plusieurs générations, il sest constitué le gardien de la famille ; c'est lui qui a revu are dépôt un trésor et qui le tient caché jusqu'au jour où la piété de l'un des habitants le décidera à en révéler l'existence, Parce que la fille d'Euclion lui offre régulièrement de l'encens, du vin et d'autres dons, il va s'employer à son bonheur ; le père lui-même, d'abord négligentà l'égard du dieu, vadépeser, une fois le mariage de sa fille décidé, ces mêmes offrandes sur le foyer pour que l'union soit heureuse. De mémo ailleurs, le mari invite sa femme à vénérer le Lare et à,
nant au Lare unique le titre de (amiiiae Pater. Le vers d'un vieux poète, qui est peut-être Ennius, résume le hile des Lares Familiers dans la maison romaine aux beaux temps de la République par cet hommage . Vous qui avez le souci profond de tout °,e qui touche la maison
0l'osane Lares tecei' ao nostsau ,, qui i arrdt,
Ces témoignages de la piété populaire dam plus ancienne littérature des Romains sont en harimon avec les légendes primitives. Celle qui a embelli les origines du roi Servius Tullius, considéré .comme le fondateur du culte public des Lares, veut qu'il ait été conçu par sa mère Ocrisia, tandis qu'elle offrait un sacrifice devant le foyer de la Reéia°. Le foyer est le symbole de la famille, celui de l'habitation permanente qui succède à la vie nomade ; rien de plus naturel que de considérer l'auteur d'une race, le fondateur d'une rationalité, comme issu de la flamme qui s'allume au foyer. On racontait la même chose de Caeculus, le fondateur de Préneste et, plus tard, sans doute par imitation littéraire, de Romulus '. A ce point de vue, le Lar est identique au Genius generis, et il en précise la notion en la matérialisant. Le GENTCS est la force cachée qui engendre; le Lare sera la divinité toujours présente qui protège et conserve 8. Si le roi Servius est le fils du lare dont la divinité brille dans la flamme sur l'autel domestique de la Regia, c'est qu'il est devenu devant l'opinion le restaurateur, et par là même Je conservateur de la puissance romaine à travers les âges. Les Grecs avaient des légendes analogues, quoique d'un caractère plus subtil. Ainsi Démarate, roi de Lacédémone, était considéré comme le fils du daenton familier
Astrahakus A côté de la légende de Servius Tullius, il faut placer celle do la Gens Valeria ou Volesia, à laquelle on rattachait l'origine des Jeux séculaires1°. C'est en priant les Lares du foyer que le père de famille obtient la révélation des remèdes qui rendront la santé à ses enfants. Enfin Attus Navius, l'augure, célèbre, lorsque enfant encore il a perdu le troupeau dont son père lui avait confié la garde, supplie les Lares, dans la chapelle quils possèdent au fond du vignoble de la Sabine, de venir a son aide, ses offrandes les décident à lui rendre le bétail perdu et à lui enseigner la science augurale 1b. Rapprochées des hommages dont les Lares sont l'objet dans la Comédie, image de la vie, ces fables s'accordent pour nous présenter les Lares comme les dieux qui président e 'existence familiale, qui veillent sur la pros_ E érite et sur la santé des hommes gemmés sous leur regard autour du foyer.
Cependant, tous ces témoignages sont m_:_ot„ sur l'origine généalogique 'les Lands , il ne semble pas que la piété pt itive -'en soit préoccupée; un document, postérieur, mats que l'on peut avec vraisemblance ramener au point de départ du culte, parle d'un sacrifice offert à la mère des Lares, qui n'y est pas autrement désignée 12. Ce sacri_`lce consistant en deux béliers est offert par les Frères Arvales, des légendes, dont plusieurs n'ont guère que la
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valeur de subtilités mythologiques, ont nommé cette divinité ou Lava, ou Iaronde, ou Accu, Larentia • la prosodie seule suffirait à nous avertir que Làrunda et Làrentia n'ont eu avec les Lires aucun rapport à l'origine et que seule une ressemblance tout extérieure les e plus tard associés 2. Alors la fête des Lrrentalia ou Larentinalia est absorbée par la fête propre des Lares; et comme elle avait un caractère funèbre, analogue à celui des Feralia et des Paarentalia, le culte des Lares, tout aussi bien que l'être propre de ces dieux, se sont compliqués d'un élément qui, du temps de Caton et de Plaute, y était encore totalement étranger. Nous aurons à montrer comment la notion des Maries, apparentée à celle des Lares, contribua à ce résultat,
Dès les débuts de la question des Lares, nous nous
ons ainsi aides confusions qui démontrent que L'opinion religieuse, très nette en ce qui concerne leur action, est peu fixée sur lei i véritable nature 3. Nous devinons seulement que les Lares ne sont, ni des dieux au sens éminent du mot, ni des hommes divinisés, personnifications absentes de la vieille religion des Latins et qui, même chez les Grecs, furent d'introduction relativement tardive dans la piété populaire Ils sont de vagues esprits qui agissent pour le salut et la prospérité des familles, les gardiens des hommes et de ce qui leur appartient, notamment des champs d'où les hommes tirent leur subsistance `. Tibulle, un des poètes les plus fidèles à l'esprit des temps primitifs, les appelle custodes aagr i ; et l'auteur anonyme qui, avec les ressources de la langue de Plaute, a écrit la comédie du Querolus, fait dire au Lare d'une maison qu'il est t tristes e_t cuitai, doanus cul Puera adscriptus Remarquons de plus, qu'en dehors du Chant des Frères Arvales, les plus anciens documents sur le culte des Lares nous donnent de préférence leur divinité au singulier et l'incarnent dans le Lar Famitiaris, père unique, mais idéal d'une race ce mot en effet signifie, non qu'il a procréé matériellement la race à l'origine en qualité d'ancêtre, mais qu'il est la raison divine de son existence et de sa durée °.
Ce Lare., par exception seulement mis £1a pluriel, a l'alloue rustique nous l'armas si i ces traits
dans les Actes ec, Frères Ar-%a.lc_ d. -a,t" de l'Agriculture de Caton. Dans une lnscrip'tiol ,haique de l'ante'_, de GoNsus, vieille di,init agricole, il est en compagnie de ce dieu eE de Malts dpt _la signification champêtre est connueMalheureusement, le texte de cette inscription est corrompu en ce qui concerne les Lares et l'attribut spécial de leur puissance indéterminé, La légende qui a
fait d'eux les fils d' ACCA. L3RENTSA, identique à DEA DIA,
t, R
protectrice de la floraison printanière, est, elle aussi, un témoignage en faveur de leur nature champêtre 8. iLi poète dit que leurs premières images étaient taillées dans une souche grossière °, tout comme celles de s1LVANus, avec lequel ils ont d'ailleurs d'autres ressemblances ; le même constate que pour la première fois dans les champs ils furent l'objet d'humbles hommages et il les place parmi le cortège des divinités rustiques dont il célèbre les bienfaits 1°. De son côté, Cicéron '. commentant toute une série de prescriptions religieuses dont le caractère archaïque est indéniable, dit qu'il faut honorer les Lares au milieu des champs, dans les bois sacrés dont ils ont fait leurs temples : c'est à la porte même des fermes, sous le regard des maîtres et des serviteurs, au centre de l'exploitation rurale, qu'ifs font sentir leur action divine', Des inscriptions plus récentes, mais qui sont inspirées par la pété des anciens temps, leur donnent les vocables d'agrestes, de rurales, du cas€erlici. Le Lar cagrestis, qui ressemble à Silvanus; ressemble aussi à Priape et paraît avoir eu, comme lui, le phallus pour emblème ; ii est le gardien des champs, comme Priape est celui des jardins, Silo anus celui des bois, Faunus celui des pàturages13
La preuve la plus évidente de la nature champêtre des Lares à l'origine est l'institution d'un culte en l'honneur des Lares Compitaales. On peutvoir à l'article coaPivaei0" comment le partage de Ièome en fiel, transformé par Servius Tullius et subordonné à la grande division régionale [Racroses], fut alors sanctionné par ce culte et devint l'occasion d'une grande fête mobile, célébrée durant les jours quisuivent les Saturnales. En réalité, la religion des Lares Sonipïtales fut importée des champs et simplement, accommodée aux besoins de la vie urbaine 1', Avant d'être des carrefours formés par l'intersection de deux ou plusieurs rues, los compita des pagi, sous le régime agricole, étaient l'emplacement contigu à deux terroirs voisins : ubi plumes rire competunt 26. lis en formaient les limites, elles-mêmes consacrées par le droit primitif, et devenaient le rendez-vous forcé des travailleurs 1L Sur ces emplacements, il était d'usage d'élever des chapelles qui recevaient les images des divinités protectrices. Alors que dans chaque maison on ne vair, ait n 'u un seul date,
comme le cas le plus fréquent des r loia ruraux litait
ce-:1i de deux chemins se coupant, ci :.e droit, les Lares y formaient 'crie paire; ce aui fit que dans ia pratique les lares publies, par opposition avec les ;acres privés", se présentent to locita, q bel trac soit d'ailleurs leur vocable spécial, au nombre de deux ; la pluralité de l'idée de Lares semble issue de la vénération des Lares de carrefours avant d'être conse'crée par leur confusion avec les
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Pénates. Des textes nombreux en témoignent. Cicéron oppose les deluhra des villes aux sanctuaires agrestes des Lares, arides Larum, entourés de bois sacrés; ces chas pcP s, placées aux carrefours et appelées carrefours ellesméul~ formaient des passages (perfusa compila), sembluté, , t dis tours, dit un commentateur, où l'on installait les images des Lares'. Là, une fois les travaux terminés, à l'entrée de l'hiver, les paysans, pour purifier les champs, immolaient des pores engraissés' ; là, en guise d'offrande symbolique, ils déposaient des jougs brisés pour rappeler la tâche heureusement accomplie '. Limités d'abord dans Rome même aux habitants des pagi (pagani) en dehors du Septimontium où habitaient les montani, les compila et le culte dont ils étaient l'objet furent adaptés à la nouvelle organisation urbaine par Servius Tullius ".
lit ce n'est pas au hasard que la légende reporte à ce roi l'honneur de cette institution : c'est parce que, sorti de la condition servile, il incarne devant l'opinion la classe des travailleurs obscurs'"'. Une des particularités du culte des Lares, c'est que les esclaves y prennent une part prépondérante ; d est même le seul qui les ait pour ministres quelquefois, comme participants toujours, en souvenir des temps où ils n'étaient encore que les auxiliaires de l'agriculture : la fermière orne de guirlandes l'autel du Lare et le fermier remplit, pour les vénérer, un rôle qui, dans toute autre manifestation semblable, resterait dévolu au père de famille'. Ajoutons que le soin de célébrer les Compilalia incombait surtout aux esclaves, qu'à cette occasion ils étaient dispensés de tout travail et recevaient une ration supplémentaire de vin '. L'origine et le caractère champêtres de la religion des Lares est donc indubitable ; même à l'époque d'Auguste, alors que la politique et la philosophie y ont introduit des idées et des pratiques inconnues aux beaux temps de la République, c'est dans les milieux rustiques qu'il faut chercher son expression véritable. Il suffira de citer Horace : aux yeux de ce poète, le Lare est le bon esprit qui préside aux repas sans apprêts, aux divertissements simples qui lui rendent chère sa ferme des Sabins ; ce qui surabonde dans l'être du Lare, c'est l'idée de gardien des hommes et de tout ce qui assure leur bien-être : nous retrouverons ce caractère en racontant les pratiques destinées à l'honorer et les offrandes qui concilient sa faveur.
Cependant, de très bonne heure chez les anciens et, avec une persistance assez surprenante chez les histo
riens modernes de la religion romaine, on a voulu voir dans le Lare unique de chaque foyer et dans les Lares en général des ancêtres déifiés devenus les protecteurs de leur race. Nous croyons qu'il y a là une erreur; elle date des temps de Cicéron et de Varron et l'hellénisme religieux en a fait tous les frais ° ; elle n'a pas plus de valeur au fond que celle qui les faisait identifier par Nigidius Figulus avec les Curètes, les Corybantes et les Dactyles du mont Ida. Cicéron, qui n'a jamais nommé en latin le Genius, a traduit Lares par lmigovtç, sans être bien sùr d'ailleurs de l'exactitude de sa traduction10. Varron les confondait avec les Manes en leur donnant Mania pour mère : ailleurs, il les appelait esprits divins ou héros ; ailleurs encore, il les assimilait aux Larvae et les logeait, avec les Génies, dans les espaces célestes, entre les nuages et la voûte éthérée; l'assimilation avec les héros grecs est celle qui, à partir de cette époque, devient de plus en plus fréquente''. Si l'on veut se rendre compte comment la notion mal comprise des Lares fut, par les milieux instruits de Rome, introduite dans le cercle des idées générales d'où sont issus les Daemons des Grecs, puis confondue avec celles des Pénates, des Manes, des Génies, tous confondus entre eux, il faut le demander à un érudit des commencements du christianisme, Cornélius Labeo, qui a écrit un traité sur les dieux appelés animales : il donnait ce nom à toutes les personnifications divines issues de l'idée de l'âme, une fois qu'elle eut été conçue comme distincte du corps : (Lund de animis fiant 12. L'immortalité de l'âme admise avec ses conséquences, on disait des Lares, comme Verrius Flaccus, qu'ils étaient les âmes des hommes mises au nombre des dieux, ce qui signifie qu'ils étaient des héros à la façon des Grecs 13. « Les âmes des héros, dira un commentateur de l'Énéide, résident dans les bois sacrés », là où la piété rustique des Latins vénérait les Lares des carrefours et des chemins : Mimes pidrnm qui Lares viales surit, Le même les opposait aux Larme, esprits funestes qui troublent la maison et tourmentent les vivants, tandis que les Lares seraient les esprits secourables qui y répandent la prospérité et la joie" ; un autre les confond avec les Lemures, ce qui revient au même ; d'autres enfin, pour mettre quelque ordre dans ces personnifications voisines mais distinctes, les disposent toutes dans une sorte de hiérarchie, sans réussir pour cela à sauver l'être propre des Lares". La classification
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la plus raisonnable est celle qui met d'un côté les esprits bons, Génies, Lares, Pénates et Manes, de l'autre les mauvais représentés par les Larvae, les Lemures restant d'un caractère indéterminé. Il faut la philosophie dualiste de Plotin pour donner à ce système une précision suffisante ; saint Augustin, y appliquant le vocabulaire latin, dit que ce philosophe appelait daemones les âmes des hommes affranchies par la mort et que les hommes qui ont pratiqué la vertu deviennent alors des Lares Mais rien de tout cela n'est romain ni latin ; la notion d'ancêtre déifié est, avant l'Empire, étrangère à la religion romaine et c'est une transposition, oeuvre des philosophes et des antiquaires, qui l'a prise dans les spéculations récentes, ou pour la rapporter aux temps primitifs, ou pour la faire rentrer dans la piété populaire. Quoique les anciens Latins aient eu pour coutume d'ensevelir leurs morts, chacun dans sa demeure 2, rien ne prouve qu'ils aient jamais songé à les déifier : il est certain du moins qu'ils ne voyaient ces morts, ni dans les Lares, ni dans les Pénates, et que la confusion des Manes avec les uns et les autres n'est pas antérieure au déclin de la République. Mommsen a eu donc tort de dire, après beaucoup d'anciens et bon nombre de modernes, que chaque gens a eu son héros éponyme qui fut le fondateur de la gens et qu'on vénérait en qualité de Lar Familiaris Ajoutons que s'il en avait été ainsi, il y aurait eu diversité dans la façon de concevoir ce Lare suivant les familles, tandis que partout existe la même indétermination d'un être vague par sa nature comme par ses origines, identique seulement dans son action protectrice et bienfaisante 4.
Si la confusion des Lares avec les ô«iuoveg EsrrtoOyot et les héros éponymes est due à l'influence des Grecs, en revanche celle des Lares et des Pénates est l'oeuvre de l'opinion romaine : elle est même générale dans la croyance des peuples latins et nous la voyons de bonne heure consacrée par la littérature et par l'art. C'est qu'au début Lares et Pénates sont très souvent nommés ensemble et que leur sphère d'action est la même, l'espace restreint du foyer domestique 5. En réalité, les Pénates rentrent dans la classe des Lares et sont des Lares avec la fonction déterminée de veiller sur le penus de la maison ; il semble que le mot lares soit un substantif et celui de penates un adjectif qui désigne les Lares du penus et du penetrale. La langue même établit entre eux une autre distinction caractéristique, du moins à l'origine ; le Lare est de préférence pris au singulier, les Pénates sont toujours au pluriel B ; si les Lares deviennent plusieurs dans le langage, ce n'est pas seulement
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sous l'influence des idées qui ont fondé les Conlpitalia, mais aussi parce qu'ils sont habituellement associés dans une idée commune, celle de la maison familiale, et que les Pénates y interviennent, au nombre de deux. Couramment et de très bonne heure, ils sont ainsi pris les uns pour les autres ; une inscription donne aux Lares le vocable de Penates 1. La triade des dieux du foyer, subordonnés à Vesta qui en incarne la flamme, est constituée par le groupe des deux Pénates encadrant le Lare uniques; les trois figures sont, par métonymie, appelées indifféremment ou Lares ou Pénates : ensemble ou séparément, elles expriment l'idée de la patrie, le plus souvent au sens restreint du mot'. Les passages sont innombrables chez les auteurs où le mot Lare signifie simplement la maison paternelle; être chassé de son héritage, c'est quitter le Lare Familier ; n'avoir point de demeure propre, point de foyer, c'est n'avoir de Lare nulle part ; une maison de pauvre apparence est un Lare modeste, etc. Les poètes transportent même l'expression à des animaux qui vivent en société, Virgile aux abeilles, Ovide aux oiseaux ". Dans tous ces passages, les Pénates peuvent se substituer aux Lares, sans que l'idée soit différente.
Dans tout ce qui est relatif à la religion des Lares, il importe de distinguer deux époques : l'une finit avec la République romaine, l'autre commence avec Auguste et la restauration de certains cultes par cet empereur; parmi ces cultes, celui des Lares a tenu peut-être la place la plus importante. Durant la première période, les Lares conservent généralement, même dans les manifestations de la religion officielle, le caractère familial et rustique qui est celui de leurs origines; à partir d'Auguste, la politique leur fait subir une transformation radicale, et le changement est consacré tant par les conditions générales de la vie plus raffinée que par le mouvement des idées sur l'âme : ils sont alors ou des personnalités de la religion philosophique (physicum genus), ou des figures de la religion politique (civile genus); seuls les poètes et avec eux la piété des milieux ruraux (poeticum genus) leur gardent leur antique physionomie
A ce dernier point de vue, l'autel propre des Lares est le foyer, centre de la maison romaine, et leur temple l'ATRIUM f2. C'est là que le Romain de vieille souche, en compagnie de ses enfants et de ses serviteurs assis sur de longs bancs de bois, adresse aux dieux domestiques la prière du matin, là qu'il prend ses repas en faisant une part de tous les mets aux Lares et aux Pé
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nattes i. A ces dieux et à Vesta, qui les a dans sa dépen-. dance, sont consacrées la table qui porte l uourritureetla salière sans laquelle il n'y a pas de repas et qui à ce titre devient leur symbole'. rA t 'et: contact, leu-' 'usdi Ln. plus vulgaires,
1'ftc, plats d'ar
gile grossier et sans ornements, sont comme sanctifiés; les dieux eux-mê
mes s'appell,
Alors l'autel domestique et le foyer, la préparation de la nourriture parle feu et la vénération des esprits qui y président ne font qu'un; la même intention les réunit ainsi que le même lieu A la campagne, l'atrium reste le temple des Lares; Horace, dans sa ferme, mange en face du Lare av: e ses serviteurs, à qui il partage les plats dont le dieu a en les prémices'. A la s ite, les progrès du lue feront la
en entre la cuisine qui., même dans ce cas, reçoit encart; ;n bien des endroits les images des divinités domesiqucs [7LLINA, fig. 2006', et l'autel familial, destiné tant aux Lares qu'aux Pénates; alors, dans la maison des riches, on leur installe un saerariusn spécial où ils sont honorés avec tous les dieux protecteurs de la maison.
On en rencontre, à Pompéi notamment, des exemples variés. Mans quelques-unes des habitations les plus élégantes, le laraire n'a pas quitté l'atrium ou bien il est dans une pièce séparée, mais voisine ~ c'est une des alun qui a été changée en chapelle dans la maison d'Epi
encore sous l'Empire : Suet, Oth. 6; Lamprid. Alep. Ser. ; Quint. Deel. 301.
IV, 317; Macrob. lit, 4, f I et Serv. Ad Aen. 296. Pour la salitre, Hoa Od. R, et p. 93, où est cité le serment par la table elle Lié torréfié; cf. Sil. Ital. Pun. Vil, Cano. 91I, 4, 1. -3 Palettes est un diminutif do patina et n'a rion à voir avec Max. IV, 4, 3; Foutus, p . 130 et 214. Pour pur.,. voir 0e. VI. 309 et Tib. 1, 1, 38, opposé à eaetatuvn; Cie. Verr. IV, 22, 49. Les Lares appelés palellarii chez Haut.
clins Rufus 7 ; dans celle de Vettius, il se trouve dans un deuxième atrium plus petit attenant au premier e; mais ailleurs il a été transporté dans un angle du péristyle ou jusqu'au fond du rrridari2um 16. Nous savons qu'il pouvait, dès ce temps, être placé dans les chambres ou auprès des chambres à coucher; il en était ainsi dans le palais des em
pereurs t'. Les
images des Lares sont peintes sur la muraille (fig. 4343) ; leurs statuettes abritées sous une niche plus ou moins profonde ou côte à côte avec d'autres à l'intérieur d'un édicule à fronton12 soutenu par des colonnes (fig. 't344) 1U. Ces dispositions ne sont pas propres exclusivement à Pompéi ou à l'Italie: on les retrouve aussi bien en d'autres pays". Des autels de pierre ou de brique étaient
quelquefois construits de
vant l'édicule des Lares; dans la maison du centenaire, dont on voit (fig. 4343) le laraire fermé par un mur bas, on a trouvé un autel mobile fait d'une pierre carrée posée sur un piedcylindrique[voir aussi ARA, fig. 408] ,mais souvent on n'en trouve aucune trace : on se contentait de petits autels portatifs d'argile ou de bronze" [ARA, p. 349i.
Aux principaux jours de fête, sans compter les Calendes, les Nones et les Ides et le jour de la nouvelle lune' s, on offre aux Lares des sacrifices, on les orne de fraîches guirlandes; un lexicographe nous apprend que ces guirlandes étaient si touffues que les petites images des dieux disparaissaient sous les fleurs 11. La jeune fille de l'Aulu
n. 36 et suiv.; à côté delà. cuisine, Maison du Labyrinthe,Overbeck, O. l., p.34. -' Over
Pares , ; Id. Donzit. 17. 13Maison du Centenaire à Pompéi (photographie) ; Over
Overbeck, p. 268, 299; Petrou. Sert. 29 ; Won. VIII, 111: «in aedicula deus unicus
-,e cal. De agric., 1 4 3 ; cf. Trop, V, 3 , 5 3 ; Tib. I , 5 . 3 4 , 1 1 ,
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/aire est redevable de la faveur du Lare à des offrandes journalières; aux fleurs il était d'usage d'ajouter l'encens, au moins une fois par mois, et aussi des fruits ou des libations d,' vin ' Par exception seulement on
immolait aux Lares domestiques des animaux, des truies ou des agneaux; dans la belle prière que Tibulle adresse aux Lares de son enfance, il cite comme leurs offrandes préférées des grappes de raisins, des couronnes d'épis, des rayons de miel, des gâteaux de froment liba)'. Et par-dessus tout, on leur destinait par la pensée la flamme même du foyer qui est leur symbole ; c'est ainsi que chez Virgile nous voyons Énée, après l'apparition d'Anchise en Sicile, ranimer la flamme assoupie de l'âtre, invoquer le Lare protecteur de la race avec Vesta et leur offrir un sacrifice de froment torréfié et d'encens'. Lorsque, au nom du christianisme naissant, les empereurs s'attachèrent à détruire les manifestations de l'antique piété païenne, ils interdirent d'honorer le
Lare par le feu, le Génie par le vin, les Pénates par l'encens., et défendirent qu'on leur allumât des lumières, qu'on les vénérât par des parfums ou des guirlandes de (leurs ',
Ces témoignages périodiques devenaient plus expressifs dans les occasions où la vie familiale s'éclairait de quelque événement heureux, de quelque espérance de bonheur à venir; le jour où les jeunes gens revêtaient, la toge virile, la bulle passait de leur cou à celui du Lare familial ('fig.'31i,~) ^; on lui rendait grâces lorsque l'absent rentrait à, la maison après un long voyage ; on l'implorait à la veille d'un mariage °. La nouvelle mariée, en franchissant le seuil de son époux, saluait les Lares et leur offrait un sacrifice. Dans l'union célébrée sous la forme de la Coemn/ltio, la mariée arrivait dans la maison avec trois pièces de monnaie dis
simulées, l'une dans sa main, l'autre dans sa chaussure, la troisième dans une bourse; la première était pour l'époux, la seconde pour l'autel des Lares domestiques, la troisième pour l'autel du carrefour le plus proche ' : dans cette pratique, nous surprenons le lien qui unit la religion du Lar familiaris à celle du Lar cont]litali,e. Après les funérailles, la maison ne redevenait pure que par le sacrifice aux. lares de deux béliers e. Au lendemain des P'era/ia, célébrés en l'hon
neur des morts et afin de resserrer les liens qui unissaient les survivants, les Lares avaient leur part dans
la fète de CAHisTrA ou CATI A COGNATIO : « Offrez de l'en
cens aux dieux de la famille, s'écrie à cette occasion le poète, présentez-leur des mets, afin que le plat, tendu en signe de vénération, nourrisse les Lares à la tunique retroussée °. » On se recommandait à la, protection des Lares quand on partait en voyage ou pour la. guerre 10
le culte des Lares viatori , via/t's, sent.itales, attesté par un grand nombre d'inscriptions, celui des Lares miditares et pertnarini, qui prit place dans la religion publique, sont d'abord des manifestations de cet usage. A sa libération, le prisonnier vouait aux Lares sa chaîne le soldat après ses campagnes suspendait devant leur autel ou ses armes ou les dépouilles de l'ennemi " Toutes ces pratiques concordent pour nous présenter les Lares, non comme des ancetres déifiés exerçant après la mort une, action salutaire sur leurs descendants, mais comme les bons esprits, subordonnés à Vesta et compagnons des Pénates, qui embrassent de leur protection tous les intérets domestiques
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De même que l'idée du Genius, très simple à l'origine, s'est morcelée en une variété indéfinie de conceptions particulières ', ainsi la croyance au Lare unique et le même au fond pour tous, a reçu, quoique à un degré moindre, des applications diverses en dehors du cercle intime où elle a pris naissance 2. Protecteur par essence de la maison où s'abrite la gens primitive, il se multiplie en devenant celui des individus isolés ; il varie ses aspects suivant les cas particuliers où peuvent se trouver placés soit les individus eux-mêmes, soit la collectivité tout entière; une inscription mentionne les Lares d'un virus et d'autres les Lares d'une gentilitas 3. 11 semble même que par ce biais surtout les hellénisants aient plié la notion des Lares aux croyances de la Grèce sur les héros; Premier a remarqué avec beaucoup de justesse que cette notion est tellement propre à la latinité que les Grecs, malgré la richesse de leur langue, n'ont pas de mot qui la traduise avec précision 5 ; d'où les formules qui, par leur vague, favorisaient les assimilations inexactes ; ainsi, celle de Denys d'Halicarnasse qui parle des dénions héréditaires de la famille d'Appius Claudius, entendant par là les Lares de la race 3. Dans le même ordre d'idées, Creuzer a essayé de démontrer 6 que les Lares grundules, vocable sur le sens duquel on n'est pas fixé encore, étaient préposés à un culte propre aux Curies. Les anciens leur donnaient une signification politique en les rattachant (par grundire et grunditus) à la fable de la truie et des trente porcelets que Virgile a fait entrer dans son Enéide et qui symbolisaient les trente villes de l'antique confédération latine 7.
C'est par la vénération des Lares Compitales e que nous nous rendons compte de la façon dont le culte des Lares en général est devenu public après avoir été privé à l'origines. L'institution des Compitalia, attribuée au roi Servius Tullius, est, dans l'ordre des temps, la première manifestation de ce culte public ; leur restauration par l'empereur Auguste en est l'épisode capital. Cependant, nous voyons déjà figurer les Lares comme des divinités nationales dans l'acte par lequel Decius se dévoue pour le salut de l'armée et de la République [DEVOTIO, II, 1, p. 118, 1] L0. Ils y sont invoqués entre Janus, Jupiter, Mars Pater, Quirinus, et les dieux Novensiles et Indigètes. Les Lares ainsi invoqués sont sans doute les mêmes que ceux qui portent plus tard, dans les inscriptions, le vocable de Militares, ceux dont un poète a dit qu'ils ont éloigné Hannibal des murs de Rome et qui ailleurs sont désignés comme les défenseurs de la ville et de l'Empire 11. Festus interprète de la même façon ceux qu'on appelait Hostilii, quoique le sens primitif de Hosrls invite plutôt à considérer ceux-ci comme les protecteurs
des citoyens qui vivaient ou voyageaient à l'étranger 12. Ils seraient alors à rapprocher des Viales qui jouaient le rôle de la Fortuna Redux [FORTUNA, p. 1276], avec laquelle on les trouve associés parfois, notamment pour un sacrifice de deux béliers fait en 214 par les Frères Arvales, à l'intention de Caracalla parti en Nicomédie 13. La phraséologie grecque n'a pas manqué d'assimiler les Lares rnilitares à des héros en les appelant : « les demidieux qui ont fondé la ville et établi l'empire universel n. Nous avons d'ailleurs une inscription votive en l'honneur
du LAR VICTOR, et une autre qui célèbre le Lare de Mars et de la Paix : MARTIS ET PACIS LARI, expression qui rappelle le dédoublement de certaines personnalités divines par la notion de leur Génie [GENtES, p. 1491]". Les Arvales encore sacrifient à ce Lare guerrier un taureau blanc aux cornes dorées, comme à Jupiter, ob salutem victoriamque germanicam, durant l'expédition entreprise en 213 par Caracalla contre les nations germaniques '5. Reifferscheid 16 a reconnu les Lares inilitares sur une lampe d'argile où la Victoire est placée entre eux (fig. 4346).
Des préoccupations suscitées par la guerre maritime sortit un culte public des Lares Marini ou Perniarini. Aemilius Regillus, préteur, leur voua un temple sur le Champ de Mars après sa victoire navale sur les généraux d'Antiochus (190 av. J.-C.) ; ce temple fut dédié onze ans plus tard par M. Aemilius Lepidus, censeur 17 ; il s'élevait non loin des NAVALIA et fut le seul qui, durant la Répu
Fig. 4347. Les Lares praestites.
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Mique, eût coexisté en ce lieu avec les temples de Mars 1. Tite-Live nous a conservé l'inscription placée à la fois au frontispice du sanctuaire et dans celui de Jupiter Capitolin 2 : elle parait avoir été rédigée en vers saturniens. Une fête annuelle, fixée au' 22 décembre, commémorait l'événement ; cette date a ceci de remarquable qu'elle coïncide avec la fête d'AccA LARENTIA, mère des Lares, que l'on vénérait le lendemain. Enfin, s'il n'y a pas confusion chez les auteurs, toutes les deux se compliquaient de la célébration des Lares Praestites, dont on faisait remonter le culte au roi Titus Tatius le Sabin et qu'Ovide assimile, dans la description qu'il en a faite, aux Militares 3.
Le vocable de Praestites donné aux Lares est cité pour la première fois par Varron qui a dû le prendre dans les livres des Pontifes ; il rappelle celui de Jupiter Praestes, vénéré à Préneste, d'une déesse Praestota qui figure sur
les tables d'Iguvium, et d'une divinité archaïque de Rome, Praestitia ou Praestana, honorée dans les parages où la cité du Palatin confinait au Caelius et à l'Aventin'. Nous connaissons ces Lares Praestites par un denier de la Gens Caesia, des dernières années de la République'; ils y sont représentés (fig. 4347) sous les traits de deux jeunes
guerriers assis, tenant la lance, vêtus d'un manteau qui laisse le haut du corps nu, avec un chien entre les deux ; en exergue le mot LARE ; le vocable manque, mais l'identification avec les Praestites n'est pas douteuse. Les Sabins de Cures leur dressèrent pour la première fois un autel à Rome et leur instituèrent une fête que les calendriers fixent au ter mai. Ovide, qui nous fournit la plupart de ces détails, leur donne pour compagnon le chien, symbole de vigilance ; il commente en ces termes leur action tutélaire :
Plutarque, qui les tonnait également, leur prête pour vètement la peau d'un chien' ; un petit bronze du Louvre, d'ancien style, offre l'image (fig. 4348) d'un Lare ainsi vêtu et tenant de la main droite un rhyton qui se termine en corps de chien Le chien, en tant que victime, a une place dans les cultes les plus anciens de Rome, et particulièrement de la cité du Palatin ; nous le rencontrons dans celui d'Hercules sur le Forum Boariunz et dans celui de Genita Mana ou Mania que certains tenaient pour la mère des Lares'. Le denier de la gens Caesia fait les Praestites semblables aux Dioscures
1 Gilbert, Op. cit. III, 149 suiv. 2 Une inscription (Corp. inscr. lat. VI, 440), trouvée sur l'emplacement présumé du temple des Lares Permarini et qui parle de la restauration d'un sanctuaire et d'un Lare (asoanr ce LAaen 0E50FAVIr Ex corn), ne peut avoir avec le culte fondé par Aemilius Regillus qu'un rapport
pour l'interprétation du vocable, Ov. Loc. cit. ; Mart. Cap. II, 152, et Festus, p. 122; Corp. iriser. lat. XIV, 3555 ; Buecheler, L'o,Lrica, p. 98 ; pour les rapports avec Praestitia, voir Gilbert, Op. cit. 1,52; l'autel dont il est question chez Ovide serait à placer à l'angle sud-ouest du Palatin, près de la porta Calularia qui aurait reçu son nom du chien symbolique. Babelon, Monnaies de la Rép. rom. 1, V, p. 156 suiv. Le même cite une terre cuite trouvée à Pérouse et représentant le Lare unique, assis, vêtu d'une peau de chien ; voir sur les représentations de ce
genre, Jordan, De larum imagin. dans les Ann. d. Instit. 1862, p. 329 suiv.
que des fables récentes ont mêlés au culte de Juturna et aux souvenirs de la bataille du lac Régille ; des modernes ont cru les retrouver dans les Fratres Depidii ou Digitii que les commentateurs de Virgile placent dans l'entourage de Vesta et associent au culte du foyerf0; il est probable que les uns et les autres ne sont que des altérations des Lares Praestites, divinités protectrices des vici habités à l'origine par les Rhamnes : l'unification de ces vici fut consacrée par la légende de la mort de Remus et de la domination de Romulus; puis, du temps où l'héroïsation suivant les procédés des Grecs s'implanta dans l'opinion romaine, on identifia les Praestites avec les premiers fondateurs de Rome, devenus ses protecteurs divins. C'est là moins une croyance accréditée chez les anciens qu'une interprétation erronée de la personnalité des Lares chez les historiens récents de la religion romaine i1 Outre les honneurs rendus le ter mai
aux Lares praestites, la religion publique des Lares est consacrée dans les calendriers par une fête qui tombait au ter août 12 et surtout par la fête appelée Larentalia ou Larentinalia , que l'on célébrait le 23 décembre ta. Celleci s'adressait à ACCA LARENTIA considérée comme la mère des Lares ; nous avons dit déjà les raisons pour lesquelles l'idée des Lares nous paraît avoir été à l'origine étrangère à ce culte. Il suffirait de remarquer que toutes les cérémonies et pratiques à l'intention
manifeste des Lares ont un caractère de gaietéet de vie satisfaite", alors que les Larentalia sont une fête funèbre, célébrée auprès d'un tombeau et en l'honneur des dieux Manes, surnommés servilibus [MANES] ; Varron ne s'y est pas trompé quand il les aassimilés aux PARENTALIA.
Il peut paraître surprenant que la religion des Lares, si importante dans la vie privée et publique des Romains sous la République, n'ait alors parlé aux yeux dans les rues et sur les places que par un nombre insignifiant de monuments sacrés. A part le temple voué par Aemilius Lepidus et le vieil autel qu'on faisait remonter au roi Tatius", il n'est question chez les auteurs que d'un sacellum qui lui-même n'eut un certain éclat, d'ailleurs bien modeste, qu après la réforme du culte des Lares publics par Auguste. Ce sacellum est cité pour la première fois par un auteur à propos d'événements qui sont de l'an 106 av. J.-C., et Ovide en fixe la dédicace au 27 juinf6, L'emplacement a pu en être déterminé avec
hellénisé le vocable en écrivant : e1s,adrn;.'8 1.ongpérier, Brames aidais da
Gilbert, Op. cit. I, p. 64, n.-11 Hcrtzberg, De düs Roman. patriis, p. 36; Schwegler, Op. cit. p. 715 et s. 12 Snet. Aug. 31 ; Ov. Fast. V, W. Ce jour-là entraient en fonctions les vicoanagistri, chargés du culte des Lares Compilales; voir Mar
où est cité Caton qui appelait la fête : sonna parental io. Sur la question très controversée de la nature de cette fête et de sa confusion avec le culte des Lares,
153 ; 105 et 106. Le texte de Varron n'est d'ailleurs pas sàr; voir Mommsen, Corp. insu. lat. p. 409, et Thilo, De Varrone Plutarchi Quaest. rani. audois', etc. p. 19. -1r Preller, Rom. Alyth. p. 494, assimile ces fêtes aux Sementirae, Ters,inalia, Parilia, qui sont les plus gaies du cycle agricole. 16 Tit. Liv. XL, 52, 4; Ov.
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précision au carrefour formé par la voie sacrée, la Via Nova et la rue qui montait au Palatin' ; comme l'endroit se confond avec celui (le la demeure du roi Ancus Martius, e«est-à-dire avec la maison même du Rex sacr'orum, et. que d'autre part le .sacellum figure dans le tracé de l antïque comOEen',M, il n'est pas téméraire d'affirmer qu'il faut mettre en ce lieu le plus ancien sanctuaire des Lares r''t•ae.stites. En le restaurant d'abord, puis en plaçant la mention de cet acte parmi les plus notables de son règne', Auguste témoigne qu'il y voyait le monument vénérable entre tous du culte des Lares, le plus digne de relier le passé au présent par les liens de la vieille piété romaine.
Citons enfin un sanctuaire que Varron nomme Queraluelulaaium, et qui était situé auprès du £'aculalis, des bois sacrés de rilefitis et de Jan() Lucina ; tous ces monuments étaient sur l'Esquilin. Il parait probable que tes Lares Qrteraluetulani n'étaient primitivement que des Compilales auprès desquels les habitants de l'Esquilin et du Caelius se rencontraient dans une religion commune ; Gilbert croit pouvoir placer leur sanctuaire devant la Porta Querquetulana, non loin de l'église de Santo-Clemente 11 n'est d'ailleurs pas téméraire de supposer que si les Lares, divinités d'un caractère modeste et issues du culte domestique, n'ont possédé à Rome que peu de temples proprement dits, ils ont dû être honorés dans tous les quartiers, et cela dès les débuts de la République, par des chapelles analogues aux antiques compila des papi; il en fut de ces chapelles comme de celles des Ancra avec lesquelles la piété a. dû les mettre en rapport 6; un grand nombre disparut dans l'envahissement progressif des emplacements jadis consacrés, par le besoin de monuments plus luxueux ou de carrefours mieux appropriés à une circulation active°
Nous n'avons pas à revenir ici sur l'historique du culte des Lares coinpitcrles associés à la vénération du Genius de la maison impériale et qui fut l'oeuvre religieuse la plus considérable réalisée par AugusteL Refusant de son vivant toute espèce d'apothéose, il sut ainsi, par une voie détournée, amener l'opinion à la consécration de sa dynastie, sous le couvert d'une religion rétablie dans ses anciens droits A. Au sanctuaire principal, celui de la montée iii Palatin, ces Lares ne s'appelèrent d'abord que Lares publlc•i ; plus tard seulement ils furent dénonisnés A 09e (i 0; la réorganisation de ce culte, mis en harmonie avec la nouvelle division de la ville en quatorze régions, est complète en l'an 7 av. J.-C. ; des inscriptions datées prouvent qu'elle était en voie d'exécution dès l'an 1.4; à la 'mort d'Auguste, non seulement le temple des
Lares au point culminant de la Voie sacrée était restauré, niais dans les 26à carrefours de la ville se dressaient les images des deux Lares publics, encadrant celle du génie de l'empereur L0. Dans ce groupe, les Lares ont en réalité pris la place des Pénates primitifs, tandis que le Lare unique de l'ancien culte y était remplacé par le Génie. A s'en tenir aux apparences, il n'y avait rien de changé depuis les temps où un personnage de Plaute invoquait les dieux Pénates de ses parents et le Lare père de la famille 'i ; les figures sont les mêmes et en même nombre; cependant, pour être exact, aux yeux d'Auguste et de ses contemporains, les Pénates ont disparu en s'identifiant avec les Lares des carrefours, et le Lare lui-même est devenu la représentation religieuse du fondateur de
l'Empire : GENJO ALGLSTI ET LARIBLS, diront les inscriptions à partir de cette époque 1'.
Et l'empereur ne se borna pas à orner ainsi les carrefours d'autels surmontés par ces trois figures; il groupait autour d'elles,du moins sur les places les plus importantes, aux frais de sa cassette et en y destinant d'une façon spéciale les sommes qui lui étaient versées sous forme d'étrennes 10, les plus beaux chefs-d'oeuvre de la sculpture hellénique ; Suétone cite l'Apollon Sandaliarius et un Jupiter Tragoedus. La fête spéciale des Compilalia ainsi réorganisée tombait le 27 juin"; elle comportait une procession et un sacrifice dont de nombreux bas-reliefs nous ont conservé, tout au moins en partie, l'ordonnance " : les images des Lares y sont portées par des personnages en toge. Sur un autel, aujourd'hui au Vatican, voué par le sénat et le peuple en l'an 12 av. J.-C., elles le sont par Auguste et Livie en personne ; un autre bas-relief, daté de l'an 7, année où le culte est devenu régulier, représente les figures d'Auguste, de Livie et de L. Caesar, procédant avec les z ico-lnayistri au sacrifice en l'honneur des Lares devant l'image du Génie impérial. En ce qui concerne les chapelles mêmes, avec les édicules et les autels élevés ainsi sur tous les points de la ville au croisement des rues, sur les confins des régions et des quartiers, on a retrouvé les ruines d'un certain nombre i6 ; les inscriptions prouvent d'ailleurs que les successeurs d'Auguste continuèrent de s'intéresser à ce culte devenu populaire et que méme sous Trajan les monuments qui le consacraient furent l'objet d'une restauration générale 17 A Pompéi, dans un édifice attenant au forum, longtemps désigné sous le nom de Curia et de Senaevlum, on a depuis reconnu avec toute vraisemblance un temple des Lares publics et du Génie d'Auguste' ".
Il était naturel que la faveur officielle accordée à ce
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culte eût son effet sur la vénération des Lares dans les maisons particulières, d'autant plus qu'un sénatus-consulte rendit obligatoire l'hommage à la divinité impériale et aux Lares publics. Nous savons par Horace que dès l'an 14 il était d'usage de les invoquer dans les repas; sous Néron, chez Trimalcion, les convives préludent au festin par l'exclamation : Auguste, pami patriae, feliciter, et le maître fait apporter sur la table les statuettes de ses Lares, affublés des noms mercantiles ou prétentieux de Cercle, de 1%elicio et de Lucie'. Si la dévotion à l'empereur acclimate de nouveau ces pratiques en l'honneur des Lares, elle ne tarde pas à céder devant une piété plus personnelle; le génie du souverain est remplacé par celui du maître de la maison2 ; ailleurs, ce génie reste anonyme à dessein, ne représentant que le genius generis, traduction teintée de philosophie qui contribue pour sa part à achever l'identification du vieux Lare Familier avec le ôa(N.tev ou le héros Éa'ctouxoç des Grecs 3. Outre que la ligne de démarcation qui séparait jusque-là le culte privé des Lares de leur religion officielle tend ainsi à s'effacer de plus en plus, chacun y trouvait le moyen d'y loger la piété de ses préférences ou même un philosophisme pieux qui était, au fond, la négation même des croyances anciennes. Ici, les hommages aux Lares ne sont que des flatteries à l'adresse des Césars et la forme la plus vulgaire de l'apothéose ; ailleurs, par une extension trop facile pour qu'elle ne se fût pas présentée dès l'abord au désir de faire la cour, ils s'adressent à quelque éminente personnalité dès son vivant; pour les âmes plus nobles, ils deviennent un moyen de témoigner de l'admiration à des morts illustres 4. Le père de Vitellius plaça parmi ses Lares les images en or de Narcisse et de Pallas, les affranchis fameux ; l'empereur Hadrien reçut de Suétone, son secrétaire, une statuette en bronze d'Auguste enfant, dont il fit un de ses Lares familiers ; Marc-Aurèle s'entourait des Lares de ses maîtres vénérés; Alexandre Sévère, avec une largeur de vues qui marque bien le caractère de la piété romaine à cette époque de syncrétisme, honorait de concert les Lares d'Orpllée, d'Abraham,d'Apollonius de Tyane, de Jésus-Christ, tous également jugés dignes d'un culte pour leur sainteté. Il avait un deuxième laraire plus petit où étaient réunies les images de Virgile, de Cicéron, d'Achille et d'autres grands hommes. L'humble sanctuaire des Lares (Lararium) devient une sorte de musée où les chefs-d'oeuvre de l'art sont enveloppés d'une atmosphère de vénération religieuse Devant ces images, on continuait de faire ses dévotions le matin, ainsi qu'au bon vieux temps, d'apporter des fleurs aux dates consacrées et d'offrir des sacrifices. Et toujours dans l'esprit de l'antiquité, le maître se faisait assister
par ses esclaves ou ses affranchis, lesquels d'ailleurs, ainsi que le prouvent un grand nombre d'inscriptions recueillies sur les divers points de l'empire, sont resté', avec une prédilection particulière les fidèles des dieu •t Lares e. Des collèges et des associations, ne rappelant plus que par le non les collegia contpitalicia, foyers d'agitation révolutionnaire au déclin ,le la République, se fondèrent un peu partout, pour propager. avec le culte des Lares, celui de la divinité impériale 7.
La force de cette religion, qui survit même au triomphe officiel du christianisme, nous est attestée par les railleries des Apologètes d'abord, par leurs doléances ensuite: saint Jérôme déplore que de son temps encore il n'existe pour ainsi dire aucun lieu qui ne soit souillé des hontes de l'idolâtrie; il en donne comme preuves les idoles pus cées derrière la porte des maisons, idoles décorées du nom de Lares, a qui 1"on continue d'offrir des sacrifices publics et privés ; les provinces, dit-il, sont infestées de cette vieille erreur, et à Rome même, dans chaque quartier, dans chaque demeure, on allume, devant une TUTELA quelconque, des cierges et des lampes: ainsi ceux qui entrent et ceux qui sortent sont sans cesse confirmés dans leur superstition. Tutela dans cette plainte est synonyme du Geniccs loci qui lui-même se confond avec le Lare Familier Nous avons cité plus haut le rescrit de Théodose qui, en l'an 392, défend les pratiques en l'honneur des Lares, des Pénates et des Génies 9; les uns et les autres ne disparaissent que pour faire place aux saints et aux anges de la religion nouvelle.
le denier de la gens Caesia (fig. 43447(, qui nous donne l'image officielle des Lares Praestites avec le chien'0, on peut dire que nous savons fort peu de chose sur la représentation plastique des Lares sous la République. Tibulle nous apprend que pour la maison rustique ils étaient grossièrement taillés dans une souche de bois °', ce qui est le cas de toutes les divinités champêtres, comme Silvanus, Faunus, Priape, lesquels ont d'ailleurs avec les Lares plus d'un trait de ressemblance. Cepe'ndant, nous sapons d'autre part que, dès les temps de la deuxième guerre punique, l'art s'attachait à représenter les Lares d'une façon moins primitive. Un fragment d'une comédie de Naevius 12 nous montre un peintre du nom de Théodote qui, assis dans la "cella d'une chapelle et mis à l'abri sous des planches, peint pour les Go.mpitalia des Lares dansants : « Lares ludentes ». Il n'est pas dom, lieux que dès lors s'élabore le type que nous allons trouver réalisé à partir d'Auguste par de nombreuses statuettes de bronze destinées au culte des Lares domestiques,
Il en est toutefois un autrequi semble antérieur et parait correspondre à la notion du Lare unique, tei
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qu'on l'honorait dans les maisons aux premiers temps de la littérature romaine. Il nous est fourni par une statuette du musée de Dresde (fig. 4349)7, qui représente une figure juvénile, à l'expression satisfaite, debout et au repos; le corps est drapé dans une ample tunique dont un des pans retombe de l'épaule gauche, formant sinus audessus de la ceinture qui le retient et retombant plus bas que les genoux; les pieds sont chaus
sés de bottes légères ; la tête est
couronnée de fleurs ; la main
droite tient une patère et la gauché s une corne d'abondance; si l'on
remarque que la tunique s'arrête
à mi-jambe, nous relevons dans cette figure tous les caractères que la littérature, ou contemporaine des guerres puniques ou s'inspirant des anciens usages, attribue au Lar Familiaris. Dans le
même ordre d'idées, on peut citer une statuette de Lare unique trouvée à
Man de ure (Doubs) et actuellement au Musée de
Montbéliard (fig. 4350). Seul sur sa base,avec l'attitude qui caractérise les Lares dan sauts en général, il est entouré d'a
nimaux domestiques, d'un porc, d'un coq et d'un serpent barbu enroulé sur lui-même ; derrière le porc est un petit autel 2. Ovide et Perse caractérisent ces dieux par la tunique retroussée (incincti, succincti)3; et ce qui domine dans la peinture morale de leur être par Caton et Plaute, c'est qu'ils répandent la prospérité ; la corne en est l'emblème, comme elle l'est ailleurs du Génie. Le rhyton a la même signification
Les diverses représentations des Lares sous l'Empire ont été étudiées en détail par Zannoni et plus récemment
par Jordan et Reifferscheid, qui ont rectifié et surtout complété le premier °. Jordan en particulier a énuméré ou décrit les bas-reliefs, statuettes de bronze, peintures de fresque et lampes d'argile qui nous ont conservé ces divinités', le plus souvent dans leurs fonctions de gardiens domestiques ou préposées à la religion des compita ; depuis, des découvertes nouvelles ont encore grossi ce trésor 7. Les bas-reliefs, ainsi que nous l'avons constaté déjà, se rattachent pour la plupart à la restauration de cette religion par Auguste ; il en est sur lesquels les Lares sont de simples poupées portées par les assistants
d'autres qui nous les montrent, suivant le type précédemment décrit, au nombre de deux, flanquant le Génie de l'empereur. Le bas-relief reproduit à l'article GENMUS (fig. 3542) donne à celui-ci la patère et la corne d'abondance. Les Lares sont en tunique courte et bottes légères ; ils élèvent, l'un de la main gauche, l'autre de la droite (cette différence est uniquement pour la symétrie et se rencontre ailleurs) le rhyton àla hauteur de leur front; on peut considérer ce groupe comme la représentation officielle du culte des Compitalia Celui du Lar Fantiliaris est à chercher de préférence dans les statuettes de bronze dont un nombre assez considérable provient des fouilles de Pompéi et d'Herculanum. Leur attitude les a fait appeler par les premiers interprètes des échansons 10. Ce sont des figures juvéniles, à la chevelure bouclée, le plus souvent couronnées de fleurs ; ils sont vêtus de la tunique dorienne, parfois avec la chlamyde, une ceinture autour des reins ; ils rappellent le type de Bacchus jeune, et même celui de l'Artémis chasseresse 11. Leur attitude est celle de la danse gracieuse, tout au moins d'un mouvement souple et harmonieux ; de la main droite ils élèvent au-dessus de la tête le rhyton d'où le vin jaillit dans une patère ou situla que tient la gauche. La figurine du Louvre citée plus haut (fig. 4348) fait la transition entre celle du Musée de Dresde et les Lares échansons qui, trouvés d'abord en Campanie, se rencontrent aujourd'hui dans un grand nombre de musées. En réalité, c'est la comparaison de ces statuettes avec les fresques de Pompéi qui met leur signification hors de doute. Et si l'on se demande pourquoi le type du Lare dansant s'est substitué peu à peu à celui du Lare guerrier qui figure sur le denier de la gens Caesia et dont Ovide déjà ne peut plus trouver de monuments, c'est à l'identification des Lares, tant avec le Genius qu'avec les Pénates, qu'il en faut demander la raison 12. La légende d'Énée a eu beau anoblir les Pénates, elle ne réussit pas à faire oublier leur fonction primitive qui est de pourvoir le gardemanger 13. Au siècle de Constantin encore, un polémiste chrétien leur reproche de n'exprimer que les instincts les plus bas de la nature humaine, l'appétit de la boisson et
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de la nourriture'. Les Lares héritèrent de ces attributions et leur confusion avec le Génie fit le reste. L'expression joyeuse, la danse, les fonctions d'échanson, la tunique légère, la couronne en tète, tous ces détails sont pris dans la littérature autant que dans l'opinion populaire et suffiraient, en dehors de la discussion sur le sens des plus anciens témoignages, pour assurer l'être des Lares contre toute interprétation funèbre, fût-elle corrigée par des intentions d'apothéose.
La même impression se dégage des fresques de Pompéi, où les figures de ces divinités tiennent une place considérable2. On les y rencontre soit dans leurs attributions domestiques, peints à l'intérieur des maisons, sur les parois des fours et des cuisines [CULINA, fig. 2096], soit au dehors,
sur les murs qui avoisinent les carrefours cos'I
1888], où ils remplissent leur rôle de Compitales 3.
Les fresques de Campanie ne sont pas seulement
une confirmation de l'importance donnée au culte des Lares en général par les réformes d'Auguste ; elles le ramènent par certains détails à ses lointaines origines en les groupant avec les divinités du foyer, en particulier avec Vesta et avec le genius. Dans une des plus remarquables'' et des mieux conservées (fig. 4351), Vesta, faisant une libation, est assise au centre; elle est suffisamment déterminée par un âne dont la tête et une partie du corps apparaissent à la droite de l'autel; les deux Lares ont le costume et l'attitude que nous avons précédemment décrits. D'autres fresques nous donnent les Lares groupés avec le genius generis, qui peut être aussi celui de l'empereur'. Enfin il faut distinguer celles qui représentent le sacrifice fait aux Lares conapitales par les VICOMAGISTRI G. Ces représentations démontrent pour leur part que la réforme apportée par Auguste au culte des Lares a eu pour effet d'effacer la ligne de démarca
tion qui séparait autrefois, dans la littérature comme dans les cérémonies et les arts, les Lares publics et privés, les Lares et les Pénates. En résumé, seuls les Lares Compitales, Faniiliares et Praestites, ceux-ci bientôt absorbés par les premiers qui se distinguent à peine des Fainiliares, ont reçu une expression artistique'. J.-A. HUM.