Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article LAVATIO

LAVATIO, Ill,uatc°.Lavage, nettoyage en général, blanchissage 2. Chez tous les peuples qui ont atteint un certain degré de civilisation, les soins de propreté ont été regardés comme indispensables. C'est à l'eau froide ou chaude, pure ou additionnée de certaines substances que partout on a eu recours pour enlever les souillures des LAV 999 LAV matières premières, comme la laine, des étoffes au sortir de la fabrication, des vêtements et des corps. Nettoyage de la laine serge. Avant d'être mises en oeuvre, les laines surges (laina succida', iota oie' gpz2) doivent être débarrassées du suint (oie7C(OT713, oieuros4, oesypono) dont elles sont enduites. A cet effet, on les plongeait (7tTEty) dans de l'eau chaude (c'était le procédé antique), â laquelle on ajouta, dans la suite, de la racine de saponaire (aTpou9(ov', radia lanaria 8, herba lanaria 9) dont la plus estimée se tirait des régions situées au delà de l'Euphrate. Relativement au désuintage de la laine, on fait encore mention du vin, de l'huile, de la cire blanche et de la graisse de porc f9. Quant aux souillures contractées pendant le filage et le tissage, leur nettoyage faisait partie des manipulations auxquelles les tissus étaient soumis par les foulons FULLONICA]. Blanchissage des rctenlents et du linge.Le procédé le plus ancien consistait à immerger les objets salis dans des bassins ou lavoirs (7ÀuvoO u aménagés au bord de cours d'eau ou auprès de sources froides ou chaudes 12, et à les fouler aux pieds vivement (erE(éEty 13, nxxT(Ely 14, Quµ7saTî-Iax('G, argutari pedibus L1), pour en faire sortir les impuretés. C'est ce que nous voyons les servantes de Nausicaa faire dans l'Odysseée17. Dans la scène décrite par Homère, le lavage elieu sans addition d'aucune substance. Mais on conçoit aisément qu'un pareil procédé ne pouvait faire disparaître que très imparfaitement les taches graisseuses. Comme les anciens ne connaissaient pas le savon )lAPoj 19. pour enlever réellement ces taches, il leur fallait ajouter à l'eau des substances, désignées par les termes généraux de ?uuif.xTm, Sua txz", capables d'absorber ou d'émulsionner les matières grasses. Les propriétés absorbantes de certaines espèces de terres argileuses (ffi 7c),av tiquité et les foulons faisaient un grand usage de la terre de Cilnolos [CBETA, FULLONICA] qui, parait-il, est encore employée aujourd'hui en guise de savon23. Acôté prennent place les sels alcalins comme le carbonate de soude et le carbonate de potasse, également désignés par le mot les attiques 23 iLNITRUM]. Enfin les anciens connurent et employèrent la lessive de cendre27 (xov(x), dont la plus celle qui se faisait avec la cendre de bois de figuier28, Les tissus une fois lavés devaient être rincés, comme de nos jours,puis tordus,comme vase peint (fig. 4371) ". La profession de blanchisseur (7c1uoeé ) était exercée à Athènes par des hommes et des femmes 30 (n),ûvTptxt), D'autres parties du vêtement, comme la chaussure, se lavaient à l'occasion avec des éponges" (fig. 4372). Toilette. C'était d'éponges qu'on se servait aussi pour la toilette quand on voulait opérer un nettoyage doux 32 et notamment pour laver et sécher le corps des malades". Le lavage à l'eau chaude était recommandé pour les enfants et les vieillards 34. Mais pour enlever les impuretés provenant de la transpiration et surtout la crasse formée par la poussière et l'huile dont on avait l'habitude d'oindre la peau, l'eau seule, même chaude, aurait été insuffisante; aussi, pour nettoyer la peau, non seulement se servait-on d'une espèce d'étrille [STRIGILIS], mais encore avait-on recours aux up.p.sTa, avec lesquels on se frictionnait [BALNEUM, UNGOENTA]. Parmi ceux qui étaient employés ou fournis par les baigneurs, on cite le nitre, la lessive de cendre et la terre de Cimolos33, et une compo sition de farine de fèves appelée LOMENTUM s , ALFIIED JACOB. .El 1000 LEI) LAVHRNt1. Divinité de la plus ancienne religion des Romains, dont le nom n'a jamais été expliqué d'une façon satisfaisante 1 et qui, après avoir fait partie des esprits souterrains, était devenue la protectrice spéciale des voleurs, sans doute parce qu'elle régnait dans les ténèbres et que ses sanctuaires étaient au fond des bois obscurs 2. Elle en possédait un au nord de la ville, sur la Via Salaria, dans un endroit particulièrement mystérieux, où les voleurs se donnaient rendez-vous pour le partage de leur butin ; de là leur vint le nom de Laverniones ; et sans doute par le même biais, la déesse perdit sa signification première pour ne plus être, dans l'opinion, que la patronne des scélérats qui volent dans l'ombre 3. Elle avait aussi un autel sur les pentes de l'Aventin, au voisinage de la Porte qui lui était redevable de son nom [lavernalisj ; la porte débouchait sur l'Emporium où il y avait de bons coups à. faire 4. Ces associations d'idées expliquent son rôle dans la littérature oh elle n'est plus que la déesse des voleurs. Elle leur donne la ruse et, après le vol accompli, l'impunité avec une réputation de gens de bien °. Un aigrefin, chez Plaute, l'appelle à son aide pour qu'elle lui procure des profits malhonnêtes. La formule : Ita me bene remet Laverna est spéciale aux voleurs, et la prière que lui adresse un de ces personnages chez Horace, l'appelant : pulchra Laverna, et la suppliant d'abriter ses larcins dans l'ombre et la nuit, est l'expression plaisante de sa double nature °. Une coupe, qui porte l'inscription LAVEHNALI5 PocoLOM, provenant d'un tombeau étrusque et contemporaine, suivant toute vraisemblance, de la première guerre punique, est une offrande à Laverna déesse du monde des morts, proche parente de Lara appelée plus tard la mère des Lares a. Nous savons que les libations en son honneur se faisaient avec la main gauche, alors que pour les dieux d'en haut on se servait de la droite 9. J. A. HILe. tifs). Chaudron. Le lébès était généralement en métal (pour les vases de même forme en terre cuite, voir CaaTER). 11 y en avait d'or4 et d'argent °, mais la plupart étaient de bronze°. La forme du lébès est variable suivant la profondeur du récipient, la courbe de la panse, le profil de l'épaule et de l'embouchure. Certains ressemblaient tout à fait à nos chaudrons mais le plus grand nombre étaient beaucoup moins hauts que larges, et le diamètre de la panse est généralement très supérieur à celui de l'embouchure : celle-ci, toujours dépourvue de col, est tantôt simple, tantôt à lèvres horizontales ou verticales. Le couvercle s était fixé par des clous 0 ou posé simplement sur l'ouverture 10. Ces récipients, de dimensions souvent très grandes'', étaient en bronze mince et battu au marteau. Parfois, dans les exemplaires archaïques, deux ou plusieurs lames de métal sont jointes par des rivets '2. Comme lès vases étaient exposés au feu, et que le poids du chaudron rempli d'eau devait être considérable par rapport it l'épaisseur, ils devenaient assez vite hors d'usage ; les lébès détériorés sont souvent mentionnés dans les inventaires des sanctuaires13. Ainsi s'explique qu'ils soient d'ordinaire mal conservés et que beaucoup ne soient parvenus qu'en fragments. Le chaudron, lorsqu'il était de petites dimensions, n'avait que des anses mobiles, au nombre de deux ou de quatre, attachées d'ordinaire près de l'embouchuref4. Les lébès ovoïdes, trouvés en Campanie, et dont plusieurs sont très richement décorés", sont même généralement dépourvus d'anses et ne se portaient qu'à deux mains : seul le couvercle avait une poignée fixe, formée d'un personnage ou d'un groupeM16. Il n'en était pas de même lorsque le lébès était de grand diamètre. Les anses étaient alors circulaires, en forme de couronnes verticales, qu'un ruban métallique reliait à la panse". Le décor en était purement géométrique, mais des figurines symétriquement dressées ai daient parfois à soutenir l'oreille 18 ; des chevaux étaient fixés à la partie supérieure 1°, et, lorsque l'espace resté vide au milieu était trop grand, de grandes Gorgones venaient le remplir 20. D'au tres fois, les anses manquaient, remplacées par des poignées fixes 21. De fortes protornes, en col de lions ou de bé LEI3 4001 LEB Tiers' (fig. 4373), de serpents2, ou de griffons (fig. i374)3, étaient fixées sur le haut de la panse et pouvaient être facilement saisies à pleines mains. Des tètes d'animaux , des monstres fantastiques aux ailes d'oiseau, aux bras et au buste de femme 6, s'appliquaient sur la même panse, mais près de l'embouchure, et regardaient vers l'intérieur, au lieu qu'ailleurs les protomes de griffons ou de béliers sont tournées vers l'extérieur 6. Leur destination était d'ailleurs la même que celle des anses verticales et des avant-corps d'animaux : elles servaient, en même temps qu'à orner, à soulever et transporter les grands et lourds lébès. Ceux-ci, étant convexes, avaient, de toute nécessité, un support. Il yen avait de formes différentes. Certains chaudrons reposaient sur des stèles7, d'autres sur des pieds coniques ', des €yyuOir'r,at des bases de toute espèce i0 [INCITEGA]. Mais, le plus souvent, un trépied portait le lébès. L'association était même si étroite entre le vase et son support habituel, que l'on ne distinguait plus l'un de l'autre : lébès et trépied formaient un tout que l'on désignait tantôt du nom de lébès ",tantôt, le plus souvent, de celui de trépied"2. La confusion des termes est très antérieure aux grammairiens 13 et remonte aux poèmes homériques : la capacité du lébès semble bien, dans Homère, légèrement inférieure à celle du trépied'', et par suite sa valeur est généralement moindre 13, mais rien ne prouve que cette distinction ait prévalu par la suite. Seul le contexte permet souvent, dans les auteurs et les inscriptions, de juger s'il est question du chaudron seul, ou, à la fois, du trépied qui le porte [Tains]. Il va sans dire que nous ne nous occuperons ici que du seul lébès. 1. Comme le trépied d'ailleurs, le Iébès était souvent offert en prix dans les jeux. 11 figure à ce titre dans des peintures de vases 16 (fig. 3'231). Il l'est aux jeux mythiques de Castor et d'Iolaos' 7, à ceux qu'offrent Achille dans l'Iliade" et Enée chez Virgile", comme il l'est aux grands concours de la Grèce 20 et aux combats de toute espèce que les agonistes se livrent entre eux2i. Aussi des scènes empruntées aux luttes ou aux courses solennelles décorent parfois la panse des lébès" ; des inscriptions, gravées sur le rebord du vase, désignent le concours pour lequel il est offert en prix. Nous en connaissons de relatives aux jeux d'Erétrie23, de Cumes d'Athènes 23: peutêtre, parmi ces dernières, y en a-t-il qui se rapportent à des jeux funéraires 26'1 II. Les lébès servaient aussi d'offrandes dans les temples [DONARIUM, p. 373]. Ils sont souvent mentionnés dans les inventaires27, à Délos", à Eleusis 23. C'étaient, ou bien des ex-voto de luxe, ou des meubles d'usage, nécessaires aux sacrifices et aux diverses cérémonies du culte. III. Les poèmes homériques font à propos des lébès, comme d'ailleurs aussi des trépieds, une distinction essentielle. Ou bien le vase va au feu, zï7«V 30, ':N.AutinG 1,ç 31, ou bien, au contraire, il est â77spoç32. Dans ce dernier cas, il remplit, semble-t-il, l'office du CRATER33 et nous n'avons pas à nous en occuper ici. Sauf quelques exceptions que nous verrons, le lébès est pour nous un vase de métal qui sert à faire chauffer de l'eau ou tout au moins à en contenir. Il se distingue par là, non seulement du avaler, où l'on préparait le vin, mais du kW hm, ou vase à parfum, dont la forme est à peu près la même, mais dont les dimensions sont plus réduites34. IV. Les textes mentionnent souvent le lébès avec le sens de bassin à aiguière. C'est le récipient qui reçoit, (1770ieyégevov ", l'eau versée par la proc/ioos, On s'en servait pour la toilette du matin 36, mais surtout au commencement des repas. La religion voulant qu'on eût les mains pures avant de faire les libations aux dieux 37, le xz à yetpw était le signal du festin3' : les hérauts39, les jeunes esclaves40, les femmes" versaient de l'eau sur les mains des convives qui pouvaient ainsi toucher aux mets sans impiété. L'usage était le même à la fin des repas 42, mais l'observance en était moins fréquente. A ce do uhle titre, le lébès fait partie, chez Pollux, des objets nécessaires au service 43 de la table. V.I1 servait aussi à laver les pieds des hôtes et des convives''". C'est un lébès que, dans l'Odyssée, Euryclée apporte à Ulysse et les suivantes versent l'eau dans le bassin d'airain 4, VI. Le lébès était par suite indispensable dans les bains 46. Non seulement on y chauffait l'eau'17, mais certains grands chaudrons, de taille exceptionnelle, pouvaient servir de baignoires. C'est dans un lébès qu'Eschyle fait surprendre Agamemnon par Clytemnestre'''. De même, chez Pindare, Klotho sort Pélops du lébès où les dieux ont plongé les membres de Pélops49. VII. Il y aurait lieu de parler ici du ).€ôr,ç ycgc xéç que mentionne une inscription d'Eleusis60 et du ?,iâyç Vup.pr xdç dont parle un autre texte épigraphique°'. On sait qu'un bain nuptial précédait, chez les Grecs, la cérémonie du mariage. De fait, aux noces de Zeus et d'Hera, nous voyons, sur une amphore à figures noires de Londres, une déesse (Aphrodite'?) portant sur sa tête un lébès 02 : il contenait sans doute l'eau lustrale. La forme habituelle du délies gantikos paraît, à Athènes du moins, un peu différente, et se rapproche du LOUTROPHOROSJ3. M. Wolters, qui a LE;B 1002 LEC récemment étudié ces vases, a fait connaître aussi une sorte de lébès à pied, dont la destination serait plus spécialement funéraire' : il servirait aux ablutions du mort héroïsé et se rattacherait toujours à la même conception du récipient balnéaire. Vlll. Le lébès est aussi un vase de cuisine 2. Le'o'rpor.ouç, auquel Hésiode défend de puiser, n'est qu'un chaudron [t usTTtA1 monté sur pieds '. On cuisait la viande dans ces vases ', d'où l'épithète de ae niTroixpwv donnée à un gourmand Un camée nous montre un porc cuisant dans un lébès qui repose sur de grosses pierres 6, et l'ors tonnait les peintures de vases où parait Médée avec le bélier IX. Je réunis ici quelques acceptions particulières du mot. C'est, chez Pollux, le ),exav(ov qui sert aux usages les plus divers des convives s ; chez Hérodote, la cloche que tes femmes de Sparte font retentir à la mort des rois G; chez Lucien. le chaudron dont se servent les teinturiers 10 Un texte obscur des Problèmes appelle de ce nom une sorte de cloche qui « conservait de l'air » aux plongeurs : tout ce que nous en dit le Pseudo-Aristote est qu'il fallait faire descendre verticalement l'appareil; s'il penchait quelque peu, l'air pur s'en échappait et il s'emplissait d'eau : c'était sans doute une cage analogue à celle où entre aujourd'hui la tête des scaphandriers". Enfin, le S€araç ypr e,nv du Soleil, dans lequel Héraklès traverse les mers, n'est, suivant certains textes, qu'un lébès de bronze12. X. Sur un certain nombre de monnaies de Crète est frappée une contremarque qui représente, à n'en pas douter, un chaudron vu d'en haut''. M. Svoronos, rapprochant d'anciennes inscriptions de Gortyne où les amendes sont évaluées en lebes14, a cru que le mot s'appliquait aux pièces ainsi contresignées''. Certaines difficultés chronologiques, exagérées semble-t-il 'G, n'ont pas empêché que la théorie fût généralement admise par les numismates''. XI. La dernière acception du terme est celle du vase funéraire. Les cendres, avec quelques ossements du mort, étaient enfermés dans une kalpé ou un lébès de bronze BALPIS[. On les y déposait avec soin1e, après les avoir, dans certains cas, entourés d'une étoffe qui remplaçait le linceul" ; d'autres fois, c'était le vase même que, sans doute pour mieux assurer l'adhérence du couvercle ou pour une raison de piété, on enveloppait ainsi d'un voile" La kalpé, une fois parée, était placée, soit dans une cuve de pierre, généralement rectangulaire21, soit dans un manchon cylindrique22, dans un cadre en bois23, ou simplement dans une cavité de même forme creusée dans le sol". Assez souvent des plaques de pierre posées sur le chaudron assuraient la fermeture du vase et le protée geaient contre la chute des terres". On a trouvé de ces lébès dans presque toutes les nécropoles helléniques26, en particulier en Attique". Un vase de même forme en terre cuite, conservé au Musée Britannique, était, lorsqu'il a été découvert, rempli d'ossements" : il avait dQ servir au même usage funéraire. A. DE RIDDEn.