LECTUS. KX(vr . Le lit, chez les anciens, servait à trois usages : on y dormait; on s'y couchait à demi pour manger ; avant les funérailles, on y exposait les morts. Nous étudierons ces trois emplois du lit successivement chez les Grecs, chez les Étrusques et chez les Romains, en notant chemin faisant quelques emplois accessoires.
GIOECE. Dans les poèmes homériques, il est souvent question de lits, mais seulement de lits pour dormir ou de lits funéraires : les héros d'Homère mangent assis, et non couchés 1. Non pas, peut-être, qu'à l'époque où furent composéel'Iliade et l'Odyssée, ce frît là la cou
turne grecque : on sait que l'Épopée peint un monde disparu, dont les traits, fixés une fois pour toutes, reviennent, toujours les mêmes, dans ses récits. De l'absence du lit de table dans les descriptions homériques,
on ne doit donc pas conclure qu'il était étranger aux populations parmi lesquelles vivaient les aèdes; si les Égyptiens ne paraissent pas l'avoir connu'-, il semble avoir été employé de bonne heure en Asie Mineure : le bas-relief de Kouioundjik qui reproduit le festin d'Assourbanipal, fait sans doute allusion à un usage très ancien 3 ; on peut rapprocher de ce monument quelques terres cuites gréco-babyloniennes que possède le Louvre', un curieux groupe chypriote en pierre calcaire (fig. 4384), représentant trois convives couchés autour d'une table, sur des lits garnis de hauts coussins un des grands côtés du sarcophage d'Athiénau, au musée de NewYork', etc. Quoi qu'il en soit, les seuls lits dont llomère fasse mention sont ceux où l'on passait la nuit et ceux sur lesquels on couchait les morts; toutes les fois qu'il s'agit d'un repas, les convives y prennent part assis sur
Nous n'avons pas ici à examiner le sens, souvent difficile à préciser, de tous les termes dont se sert l'Épopée pour désigner le lit 8. Qu'il suffise de rappeler qu'Homère décrit trois façons principales de se coucher pour dormir. La première comporte l'emploi du ),éyoç, qui a sa place déterminée dans la maison °. Pour la seconde, on a recours aux ôégvta : il faut entendre par ce mot un lit qui n'a pas d'emplacement fixe, qu'on dresse ici ou là 10. La troisième, enfin, consiste à s'étendre à terre (ya(xâlsç) sur des peaux 1L . Le aéxoç est en bois ; l'épithète 7rvxtv6v qui lui est quelquefois donnée 12 fait allusion aux pièces qui le composent et qui sont fortement jointes entre elles, soit qu'elles s'emboîtent les unes dans les autres, soit qu'on les ait assemblées à l'aide de chevilles13. Nous connaissons d'ailleurs assez mal sa structure et sa décoration. Le lit célèbre qu'Ulysse s'était fabriqué lui-même dans son palais d'Ithaque, et dont l'un des montants était formé du tronc d'un olivier soigneusement équarri, avait pour sangles des lanières de cuir de boeuf teintes en rouge; il était orné d'incrustations d'or, d'argent et d'ivoire". Les expressions rpricx, ltvtoTâ né7Eu semblent indiquer que les montants des lits homériques étaient tantôt plats et découpés à jour, suivant une mode qui persista durant des siècles, tantôt façonnés au tour lt". Nous ignorons s'il y avait des lits de différente largeurla. Nous sommes mieux renseignés sur les accessoires dont on avait l'habitude de garnir (azoeéaat) soit le ).éyoç, soit les Gigota. Sur les sangles qui reliaient les côtés latéraux, on disposait d'abord les sorte de tissu probablement très épais, qui faisait l'office d'un
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matelas, sans être, comme le matelas, rembourré à l'intérieur (ce qui le prouve, c'est qu'on plaçait aussi des ,yEx sur les sièges, oit un matelas eut été gênant 1 ; c'est, de plus, que les r-,yaa se lavaient 2). Des tapis (Txnr,TEç)
étaient étendus sur les ' ev; le dormeur s'y couchait et se recouvrait d'une AAaïva (ce mot est le plus souvent au pluriel), qui n'était autre que le vêtement connu sous ce nom "PALLIUM] 3. Quelquefois, sous le ~~yoç étaient placées des peaux de brebis (adieu.) ; puis venaient le Kyoç et une pièce de lin dans laquelle on s'enveloppait`. D'autres fois, nous trouvons la disposition suivante
des peaux, une »Aaïva, puis les Kirs«. servant de couverture Les peaux, en général, forment dans Homère le fonds de la literie des gens de moeurs simples et des pauvres gens : Télémaque dort empaqueté dans une peau de brebis 0; ceux qui ne possèdent ni 'fyta ni yXafvat 7 s'étendent à terre sur des toisons : Ulysse, chez Eumée, passe la nuit sur des peaux de brebis et de chèvres; une épaisse yXoiva, que jette sur lui le pâtre, le défend du froid' ; le même Ulysse, dans son palais, refuse le lit que lui fait offrir Pénélope : une peau de boeuf et quelques peaux de brebis lui suffisent; quand il y a pris place, les servantes le recouvrent d'une x)x1ox 9. Le coucher du vieux Laërte est encore moins compliqué l'hiver, ses servantes lui font son lit dans la cendre du foyer ; l'été, il se contente d'un lit de feuillage n'importe où, dans sa vigne' 0.
Les lits sur lesquels on expose les morts, dans Homère, sont les mêmes que ceux dont usent les vivants. La garniture seule semble différer : le cadavre de Patrocle est recouvert de la tête aux pieds d'une grande pièce de lin, sur laquelle on a étendu une toile plus forte (;vâpoç), éclatante de blancheur 11. Le corps d'Hector disparaît presque tout entier sous un cpxpoç et un chiton 12 [FUNUS, p. 1372].
Dans la période historique, le lit sert aux trois usages que nous avons indiqués. Certains peuples, il est vrai, paraissent tenir d'une haute antiquité la tradition de n'y point recourir pour les repas : tel est le cas des Crétois, qui mangent assisl3; tel est aussi, semble-t-il, du moins à une certaine époque, le cas des Macédoniens''. Mais ce sont là des exceptions. La coutume de beaucoup la plus répandue est de se coucher pour manger ou pour boire
les enfants, les adolescents au-dessous d'un certain âge font seuls exception à la règle", avec les personnes de condition inférieure et les femmes 16. Celles-ci, quand elles assistent au repas des hommes, sont généralement assises au pied du lit sur de hauts sièges à dossier 17 ;
celles qui prennent place à côté des convives sont des courtisanes 's : les monuments de toute nature qui reproduisent de pareilles scènes sont, comme on le sait, extrê
II ne parait pas y avoir eu de différence sensible, chez les Grecs, entre le lit pour dormir, le lit de table et le lit à exposer les morts. Il arrivait quelquefois aux convives de s'endormir sur le lit où ils avaient pris leur repas 30, ce qui prouve que ce meuble offrait pour le sommeil les mêmes commodités que celui qui était spécialement réservé à cet usage. On exposait les morts sur les lits où l'on avait l'habitude de se coucher pour la nuit. Nous pouvons donc, sans distinction d'emploi, essayer de nous rendre compte de l'aspect d'un lit grec, tel que les textes et les monuments nous permettent de le reconstituer. Voici quels en étaient les principaux éléments 70.
Il y avait d'abord les montants (EVj),«-coe, nuSEç) 21, qui
supportaient la caisse ou la couche proprement dite et se terminaient par une sorte de chevet plus ou moins
reviendrons tout à l'heure 22. La couche (x) tvrs ptsv) 23, formée de quatre traverses assemblées, avait pour fond
une sorte de treillis végétal (anapTa, anapT(x, Tdvoç, xetp(o:) 24, où l'on étendait le matelas (Tl',),1, TuXErov) 26. Les oreillers (npoaxnsO),ata) étaient placés à la tête : ils étaient de fine toile de lin, ou de laine, ou bien encore de cuir 26 ; on les remplissait d'un duvet plus ou moins léger u, de même qu'on rembourrait le matelas avec le fruit cotonneux d'une plante appelée yvxq,àAwv'a. Les couvertures, qu'on désignait par différents noms, étaient teintes de couleurs vives, et brodées de fleurs, d'animaux, d'étoiles, etc. 29 ; on les parfumait d'odeurs pénétrantes : le poète comique Ephippos parle de odnvoez aTpeSµar 3e ; le péripatéticien Cléarchos de Soli décrit, dans Athénée, le luxe efféminé d'un jeune homme de Paphos, qui aimait à s'étendre, vêtu d'une x.Aav(ç blanche, sur un lit à pieds d'argent recouvert d'un riche tapis de Sardes; un tissu de couleur pourpre était jeté sur son corps ; sa tête reposait sur trois oreillers du lin le plus fin, bordés d'une bande de pourpre, tandis que deux autres, écarlates, soutenaient ses pieds 31. De tout temps, les Grecs semblent avoir porté dans ce détail de leur vie intime une grande recherche. Si l'orateur Lycurgue, toujours dur à lui-même, se contentait d'un lit étroit, garni seulement d'une peau et d'un oreiller 32, Isocrate dormait sur un matelas d'une forme particulière et sur un oreiller imprégné de safran 33. Ces habitudes de mollesse parais
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sentêtre venues en partie de l'Orient.llérodote mentionne, au nombre des objets abandonnés par Mardonius après la bataille de Platées, des lits de table incrustés d'or et d'argent et recouverts d'étoffes magnifiques'. C'étaient les Perses qui, les premiers, avaient dressé des esclaves spéciaux à garnir un lit, de façon à le rendre aussi agréable à la vue que moelleux au contacte. Aussi voyons-nous Artaxerxès Mnémon, pour honorer l'ambassadeur athénien Timagoras, lui donner, outre une grande quantité d'or et d'argent, un lit somptueux et des serviteurs habiles à le disposer (crpii,7z;), sous prétexte que les Grecs ne savent pas s'y prendre °.
Bien avant ce temps, les monuments nous permettent d'imaginer le luxe avec lequel étaient garnis les lits grecs, à quelque usage qu'ils fussent destinés. Les vases peints du vie siècle qui représentent des scènes de banquet, ou d'autres scènes dans lesquelles figure un lit, nous font voir les draperies qui le décorent formées de bandes parallèles de différentes couleurs, ou rayées de quadrillages variés, munies de franges à leur bord inférieur, etc. 4. Les matelas sont faits d'une étoffe semée de fleurs' ; parfois ils présentent des imbrications tracées à la pointe qui visent, semble-t-il, à rendre l'aspect floconneux de certains tissus 6.
Mais ce qui, plus encore que la literie, parait attirer de
bonne heure l'attention, c'est le lit lui-même. On en orne toutes les parties visibles ; sur les montants surtout s'exercent la fantaisie et l'habileté des fabricants. Il y a deux manières bien différentes de façonner ces montants : tantôt on leur donne la forme quadrangulaire, tantôt on les travaille au tour. La figure 4384, où l'on voit Achille sur son lit funèbre, entouré des Néréides qui le pleurent, offre un spécimen de la première manière Deux traits caractérisent les montants de cette espèce : 1° les incrustations qui les décorent, les découpures qui y apparaissent et font penser aux rp'trr XÉXEz d'Homère ; à mesure
que l'industrie progresse, on prend même l'habitude d'en amincir la partie médiane de façon à la rendre aussi légère que possible et à créer un contraste entre sa fragilité apparente et la solidité massive des extrémités 8 ; en même temps, ces extrémités elles-mêmes reçoivent des applications d'ivoire', ou sont agrémentées d'incisions et de dessins variés iÔ. 2° L'autre trait qui distingue les montants quadrangulaires est le chapiteau ionique dont ils sont surmontés. Les exemples sont innombrables, sur les vases peints, de montants terminés par des volutes plus ou moins compliquées, sur lesquelles est souvent posé un abaque qui complète la ressemblance avec une colonne. Chez les Étrusques, si directement influencés par les Grecs, au-dessous des volutes, on aperçoit même quelquefois des cannelures ". La colonne ionique, avec ses proportions élégantes et les gracieux enroulements qui la couronnent, devait être, en effet, un modèle tentant pour les artistes, et il faut voir là une preuve de la popularité des ateliers ioniens de Milet et de Chios, dont les lits étaient célèbres dans le monde entier f 2. Les pieds tournés se rencontrent également de très bonne heure dans les représentations figurées S3 ; ils rappellent les ôtvwrâ Àé;(Ea, de la poésie homérique. Ils se composent en général de parties massives alternant avec des parties frêles à l'excès, où semble se jouer l'audace des artisans. Ces montants, par leur forme, se prêtaient moins à la décoration ; nous les voyons même, avec le temps, devenir de plus en plus simples f4, tandis que les montants quadrangulaires, avec leurs découpures, leurs bases terminées par de larges fleurs de lotus", leurs placages de buis ou d'érable rehaussés d'incrustations d'argent, d'ivoire, d'écaille 19, restent le luxe de l'ameublement. Aussi comprend-on que les lois somptuaires se soient efforcées de les proscrire ; la loi de Céos sur les funérailles recommande expressément que les morts soient portés au tombeau sur un lit à pieds pointus,
c'est-à-dire simplement tournés (ixpepty Il iy x).tvrit
Nous ne pouvons nous rendre compte de tous les changements apportés par le temps dans la construction et la décoration du lit grec ; les monuments, si explicites qu'ils soient, nous laissent ignorer bien des détails ; les textes ne nous renseignent guère mieux. Voici pourtant quelques modifications faciles à apercevoir.
Dans les lits archaïques, les pièces d'assemblage qui forment le cadre sont généralement assez étroites. Celle de la façade, c'est-à-dire du côté qui regarde le spectateur, était sans doute, comme les montants, revêtue d'un placage orné d'incrustations : on y distingue des palmettes, des figures de quadrupèdes, de serpents, etc. f8. A mesure qu'on descend vers des époques plus basses, l'influence de l'architecture, limitée d'abord aux montants, paraît s'étendre, et la pièce de bois qui forme le côté principal, s'élargissant, offre à la décoration un champ plus vaste.
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Dans les beaux lits de marbre découverts par M. Heuzey à Palatitza et à Pydna 1, cet élargissement est très sensible, mais il n'entraîne aucune décoration. Un monument encore inédit du Musée du Louvre, un petit lit de terre cuite trouvé dans un tombeau,
donne une idée du parti qu'on tirait de cette bande latérale : elle jouait le rôle d'une véritable frise où l'on multipliait les ornements. Celle du lit que nous reproduisons porte en relief, sur fond rouge, les motifs suivants, coloriés en blanc : aux deux extrémités, deux masques de femme, puis deux dauphins, deux enroulements en forme de crosse pastorale, enfin une palmette occupant le centre. On remarquera, d'ailleurs, les élégantes figurines en relief qui décorent la partie supérieure des montants, lesquels sont découpés avec une certaine recherche et ornés de ciselures imitant, semble-t-il, quelque application d'orfèvrerie.
Une transformation plus radicale, qui porte sur le meuble tout entier, s'opère, au ve siècle, dans le lit de banquet. A la richesse du siècle précédent, aux montants plaqués, incrustés, ou curieusement façonnés au tour, succède une extrême simplicité. Les nombreux vases attiques de style sévère qui représentent des scènes de banquet, nous montrent des lits complètement dépourvus d'ornements, où ne se retrouve que rarement le pied découpé, surmonté des volutes ioniques 2 ; le matelas même en est absent, et les convives sont étendus sur le bois qui forme le fond de la couchette 3. Telle était la coutume lacédémonienne 4 ; peut-être faut-il voir là une nouvelle preuve de l'engouement que les Athéniens manifestèrent, après les guerres médiques, pour les moeurs et les manières de Sparte. Dans les représentations de ce genre, un grand coussin rayé, parfois replié sur luimême,pour fournir un appui plus doux°, soutient le coude et glisse jusque sous les reins du buveur ; la figure 4386, empruntée à une belle coupe du Musée Britannique, fait
voir comment ce coussin était calé par l'accotoir disposé à la tête du lit6. Cette simplicité ne fut pas toujours à la mode. Si peu fastueux que fussent, au m° siècle, les repas que le philosophe Ménédème offrait à ses amis, et où chacun apportait son coussin, les lits y étaient garnis, en été, d'une natte, en hi
ver, d'une peau de bête 7. A Sparte même, avant le règne de Cléomène, les vtl(, tx avaient singulièrement perdu de leur antique austérité: les lits de table y étaient recouverts d'étoffes luxueuses et ornés de coussins si richement brodés que les hôtes qu'on invitait ày prendre place osaient à peine y enfoncer leur coude 8. Dans la tente dressée par les soins de Ptolémée Philadelphe, lors de la fête célèbre
qu'il donna à Alexandrie, se trouvaient cent lits de banquet dorés et parés magnifiquement, entre les pieds desquels étaient tendus des tapis de Perse décorés de délicates figures d'animaux'.
Une autre modification est celle qui consista à munir les deux extrémités du lit d'accotoirs S0, de façon à permettre de se coucher indifféremment dans un sens ou dans l'autre. Dans les lits anciens, et même dans beaucoup de ceux du ve siècle, les montants de la tête" sont plus élevés et probablement reliés par une traverse sur laquelle viennent s'appuyer le matelas et l'oreiller, et qui exhausse la tête du dormeur, tandis que le pied du lit reste au niveau de la couchette ou ne présente qu'un faible relèvement12. Le progrès fut de faire les deux extrémités pareilles, comme on le voit dans la figure 4387, dont la clarté rend tout commentaire superflu 13. C'est sans doute aux lits de ce genre que s'appliquait l'épithète
donnée par Pollux, chez lequel elle désigne un lit qui avait appartenu à Alcibiade et qui fut vendu à la criée, avec d'autres objets confisqués, à la suite du procès des Hermocopides 14. La correction a.µcptxtpa),oç, imaginée par Becker16, d'après ce passage du Grand Étymofo
s'imposa d'abord f7, quand la découverte de plusieurs fragments d'inscriptions contenant précisément la liste des biens vendus des Hermocopides, sembla devoir jeter sur ce petit problème un jour définitif. Il n'en fut rien malheureusement, le fragment relatif au mobilier d'Alcibiade
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étant très mutilé et ne portant, à l'endroit où le texte épigraphique coïncide avec Pollux, que ces mots, dont la restitution est conjecturale : x),(v[-q µtari'etoureyrg [â]u[txvj€{[«naos] t. Faut-il lire âµlit c paaoç?Nous n'avons pas ici à nous le demander, ni à chercher quelle serait, dans ce cas, l'origine du désaccord entre Pollux et l'inscription des Ô-f,U.tOrrcava 3. Pour
des raisons trop longues à développer, il ne parait pas, d'autre part, que Pollux doive être corrigé'. Nous serions donc, à nous en tenir à son témoignage et à celui du rrandÉlyinologigete, en présence de deux épithètes, âui,txvécpaaaoç et ?if g.?tasp a),oç, dont il s'agit de déterminer le sens'' Or la seconde n'a rien d'obscur; quant à la pre
mière, elle devient claire, elle aussi, pour qui fait attention que le matelas, TCar;, portait également le nom
de xvéyaaaov, notamment chez les Athéniens s ; le mot qui servait à désigner le contenu (Ta iN.iaaa6g.svov a)i-,7ptwu.1) avait fini par désigner le contenant', de sorte qu'il faut entendre par âg.tptxvlpia)inç un lit dont le matelas, débordant aux deux extrémités sur les accotoirs, y formait oreiller ; peut-être certaines représentations (fig. 4388)
traduisent elles exactement cette disposition 7. Si, comme cela semble résulter d'un passage de Pollux, xvé aaaov était, dans certains cas, synonyme de rrpocxacpôaalov 8, l'explication serait plus simple encore : au.cpxvecpaaaoc désignerait un lit à deux oreillers, c'està-dire dont le chevet était indifféremment à la tête ou aux pieds (fig. 4385, 4387), On voit, de toute façon, que les deux termes qui nous occupent, se rapportant au même objet, doivent être considérés comme synonymes.
Un détail à noter est que la présence des deux oreil
!ers n'indique pas nécessairement que le lit soit 4.tplxsitpaaaoç. On a vu par un passage d'Athénée analysé précédemment, qu'en dehors de l'oreiller sur lequel ils posaient la tête, les délicats aimaient à en avoir un ou deux autres où ils pussent enfoncer leurs pieds 9 ; mais les lits garnis de la sorte n'avaient pas toujours
double chevet, témoin celui qui figure dans ce gracieux tableau de la toilette d'Hélène (fig. 1389), et qui visiblement n'est pourvu d'accotoir que d'un seul côté". Quelquefois, il n'y a pas trace d'accotoir, et le coussin de la tète ne se distingue de celui des pieds que par son volume et son épaisseur, comme dans cette scène des noces de Pirithoos et de Laodamie, qui contient un beau lit nuptial aux pieds artistement découpés et ornés de palmettes et de masques en applique (fig. 4390) i,
Ajoutons, pour en finir avec ces remarques techniques, que l'équilibre du lit était souvent assuré par deux pièces de bois posées à terre et dont le dessus offrait une surface
plane, parfaitement horizontale, sur laquelle venaient s'appuyer les pieds du lit. Une des figures de l'article HERCULES (fig. 3780), qui représente en perspective le lit nuptial d'Héraclès et d'Hébé, rend très bien compte de ce détail, et explique en même temps une particularité des représentations archaïques, à savoir ces grosses cales dont on peut douter si elles adhèrent au meuble ou
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si elles en sont indépendantes. Probablement elles ne sont autre chose que les traverses indiquées dans la figure 3780, ou de gros cubes de bois supportant chacun un pied du lit. Dans les deux cas, le but visé était atteint :
il s'agissait de corriger les inégalités du sol formé, anciennement du moins, de terre battue et sur lequel, sans cette précaution, le lit eût risqué de paraître boiteux.
Enfin, comme complément du lit de table et du lit à dormir, il faut signaler le tabouret qui aidait à y monter1SCABELLLM] et sur lequel souvent les convives déposaient leurs chaussures (fig. 4390) . Ce tabouret varie, sur les monuments, de forme, de dimension, de décoration, etc.
Il reste peu de chose à ajouter, après ce qui vient d'être dit, sur les divers usages que les Grecs faisaient du lit.
On a vu à l'article CORNA (p. 1273) que les lits de banquet recevaient ordinairement deux convives, dont le second était le « compagnon de lit », (o.tLxat),ys) du premier ; le chiffre trois parait avoir été tout à fait exceptionnel '. Ces convives, lorsqu'ils étaient mal appareillés, se causaient l'un à l'autre toute sorte de désagréments
S'appuyant du coude gauche sur le coussin mis à la disposition de chacun d'eux ", ils se servaient de la main droite pour manger et pour boire ; c'est du moins ce que nous montrent d'une l'acon constante les monuments. Les jambes de celui qui était placé à la tête du lit s'allongeaient derrière le dos de son voisin ; une table unique, haute de trois Coudées °, portait les mets destinés à l'un et à l'autre. La place d'honneur appartenait au convive qui occupait la partie du lit située, dans les représentations, à la'droite du spectateur : l'autre était dit avoir
des lits ne semble pas avoir été limité, excepté peut-être chez les Lacédémoniens, à une certaine époque : Cléomène ne faisait jamais dresser plus de cinq lits de table, lors même qu'il traitait des ambassadeurs étrangers ; le plus souvent, il n'en faisait dresser que trois', Quand il y avait ainsi plusieurs lits rangés à la suite les uns des autres, c'était le personnage couché le premier, ou quel
quefois seul, sur le premier lit à droite, qui présidait le banquets. Ce serait d'ailleurs une erreur de croire que les banqueteurs ou les buveurs fussent toujours disposés sur une ligne unique : ce devait être là, au contraire, une exception, que les procédés du dessin chez les Grecs feraient prendre à tort pour le cas le plus habituel. Quelques monuments placent sous nos yeux des dispositions différentes, qui doivent se rapprocher davantage de la réalité, témoin la figure 169è ]COGNA] et, dans le présent article, la figure 4383.
Le lit funéraire ne différait pas sensiblement, nous l'avons dit, de celui sur lequel on se couchait pour dormir 10. Dans les peintures des vases du Dipylon, il est généralement orné de draperies à damier noir etblanctt. Plus tard, on y retrouve les oreillers rayés et décorés de zigzags, les couvertures semées de croix ou de fleurs qui garnissaientleslits ordinaires. Une fresque découverte à Kertch montre le mort étendu sur un lit de parade que protège un baldaquin soutenu par quatre colonnes; l'ensemble repose sur une sorte de soubassement dans lequel ont été ménagées des ouvertures destinées à recevoir des brancards; quatorze porteurs, sept de chaque côté, étaient nécessaires pour faire avancer cette lourde litière 12 [LEC
L'assimilation naturelle de la mort au sommeil devait conduire, dans le tombeau même, à placer le cadavre sur
un lit, mais sur un lit de pierre ou de marbre faisant corps avec l'une des parois de la sépulture. Cette coutume se rencontre de bonne heure en Orient; des lits semblables ont été trouvés en Phrygie et en Lydie 13 Le tombeau de Cyrus à Pasargade présentait, d'après Arrien, une disposition analogue''`. Les lits de marbre découverts dans les tombes de Palatitza, de Pydna, de Kourino, par la mission de Macédoine, et dont nous reproduisons le plus intéressant, actuellement au Musée du Louvre (fig. 4391), font voir comment les Grecs s'inspiraient, dans ces constructions funéraires, de la réalité que leur offrait la vie de chaque jour '"°. Ils n'avaient, pour décorer ces couches funèbres, qu'à suivre le goût qui semble les avoir portés de tout temps vers l'industrie du meuble, sur laquelle il nous reste à grouper ici quelques indications.
Elle florissait surtout dans certaines villes, par exem
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pie, comme on l'a vu, à Milet et à Chios'. Les draperies dont on recouvrait les lits étaient fabriquées à Milet ; d'autres, moins renommées, venaient de Corinthe Carthage était réputée pour ses tapis et ses oreillers bariolés'. Quelques noms de tisserands célèbres nous sont parvenus, ceux des Chypriotes Akésas et Ilélicon, de l'Égyptien Pathymias6. Il y avait à Athènes des fabricants de matelas (ru)upvra() parmi ces esclaves laborieux
et habiles dont le travail procurait à qui en était le maître, ou à qui les avait loués, des revenus fort apprécia
vonT,ydç 7, y était au nombre des industriels les plus estimés 8. On sait que vingt esclaves x),tvoaoto( figuraient dans la succession du père de Démosthène : ils lui avaient été engagés pour une créance de quarante mines et rapportaient annuellement douze mines, tous frais payés 0. Parmi les matières premières mentionnées dans l'estimation générale et se rattachant à cet atelier, nous trouvons de l'ivoire destiné aux incrustations, des bois précieux (Saa z)iveta), de la noix de galle (xr,x(ç), qui servait à faire une sorte de vernis 10. Ces détails montrent quelle était, à Athènes, l'importance de la x)tvonotïxi" qui paraît avoir résumé pour les Grecs toute l'industrie du meuble, bien que chaque spécialiste fût aussi désigné par le nom qui répondait à sa spécialitéi2. Le riche vocabulaire employé-pour caractériser les différentes variétés de lit et la multiplicité des formes figurées sur les monuments, sont d'ailleurs autant de preuves de l'activité et de la vogue des x),tvonoto(: depuis le divan ou le simple lit de repos13 jusqu'à certains lits de forme étrange, probablement peu usités dans la pratique, comme ce lit de Procruste qui représente un animal marchant (fig. 4392)14 ; depuis le lit bas (ya[r.edv-q), souvent orné d'applications artificielles (zaip.eév-r napâxs 31oç) 10, jusqu'aux lits de luxe, étincelants d'or, d'argent et d'ivoire 16 ; depuis le lit étroit, habituellement dépourvu
lits de bois doré consacrés dans le Parthénon 13, aux lits plaqués d'ivoire à la mode chez les Agrigentins10, à ces lits somptueusement drapés dont le beau groupe de
Myrina, au Musée du Louvre, nous offre un si curieux spécimenL0, ils ont tout conçu, tout exécuté, se pliant aux circonstances, aux besoins, aux goûts, avec une souplesse qui se retrouve dans toutes les industries des Grecs et où se marque, comme dans leur art, leur esprit d'initiative et d'invention.
ÉTRURIE ET ROME. Le lit, chez les Étrusques et chez les Romains, servait aux trois usages auxquels nous l'avons vu employé chez les Grecs. Le lit étrusque, tel qu'il est représenté sur les monuments, reproduit la structure générale et l'ornementation du lit grec. Comme dans celui-ci, on y retrouve les pieds découpés, décorés de palmettes et surmontés de volutes ioniques, qui rappellent l'ébénisterie gréco-ionienne: nous citerons comme exemple le sarcophage de terre cuite figurant un lit et provenant de Caeré, qu'on voit au Musée du Louvre (fig. 4393); on y remarquera la riche décoration du grand côté, qui répond à ce que les Grecs ont eu de plus luxueux 21. Les pieds tournés étaient aussi en faveur chez les Étrusques : on en peut voir la preuve dans
une urne funéraire en forme de lit, récemment trouvée à Pérouse, et où les moulures façonnées au tour sont interrompues par un motif sculpté, représentant un monstre ailé à visage de femme22. Les matelas, les couvertures étaient disposés sur le lit étrusque à peu près de la même manière que sur le lit grec. Les oreillers y ont la même forme et y paraissent faits de la même matière, c'est-à-dire d'étoffe remplie de duvet végétal ou de plume. Il faut signaler, cependant, une espèce de coussin que nous n'avons pas rencontrée en Grèce : c'est l'outre à demi gonflée d'air et repliée sur elle-même, parfaitement reconnaissable dans le grand sarcophage de Caeré, où elle sert d'appui au coude gauche de la femme couchée23,
De nombreux monuments montrent l'usage tout grec que les Étrusques faisaient du lit dans leurs ban
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quets I, bien que, anciennement du moins, la coutume semble avoir existé chez eux de manger et de boire assis 2. Les femmes s'asseyaient sur le pied du lit ; celles qui y prenaient place dans la même position que les hommes étaient, semble-t-il, des courtisanes 4. Un curieux texte d'Aristote nous apprend que, chez les 1trusques, hommes et femmes mangeaient couchés, les épaules couvertes du même manteau; il est peu probable que ce renseignement concerne les matrones
Pour le lit funéraire, celui où le mort était exposé, nous renverrons à l'article F0NCS, p. 1382 sqq. Notons, comme dans le monde gréco-oriental, la tradition du lit servant, dans le tombeau même, de support au cadavre et constituant l'un des éléments essentiels de la sépulture s.
Les éléments du lit romain étaient les sangles (fasciae, institae, lora) : on peut se rendre compte de l'espèce de treillis croisé qu'elles formaient par un lit de bronze trouvé au commencement de ce siècle dans une tombe de Corneto, et dont nous donnons le profil et la partie supérieure (fig. 4394 et 4395) 8. Venaient ensuite le matelas
(tores) et l'oreiller (eu/cita, CERVICAL) 9 , garnis d'une bourre (tomentum) 1°, consistant à l'origine en paille ou en foin 11, plus tard en laine ou en plume12.
Les couvertures (vestes stragulae)13 se composaient d'une draperie qu'on étendait sur le matelas et d'une large pièce d'étoffe dans laquelle on s'enveloppait 44. Elles étaient souvent brodées et décorées avec un grand luxe 15; celle qu'on ramenait sur soi s'appelait proprement opertoriumta. Tels étaient les accessoires du lit à dormir (tectus cubicularis). Ordinairement en bois, il présentait, du côté de la tête, une assez forte saillie formant chevet et destinée à caler l'oreiller 17 ; souvent, quand deux personnes y devaient prendre place, il offrait sur un de ses
V.
côtés, celui qui était appliqué contre la muraille, un rebord (pluteus) dont les fouilles de Pompéi nous ont fourni un intéressant spécimen ; le côté opposé, ou côté extérieur du lit (sponda), était celui par où l'on y mon-tait" ; on se servait pour cela d'un escabeau [SCABELLUM],
ou même d'une sorte d'escalier à plusieurs degrés'', dont peut donner une idée la figure 4396, empruntée au Virgile du Vatican, et qui représente Didon sur le point de se donner la mort".
Les Romains, comme les Grecs, mangeaient à demi couchés, et le lit de table (tentas tricliniaris) était chez eux un meuble de luxe sur lequel se donnait carrière la verve ingénieuse des fabricants. Mais c'est surtout à partir de l'an 187 av. J.-C. qu'on trouve à Rome une certaine recherche dans cette partie de l'ameublement, c'est-à-dire à partir du jour où Cn. Manlius, vainqueur des Galates, fait figurer à son triomphe un grand nombre d'objets précieux, d'un caractère artistique, qui initient les Romains aux industries d'art de l'Orient21. C'est à dater de cette époque qu'on commence à fabriquer, au lieu des larges tréteaux de bois, plus hauts du côté de la table que du côté opposé", des lecti aerati, inargentati, inaurati, eborati, testudinei, c'est-à-dire de bois revêtu de bronze, d'argent ou d'or, plaqué ou incrusté d'ivoire ou d'écaille 23. La figure 4397 reproduit un de ces lits recouvert de bronze, non pas précisément dans l'état où il fut trouvé à Pompéi, mais tel qu'on le voit aujourd'hui, reconstitué, au Musée de Naples24 : on peut se rendre compte sur notre dessin de la riche ornementation qui en décore le chevet; des incrustations d'argent se détachent sur le placage de bronze ; l'élégance des pieds, travaillés au tour et qui reposent sur deux longues traverses, ajoute encore à la grâce de l'en
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semble. D'assez bonne heure, semble-t-il, on avait imaginé de plaquer d'argent les lits destinés aux femmes. mais ce fut un chevalier romain, Carvilius Pollio, qui eut l'idée d'ajouter à cette parure, sur les lits de table, de minces lames d'écaille qui en diversifiaient l'aspect 1. On en vint même, par un curieux raffinement, à imiter, à l'aide d'écailles habilement coloriées, toute sorte de bois', L'ivoire jouait aussi un grand rôle dans la décoration des lits 3 ; de même l'or 9. A une certaine époque, on ne se contenta plus
d'applications métalliques et c'est d'argent massif qu'étaient les lits de table et les lits à dormir d'Iléliogabale
Tout ce luxe ne rappelle que de loin l'antique simplicité, qui consistait à manger sur dl , planches formant un plan incliné autour de la table carrée ou TRicuxlpM, dont un côté
était laissé libre pour les besoins du service [CORNA, p. 1278, fig. 1700].
A l'origine, d'ailleurs, à Rome comme en Grèce, l'usage était de prendre ses repas en étant assis ; plus tard, le père de famille seul eut le droit de manger eou-ché : la femme était assise sur le pied du lit et les enfants à eôté, sur des chaises ou des escabeaux [coraA, p. 12771278] e. Plus tard encore, la coutume de se coucher pour manger devint générale; au lieu de dîner dans l'ATRIUM [nosus, p. 350], on disposa dans la maison des salles spéciales [TRICUNI11 i , oh la famille se réunissait aux heures des repas : c'est alors surtout qu'apparaissent ces meubles de luxe dont la vogue va grandissant sous l'Empire.
Nous n'avons pas à revenir ici sur l'arrangement des
lits autour de la table, sur la façon dont les convives s'y accommodaient, sur la hiérarchie des places et les épithètes par lesquelles on désignait chacune d'elles [curNA; p. 1278] S. Aux trois lits distincts dont chacun contenait trois convivt''s, les pieds tournés vers le bord extérieur, le coude gauche appuyé sur un rui."isus, on eut l'idée, à
une certaine époque, de substituer un lit unique, demicirculaire, appelé sigma, à cause de sa ressemblance avec le sigma lunaire des Grecs. Comme le montre la figure 4398, empruntée à une peinture de Pompéi 9, une sorte de bourrelet ininterrompu régnait sur le bord intérieur des lits de ce genre, remplaçant les coussins à l'usage de chaque convive ; on remarquera en méme temps que, dans cette combinaison, la matière du lit disparaissait tout entière sous les draperies, ne permettant plus que le luxe des riches étoffes. Héliogabale, d'après Lampride, aurait le premier réduit le signera aux seules draperies et au coussin circulaire, disposés à terre sans aucun support10, disposition qui se voit dans quelques monuments d'un temps postérieur 1L. On retrouve l'usage du sigma jusqu'à une époque avancée de l'ère chrétienne, comme l'atteste une miniature du manuscrit de Virgile au Vatican [coM,ti s. fig. 170ii]. Cette forme de lit portait aussi le nom de siuiainus": elle supposait naturellement la table ronde, et non carrée '
En dehors du lit de table et du lit où l'on dormait, dont l'emplacement était fixe, les Romains connaissaient le lit portatif, qui semble avoir été formé d'un cadre monté sur quatre pieds très simples et assez bas un treillis analogue à celui qu'on a vu plus haut y servait de sommier (fig. !4399)'3. Ils avaient des lits de repos pour les malades ou les convalescents, sorte de chaise longue munie, sur trois côtés, d'un rebord plus ou moins haut, où les membres trouvaient nn appui". Les pauvres couchaient sur des lits peu confor
tables (grabati), dont les textes nous ont conservé le souvenir 1°, Il faut enfin signaler le lertus lucubr'atDrius, sur lequel on s'étendait pour écrire et travailler. Un passage topique de Suétone le distingue de la façon la plus précise du lit à dormir et du lit de table. Auguste, nous dit cet historien, avait coutume, après le repas du soir, de s'installer commodément sur une lecticula lucubratoriu, où il travaillait jusqu'à une heure avancée de la nuit ; de là, il gagnait son lit et y dormait sept heures'', Ovide et Pline le Jeune nomment ce meuble lectulus Ix Ovide encore et Perse le désignent simplement par le mot tentas 19e
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Le lit funèbre, sur lequel le mort était exposé dans l'atrium de la maison, les pieds tournés vers la porte, ne se distinguait pas, à ce qu'il semble, du litchis cubiculari.s ordinaire. si ce n'est par le luxe des draperies qui l'ornaient. La figure 3360 [n-Ni si, qui représente une morte étendue sur un lit de parade aux quatre coins duquel brûlent quatre grandes torches, fait voir le soin que les Romains apportaient à ces expositions qui constituaient un des rites essentiels des funérailles. Contrairement à l'usage grec, ce n'était pas, en général, le lit de l'exposition qui servait à transporter le mort au tombeau : on retirait de ce lit le cadavre pour le placer dans un cercueil de bois (capulus) qu'on portait sur des brancards [Fr Nus, p. 1390; LECTICA]. Dans certains cas, ces sortes de litière étaient très richement décorées. Voici, d'après Dion Cassius, comment se fit l'iz opâ. d'Auguste : un lit magnifique avait été préparé, tout d'or et d'ivoire, orné de draperies de pourpre brochées d'or; on dissimula dans ses profondeurs le cercueil (xs tri) contenant le corps; une image du prince, à visage de cire, le représentait en costume triomphal, donnant à la foule l'illusion de sa présence Aux funérailles de Pertinax, une image en cire de l'empereur fut de même couchée sur un lit somptueusement paré ; près d'elle se tenait un jeune esclave muni d'un grand éventail de plumes à l'aide duquel il chassait les mouches loin du prince qui était censé dormir 2. Ce sont là, il est vrai, des cérémonies d'une nature un peu exceptionnelle. On voit, de toute façon, quel était le rôle du lit dans les différents actes des funérailles : soit qu'il servît de principal ornement à l'espèce de chapelle ardente dans laquelle le cadavre était exposé, soit que, porté sur un char, le plus souvent à bras [FUNUS, fig. 3361j, on y vît étendue l'image du défunt', ou sa personne même £, il y avait sa place et contribuait à accentuer le caractère théâtral que les Romains aimaient à donner aux obsèques.
La fabrication d'un meuble aussi nécessaire et dont les usages étaient aussi variés, devait faire vivre de nombreux artisans. Nous sommes malheureusement fort peu renseignés sur la condition des lectar ii romains '. Sans doute, la plupart d'entre eux étaient étrangers, cette industrie, comme beaucoup d'autres, étant venue à home du dehors, particulièrement d'Orient. Les matières premières qu'elle employait arrivaient elles-mêmes, en général, de l'étranger ; jusqu'aux accessoires du lit avaient une origine orientale : l'Édit de Dioclétien fait allusion aux matelas et aux oreillers de Tralles en Carie, d'Antinoupolis d'Égypte, de Damas de Syrie, comme si c'étaient là des spécialités de ces différentes villes a. C'est peut-être pour cette raison que, malgré sa richesse et l'esprit d'imitation heureuse que nous y devinons, le lit romain n'a pour nous ni la valeur, ni l'intérêt du lit grec, beaucoup plus original et qui procède directement du grand art, avec lequel il a d'étroits rapports. P. GIRARD.