Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

LECYTHUS

LECYTHUS (A-llxuOoç, a-gxuttov). Le mot n'est guère latin et il ne se trouve employé que sous une forme adjective, Mcythinus, dans un seul cas, encore assez douteux, ou bien dans la basse latinité T. Dans la langue grecque, il s'applique d'une façon très générale à toute espèce de vases à parfums, spécialement aux récipients à huile. Si, dans les usages de la langue archéologique, il désigne avec précision une certaine catégorie de vases à col long (fig. 4401 à 4004), il ne faut pas oublier, comme l'a démontré Letronne2, qu'aux yeux des anciens c'était un terme générique, se confondant avec d'autres mots comme le lino mous, l'oLPL, etc.,et admettant des formes très diverses. En latin, il est traduit surtout par AMPULLA 3. 1. La destination du lécythe comme vase à huile est déjà mentionnée par Homère 4. A l'époque classique, c'est l'accessoire indispensable de la maison, du bain, de la palestre, pour frictionner les membres et leur donner de la souplesse ; GYMNASTICA, fig. 36771 ou pour se parfumer ° GYNAECEUM, fig. 36841. Il est aux mains de tous les jeunes gens et des femmes. Mais il prend aussi une acception particulière, celle de vase funéraire Placé près du mort pendant la durée de la prothesis, il sert d'abord à oindre le corps, puis il combat et purifie par ses émanations l'oeuvre de la décomposition ; enfin il fait partie du mobilier que l'on dépose dans le cercueil, des offrandes que les survi vants apportent au tombeau [FUNUS, p. 1371, 4379, 1381]. LEC 4024 LEC A deux reprises, Aristophane compare une vieille femme à un lécythe, d'abord pour dire qu'elle est toute fardée, ensuite pour marquer son grand tige qui la destine prochainement au tombeau 1. Il servait aussi de fiole odoriférante, placée sur les tables de banquets pour parfumer les convives 2. C'est donc un ustensile à deux fins : vase à contenir et à verser l'huile, récipient immobile dont les émanations profitent à l'entourage. Cette double destination n'a pas été sans influence sur les formes très variées qu'a prises le lécythe dans le monde hellénique, tantôt adapté merveilleusement à un usage pratique et manuel comme l'aryballe (fig. 543-543), ou comme le lécythe de palestre et de bain (fig. 4400, 4401), tantôt compliqué à plaisir et enrichi d'un décor plastique qui en faisait un véritable meuble artistique (fig. 4404). II en résulte que la capacité de ces vases pouvait différer beaucoup, les uns contenant quelques grammes d'huile, d'autres jusqu'à un cotyle, parfois même sept cotyles3. Les matières précieuses, l'or, l'argent, remplaçaient souvent l'argile'. On fabriquait aussi des fioles de ce genre en verre 6. Le prix variait en conséquence, depuis une obole 6. Quant aux lécythes de cuir, dont il est question dans un texte de Plutarque, peut-être s'agit-il de gourdes en peau, semblables à celles dont se servaient les soldats en campagne, ou bien de bourses de cuir pour mettre de II. Quand on étudie les formes du vase auquel l'archéologie moderne réserve d'ordinaire le nom de lécythe, on constate qu'il doit être le produit d'une fabrication déjà avancée. On ne le rencontre pas dans les séries du style mycénien. Dans le style géométrique, il garde une structure si voisine de l'alabastre et de l'aryballe qu'il se confond encore avec eux C'est seulement dans le courant du vIe siècle av. J.-C. qu'il parait se constituer définitivement et entrer dans le répertoire des formes classiques. Il offre alors l'aspect d'un ALABASTRON que l'on aurait posé sur une base solide et auquel on aurait ajouté une anse de grand module (fig. 4400) °. Les fabricants des vases à figures noires modifient et perfectionnent ce premier essai; ils régularisent la forme cylindrique de la panse, allongent le col trop court, évasent l'embouchure de façon que l'huile, en sortant de l'étroit goulot, trouve un large rebord pour s'y étaler (fig. 4401) 1° : c'est la série des lécythes pansus que l'on avait à tort attribués aux ateliers béotiens ". Les fabricants de vases à figures rouges adoptent d'abord un type analogue 12. Ils réalisent ensuite, dans la seconde moitié du ve siècle, un modèle d'admirable pureté que l'on peut considérer comme un des chefs-d'oeuvre des formes céramiques grecques, le lécythe à fond blanc (fig. 4102) 13. C'est celui qui servait dans les cérémonies funéraires et dont l'emploi est bien démontré par le décor même de certains de ces vases où l'on voit la morte étendue sur un lit et les lécythes disposés autour d'elle (fig. 4403) ". Dans le lécythe appelé aryballisque, dans le lécythe à base imi tant la cupule d'un gland, on suit les modifications incessantes qui tendent à altérer ce type et à le faire revenir à une forme plus basse, plus réduite, en somme plus voisine des créations primitives'". Les lécythes à décor plastique, déjà usités avant les guerres médiques 16, jouissent d'une grande vogue à la fin u ve et durant tout le Ive siècle (fig. 4404)1 : figures de sphinx, cueilleuses de fleurs, joueuses d'osselets, danseurs, statuettes de Bacchus, de Coré, têtes de femmes, tels sont les motifs préférés des céramistes ; ils ri valisent avec les produits d'une fabrication similaire, celle des rhytons [RIIITON]. Il faut encore ranger parmi les LEG 1025 LEG types à décor plastique du Ive siècle les lécythes ornés de petits bas-reliefs dont les plus célèbres sont le vase de Xénophantos, trouvé en Crimée ', et le lécythe d'Andromaque avec Astyanax'. III. L'usage très courant du lécythe avait introduit dans le langage des Grecs maintes expressions métaphoriques dont le sens n'est pas toujours facile à démêler. Ainsi, on appelait aêToa,ixuBotles jeunes gens de mise élégante et de moeurs dissolues, peut-être parce qu'on les comparait à des vases d'huile toujours onctueux On a vu plus haut la pittoresque image d'Aristophane comparant une vieille femme amoureuse à un lécythe funéraire. Au contraire, les pauvres gens étaient des 11o)cci(xuOot, soit parce qu'ils n'avaient même pas le flacon d'huile que tout le monde possède, soit plutôt que le mot contienne le sens déjà signalé de bourse à mettre de l'argent 4. On disait aussi ).r,zuO(Ety, )n)xu0oç et ),r(xuete1uôç, dans le sens de phrases de rhétorique, couplets d'éloquence sonore et vibrante °. Cicéron s'en sert encore et écrit en grec le mot ),rlxu0ot comme .une sorte d'expression proverbiale °. Cette métaphore est exactement traduite par les mots ampullae et ampullari qu'emploie Horace ° et qu'on ne rencontre pas ailleurs. L'origine en est expliquée par Pollux qui rapproche le mot ),yixuO(mv des mots aapuyy(Zmv, Yapuyyi;mv et [3apûtpmvoç, s'appliquant à la voix d'un acteur 8. C'est la déclamation tragique, les phrases ronflantes, comparées au son que rend la cavité du lécythe ou de l'aryballe quand on parle dedans 9. E. POTTIEII.