Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article LENOCINIUM

LENOCINIUM. Le lenocinium (de lenire) [a deux sens un peu différents l'un de l'autre]. 1. C'est d'abord le délit qui consiste dans l'excitation à l'adultère ou à, tout autre commerce illicite, stuprum, ou même dans la tolérance intéressée de l'un de ces délits. Avant la lex Julia, qui établit un judicium publicum contre l'adultère et le stuprum, le lenocinium n'était ni prévu ni puni par aucune loi pénale ; mais la lexJulia détermina et punit les actes qui constituaient ce délit' et les empereurs conservèrent cette législation en en accroissant constamment la sévérité. On considérait comme lenocinium : P Le fait du mari, de toute condition, qui prostituait sa femme à prix d'argent et qui tolérait son adultère pour en tirer profit': [la loi s'appliquait également à la femme qui avait reçu de l'argent à l'occasion de l'adultère de son mari, pour ne pas intenter l'action de moribus 31. Justinien autorisa la femme, que son époux avait voulu prostituer, à divorcer, en reprenant sa dot et la donation proyer nuptias 4. 9.,° Le fait du mari qui gardait sa femme surprise en flagrant délit d'adultère, ou qui la reprenait après l'avoir répudiée et qui laissait échapper ou n'accusait pas son complice G, [_Mais la loi épargnaitle mari crédule ,débonnaire, négligent, qui fermail les yeux; elle n'avait pas voulu établir une inquisition des moeurs G ; d'ailleurs, ce mari tombait souvent sous l'application du premier cas. 3° Le fait de tout individu qui pratiquait ce qu'on appelle aujourd'hui le chantage, c'est-àdire qui, ayant découvert un adultère, se faisait payer son silence. La loi atteignait surtout le mari, mais aussi ses complices etles étrangers des deux sexes et le préteur donnait à la victime l'action ou l'exception quod metus causa pour se faire rembourser 44° Le fait de celui qui épousait une femme condamnée pour adultère, ou qui laissait tomber l'accusation d'adultère après l'avoir intentée 8 ; [mais on pouvait prendre impunément la femme adultère comme concubine'. 5° Le fait de l'entremetteur, soit ami complaisant, soit logeur, qui avait fourni un asile quelconque, soit pour préparer, soit pour consommer l'adultère ou le stuprum de tierces personnes. Les jurisconsultes frappèrent même celui qui avait simplement conseillé l'adultère t0, et ce délit fut de plus en plus sévèrement puni ". Dans tous les cas, la lex Julia établissait contre le lenocinium la même peine que contre l'adultère [ADULTERIVM) 12 ; cependant, il est probable que la femme V. condamnée gardait sa dot. Le lenocinium du mari pouvait toujours être poursuivi durante malrimonio ; pour les autres cas, il y avait la prescription de cinq ans ". Le mari qui avait commis le lenocinium perdait le droit d'intenter aucune action touchant l'adultère de sa femme; il était repoussé primitivement par une praescriptio que pouvaient invoquer les deux accusés" ; mais dans la suite cette praescriptio disparut et, avec le progrès de la procédure inquisitoire, on admit que le juge, statuant sur la plainte d'adultère, pourrait d'office appliquer au mari la peine du lenocinium 'G. Le mari, coupable de lenocinium, nepouvait exercer aucune rétention sur la dot de la femme adultère 'G. Un sénatus-consulte déclara punissables la femme et le mari dans le cas où le mari poussait sa femme à l'adultère pour la surprendre et la répudier (Inc loi de Théodose II et de Valentinien II1 défendit aux maitres et aux pères de prostituer leurs esclaves ou leurs filles, sous peine de perdre tous leurs droits sur elles et d'être condamnés aux mines '8. Justinien confirma les dispositions de la lex Julia et soumit à la même peine les entremetteurs et les complices'. II. [Le mot lenocinium désigne aussi l'exercice de la prostitution 20, Elle fut très longtemps tolérée et ne comportait d'autre peine légale que l'infamie 2t. Les femmes, la plupart esclaves ou affranchies 22, devaient faire leur déclaration auprès des édiles, payaient un impôt spéciale' et portaient un costume spécial 24. Les hommes (ou les femmes) qui exploitaient la prostitution, les lenones, avaient la même condition juridique et payaient aussi un impôt spécial 25. Sous Tibère, un sénatus-consulte permit de frapper de la peine de l'adultère les matrones qui se faisaient prostituées (lenae) ou actrices pour éviter les peines de la lex Julia sur le stuprum [ STLPRUM 2°. Hadrien défendit de vendre des esclaves au leno sans raison valable "7. On a vu la loi de Théodose II et de Valentinien III. En Orient, Théodose II abolit à Constantinople et Léon dans tout l'empire le métier des lemmes, en rendant la liberté aux esclaves prostituées 28. Justinien maintint cette interdiction 29,1 G. HUMBERT, {Ce. LÉCRIVAIN.]