Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article LIBITINA

LIBITINA. Vieille divinité romaine dont le nom est en rapport avec libitum, désir, et qui, pour des raisons que nous ignorons, est devenue la déesse des funérailles [l est possible quelle fàt redevable de cette qualité à l'usage établi par le roi Servius Tullius d'acquitter au trésor de son temple une pièce de monnaie à chaque décès 2, comme on en versait une à celui de Juno Lucina pour les nouveau-nés et à celui de Juventas pour les jeunes gens qui quittaient la robe prétexte'. Dès lors, elle fut considérée comme la gardienne des prescriptions rituelles qui concernent les morts 4 ; quant à la contradiction qui existe entre sa fonction et son nom, elle s'explique, ou par une antiphrase ou par l'association, fréquente dans la religion romaine, qui fond l'idée de la joie de vivre dans celle de la nécessité de mourir'. Les Romains eux-mêmes paraissent l'avoir entendu ainsi en identifiant Libitina avec une Vénus Lubentina, déesse du jardinage, que l'on vénérait, de concert avec Vénus Murcia, à la fête des Vinalia rustica, le 19 août. Les sanctuaires de ces divinités étaient voisins, ce qui, avec la ressemblance des vocables, dut acheminer vers la confusion de leurs personnalités, sans doute distinctes à l'origine'. Les hellénisants tantôt faisaient de Libitina une Persephoné latine, tantôt rappelaient qu'à Delphes on honorait une Aphrodité avec le surnom de 'Est;Tuuéd;Œ, déesse de la mort en même temps que de l'amour'. Des modernes ont même cru que des statuettes de caractère archaïque, prises par d'autres pour des représentations de Spes, nous restituaient l'image de Libitina en réunissant dans un même type les traits de Vénus et de Proserpine. Wissowa a démontré qu'il n'existe de cette déesse aucune représentation certaine, ni sous les traits combinés de Vénus et de Proserpine, ni autrement'. Le seul monument connu de son culte est le sanctuaire où, depuis la fin de la royauté romaine, se faisait, pour des raisons de statistique plus que de religion, le versement d'une pièce de monnaie à chaque décès'. Et même au déclin de la République, il n'est plus fait mention que d'un locus Libitinae qui parait avoir été situé sur l'Esquilin, plus exactement dans la dépression de terrain entre cette colline et le Caelius ; cette localisation mème est douteuse et une inscription où il est question du locus en question a été trouvée assez loin de là, près du tombeau de Bibulus10. A la même époque, le nom de Libitina garde à peine, et chez les poètes seulement, la signi fi cation religieuse 11 ; ailleurs il est presque synonyme de f'unus. Dans la Le, Julia Municipalis, libitinam facere signifie : célébrer des funérailles; ailleurs il désigne l'appareil même de ces funérailles et tout ce qui concerne leur organisation matérielle. Le registre des décès est appelé: ratio Libitinae 1Y, les revenus qui y sont consignés : Libitinae quaestus; un déclamateur appelle le lit de mort: tori Libitinae; un grammairien dit que Libitina est ou le lieu où les morts sont ensevelis ou le lit de parade 1'. Les croque-morts, ceux que le poète Horace désigne par la périphrase poétique de lictores cari, sont les libitinarii, qui libitinam exercent" ; d'où ces constatations faites par Tite Live pour des épidémies de peste : que Libitina LIB 1222 LIB ne suffisait plus à enlever les morts 1. Enfin, la porte de l'amphithéâtre des Flaviens, par laquelle on enlevait les cadavres, était appelée porta Libitinensis 2 , peut-être reçut-elle cette destination à cause du voisinage avec le quartier funèbre de l'Esquilin et du bois de la déesse. Dans la Passion de sainte Perpétue elle est, par une ironie populaire, nommée la porta sanar.ivaria 3. J. A. Hu.n.