Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article LIGULA

LIGULA, LINGULA. Martial reproche aux grammairiens ignorants de s'obstiner à conserver la forme lingula, tandis que toute la bonne société de Rome, equitesque patresque, ne se servait que du mot ligula'. Ces grammairiens voulaient, sans aucun doute, rester fidèles à l'étymologie traditionnelle qui fait de ce mot un diminutif de lingua, parce que, par sa forme, le cuilleron rappelle la langue humaine'. Mais il est des cas où le mot ligula ne peut pas avoir cette étymologie, l'objet désigné n'ayant aucune ressemblance avec la langue 3. Pour sortir de cette difficulté, on a divisé en deux classes les mots lingula ou ligula, faisant dériver les uns de Zingua ou lingere, les autres de ligure, suivant leur sens. Ainsi, le mot ligula, quand il a le sens de courroie de soulier, dériverait de ligure'. Mais les textes ne permettent pas d'attribuer au mot ligula le sens de courroie de soulier ; il s'agit en effet d'une oreille de soulier 5, qui ne ressemble pas plus à une langue qu'à un cordon; aussi Festus rattache la ligula du soulier, par son étymologie, au mot lingua'. Ceci prouve une fois de plus qu'il faut rester très sceptique en ce qui concerne ces étymologies à la manière de Varron, faites après coup et reposant sur des ressemblances de mots. Ce qui reste certain, ce dont d'ailleurs tout le monde convient, c'est que les mots ligula et lingula sont, quel que soit leur sens, employés à peu près indifféremment l'un pour l'autre Nous présenterons donc ici l'explication de ces deux mots, chaque fois que, par leur sens, ils devront trouver place dans ce dictionnaire. Lorsque les textes cités donneront la forme lingula, nous l'indiquerons dans la note, après les références. 1° Là ligula, cuillère, diffère du cocILEAR ou cociLEABE et par son manche qui se rapproche de celui de nos cuillères modernes, et par son cuilleron, généralement plus large et plus allongé. Toutefois, il ne faut pas considérer cette distinction comme sans exception. On connaît en effet des cuillères antiques, à manche orné et, non pointu, dont le cuilleron estpetitcomme celui des coclilear, et des cuillères à large cuilleron dontle manche est pointu. La cuillère répond à une utilité si générale qu'il n'est pas surprenant qu'on la rencontre chez tous les peuples civilisés. On en connaît en pierre, en métal, en bois, en 158 LIG 1251 LIIVI os, en ivoire', en verre même' ; les cuillerons affectent les l'ormes les plus diverses, circulaires, ovales, allongées, en forme de gousse, en Tonne de fer de lance avec la pointe dirigée vers le manche ou en dehors. Les artistes, comme de nos jours et peut-être plus encore, ont donné, dans l'ornementation des manches, carrière à toute leur fantaisieLes dimensions étaient aussi variées qu'aujourd'hui ; on rencontre la cuillère aussi petite que celle qui accompagne nos salières. On a trouvé, en Égypte, des cuillères dont les manches sont très variés : parfois ils sont formés d'un cercle ou d'une tige droite, avec une barre transversale en forme de croix, à la naissance du cuilleron ; dans d'autres, le manche représente une tête d'Isis, un poisson, un quadrupède couché, une divinité accroupie 4. Une cuillère en bois, trouvée à Thèbes, rappelle par sa forme, aussi bien que par son ornementation, le lotus 3. Les cuillères grecques n'offrent pas moins de variété dans leur forme et leur ornementation Il en est qui ont le manche pointu, comme le eochlear des Romains, et devaient certainement servir aux mêmes usages D'autres ont un manche plat, comme nos cuillères actuelles ; à Cyzique, on en a trouvé deux en argent, dont le manche est travaillé en pied de biche, avec une grande délicatesse (fig. 4185) 9. Une cuillère grecque en bronze, conservée au Musée britannique 10, est ornée d'un manche très original, représentant un dauphin enroulé autour d'une rame. Quelquefois le point de jonction du manche et du cuilleron est orné d'un motif gracieux ". Dans une tombe de Vulci, on a trouvé une cuillère étrusque en os sculpté, d'une forme et d'une ornementation agréables à l'ceil12 (fig. 4486). Ce que nous avons dit des cuillères grecques s'applique aux cuillères romaines : même variété dans les formes, même fantaisie dans l'ornementation 13. On remarque fréquemment dans les cuillères romaines " une structure particulière qui apparaît déjà, quoique plus rare, dans les cuillères grecques 15 : l'extrémité supérieure du cuilleron est recourbée de manière à former un demi-cercle, un disque ou une volute qui supportait l'extrémité du manche; de telle sorte que, si l'on tient la cuillère dans un sens horizontal, le cuilleron est plus bas que la tige. Telle est la cuillère romaine en argent, trouvée à Canterbury en 1868i0 (fig. 4187). Les Romains avaient aussi des cuillères de forme particulière, dont le manche, à l'endroit où il s'adapte au cuilleron, est recourbé en forme de faucille"; d'autres ont le manche droit, mais le cuilleron est muni d'un goulot 13. Les uns elles autres servaient à puiser, dans un grand récipient, le liquide destiné à être versé dans une coupe. Leur nom spécial est Les indications des découvertes archéologiques sont confirmées par les textes des auteurs. Souvent la ligala était en argent"' et elle avait sa place parmi les pièces d'argenterie que l'on offrait en présent". Il n'est donc pas surprenant qu'on ait trouvé des cuillères sur lesquelles étaient gravées des formules de souhaits comme oux),e, transcription grecque de vale 21, ou ?tete felix22, et aussi avec des inscriptions votives 23. Quelquefois le cuilleron était orné de sujets gravés 24. La cuillère avait son emploi dans le service de la table 26 et, dans les tombes, on a trouvé des cuillères à côté des mets préparés pour l'usage du défunt". Des cuillères, sans doute d'une matière plus commune, servaient aux préparations culinaires ou autres 27. 2° Terme de mépris 28. 3° Mesure de capacité évaluée au quart du ciathus 21. 4° Aiguille d'une balance, examen 30 [LIERA]. 5° Extrémité amincie d'un levier 3', spécialement du levier d'un pressoir [PRELUM] 32, d'une poutre ou d'un pieu vertical, destinée à être engagée dans une pièce transversale33, comme dans les clôtures en bois. 6° L'extrémité la plus étroite de tuyaux qui, amincis d'un seul côté, s'emboîtaient les uns dans les autres afin de former des conduits d'eau, tubuli lingulati 3". 7° Épée ou lame d'épées'. 8° Partie courbe d'un strigile 30. 9° Oreille d'un soulier en cuir 37, en grec y)AT a, 10° Biseau d'une flûte 30; en grec y)cwTT(C,