Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article LITTUS

LITTUS. On appelait ainsi, en droit romain, le rivage de la mer'. D'après une définition attribuée par Cicéron à Aquilins et acceptée par les jurisconsultes postérieurs 3, le liftas comprenait tout l'espace que peut recouvrir le plus grand flot d'hiver. Dans quelle catégorie de choses devait-il être rangé? Il y avait sur ce point désaccord entre les théoriciens. Marcien', considérant le littus comme un accessoire de la mer, le range, comme elle, parmi les res communes dont l'usage est commun à tous et que nul ne petit s'approprier en totalité. Cette théorie est peu satisfaisante. Au contraire, Neratias G admet bien que le rivage est chose nullius, en ce sens qu'il ne figure pas dans le domaine privé de l'État, qu'il n'a pas reçu cette appropriation, niais il le déclare publicus, c'est-à-dire chose du peuple romain, sauf le droit d'occupation temporaire réservé à tous. Celsus, jurisconsulte proculien, comme Neratius, admet également' que le rivage est public en ce sens que le peuple romain dans les limites duquel il est compris y exerce la souveraineté et qu'il doit en conséquence lui appartenir. Cette doctrine, beaucoup plus vraisemblable que la précédente, s'accorde avec le caractère public que Marcien et Justinien reconnaissent eux-mêmes aux ports et avec le droit de souveraineté que les Romains paraissent Mommsen, Hist. de la monnaie romaine, trad. par le duc de Illacas, tome 1, introd. LIT 1277 L1T avoir revendiqué sur les mers baignant leurs domaines, en particulier sur la Méditerranée, mare nostrum. L'État romain, qui affermait la pêche des lacs et des étangs côtiers, l'a peut-être même affermée sur certaines parties du littoral lui-même; c'est ce que laisse entendre un texte d'Ulpien 1 ; une inscription trouvée sur les côtes de la Frise mentionne des conductores piscatus, des fermiers de la pêche, mais on ne sait pas exactement s'ils avaient affermé le littoral ou des étangs On sait que plusieurs villes grecques, par exemple Athènes, Délos, Byzance, Praisos de Crète 3 affermaient l'exploitation du sel ou la pêche dans certaines parties de leurs eaux marines. Quoi qu'il en soit, les jurisconsultes s'accordaient pour admettre que l'usage des rivages de la mer était commun à tous, et que chacun pouvait s'en servir, sauf la réserve qu'on vient de voir, pour les besoins de la navigation ou de la pèche C'est ce qu'avait décidé en particulier un rescrit d'Antonin qui constatait en même temps que si l'accès du rivage était public, il fallait respecter les habitations et les édifices Le droit de pêche maritime sur le rivage ne pouvait donc pas plus être monopolisé ou prescrit que l'usage de la mer G. Chacun avait la faculté d'établir une cabane sur le littoral pour la pêche et même d'y acquérir une portion de terrain par une construction 8; mais une fois l'édifice écroulé ou abandonné, le sol retournait à son état naturel antérieur ; la propriété n'avait duré qu'autant que la construction 2. L'État, représenté par le préteur ou le gouverneur de la province, devait autoriser préalablement toute construction, afin qu'elle ne pût nuire à la navigation ou à l'abordage ni léser les droits antérieurement acquis à des particuliersf0. Il y avait là une réglementation analogue à celle des choses publiques. Au contraire, la propriété de la rive des fleuves, quoique grevée d'une sorte de servitude, appartenait aux riverains, comme les arbres nés sur ces bords". L'usage des rivages de la mer était protégé par des interdits [INTERDICTUM] ; celui qui construisait sans autorisation de manière à nuire à autrui pouvait être écarté par voie de fait; la personne empêchée de pêcher ou de naviguer n'avait que l'action d'injure [INJURIA] 12. On peut admettre que, comme toute construction faite sur la voie publique13, le préteur aurait eu le droit de faire détruire un édifice construit sans son autorisation sur le rivage. L'administration romaine avait à faire la police des rivages et des ports, à protéger les naufragés contre le pillage des épaves 14 [NAUFRAGIUM], et surtout à réprimer la piraterie, ce fléau endémique de l'antiquité, surtout sur les côtes de la mer Noire et de l'Asie Mineure, principalement dans la Cilicie et l'Isaurie 75 et sur les côtes illyriennes 10, et que les campagnes de Pompée n'avaient pas réussi à supprimer17, La répression de la piraterie V. appartenait en temps ordinaire aux généraux et aux gouverneurs de province extra ordinem ; ils pouvaient faire décapiter ou mettre en croix les pirates 1B. Nous connaissons, comme autres fonctionnaires pour la police des ports et du littoral, les limenarc/tae municipaux [LIMENARCRA], le praefectus orge Ponticae, le praefectus orge maritimae, qui résidait à Tarraco, en Espagne le ; au Bas-Empire, des custodes littorum, chargés surtout de vérifier la cargaison des navires et pris soit dans l'of/icium du gouverneur, soit parmi les protectores, ou les agentes inrebus ou les curiosi, et qui abusaient souvent de leur autorité pour rançonner les navigateurs et les