Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article LOCATIO

sur le contrat du louage concorde, dans ses grandes lignes, avec celle du droit romain et du droit moderne. On peut ainsi définir le louage (N.ia4matç) s, un contrat par lequel l'une des parties s'engage, moyennant une somme d'argent convenue, à procurer à l'autre la jouissance d'une chose déterminée et non fongible ou à exécuter pour elle un fait. On distingue d'ailleurs trois espèces de louages, le louage de choses, le louage d'ouvrage et le louage de services. A. Louage de choses. Le contrat de louage de choses est un de ceux sur lesquels nous avons le plus de renseignements dans le droit grec, car nous possédons, du moins en ce qui concerne les baux immobiliers, d'une part, des lois qu énoncent les conditions générales des baux, d'autre part, une série de contrats qui nous ont été textuellement conservés. Il y a aussi une série d'inscriptions autres que des règlements et des baux qui fournissent des indications précieuses sur les contrats de louage 2. La plupart de ces documents ont trait à des locations de terres sacrées ou publiques, et on n'en rencontre jusqu'à présent que deux qui soient d'ordre privé ; mais les baux conclus entre des particuliers devaient évidemment être établis d'après les mêmes principes que ceux qui intervenaient entre un particulier et une personne morale de droit public, comme un temple ou une cité. Toute chose corporelle peut faire l'objet d'un contrat de louage, pourvu qu'elle soit dans le commerce et qu'elle soit envisagée comme corps certain. Les choses qui se consomment par le premier usage forment plutôt l'objet du contrat de prêt de consommation (ôavetal3.dç). Les meubles aussi bien que les immeubles peuvent figurer dans un contrat de louage. Ainsi nous avons des exemples de louage de bêtes de somme 3, d'esclaves" ou de navires'. Démosthène parle aussi de la location d'une banque G. LOC 1282 -LOC C'est toutefois en matière immobilière que le contrat de louage présentait en Grèce le plus d'importance, et la plupart des documents que nous possédons sur ce contrat sont relatifs à des locations d'immeubles. C'est qu'en effet il existait de nombreux domaines appartenant à des personnes morales, temples, dèmes ou cités, et que l'on ne pouvait guère faire valoir qu'en les affermant. D'autre part, les baux d'immeubles urbains étaient très nombreux en raison de l'impossibilité où se trouvaient les étrangers dans certaines villes, comme à Athènes, d'être propriétaires d'immeubles. Les métèques domiciliés à Athènes ne pouvaient se loger que dans des maisons de location. Le contrat de location peut, au surplus, dans le droit attique, s'appliquer non seulement à une ou plusieurs choses déterminées, mais encore à la totalité ou à une fraction du patrimoine. C'est à un contrat de ce genre (tieOwctç cixou) que l'on recourt en cas de tutelle, lorsque le tuteur n'administre point lui-même les biens du pupille. Nous observerons aussi que le contrat de location n'était point seulement usité dans les rapports de droit privé. Il était également, à Athènes, d'un emploi très fréquent dans le droit public au point de vue de la perception des impôts qui étaient affermés'. Le contrat de location se forme solo consensu, et il n'est pas besoin que l'échange des consentements ait lieu dans une forme solennelle ou soit confirmé par un serment quelconque 2. Les parties pouvaient se contenter d'un bail verbal, mais on préférait toujours, en raison de l'importance du contrat, en consigner les clauses par écrit Cet écrit (euv01xat) était ensuite généralement déposé soit entre les mains d'un particulier, soit dans un temple''. Lorsqu'il s'agissait de la location de biens appartenant à des personnes morales, temples, tribus, dèmes ou autres, il était nécessaire de porter le contrat à la connaissance de tous, et on le gravait d'une manière durable sur pierre ou sur bronze. La conclusion des baux passés par les personnes morales se distingue, à un autre point de vue, de celle des baux intervenant entre de simples particuliers, en ce qu'elle est soumise a l'observation de certaines formalités. Le contrat est habituellement passé par les représentants de la personne morale, magistrats ou agents ordinaires de la cité, de la corporation ou du dieu, ou bien par des commissaires spécialement élus. Le contrat peut aussi être passé par la corporation tout entière réunie ou assemblée; tel est le contrat de bail consenti par le dème d'Aixoné 5. Lorsque le bail est conclu par les représentants de la personne morale, ils doivent se conformer aux lois bu décrets qui régissent la matière, en général, ou aux règlements spéciaux qu'il plaisait au peuple d'édicter pour un cas particulier. C'est ainsi qu'à Athènes il y avait une loi, qui ne nous est point d'ailleurs parvenue, sur la location des domaines sacrés mais nous possédons celle de Délos, ordinairement appelée la iepâ euyypxpj 7. C'est aux enchères qu'avait lieu, en principe, la location des biens sacrés ou publics 8. Le contrat de louage fait naître des obligations réciproques à la charge soit du bailleur, soit du preneur. En ce qui concerne d'abord le bailleur, il doit procurer au preneur la jouissance de la chose louée pendant toute la durée du bail, et livrer cette chose au preneur avec tous ses accessoires. Comme corollaire de son obligation de faire jouir le preneur, le bailleur est tenu de faire les réparations dont la chose louée a besoin. Les comptes déliens paraissent, à ce sujet, mettre à la charge du bailleur toutes les réparations, sans distinction entre les réparations locatives et les réparations d'entretiens. Mais on doit conclure d'autres documents que les comptes déliens ne se réfèrent qu'aux grosses réparations et que les réparations locatives incombent, en principe, au preneur9''. Une autre conséquence de l'obligation de faire jouir le preneur est pour le bailleur de garantir celui-ci contre toute éviction. Lorsque toutefois le bailleur aliène la chose après l'avoir déjà louée, le preneur, n'ayant point de droit réel, ne peut se prévaloir de l'antériorité de son titre vis-à-vis de l'acquéreur. Celui-ci peut donc expulser le locataire, à moins que, par une clause formelle de son acte d'acquisition, il ne se soit obligé à respecter le bai]. Pour se garantir contre ce danger, le preneur peut stipuler dans le bail l'interdiction de vendre la chose louée avant un certain délai ou avant l'expiration du bail''. Sans doute, cette interdiction n'est pas opposable à l'acquéreur, mais elle fournit une garantie au preneur en l'autorisant à intenter une action pa«Etfis 12 contre le vendeur en cas de contravention, et la crainte de subir une condamnation au double sur cette action devra détourner le bailleur de vendre la chose louée ou le porter, en cas d'aliénation, à exiger de l'acquéreur le respect du bail antérieur. En cas d'usurpation commise par des tiers, notamment par des voisins sur les biens loués, le fermier peut agir directement contre eux et, si ces tiers sont condamnés à une amende à raison des dégâts qu'ils ont commis, le fermier garde l'amende pour lui Le preneur est, de son côté, tenu de certaines obligations. Il ne peut d'abord entrer en jouissance qu'après avoir fourni les cautions dont nous parlerons ultérieurement. Une fois le bail en cours, sa principale obligation consiste à payer le prix de location, i.teoç, µ(a0coets ou oo(xtov, suivant qu'il s'agit d'un bien rural ou d'une maison. L'obligation de payer le loyer a toutefois un caractère successif par cela que la jouissance de la chose louée est fournie d'une manière successive. 11 en résulte notamment que, comme le stipulent certains baux, il y a lieu à réduction ou à remise du fermage, si la jouissance du fermier est entravée par des faits de guerre 14. Mais il serait imprudent de généraliser et d'étendre à tous les cas fortuits ce qui est admis pour le cas de guerre 15. Le taux des fermages paraît avoir été assez élevé, Ainsi en Attique on voit des maisons rapporter de 8 à 9 pour 100. Les terres rapportaient naturellement un peu moins que les habitations. D'une manière générale, le loyer des immeubles était sensiblement inférieur à l'in LOC 1283 LOC térèt des capitaux, ce qui s'explique par les risques moins grands courus par le propriétaire'. Le loyer ou fermage est, en principe, payable en argent. Mais, quand il s'agit de biens ruraux, le fermage peut être stipulé payable en nature 2, ou bien encore partie en argent et partie en nature 3. La redevance est invariable pendant la durée du bail, sauf le cas de réduction précédemment signalé. Par contre, aussi, elle peut être augmentée d'un douzième dans les années qui ont un mois supplémentaire, mais cet usage ne se rencontre que dans les baux emphytéotiques '. Dans le cas de métayage, la redevance varie proportionnellement à l'importance de la récolte. Mais ce mode de Iocation, qui, à Athènes, était très usité à l'origine, à l'époque des ix'rrUi.opot de Solon, ne semble plus pratiqué au temps des orateurs. Les parties avaient toute latitude pour déterminer les termes de paiement du loyer, et elles en usaient à leur gré suivant les circonstances, stipulant, par exemple, que le loyer serait payable en une fois, généralement au mois d'Hécatombéon, ou bien en deux fois, aux mois d'Hécatombéon et de Posidéon, ou même en trois fois, aux mois d'Hécatombéon, de Gamélion et de Thargélion. AAthènes, le mois d'Hécatombéon figure dans presque tous les baux, et c'était vraisemblablement un des termes habituels de paiement pour l'année échue. Dans le reste de la Grèce, il existait une assez grande variété d'usages à cet égard 5. La charge du loyer ne s'augmente point d'ailleurs du paiement des contributions publiques : celles-ci incombaient au bailleur, à moins que le contraire n'eût été stipulé En dehors du paiement du loyer, le preneur est encore tenu d'autres obligations spéciales. Il doit d'abord user de la chose en bon père de famille. Quelquefois le contrat entre à cet égard dans de nombreux détails, par exemple sur la façon à donner aux vignes, les assolements, la fumure des terres, etc.'. Le fermier doit, à plus forte raison, respecter la destination de la chose louée, de façon que le bailleur la retrouve à la fin du bail telle qu'il l'a livrée. Il ne peut, en conséquence, apporter aucune modification à l'état du sol, par exemple ouvrir des carrières, sans l'autorisation du propriétaire. De même, si le domaine loué renferme des arbres, il lui est interdit de les couper ; il a seulement le droit de se servir du bois pour des constructions ou des échalas, ou de couper du bois mort pour ses besoins domestiques Dans Ies baux à longue durée, abstraction faite même des baux emphytéotiques, le fermier a pour devoir non seulement de conserver l'immeuble en l'état oit il l'a reçu, mais encore de l'améliorer. Ainsi, dans un bail athénien de vingt ans, le fermier est tenu de clôturer le terrain avant telle date et de planter au moins deux cents boutures d'oliviers 9. Le preneur ne paraît pas avoir eu la faculté de souslouer en cas de location d'un immeuble rural. Cela résulte notamment de ce que, comme nous le verrons, un pareil bail prend fin par la mort du fermier. Mais il en est autrement pour les baux d'immeubles urbains. Les maisons étaient, à Athènes, généralement louées à un locataire principal, le vaûzX-teç, pour qu'il sous-louât lui-même à d'autres personnes, principalement à des étrangers ou â des métèques. La faculté de sous-louer devait donc appartenir au locataire, à moins de convention contraire '° Le louage de choses finit régulièrement par l'arrivée du terme convenu, terme qui est, fixé soit par la loi, soit par la convention. A Athènes et à Délos, les domaines sacrés étaient tous loués pour dix ans. Ailleurs, ils étaient quelquefois affermés pour un temps moins long. Sauf pour les terrains sacrés, il n'y avait point à Athènes de règle fixe pour la durée des baux. On rencontre des baux de dix, même de quarante ans. Les baux consentis par les personnes morales devaient naturellement avoir une durée plus longue que ceux consentis par des particuliers ". Le fermier sortant peut d'ailleurs demander le renouvellement ou la prorogation de son bail, A Délos, par une combinaison avantageuse à toutes les parties, la (Epâ auyyaatp7l disposait que le bail pouvait être prorogé, au gré du preneur, sans adjudication nouvelle, pour une nouvelle période décennale, moyennant une augmentation de 10 pour 100 On ne peut savoir, en l'absence de renseignements précis, si le droit grec admettait la tacite reconduction 13. Le bail peut prendre fin exceptionnellement avant l'arrivée du terme, d'abord par l'application des principes généraux, comme en cas de perte fortuite de la chose louée ou d'inexécution des engagements du preneur. Il est aussi résilié par la mort du locataire ; mais les documents qui signalent cette cause de résolution concernent des immeubles ruraux 4, et il est probable qu'elle n'était pas admise pour les immeubles urbains 1'. La cessation du bail entraîne pour le preneur l'obligation de restituer au bailleur la chose louée telle qu'il l'a reçue. Souvent, pour prévenir toute difficulté entre les parties, on dressait un état des lieux au moment de l'entrée en jouissance par le locataire". C'est également dans ce but que l'on procédait quelquefois à une délimitation exacte des terrains loués ". Certains contrats renferment, au surplus, des dispositions destinées à faciliter une nouvelle location et à assurer la transmission de l'immeuble au nouveau fermier. C'est ainsi qu'un bail d'Amorgos oblige le locataire, en quittant le domaine, à remettre la provision de fumier au complet". Le plus souvent les parties ne se contentaient pas des actions mises par la loi à leur disposition pour assurer l'exécution des obligations réciproques nées du louage; elles inséraient dans leur contrat diverses stipulations de nature à leur procurer une garantie plus efficace, Ces clauses spéciales visaient principalement le preneur et, en ce qui concerne le bailleur, on ne rencontre guère que la clause précédemment signalée et par laquelle celui-ci s'engage à ne pas vendre ou louer l'immeuble affermé avant l'expiration du bail. Quant au preneur, il est le plus souvent tenu de fournir des cautions 19 Les infractions aux clauses du bail relatives à. la jouissance du locataire entraînent le paiement soit de dommages-intérêts, soit même d'une amende. Le montant des dommages-intérêts est souvent fixé d'avance par le contrat 20. La principale obligation du locataire, celle de LOC 128i LOC payer le prix, est sanctionnée de diverses manières, tantôt par le doublement de la dette faute de paiement à l'échéance, tantôt par une simple majoration de 50 pour 100, tantôt par l'annulation du bail ipso facto. L'annulation peut même se cumuler avec le doublement de la dette. Un autre moyen de contrainte, assuré quelquefois au bailleur par le contrat, consiste dans le droit de pratiquer une saisie sur les biens du fermier en retard (ivnyupaa(a) et cela sans avoir besoin de faire préalablement établir sa créance par un jugement'. Outre les divers moyens que nous venons de signaler et qui résultent des clauses du contrat, la loi elle-même intervient quelquefois pour assurer le paiement du loyer. Ainsi, à Athènes, d'après une loi citée par Démosthène, ceux qui n'acquittent pas les fermages des terrains sacrés sont frappés d'atimie, eux, leurs enfants et leurs héritiers, jusqu'à parfait paiement'. En ce qui concerne les actions judiciaires naissant du contrat de louage, on a prétendu que, dans le droit attique, il y avait une action, analogue à l'action locati du droit romain, par laquelle le bailleur pouvait poursuivre d'une manière générale l'exécution de toutes les obligations imposées par le contrat au preneur. Cette action générale aurait été la â(•.11 c:cOooaEwç ou N.taOnC °. Mais cette affirmation ne repose sur aucune preuve et nous croyons qu'il n'y avait en matière de louage que des actions spéciales à certaines obligations du preneur, abstraction faite d'ailleurs des actions dont l'application est possible dans tous les contrats en général. La première des actions particulières au louage des choses est la â:x•q s'votx(ou, action tendant au paiement du loyer. Il est vrai que les grammairiens, et notamment Ilarpocration, présentent cette action comme une des phases de la procédure de revendication. Mais il est généralement admis, même par ceux qui considèrent la â(x' votx(ou comme une voie de revendication et non comme une mesure d'exécution, que cette action est également applicable au contrat de louage''. On admet d'ailleurs qu'à côté de la 3(x-ii EvoIx(ou, réservée au louage des maisons, devait fonctionner la â(x-1 xap1toD', appliquée au louage des fonds de terre. Aucun texte toutefois ne signale l'application de la âtx-O xaoicoC en matière de louage °. Au surplus, l'exercice des actions précitées devait être assez rare de la part d'un bailleur contre le preneur. En effet, lors de la conclusion de la plupart des baux, on dressait un acte écrit (auv0-r,xat) de la convention etdeses différentes clauses, de sorte qu'en cas de contravention à ces clauses soit de la part du preneur, soit même de la part du bailleur, la partie intéressée pouvait exercer l'action générale recourait vraisemblablement à la â(x' Evotx(ou qu'en l'absence d'un bail régulier. Il pouvait aussi y avoir lieu, le cas échéant, à l'exercice de l'action générale (3aa~7 ç. Les grammairiens mentionnent l'existence de deux autres actions qui garantissentvraisemblablement certains droits spéciaux du bailleur ce sont les actions p.En(ou et àyewpy(ou. Nous avons précédemment indiqué la portée probable de ces actions s. On a voulu enfin rattacher à la matière du louage certaines actions mentionnées par Pollux et sur lesquelles tous autres renseignements font Ces actions auraient été applicables en cas de louage des esclaves. Mais, vu l'insuffisance des textes, on ne peut faire à cet égard aucune conjecture sérieuse B. Les actions relatives au louage rentraient vraisemblablement dans l'hégémonie des thesmothètes, sauf celles qui avaient trait à la location des biens des pupilles, qui étaient alors de la compétence de l'archonte éponyme. Les baux emphytéotiques, qui ont un caractère intermédiaire entre la vente et le louage, sont soumis à certaines règles spéciales que nous avons précédemment B. Louage d'ouvrage. Le contrat de louage d'ouvrage, correspondant à la locatio operis du droit romain, s'applique, dans le droit grec, à des travaux de différents genres. Abstraction faite de l'entreprise de transports, sur laquelle nous reviendrons, ce louage se rencontre d'abord dans l'entreprise des bâtiments ou autres travaux publics. Mais si c'est là son application la plus importante, et même la plus fréquente, du moins d'après les documents qui nous sont parvenus, il apparaît aussi dans d'autres circonstances. Ainsi les anciens auteurs parlent à plusieurs reprises de contrats de ce genre passés avec des artistes pour la confection de tableaux ou de statues 10. Le louage d'ouvrage intervient également à l'occasion de travaux de cultures, de l'enlèvement des récoltes ", du desséchement des marais 12. Il y a encore louage d'ouvrage dans les contrats par lesquels une personne s'engage à faire certaines livraisons de couronnes, par exemple pour les fêtes publiques", ou à graver une inscription'µ. Celui qui, dans ces différentes hypothèses, fournit un travail pour de l'argent, le conductor du droit romain, celui que nous nommons aujourd'hui l'entrepreneur, est désigné par le mot 4yoÀ6oç et l'entreprise par le mot Le contrat d'entreprise, dans le droit grec, est considéré comme ayant plus d'analogie avec le louage des choses qu'avec tout autre contrat. L'entrepreneur est assimilé à un locataire, avec cette différence toutefois qu'au lieu de payer un loyer, c'est lui qui reçoit l'argent du maître. 11 faudrait dire, en conséquence, que si l'on admet l'existence d'une action générale liuceoSamwç en matière de louage de choses, c'est au moyen de cette action que doivent se régler les contestations survenues entre le maître et l'entrepreneur ". L'exercice de cette action devait, au surplus, être assez rare, car les contrats d'entreprise prévoyaient presque toutes les contraventions possibles de la part de l'un ou de l'autre des contractants et les réprimaient par des clauses pénales qui rendaient inutile tout recours aux tribunaux. Le louage d'ouvrage, comme tout contrat de louage, en général, se conclut par l'échange des consentements et il n'est pas besoin de la rédaction d'un écrit. Les auteurs parlent, il est vrai, de au' ypaps à l'occasion du louage d'ouvrage ". Mais l'existence d'un pareil acte n'est nullement nécessaire pour la validité du contrat. Si, d'autre part, les contrats d'entreprises de travaux publics sont LOC 1285 LOC régulièrement gravés sur pierre, ainsi que les devis, c'est pour des raisons analogues à celles que nous avons signalées à propos du louage des choses. Nous avons précédemment indiqué -ERGOLABOS1 les règles concernant les entreprises de travaux publics et dont il serait facile de dégager une théorie générale du louage d'ouvrage dans le droit grec. On ne tonnait d'ailleurs aucun contrat d'entreprise privée, car les conventions entre particuliers n'étaient pas, comme celles où figurait une cité ou un temple, gravées sur pierre. Mais on peut supposer, en voyant l'uniformité des règles formulées dans les contrats connus, que les conventions entre particuliers étaient régies par des principes analogues à ceux qui sont formulés dans les contrats où une personne morale était partie. Les transports, qui jouent un si grand rôle dans la vie économique des peuples modernes, avaient également une grande importance dans la société grecque, et la prospérité de certaines villes, d'Athènes notamment, était due aux opérations commerciales auxquelles elles se livraient. Ces opérations nécessitaient de nombreux transports qui alors, eu égard à la configuration des pays et à la situation des villes, s'effectuaient principalement par la voie maritime. Or, pour les réaliser, on pouvait recourir à l'un des deux contrats suivants, ou bien à la location d'un navire, ou bien au contrat de transport. Le premier n'est qu'une application aux navires du contrat de louage des choses ; le contrat de transport rentre, au contraire, dans le louage d'ouvrage; le voiturier est un conductor, car il emporte avec lui (conducit) la chose dont on lui a confié le transport. Malgré la fréquence du contrat de transport, nous ne possédons presque aucun renseignement concernant les règles qui le gouvernaient Il devait être régi par les principes combinés du louage et du mandat. L'entrepreneur était manifestement responsable de la perte et des avaries des choses qu'il s'était chargé de transporter, à moins qu'il ne prouvât que la perte ou les avaries avaient pour cause un cas de force majeure'. Les anciens auteurs nous ont laissé toutefois quelques indications sur le taux du fret (vaü)`ov); ils nous apprennent qu'il était généralement assez bas 2. C. Louage de services. Le contrat de louage de services avait, dans le monde grec, et àAthènes notamment, une importance beaucoup moindre que dans les sociétés modernes. C'est qu'en effet la plus grande partie des services qui font aujourd'hui l'objet de ce contrat étaient rendus, dans les cités antiques, par des esclaves. Ceux-ci étaient employés presque exclusivement soit comme serviteurs, soit même comme ouvriers. Il ne pouvait être question d'aucune relation juridique entre l'esclave ainsi employé et son maître, puisque l'esclave n'avait, en droit, aucune personnalité. Lorsque, d'autre part, un citoyen, ne possédant pas assez d'esclaves, louait ceux qui appartenaient à une autre personne, il intervenait un louage de choses entre le propriétaire de ces esclaves et le locataire, mais il n'était point question d'un louage de services. A. Les services que l'on avait l'habitude de demander aux esclaves pouvaient néanmoins être également rendus par des hommes libres, citoyens ou métèques, qui, n'ayant pas d'autres moyens d'existence, mettaient, comme le dit Platon, leurs forces à la disposition d'autrui, moyennant un salaire, 4ic06ç, et que l'on appelait en conséquence p.taOWTo(3. Si, en fait, il ne devait pas y avoir une grande différence entre la situation de ces N.tcOioro( et celle des esclaves, en droit, cependant, il existait entre eux toute la différence qui sépare un homme libre d'un esclave, et notamment les simples engagés ne pouvaient pas être mis à la question comme les esclaves Le louage des services pouvait d'ailleurs être simplement un moyen temporaire de se procurer un supplément de revenus, comme pour les soldats ou matelots athéniens qui, dans leurs expéditions, occupaient leurs loisirs en se louant pour des travaux de culture t. Le louage de services peut, dans le droit attique, avoir pour objet un service quelconque : travaux des champs, travaux domestiques, transport de bagages, etc. Il y avait une classe de mercenaires libres fort importante, et recrutée de préférence parmi les métèques, à savoir ceux qui servaient dans la flotte ou dans l'armée. En général, le taux des salaires était assez faible, soit en raison du bon marché des choses de première nécessité, soit à raison de la concurrence que le travail servile faisait au travail libre 6. Le louage de services pouvait d'ailleurs, dans le droit grec, à la différence de ce qui avait lieu dans le droit romain, s'appliquer à des services professionnels comme ceux du professeur, de l'avocat, du médecin, en un mot des personnes exerçant une profession libérale. Les salaires des professeurs, notamment, salaires qui étaient quelquefois considérables, pouvaient être réclamés par une action n.ieOoa ou p.tcOo,eEU,ç Il semble même que, dans le droit attique, un service contraire à la loyauté ou aux bonnes moeurs ait pu faire valablement l'objet d'un louage, et les orateurs parlent à plusieurs reprises d'écrits rédigés à l'occasion de louages honteux, à.cde-teiç ou zcopvs(a xx'r euy?pa p-i 8. Mais on doit admettre que si l'on dressait des euy'ypctyxi à l'occasion de semblables conventions, celles-ci ne pouvaient cependant servir de base à une action judiciaire Le louage de services, lorsqu'il s'appliquait à des ouvriers, parait avoir été l'objet d'un contrôle de la part de l'État. Dans quelques localités, les agoranomes étaient investis à cet égard de certaines attributions de police. Ai nsi un décret de Paros félicite un agoranome d'avoir eu soin que les journaliers et leurs patrons fussent équitables les uns envers les autres, les premiers s'acquittant en conscience de leur besogne, les seconds payant sans contestation f0. L'ouvrier peut se louer non seulement à la journée, mais aussi pour une période plus ou moins longue. Le droit attique n'a pas admis la prohibition de certaines législations modernes, qui interdisent l'engagement des services à vie. Ainsi le louage de services connu sous le nom de OtycE(a, pouvait vraisemblablement être contracté à vie . 162 LOC -1286-LOC prime le fait de placer une chose a la disposition d'autrui. Il n'a pas par lui-méme de valeur technique. D'assez bonne heure, et tout au moins au temps de Plaute, on l'employa pour désigner une convention par laquelle une personne s'engage e procurer à une autre, moyennant une 7nerees, l'usage temporaire d'une chose'. Pour caractériser cette acception particulière du mot locatio, on prit l'habitude de le faire suivre du mot conduetio qui indiquait la contre-partie de l'acte qu'on avait en vue. On en avait fait autant pour la vente, einptio venditio. En même temps, la notion du louage a été élargie; on l'a étendue au bail à ferme. La notion antique du louage était ici insuffisante; il fallait donner au fermier non pas seulement l'usage, mais la jouissance de la chose, le droit aux fruits qu'elle est susceptible de produire en l'obligeant à faire le travail nécessaire pour préparer la récolte. Jusqu'alors on ne connaissait d'autre manière de disposer des fruits à venir que la vente, et elle ne se concevait que pour les fruits naturels 2. Pour les fruits industriels, ce mode de disposition n'était guère possible : l'acheteur acquiert sur la chose un droit de maître qui se concilie mal avec une obligation de faire. Pourtant telle fut la solution d'abord admise en droit public; l'État, qui ne pouvait exploiter comme un particulier, vendit la jouissance de ses terres à charge par l'adjudicataire de les cultiver 3. Mais lorsque la jurisprudence réussit à donner aux notions juridiques la précision qui distingue l'époque classique, on renonça à traiter comme un acheteur l'adjudicataire qui n'avait que la jouissance temporaire de la chose : on le considéra comme un locataire'. Cette conception avait d'ailleurs un grand avantage pratique : le bailleur fut tenu de faire jouir le locataire (praestare frui lieere)3; par suite, l'obligation du fermier consistant à payer le prix du bail, au lieu d'être en quelque sorte fixée à forfait comme celle d'un acheteur, fut proportionnée à la durée de sa jouissance. A la fin de la République et sous l'Empire, le louage se présente à Rome sous trois formes : louage de choses (locatio rei), louage de services (locatio operarum), louage d'ouvrage (locatio operis faciendi). Le louage est un contrat synallagmatique usité en droit public aussi bien qu'en droit privé. Il a reçu une large application en droit public avant d'être consacré par le droit privé comme contrat consensuel 6. On vient de dire que l'État mit en valeur les terres qu'il possédait sous la forme d'un louage de chose (agrum fruendum locare7). C'est au moyen de la locatio operarum que chaque magistrat se procurait Ies services des auxiliaires libres dont il avait besoin pour l'exercice de sa charge. Enfin la locatio operis faciendi était d'un usage courant pour les travaux publics et les fournitures de l'armée8. Les questions relatives au louage en droit public ont LOCATlovts. On ne s'occupera ici que du louage en droit privé. 1. LOCATIO fiai. Des trois applications du louage, la plus ancienne est la locatio rei, mais elle n'eut pendant longtemps qu'une portée restreinte. Le louage de maison n'avait pas de raison d'être alors que tout citoyen avait son domicile en ville sur un terrain concédé par l'État. Il en était de même du bail à ferme : chaque chef de maison cultivait lui-même ses terres ou faisait paître ses troupeaux avec l'aide des membres de sa famille et de ses clients. Seul le louage des bites de trait ou de somme était pratiqué au temps de la loi dés Douze Tables °. D'assez bonne heure, le louage de maison devint une nécessité pour les clients qui n'avaient plus de patron pour pourvoir à leurs besoins par des concessions à précaire. Mais il ne commença guère à prendre un certain développement avant le vtr siècle de Rome. C'est l'époque où les étrangers viennent en grand nombre résider à Rome. Pour se loger, ils louent une maison, un appartement ou une chambre dans un de ces grands corps de bâtiments que des spéculateurs faisaient bâtir 10 Le droit privé a emprunté au droit public sa conception nouvelle de la locatio rei. Le louage de choses est un contrat par lequel une personne (locator) s'engage, moyennant une redevance, à procurer à une autre (conductor) la jouissance temporaire d'une chose. Aucune solennité n'est requise pour la formation de ce contrat" ; il suffit que les parties soient d'accord sur la chose et sur la redevance 12. Le louage peut avoir pour objet toute chose corporelle dans le commercet3, pourvu qu'on puisse en jouir sans la consommer par le premier usage. Parmi les choses incorporelles, on ne peut louer que l'usufruit" et les services d'un.esclave t6, Les parties ont toute liberté pour fixer le montant de la merces. Bien que le louage soit un contrat de bonne foi, on a toujours admis que chacune des parties a le droit de traiter au mieux de ses intérêts 16. A l'époque classique, la redevance consiste ordinairement en argent, mais aucun texte ne présente cette condition comme essentielle f7. La règle contraire a prévalu au Bas-Empire, par suite d'une fausse interprétation de deux passages de Gaius et d'Ulpientg. L'usage d'une redevance en nature a été surtout usité pour le louage des fonds de terre. Cette redevance consiste soit en une quantité fixe prise sur la récolte ", soit en une quotité de cette récolte 20. Dans ce dernier cas, le louage porte le nom de colonat partiaire ".La redevance peut aussi comprendre un loyer en argent et des prestations accessoires en LOC 1287 LOC nature (parvae accessiones) '. Martial en donne le détail dans plusieurs de ses épigrammes". Obligations du bailleur. Le bailleur doit procurer au preneur la jouissance paisible de la chose et de ses accessoires pendant la durée du bail 3. It doit par conséquent l'entretenir en bon état et faire les réparations nécessaires, garantir le locataire contre l'éviction. Il répond de toute faute commise dans l'exécution de ses obligations'. Il doit de plus rembourser les dépenses nécessaires ou utiles faites par le preneur Obligations du preneur. De son côté, le locataire est tenu de payer la redevance aux époques fixées par le contrat. Celte obligation cesse quand le bailleur ne maintient pas le preneur en jouissance, par exemple si la chose a péri par cas fortuit °. Le locataire qui est temporairement privé de la jouissance a droit à une remise proportionnelle du prix du bail'. Il en est de même si la récolte a péri par un cas de force majeures; mais ici la remise n'est pas définitive : si, les années suivantes, la récolte est abondante, le bailleur peut réclamer la redevance qui n'a pas été payée 9. Le preneur doit user de la chose en bon père de famille i° ; il est responsable des fautes commises par les personnes à son service1l. A la fin du bail, il doit rendre en bon état la chose avec ses accessoires, sauf les cas de vétusté ou de force majeure t2. Le louage prend fin à l'époque fixée par le contrat : généralement au bout d'un an pour les maisons 11, de cinq ans pour les fonds de terre Q4. Il peut se renouveler soit par convention expresse, soit tacitement, lorsque le preneur conserve la jouissance sans opposition du bailleur. La tacite reconduction est d'un an pour les fonds de terre 15. A défaut de convention, le bail cesse par la volonté du bailleur ou du preneur". Le louage prend fin également lorsque la chose périt par cas fortuit1', lorsque le preneur abuse de la jouissance'', ou laisse passer deux ans sans payer son loyer ". Les obligations respectives des parties sont sanctionnées par les actions locati et conducti 29, qui appartiennent à la classe des actions de bonne foi 21. Applications de la locatio rei. Les deux applications principales du louage, à la fin de la République et sous l'Empire, sont le louage des maisons et celui des fonds de terre. Avant de rechercher les particularités qui les distinguent, il est utile de déterminer la situation du locataire et du fermier dans leurs rapports avec le bailleur et avec les tiers. Lelocataire, quel qu'ilsoit(conductor, inquilinus, colonus) n'a pas de droit réel sur la chose louée ; il n'a qu'un droit de créance contre le bailleur 22. Cette règle souffre quelques exceptions au profit du supertciaire23, du concessionnaire de rager vectigalis 3', de l'emphytéote' ", du colon qui a défriché les subeisiva dans le cas prévu par la le,v Dlanriana 2°. Le locataire n'a pas même la possession : c'est un simple détenteur ", qui garde la chose pour le compte du propriétaireDe là plusieurs conséquences : t° Le propriétaire a le droit d'expulser le locataire. Celui-ci n'a que la ressource de demander une indemnité en raison du préjudice causé, si le bailleur a agi contrairement à la bonne foi ou à l'engagement qu'il a con tracté 2". 2° En cas de vente, l'acheteur peut expulser le locataire 30. II ace droit même si le vendeur a eu soin, comme tel est son devoir, de réserver le droit du locataire de conserver la jouissance jusqu'à la fin du bail 31. Mais dans ce cas il doit une indemnité au vendeur 32 qui est exposé au recours de son locataire pour défaut de jouissance 33. En aucun cas, le locataire ne peut s'opposer à l'entrée en possession de l'acheteur ; tout acte de violence de sa part donnerait lieu à l'interdit onde vi 3«. 3° Si le locataire est troublé dans sa jouissance par un tiers, il ne peut recourir aux interdits possessoires 35. Il n'a que la ressource de réclamer l'intervention du bailleur qui seul a qualité pour agir 30. Il en est de même du sous-locataire (colonus colonie 37 Il en est autrement du cas où un tiers cause un dommage au locataire par des travaux effectués clandestinement ou par violence et malgré la défense qui lui en a été faite; le locataire a le droit d'exercer l'interdit quod vi aut clam 3s. A. Baux A LOYER. Le louage a ici pour objet soit une maison 39 ou une partie de maison 46, soit l'étage supérieur de la maison (coenaculurrr) [cOEXACULUM, Dosius, IxsULA]. La maison comprend parfois plusieurs eoenacula Y1. Ulpien nous fait connaître en partie la composition de certains coenacula : ils comprennent des chambres (cubicula), des exèdres [EXEDRA, L Ill, p. 880i, un medianum .2 ; ils ont un accès direct sur la voie publique i3. Souvent plusieurs personnes louaient ensemble un appar LOC 1288 LOC tement', se partageaient les chambres et les exèdres ; le m.edianum restait commun 2. Les citoyens plus pauvres se contentaient d'un grabat dans une boutique (taberna)3. Les maisons qui avaient plusieurs appartements se louaient à un locataire principal qui faisait métier de sous-louer 4. Cela s'appelait coenaculariam exercere 3. La faculté de sous-louer était admise, sauf convention contraire 6. Le coenacularius occupait parfois la majeure partie de l'appartement, plus ordinairement il ne se réservait qu'une modeste chambre (modicum hospitzum) Les baux à loyer avaient aussi fréquemment pour objet un horreum 8, ou un local dans un horreum [noRREUM I. Une inscription de Rome donne le détail des locaux à louer dans les horrea privata du consul de 158 : In his horreis privatis Q. Tinei Sacerdotis, cl(a)rissi(m)i v(iri) loc(anlur) horrea, apothecae, compendiaria armaria, intercolumnia et loca armaris9 La location des horrea était soumise à des règles particulières quant à la responsabilité du bailleur. En cas de vol avec effraction, il n'est pas tenu à moins qu'il ne se soit obligé à la custodia 10. En l'absence de cette clause, le locataire principal des horrea n'a aucun recours contre lui, alors même qu'il se serait personnellement obligé à la custodia vis-à-vis des sous-locataires 1i. Pour prévenir toute difficulté relativement à la custodia de certains objets précieux, le bailleur ou le locataire principal faisait parfois apposer une affiche dans laquelle il déclinait toute responsabilité pour les objets d'or, d'argent et les pierres précieuses 12. Pouvait-il se prévaloir de cette déclaration si, averti qu'on introduisait dans les lieux loués des objets précieux, il n'élevait aucune protestation? La question fut discutée. Labéon la trancha dans le sens de la responsabilité du bailleur : à son avis, le défaut de protestation équivaut à une renonciation au droit qu'il s'était réservé. La lex horreorum, découverte à Rome en 1885; nous fait connaître une clause relative au renouvellement du bail par les sous-locataires : elle leur impose l'obligation de notifier leur intention au bailleur avant les ides de décembre : Qui non [renuntiaverit, si volet retinere et tuas horreario aliter pro i]nsequente anno non transegerit, tanti habebit, quanti ejus gener(is) [armarium eo anno ibi locari solebit, si modo alii locatum n]on erit. Les baux à loyer étaient ordinairement conclus pour un an, à dater des calendes de juilletf3. Si le local était vide, l'entrée en jouissance pouvait être immédiate. Il y a des exemples de baux consentis pour plusieurs années'', notamment pour cinq ans ". Dans une inscription déjà citée, l'annonce porte que les locaux sont à louer présentement et aux calendes de juillet. Pour louer à de meilleures conditions '°, les locataires avisés allaient à la campagne en attendant que le terme fût passé. Une affiche de Pompéi fait connaître les locaux à louer aux ides de juillet dans une insula [LEX, t. V, p. 118, n. 15]. Elle ajoute : s'adresser à Primus, esclave du propriétaire. Gonductor convenito Primum Gn. Ablei 1Vigidi filai ser(vum). C'est lui qui était sans doute chargé de faire visiter (ostendere)" et de faire connaître les conditions. Le rapport de droit, résultant du louage de maisons, était assez, précaire, lorsqu'on n'avait pas pris la précaution de le fortifier par une clause pénale, ou de restreindre la liberté des contractants par une convention spéciale'". En principe, le bailleur pouvait congédier le locataire, non seulement en cas d'abus de jouissance, mais aussi lorsqu'il avait besoin de l'appartement pour son usage, ou lorsqu'il voulait restaurer la maisont9. S'il n'usait pas de son droit dans ce dernier cas, le locataire avait droit à une remise du loyer lorsqu'il y avait un trouble grave apporté à sa jouissance20. De son côté, le locataire pouvait à son gré donner congé au bailleur 21, Pour garantir le paiement des loyers, le bailleur se faisait consentir un droit de gage sur tous les meubles du locataire [uYPOTRECA, t. V, p. 3621]. Ces meubles, surtout pour les pauvres gens, n'avaient pas grande valeur (frivota) 22. Martial en fait l'inventaire dans une de ses épigrammes 23. Le loyer était en rapport avec la situation des locataires et se payait par semestre 24. Au temps de Trajan, la clause de gage sur les invecta et illata du locataire était de style 2". C'était au propriétaire de prendre ses mesures pour empêcher tin déménagement furtif 20. Mais pour éviter tout abus, le préteur accordait au locataire qui justifiait avoir payé son loyer l'interdit prohibitoire27 de migrando 28. Il le lui accordait également pour enlever les meubles qui n'étaient pas compris dans la convention de gage. Au temps d'Ulpien, cet interdit était peu usité ; le magistrat préférait intervenir extra ordinem 29. D'autre part, sous l'Empire, pour que le bailleur ne fût pas tenté de se faire justice, on donna une certaine compétence au préfet des vigiles. On ne connaît pas exactement ses attributions à cet égard; mais on sait tout au moins qu'elles comprenaient certaines contestations relatives à la prise de possession des meubles du locataire. Un fragment du traité de Paul de officio praefecti vigilum examine la question de savoir si un locataire peut affranchir son esclave bien qu'il soit tacitement affecté au gage du bailleur. Le jurisconsulte décide qu'il peut être affranchi tant que le bailleur n'a pas fait valoir son droit faute de paiement du loyer30. Un autre fragment du même traité est plus précis encore : le propriétaire d'un LOC 1289 LOC horreum ou d'une insula se plaint que depuis longtemps son locataire n'a pas paru et n'a pas payé son loyer ; il demande l'autorisation de faire ouvrir les lieux loués et de faire inventorier les objets qui s'y trouvent enfermés. A publicis personis, quorum interest, audiendi sont. Mais il faut que le loyer n'ait pas été payé depuis au moins deux ans'. Obligations imposées par le Préteur aux personnes habitant une maison. Par mesure de police et pour assurer la sécurité de la voie publique, le Préteur impose certaines obligations aux personnes habitant une maison: 1° 11 défend, sous peine d'une amende de 10000 sesterces, de placer sur un balcon ou sur une saillie qui domine la voie publique" un objet susceptible de tomber en causant un dommage3. La règle s'applique aux propriétaires aussi bien qu'aux locataires, alors même qu'ils n'habiteraient pas actuellement la maison' ; ils sont responsables non seulement de leur fait personnel, mais aussi du fait des personnes placées sous leur puissance'. Si cependant l'auteur de la contravention est un esclave qui a agi à l'insu de son maître, celui-ci a la faculté de recourir à l'abandon noxal6. La règle s'applique également au locataire d'un horreum, d'un coenaculum ou de toute autre construction7. La poursuite en justice peut ètre exercée par tout citoyen [POPULARIS ACTIOj : elle ne peut l'être contre l'héritier du contrevenant'. 2° Toute personne qui habite un appartement à un titre quelconque (les voyageurs de passage exceptés)' est responsable du dommage causé par un objet jeté ou tombé sur la voie publique 10. Elle est passible d'une action au double" en raison de son imprudence 12. Elle a d'ailleurs un recours contre l'auteur du dommage, si c'est une personne étrangère à sa famille ou qui n'est pas sous sa dépendance (affranchi, client, élève) 1'. Si plusieurs personnes habitent le même appartement, elles sont tenues solidairement", àmoins qu'on ne puisse établir que l'objet a été jeté de la chambre occupée par l'une d'elles''. La peine est aggravée s'il y a eu mort d'un homme libre : elle s'élève à 50000 sesterces 16. La poursuite peut ici être exercée par tout citoyen dans le délai d'un an 17. Si l'homme libre n'a reçu que des blessures, on lui donnera une indemnité fixée par le juge. L'action est perpétuelle lorsqu'elle est exercée par la victime, annale dans tout autre cas '8 [DEJECTI ET EFFUSI ACTIO . Il ne faut pas confondre cette disposition de l'édit du préteur avec une disposition analogue, contenue dans l'édit des édiles 19 et relative au cas où un homme libre a été tué par un animal (chien, lion, loup, sanglier, etc.) conduit sur la voie publique : la peine est ici de 200000 sesterces'-0. B.'BALx AFERME. FERbail à ferme présente une physionomie différente suivant qu'il s'applique à un petit ou à un grand domaine. Le bail à ferme d'un petit domaine est soumis au droit commun en matière de louage. Le propriétaire, qui ne petit exploiter lui-même avec l'aide de ses esclaves, loue sa terre en tout ou en partie à un ou plusieurs fermiers qui cultivent eux-mêmes avec l'aide des membres de leur famille et de quelques esclaves", et moyennant une redevance payée au bailleur. Ces petits fermiers sont appelés indifféremment conductores 22 ou coloni 23, conductores à cause du contrat qui les lie au bailleur, coloni à cause de l'engagement qu'ils ont pris de cultiver la terre. Plus compliquée est l'exploitation des grands domaines lorsque le propriétaire renonce à la diriger lui-même, ou par l'intermédiaire d'un procurator 24 ou d'un villicus 2". Le fait devait être fréquent, quel que fût le nombre d'esclaves dont on pouvait disposer. Le travail servile ne donnait pas des résultats suffisamment rémunérateurs. On ne pouvait compter sur l'activité d'un esclave qui n'avait pas d'intérêt direct à la prospérité du domaine 20, surtout lorsque le maître ne pouvait exercer sur lui une surveillance permanente. Coli rura ergastulis, dit Pline l'ancien, pessimum est, et quicquid agitur desperantibus27. Aussi Columelle conseille-t-il, lorsqu'un domaine est assez éloigné pour que le maître ne puisse s'y rendre souvent, de le confier à des colons libres. L'exploitation est divisée entre un nombre plus ou moins grand de petits cultivateurs travaillant chacun pour son compte, avec sa femme et ses enfants28. Ce système avait toutefois l'inconvénient d'obliger le maître à entrer dans les nombreux détails auxquels donne lieu entre propriétaire et locataire l'application des règles du contrat de louage. Il devait fournir tout ou partie des objets nécessaires pour l'exploitation (instrumentum fundi23, dotes colonorum) 30, veiller au paiement des fermages et au recouvrement de l'arriéré (reliquat colonorum) 31. Aussi préféraitil souvent se décharger de ce soin, éviter tout ennui en traitant à forfait avec un fermier général. En cela il suivait l'exemple de l'État qui adjugeait à un manceps la ferme de ses domaines dans une région déterminée32. Le fermier général, à qui l'on réserve ici le nom de conductor, traitait à son tour avec des cultivateurs disposés à se charger de la culture d'une parcelle du domaine, moyennant une redevance qu'ils lui payaient. Ces cultivateurs étaient désignés sous le nom de colons; c'étaient des sous-locataires" (conductores), qu'il faut bien se garder de confondre, soit avec les operarii rustici LOC 1290 LOC qui a,grorum colendorun causa fabentur' qui sont des mercenaires louant leurs services au propriétaire, soi t avec les colons du Bas-Empire qui sont à demi esclaves'Sous le Haut-Empire, les colons sont libres d'abandonner la culture, sauf à payer une indemnité au bailleur s'il y a pour lui préjudice 3. Aucune indemnité n'est due si le colon a eu une juste cause de partir avant la fin du bail L'intérêt du bailleur était de retenir le colon'. Toute une série de règles ou de clauses (consuetudo dontu.s6, consuetudo praedii) 7, usitées dans les rapports entre propriétaires ou fermiers et colons, s'expliquent par le désir de changer le moins possible de colons. t° Les unei ont pour objet de favoriser le renouvellement ou le maintien indéfini du bail. Le bail, conclu pour un temps limité, se renouvelle d'année en année par tacite reconductions. Le bail peut aussi être conclu sans terme préfix (conductio perpelua) 3, et se continue avec les héritiers du bailleur ou du colon, jusqu'à ce que l'une des parties manifeste sa volonté de mettre fin au contrat. On s'est demandé si cette dernière sorte de bail n'était pas contraire aux principes généraux du droit. Marcellus et tilpien disent que, dans le louage comme dans le précaire, la mort ou la folie du concédant empêchent le renouvellement du bail 10. Mais, d'une part, ils supposent une concession faite pour un temps limité", ce qui n'est pas notre hypothèse ; d'autre part, même dans le bail ad tempos, la mort ou la folie ne sont un obstacle que si le concédant est mort sans héritier ou si le fou n'a pas de curateur 12. 22 D'autres clauses ont pour but de diminuer pour le colon l'aléa résultant de la culture, et de l'intéresser à la prospérité du domaine. Au lieu d'exiger de lui une redevance fixe en argent, on lui demande seulement de livrer une part des fruits. Cette transformation du bail à prix d'argent en bail à part de fruits ou colonat partiaire est fréquente dans l'exploitation des grands domaines, tout au moins dans certaines régions". Le bail à prix d'argent aurait entraîné une responsabilité pécuniaire trop lourde pour de pauvres gens qui n'avaient pas d'avances, et qui, en cas de mauvaise récolte, eussent été fort gênés pour payer leur loyer Le droit commun leur permet, il est vrai, de demander une remise, mais il faut prouver qu'on est dans un des cas où cette remise est possible 'v ; il y a là une cause de difficultés que l'on évite en partageant les risques entre le bailleur et le colon '3. Partiarius reddnus, dit Gaius, quasi societatis jure et damnunt et lucrum cuni domino fundi partitur16 Le colonat partiaire offre en même temps l'avantage d'encourager le colon à donner tous ses soins à la culture ; sa part sera d'autant plus élevée que la récolte sera plus abondante. Cette part était d'ailleurs variable au gré des parties suivant les domaines et la nature des produits du fonds. En Égypte, sous Tibère, d'après un papyrus grec du musée de Berlin, les colons n'ont droit qu'au tiers des récoltes". En Afrique, d'après l'inscription d'Henchir Mettich, ils ont droit aux deux tiers pour le blé, l'orge, le vin et l'huile 78. Le colonat partiaire suppose une grande confiance du bailleur dans la probité du colon 10, et c'est sans doute pour ce motif qu'au temps d'Auguste on le considérait comme contracté intuitu personae 20. Il appartenait d'ailleurs au bailleur de faire surveiller les colons particulièrement au moment de la récolte et du partage des fruits". Comme compensation de tous les avantages conférés aux colons, le bailleur se réservait d'ordinaire quelques petites prestations accessoires, du bois par exemple 22, et le droit à quelques journées de corvée 23. 3° On trouve enfin dans les règlements applicables à certains domaines des clauses plus favorables encore aux colons; on leur accorde sur certaines terres incultes qu'ils mettent en valeur, soit une propriété de fait", soit un droit qui rappelle par quelques traits l'emphytéose du Bas-Empire 2 ". Aussi n'est-on pas étonné de constater que certains colons se vantent d'être restés très longtemps sur le même domaine 78, et que sur leur tombeau on ait mentionné leur qualité comme un titre honorifique". Malgré tant d'avantages concédés par le propriétaire, la condition des colons fut souvent misérable. Plus d'une fois, les fermiers généraux abusèrent de leur situation pour exiger des redevances supérieures au taux fixé, des corvées qui n'étaient pas dues. Deux inscriptions récemment découvertes en fournissent la preuve : l'une relative aux colons du saltus Burunitanus 29, 1 LOf' 1291 LOC l'autre aux colons d'un domaine impérial de Phrygie Les indications qui précèdent sur les baux à ferme .,ont empruntées à des documents relatifs à l'Italie et à l'Afrique : ce sont les deux régions sur lesquelles on était, jusqu'à ces dernières années, le mieux renseigné. En Égypte, le régime du bail à ferme était sensiblement différente. La collection des papyrus gréco-égyptiens des musées de Vienne, Berlin, Londres et Genève, en cours de publication, nous a fait connaître un certain nombre de particularités du louage des terres dans cette partie de l'empire romain. La situation du fermier y était moins favorisée : la main-d'oeuvre étant abondante, le propriétaire était plus exigeant. Pas de grandes fermes : un fonds de 93 arures est affermé à 19 cultivateurs'. La durée du bail est de un an ou de trois ans 4. Pas de tacite reconduction. Pas de remise en cas de mauvaise récolte 3. Le loyer est en argent, parfois en argent et en nature 6. Si la terre produit du blé, la redevance consiste en une quantité fixe, un certain nombre d'artabes de blé par arure 7. II. LOCATio 0PEICARUM. 1° Malgré la concurrence du travail servile, le contrat de louage de services a reçu une application assez large. Bien des gens n'avaient pas d'esclaves ou ne pouvaient entretenir tous ceux qui pouvaient leur être utiles dans un cas donné : les uns et les autres avaient, en cas de besoin, recours aux services d'un mercenaire 8. Les services susceptibles (l'être loués appartiennent à la catégorie des aptes illiberales ac sordidi quaestus par opposition aux antes liberales 9. Ceux-ci sont d'une nature plus relevée 10, exigent des connaissances spéciales et sont rémunérés, non par un salaire, mais par des honoraires [HONORARIUSi, t. V, p. l39]. Ils donnent lieu, non pas aux actions locati conducti, mais à une persecutio extra ordinem sur laquelle statue le magistrat en personne. D'après Cicéron ", les illiberales et sordidi quaestus sont ceux des mercenaires : revendeurs, artisans travaillant dans une boutique, cuisiniers, bouchers, charcutiers, pécheurs, parfumeurs, baladins et tout ce qui vit des jeux de hasard. Les antes illiberales et sordidi quaestus se subdivisent. d'après Posidonius, en actes ludicrae et en aptes vulgares et sordidae 12. Les actes ludicrae ont pour objet le divertissement du public ou des particuliers : ce sont, dit Sénèque, ceux qui tendent au plaisir des yeux ou des oreilles, ceux des histrions, danseurs, mimes, chanteurs, musiciens, jongleurs, prestidigitateurs, funambules, gymnastes, gladiateurs' 3, etc. [RISTRIO, Les aptes vulgares et sordidae sont, dit Sénèquet', ceux des opifices; ils consistent en un travail mécanique et ont pour unique but les besoins de la vie". Ce sont aussi les services de nature très diverse rendus par des mercenaires : appariteurs et autres auxiliaires des magis des prêtres (calatores, viatores, [iCtores [FICTOR], Strafertarii 1fi, victimarii). Pour les travaux des champs, on employait des 7nessores11, sarritores faenisicit° strictores 20, leguli 21, etc.: en ville, des. portefaix [BAJULI,`SJ 22, saccarius 93 cuisinier [COQUUS], écrivains (librarii) 24, et bien d'autres operarii23, travaillant à la journée moyennant un salaire (merces). Ces mercenaires, particulièrement ceux qui étaient employés aux travaux des champs, habitaient chez 1. conductor et faisaient en quelque sorte partie de sa mai son 2G. Le conductor avait sur eux un pouvoir disciplinaire analogue à celui qu'il avait sur ses clients ou affranchis : le vol commis par eux à son préjudice ne donnait pas lieu à l'action furti 27. Le louage de services, comme le louage de choses, est un contrat consensuel, synallagmatique et de bonne foi. Le, locator s'engage à fournir ses services moyennant un salaire (merces) que le conductor promet de lui payer. Les triptyques de Transylvanie fournissent plusieurs exemples de contrats de louages de services 23. Le locator peut en général se faire remplacer par un tiers". Il en sera autrement toutes les fois que le conductor aura traité en considération de la personned6. Ii répond de son dol et de sa négligence ; il est en faute s'il ne connaît pas son métier : à cet égard, on le traite comme un arti fex 31. Le conductor doit payer le salaire convenu, même si le travail n'a pas été fait, sans qu'on puisse rien reprocher au locator. L'ouvrier congédié sans motif a droit à la réparation du préjudice qu'on lui cause; maïs il doit justifier de ce préjudice en démontrant qu'il n'a pu trouver du travail ailleurs 32. vrage a pour objet un travail à effectuer à l'entreprise'', comme la construction d'une maison ou d'un navire", la célébration de funérailles [FuNus, t. 1V, p. 1398], la confection d'un objet d'art par un orfèvre [AURiFEX] 33, le nettoyage des vêtements de laine par un foulon [FULLONICAj 36, Ce contrat, dont l'usage a été emprunté au droit public, s'est développé aux dépens de la locatio operarum. Bien des travaux, qu'un propriétaire faisait faire ancienne LOC 1292 L,OC ment sous sa direction par des mercenaires, ont été peu à peu donnés à l'entreprise. Dans le principe, et particulièrement en droit public, l'entrepreneur était désigné par le mot redenttor'. La merces promise par le locator operis faciendi était, en principe, fixée à forfait. Mais, comme dans la locatio rei, elle ne consiste pas toujours en une somme d'argent : au temps de Caton, certains travaux étaient donnés à l'entreprise à des partiarii2. Lorsque la merces est en numéraire, on peut convenir qu'elle sera payée en une ou plusieurs fois, soit après l'achèvement du travail, soit au fur et à mesure de son exécution lorsque telle ou telle partie sera terminée et agréée par le propriétaire'. On remarquera que la merces est ici payée par le locator, tandis que dans la locatio rei et dans la locatio operarum elle est payée par le conductor' La tnerces était parfois fixée aux enchères : à l'exemple du censeur, les particuliers adjugeaient l'entreprise à celui qui, pour l'exécution du travail, demandait la merces la moins élevée. Il semble résulter d'un passage de Caton qu'on prenait des mesures contre la fraude qui aurait pu se produire. S'il y a lieu de craindre que l'adjudicataire s'entende avec _ses concurrents ut carius locetur et les prenne pour associés, on pourra exiger d'eux un serment'. Le travail doit être fait dans le délai convenu' et d'une manière irréprochable. L'entrepreneur (conductor operis faciendi) n'est pas obligé à l'exécuter personnellementmais il est responsable de ses auxiliaires Régulièrement, il doit employer la matière fournie par le locator : s'il est convenu qu'il la fournira lui-même, il y a vente et non louage 10. Cette règle, qui n'a pas été admise sans résistance'`, n'a pas été appliquée à la construction des maisons12. La réception totale ou partielle (probatio) de l'opus par le locator décharge l'entrepreneur de la responsabilité des risques pour la partie qui a été agrééei3. Jusque-là, si la chose périt, sauf le cas de force majeure", le conductor est présumé en faute, à moins qu'il ne prouve que la faute est imputable au locator'. Le louage d'ouvrage présente deux variétés soumises à certains égards à des règles particulières : la location irrégulière et l'entreprise de transports maritimes. 1° Dans la location irrégulière, le conductor reçoit la matière qu'il doit façonner, mais sans être obligé de s'en servir'-". Il est autorisé à en employer une autre équivalente. Tel est le cas où l'on remet un lingot d'or à un orfèvre pour qu'il fasse des anneaux d'un certain poids". Tel est aussi le cas où plusieurs personnes chargent du blé sur un même navire, en convenant que le capitaine rendra à chacune une quantité égale à celle qu'on lui a confiée". Ici le conductor devient propriétaire de l'or ou du blé comme s'il y avait mutuuna ; par suite, Ies risques sont à sa charge. Le contrat conserve .cependant le caractère de louage, à cause du travail que le conductor a promis de faire et de la merces qui lui est payée. 2° L'entreprise de transports maritimes présente deux particularités : a) les détournements, autres que le vol commis par le capitaine au préjudice des chargeurs, sont réprimés par une action spéciale, oneris aversi, qui est vraisemblablement pénale10. (i) Lorsque le navire est en danger et que le capitaine a dû, pour le salut commun, jeter à la mer une partie de la cargaison, la perte se répartit entre tous les chargeurs et le propriétaire du navire, proportionnellement à leur intérêt". Cette règle, qui existait au temps de Cicéron 21, a été empruntée par les Romains à la loi Rhodia de jacta