Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

LOCULUS

LOCULUS, LOCULI, LOCELLUS, LOCULAMENTUM. Le mot loculus désigne un petit espace réservé à un objet, le compartiment d'une boîte, et, par extension, la boite même, la caisse divisée en compartiments, dans un sens plus étendu encore, toute espèce de caisse, de coffret', 1. Le mot loculi, au pluriel, indique tout récipient monétaire. 1° Coffre-fort, caisse 2 [ARCA, 2° Récipient monétaire portaFig. 4509. Cassette. tif'. Les loculi, récipient mo bile, sont nettement opposés à l'arca dans un texte de Juvénal': notamment petite cassette où l'on serrait l'argent. Martial en mentionne en bois' et en ivoire' et déclare ces dernières dignes de ne recevoir que de l'or'. Une peinture de Pompéi nous montre un de ces coffrets et, à côté, les pièces de monnaie «fig. 4509). LOC 1293 LOt; 3° La caisse particulière de l'empereur est appelée locztli peeuliares' ou simplementloe'uli2. 1 1° Par extension, on donne le nom de lncltli aux laren argent'. 58 Tirelire. Quel était, chez les Romains, le nom de ce petit meuble ? Aucun texte, à ma connaissance, ne l'indique ou n'y fait allusion, et le mot lncali est, jusqu'à nouvel ordre, celui qui convient le mieux pour le désigner. L'usage en devait ètre populaire, comme de notre temps, et assez répandu, car on a trouvé un certain nombre de tirelires antiques. Une des découvertes les plus intéressantes en ce genre est celle qui fut faite en 1812 aux thermes de Titus : on y trouva une tirelire ronde, en terre cuite rouge, ornée des figures de trois divinités, pleine encore des pièces qu'on y avait introduites; elle contenait en effet, 251. deniers, les plus anciens étant de la République, les plus récents du commencement du règne de Trajan'. Feu, qui nous fait connaître cette découverte, ne nous a pas laissé le dessin de ce petit monument aujourd'hui perdu. Ce qu'il en dit permet de supposer que cette tirelire ressemblait il. celle que nous reproduisons ici d'après un dessin de Séroux d'Agincoart ' (fig. 4510). Trouvée en 1809-1810, dans les fouilles que le prince Frédéric de Saxe-Gotha exécuter sur l'Aventin, cette deuxième tirelire porte en relief l'image d'un cocher vainqueur et, sur le côté opposé, le nom Ael(ius) Iliax(imus). Sa forme est celle d'un cylindre, terminé en cône, avec une ouverture horizontale à la naissance du cône. Cette forme parait avoir été la plus commune, car il en existe un certain nombre d'exem plaires : Caylus en indique une, de provenance inconnue 6, aujourd'hui au Cabinet de France ; elle est ornée, d'un côté, de l'image de la Fortune, debout dans une édicule ; de l'autre côté, de deux palmes gravées en creux. Une autre, également ornée de l'image de la Fortune et portant un nom au revers, faisait partie du cabinet Durand °. Deux tirelires, pareilles aux précédentes, offrent l'image de Mercure dans une édicule ; l'une a été trouvée sur l'Esquilin en 18758, l'autre faisait partie de la collection Alessandro Castellani °. La forme de ces petits meubles était aussi variée que de nos jours : les musées de Naples et de Pompéi en possèdent plusieurs en terre cuite, dont deux imitant des coffrets dont la serrure et les clous sont figurés en relief" (fig. 4511). p. 138, pl.vul, 9. ° Collect. Al. Casteltani,1884, no 561 et p. 77. 10 nicalini, Cuso di Pompei; P. Gusman, Pompéi, p. 245. 11 Rem d'uni. t. IV, p. 157, pl. rut, 3, 4. Caylus possédait deux tirelires, également en terre cuite, trouvées à Rome sur le Coelius ; l'une plate et ovale portait une tête d'IIercule d'un bon travail11 ; l'autre, de même forme, niais d'une exécution très négligée, offrait Cérès assise entre deux figures debout". Dans une des catacombes de Rome, Iloldett1 a. trouvé une tirelire en terre cuite, en forme de bouteille, sans aucun orneraient ", et une autre scznblalale avec cette différence que la panse est. tout entière occupée par une face humaine 1 Grignon, dans son recueil manuscrit'`, donne le dessin d'un vase monté sur un pied élevé et orné de deux anses, que l`on a Iransforulé en tirelire en le pcrcant d'une fente verticale qui occupe le bas du col et le sommet de la panse 6" Tronc. Nous n'avons, jusqu'ici, parlé que de la tirelire populaire, le récipient en terre otite, destiné à recevoir, pièce àpièce, les petites économies, et dont on ne peut, sans le briser, retirer le contenu. Il existe d'autres récipients monétaires,danslesquels on introduit les pièces par le lueme procédé, mais quel'on peut vider à l'aide d'une porte qui y a été ménagée. Ce dernier détail, leur forme, leur ornementation plus soignée, la matière dont ils sont faits, leurs dimensions aussi, les distinguent essentiellement des tirelires. C'est le tronc destiné à recevoir les offrandes à une divinité. Henri de Longpérier 1' a démontré que. les anciens avaient recours à ce moyen de recueillir des dons en espèces. Le plus décisif (les arguments qu'il apporte est un texte de l'historien Josèphe 18 mentionnant l'élablissemenl., dans le temple de Jérusalem, d'un tronc en bois ();û)A1vo; O r,ca'usnç) muni d'une seule ouverture (nc' m(s), par laquelle le peuple introduisait ses offrandes pour la reconstruction du temple. Il semble, d'après le contexte, que ce procédé était nouveau et fut bien accueilli à cause de sa.discré ti on. Un tronc creusé dans la pierre a été trouvé par Grignon, dans un temple, au Châtelet 19, et Gris aud (le la Vincelle nous en a conservé le dessin"'. Les fouilles de Verlault ont donné, en 1895, un tronc en pierre qui a la forme d'un banc à dossier sur lequel sont assises deux divinités difficiles à caractériser, dont la tète a disparu; entre elles, au centre du siège, s'ouvre l'ouverture du tronc 21. A la même classe appartient un tronc en terre cuite, trouvé à Vichy en 1858 et conservé au musée de Moulins (fig. 1512) ''. Il est surmonté d'un buste jeune, lauré et drapé ; une porte placée en bas et en arrière du meuble permettait de retirer les pièces de monnaies qui avaient été introduites par une ouverture ménagée à la partie supérieure. Le Cabinet de France possède une statuette en bronze de pl. ,, 6. -15 Bull. de la Soc. des Antiq. de, France, 1876, p. 74. s. IGO, s. 1c P. 7) du mss. 17 Revue archeot. t. XIX (1860), p. 163, s.; p. 86 du tirage à part Collet. de figurines en argile, p. .40, 41, fig. 62; p. fit, fig. 76, 78, expiie. des planches, no 48, pl. x1.vuU ii. de Longpérier, L. 1.; Catal. du Musée de Moulins, 163 LOC 129.'1 LOC la déesse Epona, dont le cheval est monté sur un socle élevé qui servait de tronc'. I1 faut rapprocher de ce monument une autre statuette en bronze du Génie des ouvriers en cuivre de Diara, trouvée aux environs de Lyon, et dont le socle faisait également l'usage d'un tronc destiné à recevoir les offrandes au Genius °. Des environs de Lyon provient également une statuette en bronze de la Fortune, conservée au Musée de SaintGermain, qui servait également de tronc, gitane à une ouverture ménagée entre les genoux de la déesse II. Boîte de médecin. Ovide raconte que le dieu de la médecine, Esculape, touché de la douleur de Diane, résolut de rappeler Hippolyte à la vie, et chercha les simples propres à cet usage dans sa boîte d'ivoire : (oculis depromit eburnis ' . De ce texte on peut conclure que les médecins anciens avaient des boîtes à compartiments dans lesquelles ils renfermaient leurs médicaments. Et en effet, on conserve une boîte de médecin en ivoire, ainsi divisée; elle est bien caractérisée par son couvercle sur Iequel l'artiste a figuré en relief, dans une édicule soutenue par des colonnes torses, Esculape et Hygie avec leurs attributs ordinaires Cette boîte, dont le style rappelle celui des diptyques consulaires, doit être du Ive siècle ap. J.-C. Conservée de temps immémorial comme reliquaire dans l'église Sainte-Valérie, elle a été transportée au musée de Sion en Valais. Le dessin que nous en donnons (fig. 4513) montre Ies compartiments à l'intérieur; pour l'ouvrir, on faisait glisser dans une rainure le couvercle qui était maintenu par une cheville fixée dans un trou creusé sur le rebord d'une des extrémités de la boite. Le musée de Berlin possède deux autres boîtes de médecin, en bronze. La première, trouvée entre Neuss et Xante, est ornée, sur le couvercle d'un Esculape incrusté d'argents ; l'autre, qui porte également l'image d'Esculape, a été achetée à Naples'. Le même musée possède les débris d'une troisième boîte semblable'. On a trouvé à Portici le couvercle d'une boîte analogue'. Le musée provincial de Bonn possède aussi une boîte de médecin particulièrement curieuse10 ; elle est en bronze, divisée en deux compartiments fermés par des couvercles munis d'une petite poignée; les parois sont doubles, séparées par un écartement d'un centimètre environ, empli de terre, sans doute pour préserver les médicaments contre l'humidité ou les changements de température; le couvercle est orné d'un rectangle formé par cinq lignes concentriques. Enfin, on conserve au musée de Naples une boite en bronze, divisée en cinq compartiments, dans lesquels restaient encore des médicaments 31; elle est formée d'une sorte de gaine rectangulaire, d'où, à l'aide d'une poignée, on fait sortir la partie intérieure comme un tiroir. III. Boite de peintre. Varron12 dit que Pausias et les autres peintres se servaient de boites divisées en conspartiments(ar culae Meulatac), pour y maintenir séparées leurs diverses couleurs. Or, en 1847, M. Fillon découvrit, au cours de fouilles qu'il exécutait dans une villa romaine, à Saint-Médard-desPrés, en Vendée, tout l'attirail d'une femme peintre, dans lequel figurait une boîte en bronze, avec un couvercle glissant dans une rainure et divisée en quatre comparti ments fermés chacun par un couvercle muni d'une poignée (fig. 11514). Dans les compartiments res talent encore des pains de couleurs va riées 13. La forme de cette boîte semble indiquer que le peintre s'en servait pour renfermer, dans des loculi séparés, ses pains de couleur ; mais il ne s'en servait pas pour peindre. Il en est autrement du petit meuble en terre cuite vernissée que nous reproduisons ici (fig. 4515) ; chacun de ses loculi forme un godet où le peintre devait délayer ses peintures et tremper son pinceau. Ce curieux monument faisait partie de la collection réunie à Hippone par M. Aubry, de Saint-Dié. Mine la comtesse de Béarn possède, dans sa belle collection, un monument semblable, mais plus petit, trouvé en Égypte. Un bas-relief publié par Bartoli 1s représente une femme peintre et un autre personnage, avec l'inscription Faxis Varro. Sous le chevalet qui porte un portrait en cours d'exécution, on voit la boite de l'artiste, ouverte, avec ses trois loculi en forme de godets, comme ceux du monu LOC --1295 LOG ment d'Hippone,. Mais ce bas-relief, connu seulement par le dessin de Bartoli, ne peut être présenté sans de fortes réserves; le fait qu'il a disparu et la singularité de l'inscription qui semble faire allusion à un texte bien connu ', le rendent suspect. Une peinture de Pompéi représente une femme artiste trempant son pinceau dans sa botte de couleurs 2. IV. Le nom de loculus doit certainement être attribué, par analogie avec les boîtes de médecins et avec les boites de peintres, aux petits récipients dont nous donnons deux spécimens3 (fig. 4316, 4317). Ce sont des boîtes en bois, qui ont la forme, l'une d'un pigeon au repos, l'autre d'un pied chaussé d'une sandale; toutes deux sont divisées en cinq petits compartiments. On les ouvrait en faisant pivoter le couvercle sur une cheville qui le maintenait à l'extrémité de la boîte. Ces boîtes ont été trouvées dans une ciste de Préneste'. Ces petits objets faisaient certainement partie du mundus muliebris et devaient contenir des fards et des collyres pour la beauté des yeux. Dans les fouilles qu'il a exécutées à Préneste, le prince Barberini a d'ailleurs trouvé des récipients semblables, dont l'un contenait encore différentes espèces de fards 5. A la même classe de monuments se rattache, quoique bien différent par la forme et les dimensions, le coffret en argent trouvé à Rome, dont l'intérieur était divisé en loculi contenant chacun un flacon à parfum ou à essence, en argent [CAPSA, fig. 1176] V. Écrin. Fréquemment, les auteurs anciens appellent loculus l'écrin dans lequel on renferme une bague, une pierre précieuse ou un bijou'. Il était même dans la coutume de conserver les pierres précieuses dans des loculi ou écrins en ivoire 8. On mettait dans des coffrets semblables des clefs s, des vêtements 10, des papiers ". VI. Boîte ou sac que l'écolier portait suspendu à son VII. Loculus Archimedius. On appelait ainsi une boite carrée contenant quatorze lamelles en ivoire, aux angles diversement découpés, avec lesquelles on pouvait, en les rapprochant, composer un nombre indéfini de figures : Naissent', épée, arbre, colonne, etc. On donnait ce jeu aux enfants, pour exercer leur mémoire et leur intelligence''. Ausone l'appelle ossiculeltt eburneunt''" et Ennodius stomatiunt eburneunt '! '. VIII. Niches d'un colombier 16 [COLUMBARIUM, I IX. Ruche d'abeilles " [M'ES]. X. Compartiment dans une sépulture' 8 [COLUMBARIUM, II'. XI. Cercueil'. XII. Endroit ménagé dans une cave ou un cellier pour poser les tonneaux, en francais un chantier [ccet, fig. 2139,, L0. XIII. Civière sur laquelle on transportait les défunts de basse condition 2f. XIV. Urne de vote. Varron raconte que, pendant un vote, il y eut un grand tumulte au champ de Mars parce qu'on surprit un citoyen qui jetait frauduleusement des bulletins dans le Meulas". Voir les urnes de votes représentées aux articles LISTA, CISTELLA (fig. 1541), SUF XV. Rayons d'une bibliothèque [BIBLIOTIECA] 23 XVI. Boîtier d'un mécanisme 2'". XVII. Mangeoire pour les chevaux. On faisait les mangeoires en bois, en pierre ou en marbre; elles devaient être isolées pour que les chevaux puissent manger en paix sans se voler l'un l'autre 23 [EQUILE, fig. 2710]. XVIII. Piscines divisées en compartiments (piscinae loculatae) dans lesquelles on maintenait séparées diverses espèces de poissons 26. XIX. Petite caisse pour mettre des figues sèches ; ou, peut-être, compartiment dans un grenier 27 appelé aussi lacus ou lacuseulus [RORREUM, I. HENRY THÉDENAT.