Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

LOGOGRAPHOS

LOGOGRAPHOS (.yoyoypâ~oç). -1. La loi athénienne exigeait que, devant les tribunaux, les parties plaidassent elles-mêmes leur cause. Le témoignage le plus formel à ce sujet est celui de Quintilien. Parlant d'un plaidoyer que Lysias avait rédigé pour Socrate, et dont le philosophe refusa de faire usage, il poursuit : a et juin maxime scribere litigatoribus quae illi pro se dicerent eral indris; caque ita juri quo non licebat pro altero agere fraus adhibebatur' o. Bien que moins explicites, plusieurs textes, de l'orateur Lycurgue 2, de Dinarque de Platon' font aussi allusion à ce règlement. Enfin Denys d'Halicarnasse 3 't Cicéron 6, à propos des plaidoyers civils d'Isocrate, témoignent indirectement dans le même sens. LOG 1300 LOG L'origine de cette loi doit sans doute être cherchée dans l'esprit d'égalité démocratique qui animait la constitution de Solon : ce législateur avait voulu que tout Athénien fût capable de remplir personnellement sa fonction de citoyen, soit à l'armée, soit devant l'ElELESIA, soit devant les tribunaux'. Quoi qu'il en soit, une telle loi était impraticable: combien de plaideurs, par timidité ou par inexpérience, tinssent été incapables d'exposer euxmêmes publiquement leur affaire. Il est vrai que dans certains cas le tribunal autorisait un parent, un ami, un membre de la meule tribu à compléter les explications du plaideur [seNécoxos, svenn,os 21. Mais c'était là en somme une exception assez rare. Ordinairement., le citoyen craintif ou ignorant s'adressait à un noyo'pI sç ou î,o, (On disait aussi, semble-t-il, mais plus rarement, dans le n'élue sens ôtxoyçzL ,'1). Le rôle du logographe consistait à rédiger moyennant salaire un plaidoyer qu'il remettait tout fait à son client'. Celui-ci l'apprenait par coeur et récitait ensuite sa leçon (levant ses juges. Le premier qui lit métier de logographe à Athènes fut, dit-on, Antiphon ' Mais probablement il faut remonter plus haut : les inventeurs siciliens de hi rhétorique, Corax et Tisias, avaient, cela est certain, composé tous les deux nombre de plaidoiries. Nous ne saurons au juste, il est vrai, si elles avaient été prononcées par l'auteur lui-même, en tant qu'avocat, ou par la partie; toutefois, comme l'organisation de la, justice en Sicile, au début du ve siècle avant J.-C., parait avoir été calquée sur celle qui fonctionnait dès lors à Athènes, la seconde hypothèse est la plus croyable e. Isocrate dit que de son temps le nombre des logographes était considérable Le fait se comprend, vu la multitude des procès qui, non seulement de l'Attique, mais aussi des villes alliées, aboutissaient devant les tribunaux athéniens i0. C'était du reste, pour les plus achalandés des logographes, un métier fort lucratif. Tous les orateurs du canon, sauf Andocide et sans doute Eschine", l'ont exercé; et plusieurs, comme Lysias, Isocrate, Démosthène.. ruinés à un certain moment de leur carrière, y ont, trouvé un moyen de refaire leur fortune. Toutefois, c'était une profession peu estimée. Aussi Isocrate, qui l'avait pratiquée à ses débuts, en rougit-il plus tard'. Et nous voyons presque tous les orateurs, en particulier Eschine et Démosthène, se renvoyer comme une injure l'épithète de er fabricant de discours13 » La fonction de logographe exigeait des connaissances et des aptitudes particulières. Il y fallait, cela va sans dire, une science approfondie du droit et de la procédure attiques. Il importait également de bien connaître la psychologie de la foule, ses préjugés, ses passions, par quels moyens on se la concilie ou on l'irrite : car la plupart des procès se plaidaient devant de grands jurys populaires [DZIAS'téri . Mais la difficulté principale, et où réside presque tout l'art d'un Lysias par exemple, consistait à assortir adroitement à la condition, à l'âge, au caractère de chaque client le langage qu'on lui prêtait , Ooç). Le logographe, il est vrai, trouvait pour cela d'utiles ressources dans la rhétorique. Remarquons que la plupart des logographes que nous connaissons ont été en mémo temps rhéteurs : cela est, vrai non seulement de Corax et Tisias, les premiers inventeurs d'une -Éw-~ Ir,TOp xii, mais aussi d'Antiphon, Lysias, Isocrate, Isée, Démosthène : tous ont tenu école. Si bien qu'il n'est pas exagéré de dire qu'à ses débuts, et même jusqu'à Aristote, la rhétorique grecque n'a été que la théorie de l'art de plaider. Fournir au plaideur, ou au logographe qui le supplée, des conseils et des secours, voilà avant tout ce qu'elle se propose. Aussi, dès le temps d'Antiphon, les logographes rhéteurs ont-ils ramené à un type uniforme la division du plaidoyer : exorde, narration, preuves (quelques-uns distinguaient de la preuve proprement dite la réfutation'), épilogue. Mais ils ne s'en étaient pas tenus là : ils avaient déterminé très nettement le but propre de chacune de ces parties, et, autant que possible, les moyens de l'atteindre. Pont' chaque partie, en effet, les T€wat fournissaient un répertoire d'idées appropriées, entre lesquelles il ne restait plus au plaideur ou au logographe qu'à choisir. De plus, il exista de très bonne heure des recueils de lieux communs, particulièrement, à usage d'exorde et d'épilogue. Les auteurs de ces recueils avaient réduit à quelques types généraux toutes les espèces que la réalité peut offrir, et pour chacun de ces types ils avaient rédigé une formule. C'est ainsi que parai les oeuvres d'Antiphon nous voyons figurer déjà une collection de o(u.ta xal Erboyot, malheureusement perdue 'Mies rhéteurs logographes avaient de même ramené à des formules toutes faites une partie des preuves ; celles qu'ils appelaient tr.(gTetç «Teyvot n'étaient en effet que des thèses contradictoires pour ou contre le témoignage, la torture, le serment, les contrats, les lois. Grâce à tous ces secours, la tâche du logographe était singulièrement facilitée et devenait, en grande partie, une routine ". II. Pour le sens de Àoyoypàpo, = percepteur, voir les