Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article LOBUM

LOBUM. `Iunç. Courroie. Nous ne pouvons que renvoyer aux articles où sont expliqués les usages auxquels les courroies étaient employées chez les anciens (Voir aussi CoRRICIA Les principales acceptions du mot dans les textes sont les suivantes : 1° Rênes, guides pour conduire les chevaux [HABENAE 1. 2° Laisse de chien 2. Nous en avons des exemples assez nombreux sur les monuments où sont représentés des 3° Bulle en cuir des enfants plébéiens [BULLA]'". /r° Courroie adaptée aux bâtons d'une litière LECTICA] 6. 5° Courroie qui servait à suspendre les fardeaux au milieu d'une perche reposant sur l'épaule des porteurs 6° Courroie pour assujettir le joug au timon et aux cornes des boeufs [JUGUM] 7. LOU 1317 LOI..T 7° Courroie du ceste PUGILATUS) I. 100 Sangle de lit ou de chaise [LECTUS, SELLA] Les bandes de cuir qui faisaient partie d'un vêtement ou d'un meuble recevaient quelquefois une décoration artistique. On en peut juger par la figure 45564. Elle représente un fragment de courroie conservé au musée de Karlsruhe ; il provient d'une tombe étrusque et date à peu près du m° siècle avant notre ère ; il mesure Om,07 de largeur, Si ce n'est pas un débris de ceinture, cette pièce a peut-étre orné une boite ou un Meuble. Les dessins géométriques et les figures dont la surface est couverte n'y ont pas été imprimés, mais incisés avec un instrument tranchant. 41° Au m° siècle de notre ère, on a commencé à désigner sous le nom de lorum (aôàpov) ou de toms les galons (instita, limbus) qu'on cousait sur les vêtements ; on en formait des bordures qui pouvaient avoir de un à cinq rangs; d'où les noms de atziuveç ),topai o(, vestes, interulae monolores, dilores, trilores, pentelores 3. 12° Cordon de vignes'. GEORGES la AFAYE. vu aux articles BALNEUM (p. 651, 656) et LABRUM (p. 881) que les larges vasques, généralement montées sur un pied haut, dont on se servait pour les ablutions dans les bains et dans les palestres des Grecs, portaient le nom de itouTilaEt ou aouT7,pta'. Athénée mentionne un de ces meubles, en marbre de Taormine, ayant une capacité de cinq métrètes, environ 200 litres 2. L'u7r6nTaTOV, dont il est question dans certains textes, est le pied de la vasque', Pollux l'assimile à l'baxaïov, grande bassine où on lavait la vaisselle4. Le aouTtilp et le aou' rptov trouvent place dans les inscriptions' et l'expression àae61 aç ix aoeTnponv caractérise souvent le don de quantités d'huiles amenées dans les vasques des palestres et offertes gracieusement par un particulier à la ville. Il est d'ailleurs possible que aouTrip et aouTriptov ne s'appliquent pas toujours à de grands récipients comme ceux que nous venons de rappeler (fig. 748, 749, 4311, 4312). La large extension donnée à tous ces termes antiques permet sans doute de comprendre sous les mêmes noms des vases de capacité médiocre, car Athénée compare le )ouTljptov au cotyle', sorte de canthare ou de cyathos [COTYLA, fig. 20351, et le mot latin labrum, qui correspond le mieux à aouT) , désigne également une variété du canthare (fig. 4314). A la baignoire parait avoir été réservé le mot 7cloXoç iPYFLOSI et au bain de pieds celui de 7colavt71Tl'Ip [PELLUPIeD). Dans une inscription chrétienne, les fonts baptismaux sont appelés aou'r p E. POTTIER. l'eau du bain. Ce vase était en usage dans les cérémonies nuptiales et dans les rites funéraires. Il figurait parmi les l'endroit où sont placées les vasques' 2 Athen. V, 42, p. 207 F. 3 Poli. X, V. cadeaux offerts à la fiancée, et c'était l'emblème que l'on plaçait sur la tombe des jeunes gens morts avant le mariage. Les définitions qu'en donnent les lexicographes grecs trahissent une certaine contradiction, causée par l'équivoque qui peut s'établir entre le vase et la personne à qui était dévolu le rôle de le porter dans les cérémonies nuptiales ou funéraires', Pour Pollux, le mot loutrophore désigne la jeune fille qui portait l'eau du bain prète la loutrophore funéraire comme une statue de jeune fille tenant un vase qu'on plaçait sur la sépulture des morts non mariés (uiïn ot)3. Harpocration donne une définition analogue, avec cette différence que la statue funéraire aurait représenté un jeune garçon tenant une hydrie (TOÛTO âl lv 77aiç bip(av acov) 4. D'autre part, Hésychius et Eustathe entendent par ce mot le vase qu'on posait sur la tombe des jeunes gens qui avaient été privés des joies du mariage 3. Cette dernière explication est la vraie ° et elle est justifiée par le témoignage des monuments. Ceux-ci nous apprennent eux-mêmes que la loutrophore était une grande amphore de terre cuite peinte, et qu'elle avait un usage à la fois nuptial et funéraire. 1. Usage nuptial. C'était la coutume, en Grèce, d'apporter aux fiancés, avec une certaine solennité, l'eau du bain nuptial Les Athéniens employaient, pour cet usage, l'eau de la fontaine Kallirhoé; ailleurs, on puisait l'eau dans le fleuve qui arrosait le pays 3. La cérémonie de la loutrophorie avait lieu sans doute la veille du mariage ; le vase qui contenait l'eau du bain était apporté soit par un jeune garçon appartenant à la parenté la plus proche de l'un des deux fiancés, soit par une jeune fille. Par suite, ce vase, c'est-à-dire la loutrophore, était considéré comme un symbole du mariage. On tonnait aujourd'hui une série assez nombreuse de ces vases. Le 166 LOU 1318 LOU catalogue qu'en adressé M. Wolters, en 1891, ne compte pas moins de trente-quatre numéros 1. C'est une amphore d'une forme spéciale. Dans la seconde moitié du ve siècle, avec le progrès de la fabrication céramique, les caractères d'élégance se sont accentués, et le vase est remarquable par l'allongement de la panse et la hauteur du col très effilé'. Les sujets qui décorent les loutrophores à figures rouges du type le plus récent, sont en général des scènes représentant les cérémonies du mariage : sur l'exemplaire du musée de Berlin dont notre figure 4557 reproduit la forme, c'est le départ (eéOoloç) de la jeune épousée et sa réception dans la maison de son mari 3 ; sur un fragment du musée d'Athènes, où la scène se recommande par une grande beauté de style, l'époux tend la main à sa jeune femme, tandis qu'un Éros jouant de la double flûte vole dans le champ 4. Ces sujets finissent par supplanter les scènes funéraires qui décorent exclusivement les loutrophores de style plus ancien. On verra plus loin quelles raisons ont déterminé ce changement. Vases de luxe, dépourvues de tout caractère d'utilité quotidienne, les loutrophores figuraient parmi les cadeaux offerts à la fiancée. Sur une pyxis attique du British Museum, oit est représentée la toilette de la fiancée, on voit une loutrophore posée près d'un coffret à bijoux ou à vêtements'. Un joli fragment du musée d'Athènes montre une jeune fille apportant à la fiancée une loutrophore garnie d'un bouquet de feuillage de myrte'. 11 est fort naturel que ce vase symbolique figure dans le cortège nuptial. Le voici, en effet, porté par la jeune fille qui remplit le rôle de ),ou7potp4oç (fig. 4558) ; elle tient à deux mains le vase nuptial, et marche devant l'épousée, toute pénétrée de l'importance de sa mission Sur une pyxis d'Érétrie, on voit le cortège des jeunes filles apportant des cadeaux aux époux le jour des 'E7satiata; par une gracieuse allégorie, c'est un Éros qui porte la loutrophore. Ici la forme diffère un peu de celle que nous font connaître les monuments conservés. Le vase n'a qu'une grande anse 9, et, sur la panse, il est muni de deux petites anses qui rappellent celle de l'hydrie. Il est possible que la forme des loutrophores ait varié avec le temps, et que l'ancien type de l'amphore ait été évincé par celui du vase à pied et à couvercle qu'on voit également figurer dans les cérémonies nuptiales 10. II. Usage funéraire. D'après les textes d'IIésychius et d'Eustathe qui ont déjà été mentionnés 11, la loutrophore était l'emblème funéraire placé sur le tombeau des jeunes gens morts avant le mariage ((Zfxp.ot). Ce témoignage est confirmé par un passage du plaidoyer de Démosthène contre Léocharès 12. L'orateur parle du jeune Archiadès qui est mort célibataire. « Et la preuve? Une loutrophore était placée sur le tombeau d'Archiadés. » Il n'est pas douteux qu'aux vie et ve siècles, les loutrophores destinées à cet usage fussent vraiment des amphores en terre cuite peinte, du même type que celles qui figuraient dans les cérémonies nuptiales. Notre figure 4559 en montre un spécimen appartenant au musée du Louvre, et qu'on peut dater de la première moitié du ve siècle, et si les scènes principales sont à figures rouges, une zone de figures noires rappelle encore l'ancienne technique. Le vase a des proportions élancées, mais moins allongées que celles des exemplaires à scènes nuptiales. Le col est plus large, et il est réuni aux anses par une partie pleine. Sur le plat des anses et autour de l'embouchure court un ornement en forme de ruban ondulé; il est permis d'y reconnaître comme une survivance d'un décor qui apparaît souvent dans les grandes amphores funéraires du Dipylon, où un serpent modelé en relief semble ramper sur les anses et autour des lèvres du vase. Les scènes qui décorent les loutrophores à figures noires conservées dans nos musées en attestent nettement le caractère funéraire 13. Ce sont des scènes de deuil, lamentation ou protlaésis du mort. Une loutrophore de Berlin montre, sur le col, des hommes et des femmes, faisant les gestes de la lamentation et, sur la panse, l'exposition (zep6AoQts) du cadavre 14. Les sujets funéraires conservent encore leur place sur les exemplaires à figures rouges du style le plus sévère. La loutrophore de Pikrodaphni, au musée d'Athènes, est le chefd'oeuvre du genre'. La scène de l'exposition du mort, autour duquel se lamentent les pleureuses, est traitée avec une rare perfection de style. On peut en rapprocher la scène figurée sur la loutrophore du Louvre reproduite par notre gravure, qui ne le cède guère, pour la beauté du dessin, à celle d'Athènes S8. L'idée qui avait conduit à faire de la loutrophore l'em LOU -1319LOU brème funéraire des .jeunes gens morts avant le mariage trouve son explication dans une des pratiques du cérémonial funèbre, celle du bain du mort. Non seulement le bain, c'est-à-dire le lavage du corps, faisait partie de la toilette funèbre, dont les soins étaient dévolus aux femmes ', mais le bain du mort constituait une des offrandes qu'on apportait au tombeau (XOdvtx nou' • T1 En Attique, cet usage remontait au temps de la civilisation la plus ancienne. MM. Bruckner et Pernice ont démontré que les grands vases du Dipylon à sujets funéraires étaient comme la forme primitive de la loutrophore Placés sur la fosse, très apparents, ils rappelaient le bain funèbre offert, au mort, et constituaient véritablement le p.v=rr .x du tombeau. Il semble d'ailleurs qu'à cette date ce genre d'emblème ne fût pas le privilège des ÿ.yxuot, mais eut un caractère plus général. On offrait., en effet, à tous les défunts, quels qu'ils fussent, l'eau du bain (no'Tpx(. Dans l'ancienne nécropole de Ménidi, on a trouvé des vases montés sur un pied qui sont proprement des ?,oUTr,Ntx ;LOI TER], et les conditions de la découverte permettent de croire que ces vases étaient déposés, à titre d'offrande, sur la tombe des ancêtres héroïsés' Les textes sont d'accord avec les faits archéologiques. Dans l'Electre de Sophocle, il est fait allusion à cette coutume tao'. px npoc fspety Icx'rp(t' et un passage d'Athénée décrit le rituel usité pour l'offrande de l'â7c0v(up.2 a. L'habitude de placer sur la sépulture un vase contenant l'eau du bain finit-elle, en Attique, par perdre son caractère général, et ne fut-elle conservée que pour les jeunes gens non mariés? Il est possible de l'admettre, sans que nous puissions dire avec certitude à quelle date s'introduisit ce changement 7. Ce qui est certain, c'est que, pour les ciyxµot, on employait à cet usage la loutro phore, c'est-à-dire le vase qui était par excellence le symbole du mariage. 11 est facile de comprendre quel sentiment dictait ce choix. Placée sur le tombeau des jeunes morts, la loutrophore évoquait le souvenir des joies dont ils avaient été privés, et la piété des survivants leur en donnait au moins l'illusion. La loutrophorie avait sa place dans les cérémonies de funérailles, comme elle l'avait dans celles du mariage. Le rite funéraire qu'Hésychius désigne par l'expression de aoti cotpopeiv nous est expliqué par la peinture qui décore le col d'une loutrophore du Louvre «fig. 4560(. Le vase est porté par l'iy'u'p(o-Tptx,que suit une pleureuse faisant les gestes de la latucntati,,n, et il accompagne le mort jusqu'au lieu de la sépulture. Après l'ensevelissement, il est placé sur la tourbe °. Une loutrophore à figures noires du musée d'Athènes le mon tre posé sur le tertre du tom91l beau, de chaque côté duquel se tiennent des pleureuses 70 (fig. 1561). Sur un lécythe duméme musée, trouvé à Érétrie ", on voit une amphore à deux anses posée sur un socle, et à côté une femme portant la corbeille qui contient les offran des funéraires. 11 est permis d'y reconnaître la loutrophore marquant l'emplacement de la sépulture. Au reste, les grandes dimensions de ces vases, le fait que le pied est toujours creux et évidé t3, comme pour recevoir un support, confirment l'hypothèse suivant laquelle il convient de reconnaître dans la loutrophore le monument funéraire qui décorait le tombeau. Il est remarquable que, dans les loutrophores en terre cuite peinte, les sujets funéraires disparaissent à une certaine date pour céder la place aux scènes nuptiales'`. Ce n'est pas à dire qu'elles perdent leur caractère d'emblème funèbre. Comme les plus anciens, les vases ft scelle de mariage ont été trouvés dans les nécropoles attiques, et il est probable que l'on continue à le déposer à titre (l'offrande, sur la tombe des à'uxot, comme on dépose des lécythes au pied de la stèle. Seulement la loulrophort' cesse d'être proprement le monument funèbre. Pour la décoration des tombeaux, on emploie une matière plus résistante et plus durable que la terre cuite, c'est-à-dire le marbre. On s'explique ainsi que les potiers abandonnent la fabrication des loutrophores funéraires, pour exécuter surtout des vases destinés aux cadeaux de mariage. Il semble que l'usage des loutrophores en marbre, destinées aux sépultures, s'introduise dans le courant du va siècle. C'est certainement un monument de cette nature que Démosthène signale sur la tombe du jeune Archiadès. Quelquefois le vase est sculpté en ronde bosse. Le musée d'Athènes en possède plusieurs exemplaires Celui qui est reproduit par la figure ci-jointe offre un spécimen LOU 1320 LUC très élégant de ce type, avec sa panse cannelée, son col mince et élancé qui jaillit hardiment entre deux anses à volutes ornées de feuillage d'acanthe ' (fig. 4562). Par leur forme, par leur aspect, ces vases se distinguent des autres vases funéraires en marbre, des lécythes, dont l'usage ne semble pas avoir été limité à une catégorie spéciale de sépultures. D'autres fois, la loutrophore est sculptée en relief sur la stèle2. M. Milchhoefer a contesté que cet emblème fût réservé aux jeunes gens non mariés, en alléguant que les inscriptions mentionnent parfois des noms de personnes qui, manifestement, étaient mariées, et que la loutrophore est souvent décorée de sujets en relief appartenant aux types courants, comme la scène de la poignée de mains, ou la réunion de famille En réponse à ces objections, M. Wolters a fait valoir des arguments très plausibles D'abord les inscriptions des stèles ornées de loutrophores désignent très fréquemment des j eunes gens non mariés °. Parmi les bas-reliefs qui en décorent la panse, beaucoup font allusion aux occupations de la jeunesse : jeune homme jouant à la balle 6, éphèbe debout auprès de son cheval et donnant à un vieillard la poignée de main d'adieu, etc. 7 Si parfois elles portent plusieurs noms, si les noms des parents y figurent à côté de celui d'un jeune homme mort célibataire 6, la raison en est facile à comprendre. Le tombeau est une sépulture de famille. Or, le fils étant mort le premier, les parents ont fait sculpter sur la stèle l'emblème des «ya,uot; et quand ils sont morts à leur tour, leurs noms ont été ajoutés sur la stèle. Au reste, on observe quelquefois ( d ne j un détail très caractéristique et qui achève de lever tous les doutes. Il arrive que la loutrophore sculptée en relief a subi des retouches ; une des anses a été supprimée, laissant encore sur le marbre la trace très apparente de ses contours (fig. 4563). La loutrophore a été ainsi transformée en un vase à une seule anse, qui rappelle à peu près la forme du lécythe 9. Cela signifie que la tombe a été d'abord celle d'un xyajtoç, puis qu'elle est devenue un tombeau de famille. La retouche du marbrier n'a eu d'autre objet que d'enlever à l'emblème de la stèle sa signification trop spéciale et trop restrictive. MAx. COLLIGNON.