Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

LUCTUS

LUCTUS (7rmV8o;). Le mot latin signifie proprernent les pleurs et les lamentations, en grec xwxu'dç, ou les chants rythmés, Opi voç, «ot8 j, accompagnant les funérailles'. Les mots Tô 7€vboç, 7tmvboty, usuels pour désigner le deuil, signifient néanmoins, d'une façon plus spéciale : douleur, affliction, chagrin, deuil moral. L'ensemble des rites funéraires qui comprend le deuil T1. 7rp4u9 xovTa. Les rites funéraires, les cérémonies servant à perpétuer le souvenir des morts et la plupart même des signes extérieurs qui attestent la douleur des survivants ayant été traités ailleurs )colA, FUNLSI, on ne s'occupera ici que de quelques dispositions principales du deuil dans la personne des affligés. GRÈcE. Les restes de la période dite mycénienne font connaître le mobilier funéraire, non les pratiques postérieures aux funérailles, le costume et la tenue des survivants. Pour la période homérique, les textes qui ont inspiré nombre de monuments figurés d'époque plus récente montrent déjà, dans leurs traits essentiels, avec les trois actes des funérailles antiques, expos=ition du mort, transport du corps, déposition au tombeau, les manifestations très violentes de la douleur, les hommes se couvrant la tête et les vêtements de cendres, se roulant par terre, s'arrachant les cheveux, les femmes s'égratignant les joues, se frappant la poitrine'. Plus tard et sur des monuments plus récents, le geste traditionnel, la main portée à la tête, n'est plus qu'un simula LUC -131>8LUC cre', On peut suivre la transformation. Pourtant la coutume antique n'a pas cessé ou a repris du temps de Lucien 2, traversant l'époque archaïque et les tiges suivants, ainsi que les gestes rituels, comme l'extension de la main sur le cadavre ou l'usage des chants, Optnvsi, âoté' [FUNUS, p. 1373`. De même les offrandes sur le tombeau et les jeux, remplaçant les antiques holocaustes, que le procédé funéraire soit l'inhumation ou l'incinération. A l'époque historique, ce sont, avec les monuments figurés, des lois limitatives, réglant la dépense et l'ordre des funérailles, qui nous renseignent sur le deuil quant aux degrés de parenté intéressés, au costume porté, à la durée observée. Les Opm,vot, du moins ce qui nous en reste dans les fragments de Simonide ou de Pindare, ne nous apprennent rien à ce sujet. Moins instructifs et moins précis que les nlyrolognes ou les voceri modernes, ils ne nous donnent qu'une série de sentences rythmées présentant une sorte de philosophie de la mort. Peut-être est-ce ce caractère qui en a assuré la conservation. Déjà les poèmes homériques indiquent les assistants de droit dans la -tçéOEats. Auprès du corps d'Hector se tiennent Andromaque, Hécube, Hélène, la femme, la mère et la belle-saur, qui, selon une conjecture plausible de Leutsch 3, sont les directrices du choeur chantant les Oeil'in; puis, d'autres femmes, en dehors du 'e-l(aoç âncalp£ov4. Aux funérailles d'Achille assistent la mère, les Néréides, comme parentes du mort et les aèdes (ici, les Muses) ; à la mort d'Lrysichthon, il y a son père, sa mère, ses soeurs, sa nourrice et dix femmes 9. Ces souvenirs antiques concordent à la fois avec ce que l'on sait de la constitution de la famille hellénique et avec les dispositions attribuées aux vieux législateurs sur la pratique du deuil. En principe, doit le deuil celui qui, perpétuant la famille, l'entretien du foyer et de l'héritage, doit aussi le culte au défunt. Mais a«rpt:Ety et parentare chez les Grecs et les Latins ont une acception plus étendue que celle d'un devoir rendu par le fils au chef de famille défunt et désignent d'une façon générale l'action d'assurer le culte des morts' rABENTATIOI. En fait, si parmi les assistants aux cérémonies funèbres se trouvent, avec les parents et les amis invités, ceux qui veulent rendre les derniers hommages au défunt', une préoccupation assez générale se marque, lorsqu'il s'agit de fixer les degrés de parenté qui obligent au deuil proprement dit. Et spécialement pour les femmes, les réserves sont nettes, La loi de Solon défend de suivre en gémissant le convoi d'un homme qui n'était pas un parent'. Elle n'autorisait les femmes à accompagner le mort que jusqu'au degré de cousines, ivrbç âvs iialàs10. On a remarqué avec raison qu'il y a identité entre la liste des femmes admises à l'exposition du mort et la liste des parents au degré successible ab intestat (âyxtarElce)", Ce sont évidemment là les deuillantes. Mais il ne s'agit, dans ces exemples, que de l'exposition, de la apéOsatç et du transport du corps ou Expop12; et la conclusion pourrait n'être pas rigoureuse pour le deuil proprement dit. Pourtant quelques documents semblent la confirmer dont l'un, récemment découvert, appartient à la période historique, mais est d'une date encore ancienne. C'est l'inscription de Delphes donnant des fragments de règlements qui concernent la phratrie des Lahyades(fin du ve siècle) Là, des désignations significatives : après la déposition, « sur les tombeaux des morts anciens, on ne fera point de thrêne, ni de lamentation, mais on se retirera chacun chez soi, à l'exception des compagnons du foyer, des oncles paternels, des beaux-parents, des enfants et de Céos), plus ancienne (vie siècle), est moins explicite, parce qu'elle ne vise que les pratiques des funérailles et ne spécifie que pour les femmes les degrés de parenté impliquant le deuil : « Dans la maison mortuaire il n'entrera, après l'enlèvement du corps, d'autres femmes que celles qui sont souillées, wt«tvoµiv«ç (par le voisinage du défunt), à savoir : la mère, l'épouse, les soeurs, les filles ; en outre, au plus cinq femmes et deux jeunes filles, parmi les parentes jusqu'au degré d'enfants de cousins germains ; en dehors de celles-là, personne 14, » La loi est restrictive des dépenses et des exagérations traditionnelles en matière de funérailles. On peut mettre en regard les lois du même genre portées à Sparte 15, à Syracuse le et le code hypothétique de Charondas17. Plus certaines sont les lois d'Athènes 1e. Les lois d'Athènes furent copiées par les Béotiens, comme par Céos, très rapprochée d'Athènes. Les rédacteurs romains des XII tables s'en inspirèrent79, de même la législation idéale de Platon 20, La loi de Gambréion (Mysie), plus récente (1ne siècle), est consacrée aux pratiques du deuil, mais ne spécifie pas les degrés de parenté qui en impliquent l'obligation ou la permission. Les costumes de deuil ne paraissent pas avoir eu de forme particulière; leur couleur varie avec les coutumes, qui sont parfois l'objet de prescriptions légales. Le noir a pu être porté 21, mais rarement, d'après les monuments figurés. Un seul chiton noir se remarque dans la série des vases consacrés à la représentation de la ap6fmatç 22 On s'est fondé, pour faire ressortir l'usage du noir à une haute antiquité, sur un passage d'Homère : « i i Est-il inutile de faire observer que le comparatif même, mn),âvrspov, n'indique pas un noir absolu? On a d'ailleurs très justement remarqué 24 que « l'épithète employée par LUC --1319 --LUC les auteurs anciens ne s'applique pas expressément à ta couleur noire, telle que nous l'entendons ordinairement. L'expression de e xv igvTIov n'implique pas d'autre sens que la nuance sombre du vêtement opposée à la blancheur des étoffes dont on couvre le mort. Homère ne dit-il pas : bréion dit : « Les femmes en deuil porteront des vêtement bruns qui ne devront pas être souillés (évidemment d'autres vêtements que ceux qui ont servi pour la 7.pb0 a ç et, l'ixlocz, ou bien les meures après purification) ; les hommes et les enfants porteront également le deuil en brun, à moins qu'ils ne préfèrent les habits blancs'. » La loi, pour désigner le vêtement de couleur foncée, emploie le mot (pxdç. Est-ce brun? est-ce gris? Plutôt gris, si l'on se reporte à une définition de cette nuance P,youv p.'vov, La loi laisse donc aux hommes et aux enfants le choix entre le gris et le blanc pour vêtements de deuil. A Argos, la loi autorise les vêtements blancs A Iulis, les hommes ne portent pas de vêtements de deuil, si l'on s'en réfère à un fragment d'Iléraclide de Pont, conservé par Aristote et qui manque au texte retrouvé de la loi 4. De façon générale, les vêtements foncés marquent l'expression du deuil: partout, quand il s'agit de scènes de 7rp60eate ou d'exuopz, et, dans la plupart des cas, après l'accomplissement de ces cérémonies, les monuments figurés ne la marquent plus avec autant de netteté". Pour le port des cheveux et de la barbe [BARBA, COMA, I, p. 669, 670, 136'4 il est à remarquer que le vieux rite homérique, impliquant l'idée d'une offrande au mort, le sacrifice des cheveux sur le tombeau, subsiste à l'époque classique, malgré des défenses antérieures, telles que les mentionne, par exemple, la loi d'lulis, dans le fragment transmis par Héraclide de Pont' : « Les hommes ne portent le deuil ni sur leurs vêtements, ni sur leur chevelure. » Ces survivances d'antiques usages funéraires se modifient, naturellement, suivant la mode en cours. Un passage de Plutarque ' montre, en Grèce, les hommes se coupant les cheveux en signe de deuil, tandis que le même auteur, en un autre endroit', indique la persistance de la vieille coutume chez les femmes et signale au contraire, chez les hommes, l'habitude, en cas semblable, de laisser croître barbe et cheveux. C'est que le premier texte s'applique à une ancienne tradition grecque le second vise l'époque gréco-romaine où l'on imite Rome et où le port de la barbe et des cheveux longs, contraire à la mode alors usuelle, distingue les affligés. Quant à la durée du deuil, elle varie selon les pays ". D'après un passage de Plutarque. à Sparte, elle est de onze jours, le sacrifice à Déméter, qui a lieu le douzième, ?,Gerv Tb nlv0oçf0), sans que le texte permette d'ailleurs d'affirmer nettement que la prescription frIt de rigueur pour tous les Spartiates. L'affirmation est pourtant plausible, vu le caractère limitatif des lois funéraires attri V. bilées à Lycurgue. A.Argos ', à Athènes f2, la période est de trente jours. Dans la dernière ville, le deuil lebal pre nait fin, d'après des recherches de Sctluernann 13, au trentième jour à dater des funérailles, non à dater de la mort. Une définition d'Ilarpocration semble pourtant infirmer cette conclusion. Il s'agit là du mot .p;xxét qui de sigo,' l'offrande présentée au mort le trentième jour apis le dorés et qui amène la clôture de la période de deuil, si l'on s «in réfère à tontes les analogies et au passage connu de Pollux''. D'ailleurs, la durée du deuil semble avoir aussi varié avec los catégories d'affligés, puisqu'à Iulis, où les hommes rie mettent pas de vêtements de deuil, la mère porte une année le deuil de son enfantt'. La loi de Gambréion, très précise en la matière, fixe la période obligatoire du deuil à trois mois pour les hommes, à quatre pour les femmes. Mais, lit même, le texte, si précis qu'il soit, soulève un doute : le port du deuil était-il lié à l'accomplissement des rites déterminés qui perpétuaient la mémoire du mort? Devait-il cesser à un moment rituel dans le cours de ces cérémonies? Le texte de la loi de Gambréion semble le dire'', d'accord, pour le fait, non pour le laps de temps, avec l'usage athénien qui, après les libations et les offrandes du troisième jour (Tâ Tp:Ta), du neuvième (T. 'conta), terminait le deuil à la cérémonie du trentième (xt xuaxabtç)11 D'autre part, la loi d'lulis interdit les sacrifices du trentième jour 10, sans qu'on puisse savoir, du reste, si elle autorisait les deux premiers, et l'on y voit le deuil continuer un an pour les femmes. Ainsi, à Tubs, la cessation du deuil semble ne pas dépendre de la date d'une cérémonie déterminée, tandis que le contraire s'observe r Sparte, à Argos, à Athènes, peut-être à Gambréion. Enfin, l'examen de la loi d'lulis suggère encore une autre question. Il y avait là, comme à Athènes 20, l'usage d'un sacrifice annuel sur la tombe du défunt (évrnûata) qui se répétait tous les ans, à 1 anniversaire du décès, tant que la mémoire du mort restait vivante dans la famille. « La loi décide que la souillure contractée par la cérémonie du bout de l'au disparaîtra d'elle-même par l'expiration d'un délai de troi', jours, après le retour des parents qui sont allés sacrifier sur le tombeau2', » Le costume de deuil, les vêtements de couleur sombre étaient-ils de règle pour ce laps de temps ? Les monuments figurés semblent répondre négativement, au moins en ce qui concerne Athènes aux v° et ive siècles. « Dans les scènes d'offrandes au tombeau, il arrive fréquemment de voir l'hirnatiott avec des couleurs claires, bleu ou rouge22. » C'est que, comme l'a fait remarquer M. Pottier dans le passage cité, les phases diverses et les rappels du culte des morts, une fois écoulée la courte durée du deuil athénien, n'impliquaient pas le port du deuil. En tous cas, les artistes ne se sont pas astreints à les représenter. Moins positives encore sont les données que fournissent les textes et les inscriptions sur les dispositions adoptées en Grèce pour ce qu'on pourrait LUC 1350 LUC appeler proprement le deuil public. Il y a des funérailles publiques, des lois qui les règlent ; et le passage célèbre de Thucydide sur les honneurs rendus aux restes des Athéniens morts pour la patrie suffirait, entre autres, à nous les faire connaître. Mais la cérémonie ne semble pas avoir été accompagnée, chez d'autres citoyens que ceux des familles affligées, d'observances ou d'un port de costume particuliers au deuil. La loi même ou la coutume que vise l'historien, et dont les derniers mots du discours prêté à Périclès reproduisent peut-être une formule semble recommander simplement à l'assemblée de se retirer, après l'accomplissement de ces obsèques nationales. Elle ne parait spécifier rien de plus. D'autre part, ni l'éloge funèbre, d'usage plus ancien en Grèce qu'à Rome, mais plus rare aussi et réservé à des groupes d'hommes, non concédé à des particuliers 0, ni les offrandes à la stèle, ni même le culte des morts héroïsés ne sont, à proprement parler, une forme de deuil public. Autant peut-on en dire des inscriptions collectives gravées sur les monuments funéraires, avec ou sans épitaphe, en l'honneur des soldats tués à l'ennemi, telles que celle du marbre de Nointel aujourd'hui au Louvre 4. C'est un hommage rendu par la cité à ses enfants, un souvenir qui consacre un deuil public, ne nous en décrit pas les dispositions. Et même quand la cité s'associe, par des décrets de condoléance, à des douleurs privées, comme on le voit, en particulier, sur des inscriptions d'Aphrodisias et Amorgos il y a là encore plutôt la consécration d'un souvenir honorable qu'un règlement de deuil publie. R0ME. Les pratiques et les effets légaux du deuil romain ayant été traités en détail plus haut, au mot FUNUS, on devra se borner ici à résumer ou à compléter sur certains points, très particuliers, les indications déjà données. Les monuments figurés des Étrusques nous renseignent à peu près exclusivement sur leurs rites funéraires et le culte des morts [ETRUSCI, FUNUS]. Il est permis de croire que les traditions suivies par eux en matière de deuil ont passé, avec des modifications plus ou moins profondes, dans la coutume romaine. Sur deux monuments, par exemple, des figures de femmes voilées', ou enveloppées d'une pièce d'étoffe de couleur sombre, ramenée sur la tête et analogue au ricinium romain ou à la pulla palla 7, peuvent être considérées comme portant un costume de deuil [FUNUS, fig. 3356]. La parenté et la proximité des civilisations grecque, étrusque et romaine, semblent aussi expliquer les analogies qui se remarquent chez les trois peuples, dans la succession des actes principaux des funérailles et des manifestations de deuil qui les accompagnent. Comme en Grèce, des lois restrictives des manifestations violentes et des dépenses ou des exhibitions exagérées du deuil pendant la toilette du mort, l'exposition du corps et le cortège funéraire, sont portées à Rome aux époques anciennes, notamment dans le code décemviral, et les usages interdits reparaissent plus tard, se perpétuant, ainsi que l'emploi des sonneurs de trompette (tibicines), des pleureuses (prae/cae) et des chants funèbres, des naeniae, analogues aux lp-tt.,voc et probablement aussi peu instructifs pour nous, si ces poèmes funéraires nous eussent été conservés [FcNUS]. Il est à peu près aussi malaisé pour home que pour la Grèce, soit aux époques primitives, soit pendant les périodes gréco-romaine et impériale. d'établir avec précision les degrés de parenté auxquels s'arrêtait l'obligation du deuil proprement dit, celui qui se prolongeait après les cérémonies funèbres, mise au tombeau et sacrifice du noverndial offert aux mànes du mort, le neuvième jour à partir des obsèques 3. Un passage de Cicéron nous montre nettement que le deuil cessait pour les simples assistants, amis et parents éloignés, après le sacrifice, au moment du repas funèbre 0. L'orateur reproche à Vati nius de s'être présenté en habit de deuil à un repas funèbre. Qui donc le gardait après? Les monuments nous renseignent mal sur ce point. Le bas-relief du musée de Vérone, qui marque par une inscription personnelle le degré de parenté des affligés groupés autour de l'agonie d'une jeune fille'', n'indique cette qualité que pour trois d'entre eux : le père, la mère et l'oncle paternel; il ne représente, d'ailleurs, que la scène des adieux suprêmes, antérieure à toute la série des rites funéraires. Des textes, relatifs, la plupart, à la durée du deuil (nous indiquons plus bas les références), permettent certaines précisions, marquent l'obligation du deuil pour la mort d'un ascendant ou descendant direct, d'un époux ou d'une épouse, d'un frère ou d'une soeur, d'un neveu ou nièce par agnation. Cette obligation fut, sans doute, la règle générale pour les cognats du degré le plus rapproché, vers la fin de la République et sous l'Empire, lorsque la parenté par cognatio prit de plus en plus d'importance" La tenue de deuil pendant les funérailles a été décrite plus haut à l'article FUNUS (p. 139, 199). Après l'ensemble de ces cérémonies, elle implique, au moins gour le sexe masculin, l'abstention de vêtements blancs ; et la coutume s'est conservée longtemps, puisqu'elle fait l'objet d'une prescription des jurisconsultes impériaux 1z Dès le 1" siècle de l'époque impériale, cette interdiction parait ne s'être pas appliquée aux femmes, que l'on voit parfois même mener le deuil en vêtements blancs". En général, durant le deuil proprement dit, on devait ne point user dans le costume de couleurs éclatantes, comme la pourpre, ou bariolées; s'abstenir d'ornements voyants, de toilettes recherchées. La même réserve s'imposait pour l'assistance aux festins et aux fêtes. C'était devoir de bienséance plutôt qu'obligation légale, bien que, dans certains cas, le contrevenant encourût la note d'in famie 14. Un caractère permanent, commun, semble-t-il, à toutes les époques de l'histoire de leurs moeurs, marque, chez les Romains, le port de la barbe longue (barbam promittere) comme signe de deuil. Cet usage consacre non seulement le souvenir des malheurs privés, niais aussi celui des calamités publiques [BARBA]. Marquardt a réuni les principaux textes et signalé les principaux monuments qui prouvent la perpétuité de cette cou LUC 1351 LUC turne Elle s'est prolongée jusqu'à nos jours, dans les Cévennes notamment, et, en particulier, parmi les paysans protestants. On laissaitaussi pousser ses cheveux dans ces circonstances 2. Pour les femmes, dans les deuils privés et les calamités publiques, la coutume de détacher leurs cheveux et de les laisser tomber a été signalée déjà [COMA], ou, plus rarement, et à l'époque gréco-romaine, de couvrir la chevelure de cendre et de poussière, ou même de la couper et de l'arracher avec les mains. Mais ces manifestations s'appliquent au moment des cérémonies funèbres ou des supplications dans les temples. On ne voit pas que le deuil proprement dit ait donné lieu à des usages semblables. C'est par le costume et l'observance d'une retraite relative qu'il se marque. Sa durée, fixée par la tradition, est assez longue. Indiquée déjà, avec les variétés qu'elle présente, pour des cas divers [euxus, p. 1401], elle doit pourtant être rappelée ici, ainsi que les références qui l'établissent et qui s'appliquent aussi à la distinction des degrés de parenté comportant la pratique du deuil : pour un ascendant un descendant adulte ou l'un des époux4, une année de dix mois; pour les autres cognats du degré le plus proche, huit mois' ; pour un enfant de trois à dix ans, autant de mois qu'il avait vécu d'années ; la perte d'un enfant de un à trois ans donnait lieu à un petit deuil (sublugere). On ne portait pas le deuil des enfants audessous d'un an Dans certains cas, de nécessité publique, la durée ordinaire du deuil pouvait être abrégée. C'est ce que décréta le sénat après la bataille de Cannes'. Quelquefois, au contraire, le deuil était prolongé au delà du terme fixé par l'usage (prolugere) a. Pour les effets juridiques du deuil romain, voir EuNUS, p. 1401-1402; pour les dispositions du deuil public à Rome, voir ibid. p. 1406-1407. P. GACHON. L. Licinius Lucullus, le vainqueur de Mithridate. Après avoir chassé Mithridate de toute la partie occidentale de l'Asie Mineure, Lucullus s'efforça de réprimer les exactions commises par les publicains dans ces régions. II promulgua de sages règlements sur la perception des impôts et sur le paiement des dettes. Il rétablit ainsi la prospérité dans ce pays naturellement riche, mais alors ruiné. En reconnaissance de cette oeuvre, de nombreuses cités d'Asie instituèrent des jeux en son honneur. Plutarque mentionne la fondation des Lucullia en générai'; Appien signale en particulier les Lucullia de Cyzique, destinées à rappeler que Lucullus avait obligé Mithridate à lever le siège de cette ville 2. Les Lucullia de Cyzique se célébraient encore au temps de Plutarque. J. TOUTAIN.