LUPUS. I. Mors de cheval [FRENUM, p. 1339].
II. Sorte de scie [SERRA].
III. Machine dont se servaient les assiégés pour la défense d'une place. C'était une griffe ou un croc, au moyen duquel on pouvait saisir et détourner la poutre du bélier ou les échelles dressées contre les murs par les assiégeants'. Végèce parle d'instruments analogues en forme de ciseaux ou de tenailles dentelées'. Procope 3 donne le même nom à des constructions hérissées de pointes élevées pour la défense en avant des portes.
I
LUS 4403 LUS
IV. Louves, tenailles servant à soulever des pierres
Y. Griffe ou croc au moyen duquel on peut retirer les objets tombés dans un puits ; on l'appelait aussi canicula'. E. S.
L USOR1LA T A-BULN. (à(iai, à éx,ov, aa(vOtov, Tâ(i? a, cr,al7s 4a)(0) 1, table à jeu (voir aussi ABACUS2 et ALVEUS3).
Les Grecs et les Romains ont connu plusieurs sortes de jeux qui se jouaient sur des tables, soit avec des pions, soit avec des dés; tels étaient ceux qu'on appelait DIA
P1ITTEIA. On fabriquait des tables à deux faces, dont l'une pouvait servir par exemple pour les DUODECIM SCRIPTA et l'autre pour les LATRUNCULI. de telle sorte qu'on n'avait qu'à les retourner quand on voulait changer de jeu`. Certaines tables étaient faites de matériaux précieux ; le jour où Pompée célébra son troisième triomphe, il fit porter solennellement à travers les rues de Rome une table à jeu comprise dans le butin qu'il avait conquis en Orient ; elle mesurait trois pieds de large sur quatre de long (0°',90 X 1°',20) et se composait de deux gemmes assemblées ; on y voyait une lune d'or du poids de trente livres' ». Au nombre des objets de prix dont s'entoure le fastueux Trimalcion, Pétrone place une table à jeu en bois de térébinthe 6.
On trouvera à l'article LATRUNCULI des reproductions de monuments antiques, où l'on voit des tablettes analogues à nos damiers, chargées de pions (fig. 4366, i367, 4368). Un spécimen de table à jeu très remarquable et d'une conservation presque parfaite a été retrotr i récemment dans file de Chypre (fig. 4672)
Cette table est gravée à la surface d'une boite en ivoire elle est divisée en vingt cases rectangulaires, dont cinq sont remplies par des rosaces régulièrement espacées un tiroir intérieur servait à enfermer les pions, Les parois latérales sont ornées de figures sculptées en relief, d'un style archaïque; l'objet appartient à la période de l'art mycénien. A part l'élégance du décor, il offre une ressemblance complète avec des tables à jeu découvertes dans les tombeaux de l'Égypte ; c'est le même nombre de cases et la même disposition 8. Il est probable que les rosaces indiquent des stations plus importantes le ,joueur qui pouvait y placer un pion remportait un succès partiel, préparant le succès final. Mais le jeu
était-il celui de la Ville [LATRUNCULI], comme on l'a prétendu 9 ? C'est une question sur laquelle Ies textes ne peuvent nous éclairer suffisamment.
Nous devons aussi dire quelques mots de certaines figures gravées sur la pierre, qui ont servi à des jeux dont le nom est inconnu, ou au moins problématique.
1° Les fouilles d'Épidaure ont ramené à la lumière il y a quelques années des blocs de pierre, qui imitent manifestement des tables à jeu, en bois, de mêmes dimensions, portées sur quatre pieds ; celle de la figure 4673 mesure 1m,15 sur e,60 ; l'autre, dont la figure 4674 ne reproduit que la surface, est un peu plus longue. Ces monuments, et d'autres du même genre, ont été consacrés à Esculape, au Iv° siècle av. J.-C., par les hiéromnémons du temple, pour servir à l'amusement des malades, qui venaient y chercher la guérison de leurs maux. Sur une de
ces tables, qui est complète (fig. 4674), on voit une série de lignes parallèles, dont quelques-unes sont groupées ensemble par des lignes transversales. Suivant M. Blinkenberg, ce serait 1à le tablier du jeu
de pions appelé tevTl' Paµta.x [LATRUNCULI, PENTEGRAMMA] ;
mais le nombre des lignes, aussi bien que leur dispo
sition, ne parait pas se prêter à cette conjecture. Sur la table de la figure 4673 sont gravés entre les lignes des chiffres indiquant en drachmes et oboles les sommes à payer par les joueurs t0.
2e Nous connaissons une catégorie de tables de l'époque romaine, qui se rapportent àun jeu certainement très répandu. Elles sont toutes d'un type uniforme ; chacune porte à sa surface des mots rangés sur trois lignes et séparés en deux colonnes, formant dans leur ensemble un total de trente-six lettres. L'intervalle entre les deux colonnes est rempli par des signes variés. Que chaque lettre marque une case, c'est ce que prouve par exemple la figure 4675, où les lettres de la première et de la troisième ligne1l sont remplacées par un nombre égal de petits cercles. La plupart du temps chaque groupe de six lettres forme un mot : les trois lignes forment une ou plusieurs phrases, qui ont souvent un rapport avec le jeu lui-même ; c'est, par exemple, une apostrophe
000000 V LATINA O
000000 n
000000 G AVDES
000000
00 0J 00
niT, X
X X XX
X
plaisante au joueur maladroit : « Ote-toi de là, donne ta place ; tu ne sais pas jouer, imbécile ; va-t'en » Ou bien c'est un défi adressé par un des joueurs à son adversaire, un compliment au vainqueur, une pensée morale ou un
conseil sur le jeu. Quelques exemplaires font allusion à des victoires romaines
Un certain nombre
Fig. 4675. sont rédigés en vers
tout comme ceux qui
nous ont été conservés dans l'Anthologie latine sous le nom des Duodecim sapientes, poètes du 1v° ou du ve siècle de notre ère 3. En réunissant tous les exemplaires connus jusqu'à ce jour, tant par les manuscrits que par les inscriptions, on arrive à un total de soixante et dix-neuf. La grande majorité provient de Rome; quelques-uns cependant, trouvés à Trèves et en Afrique, attestent que la popularité de ce jeu s'est étendue fort loin. Aucun exemplaire ne paraît antérieur à l'an 150 ap. J.-C.; il est peu probable qu'aucun soit postérieur à l'an 400'.
Parmi nos tabulae il y en a deux qui nous fournissent un renseignement précieux ; la première fait dire à un des joueurs : « Si le dé te favorise, moi je te battrai en m'appliquant. Si tibi tessella Tacet, ego te studio vincam ». On lit sur la seconde : « De mauvais points obligent le joueur habile à bien jouer. Invida puncta jubent felice ludere doctum'~ ». Il en résulte : 1° que ce jeu était un jeu de dés ; 20 que le joueur pouvait corriger par la manoeuvre de ses pions les effets d'un coup de dés malheureux. Il faut donc écarter l'hypothèse que nous avons affaire là à un simple jeu de darnes ou de marelle °. Ce qui s'en rapproche le plus, c'est assurément notre trictrac. Pourtant on ne saurait l'identifier avec les DHODECIM 5CRIPTA (voir aussi ALFA et TESSERA). Peut-être faut-il y
voir une forme du trictrac brièvement décrite par Isidore; on y jouait avec trois dés sur une table, où étaient tracées trois lignes (ternae lineae) et six compartiments (senarii loci)', ce qui correspond bien au plan de nos tabulae. On doit supposer que l'un des deux joueurs avait à sa disposition les lignes de droite, l'autre celles de gauche, et qu'après avoir jeté les dés, chacun d'eux faisait avancer le pion de lettre en lettre jusqu'à ce qu'il arrivât au bout. Le gagnant était celui qui avait fini le premier, et le mérite consistait à finir promptement, comme le prouve l'inscription : « Veloci lusori dicite laudes8 ».
Une des tabulae que l'on a découvertes à Rome était gravée, avec quelques autres, sur le pavé de la basilique Julia, au forum, où elle avait autrefois amusé les oisifs s. Cicéron s'indignait fort qu'on osât venir jouer aux
dés en plein forum, dans ce lieu auguste où se rendait la ,justice10. Mais ce devait être un scandale assez commun. Une autre table a été relevée sur le pavé du forum de Timgad, en Afrique (fig. 4676) ; elle occupe le bord du
trottoir, de telle sorte que les joueurs pouvaient jouer assis comme sur un banc ]'.
3° Nous devons ensuite grouper ensemble, faute de renseignements plus précis, un certain nombre de tables assez différentes les unes des autres par le dessin, mais qui supposent soit
l'usage des pions, soit celui des dés, soit les deux réunis. Telle est celle que représente la figure 4677 t2 ; on y voit des cases parallèles séparées par des lignes horizontales, et dans chacune d'elles des
chiffres, dix, vingt, X X X X X X X soixante-dix, trois
mille, puis une palme, à côté d'unmonogramme où les
lettres P et F paraissent être réunies et qui, d'après l'interprétation du P. Bruzza, signifierait p(alma) f(eliciter) et marquerait le but à atteindre par les joueurs Ce qui est particulièrement digne de remarque, c'est que les mosaïques maçonnées sur le sol ont quelquefois servi pour des jeux du même genre ; ainsi celle de la figure 4678, trouvée à Tebessa, en Afrique. Au centre navigue un bateau chargé de rameurs ; on lit au-dessus l'inscription
LUS
fortuna redux, qui indique évidemment un coup heureux ; plus bas, sur le rivage, sont représentés deux hommes debout et
divers animaux. La mosaïque , lors qu'elle était complète, était entourée d'une bordure divisée en douze compartiments , dont chacun contenait un animal; des chiffres, qui ne sont nullement des numéros d'ordre, sont inscrits à côté de chaque figure ; on y trouve en trois endroits l'inscription inexpliquée curi.s et curis XI. Il est bien probable que ce jeu avait des rapports avec notre jeu de l'oie, et, comme la mosaïque provient d'un établissementdebains, on suppose qu'elle y avait été placée pour distraire les clients du lieue.
4° Enfin mentionnons les tables dont
la surface présente dans un ordre régulier une série de petites cavités circulaires; il est clair qu'elles ont été faites pour un jeu semblable à notre jeu de billes ; si l'on en juge par le fragment reproduit dans la figure 4679, il fallait probablement avancer de trou en trou jusqu'au but indiqué par le monogramme, ou peut-être atteindre ce but sans tomber dans les trous intermédiaires 3. Nous ne savons pas si les anciens ont connu les billes ; du moins ils n'avaient pas de terme qui corresponde exactement au nôtre4; ils jouaient à la bloquette (ipôa) avec des glands, des noix ou des
Pourtant il y ade fortes présomptions que des tables comme
V.
LUS
celle-ci nécessitaient l'usage des billes. G. L,\FAYE. LUSTRATIO. liàïxoctç. Purification sacramentelle et symbolique,effectuée par des moyens matériels opérant à lafacon des charmes magiques, laquelle a pour effet d'effacer les souillures morales (c'est-à-dire immatérielles) chez l'homme, ou celles qui leur sont assimilées chez les êtres inconscients.
Il est. à peu près impossible de définir, c'est-à-dire de ramener à une idée plus simple, le concept de souillure ou impureté qui engendre celui de purification. On lui applique métaphoriquement tout ce qui peut être dit de la souillure ou malpropreté matérielle. La souillure qu'efface la lustration a, comme caractère négatif, celui d'être, une fois
acquise, à peu près indépendante de la volonté, qui peut contribuer à la créer, mais non pas à la détruire ; comme caractère positif, d'être un maléfice dont l'explication est à chercher dans la démonologie animiste, maléfice attaché à la personne, mais en même temps contagieux à la facon des maladies 1.
La lustration ou purification à la fois matérielle et mystique, celle-ci symbolisée par celle-là, est la raison d'être d'une foule de pratiques rituelles, dispersées dans les cultes grecs et romains, compliquées par le conflit de deux points de vue opposés, que l'on a l'habitude de confondre dans l'idée abstraite d'expiation. Le sujet appartient à l'histoire universelle des religions, car il n'est pas de religion qui n'ait eu ses lustrations rituelles. Même restreint à l'antiquité classique, il parait susceptible d'une extension indéfinie, et, pour le limiter, il ne faut pas trop compter stir le vocabulaire. Les Grecs expriment l'idée de purification, plus ou moins mêlée à celle
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LUS 140E LUS
d'expiation', par une foule de termes dont la synonvmie n'est qu'approximative, mais suffit à opérer des confusions perpétuelles 2. En grec, purifier se dit, au sens le plus large, au propre et au figuré, xaOatcEty
p.dç, moyen de purification considéré comme actif ; xsOapp.a, le même, soit dans le même sens, soit le plus souvent considéré comme ayant agi et chargé des souillures qu'il a enlevées ; par conséquent, chose impure. Les moyens de purification sont encore désignés par des dérivés de la même racine, qui prennent indifféremment
Il en va de même avec les dérivés de àyvEGw (àyv(u), où l'idée mise en relief est celle de pureté morale, àyvtap.dç,
ard))O, et les dérivés de (Àouw) ?éw, qui représentent soit l'idée de tache à laver (Àég'q, ),cg , ),éAgov ; cf. lues(', soit l'idée juridique de délivrance par le rachat ou ré
termes contiennent à l'état latent ou suggèrent des idées complexes qui prédominent tour à tour suivant l'emploi qu'on en fait : la purification symbolique, atteignant lame par le corps, qui fait disparaître la souillure quasi maté
punoç) de l'être impur (µtapdç) ou pécheur et maudit
qui s'ajoutent ou se substituent à la purification sacramentelle, prières, pénitences. value, offrandes et compensations de toute sorte (p.Etat)(rpa, p,EtÀtyta) ; enfin, comme résultat final, l'apaisement, la propitiation ou réconciliation (8)«rrnç, '1a2np.a) avec les dieux dont on a ainsi détourné la colère ou la malveillance («17oTpo72la6p.dç, àaoæott(aep.a., âaoacogtri'), avec l'aide de dieux indulgents par nature ou rendus tels par des supplications appro
rtenCUS,dea Februa).
La terminologie latine, moins abondante que la grecque, n'est pas plus précise. L'être impur est impius, nais la souillure attachée à sa personne (pareil/tint) est considérée comme de nature morale; c'est un péché (pic/eu/uni tomntissum) volontaire ou involontaire, qui doit
être effacé par une offrande ou sacrifice expiatoire (pinputain). Dans les trois acceptions de ce mot, le sens primitif de purification symbolique, sans être absent, est relégué au second plan, et il n'apparaî( pas plus nettement dans les termes plus modernes de piatio, expiatio, qui suggèrent toujours l'idée d'une expiation proprement dite, d'une pénalité que subit ou s'inflige l'impies. L'idée de purification agissant par le dehors, pour ainsi dire mécaniquement, et pouvant ou même devant être administrée par une personne étrangère, cette idée, dis-,je, s'est réfugiée dans le mot lustrare et ses dérivés, lustratio, lustrum, lustramen, lustramentum 5, avec les adjectifs lustratis, lus! ricus, lustri ficus, Ces mots, synonymes usuels des termes archaïques februare, februatio, februa (= purgare, purgatio, purgamentum, purgamen), ont conservé le sens originel de leur racine lu-o O.ouwl, le sens de laver, nettoyer, purifiera. Mais lustrare et lustratio en ont pris un autre, dérivé du premier et qui s'est combiné avec lui. Comme la purification sacramentelle, administrée parle dehors, est appliquée et promenée autour de la personne ou de l'objet à purifier 5, l'idée de mouvement, de parcours, se joint à celle de purification, et l'ensemble offre à l'esprit l'image d'une procession ou « pompe rituelle, qui sème en marchant les aspersions, fumigations et bénédictions purificatoires. C'est là le type complet de la lustratio, tel que nous le retrouverons dans quantité de rites anciens, on pourrait ajouter : et modernes.
En somme, l'exégèse philologique ne permet pas d'asseoir sur tant de termes interchangeables une distinction nette entre la purification ou lustration proprement dite et l'expiation religieuse. C'est que ces deux manières d'échapper aux conséquences d'actes posés ont même but, qu'elles ont été employées concurremment ou associées, et que les circonstances ne permettaient pas toujours de définir à laquelle des deux appartenaient les mesures prises. C'est aussi que nous n'avons pas affaire à des rituels sacerdotaux, mais au langage courant. Les Romains eux-mèmes, chez qui les pontifes s'attachaient à préciser le sens des termes techniques, les Romains confondent souvent la lustratio et le piaculum, ou tout au moins ils conçoivent l'expiation par offrandes,
LUS H07 LUS
compensations et supplications, comme produisant la lustration ou purification. Par exemple, ils « expient n un prodige, considéré comme indice de fautes ignorées, par des sacrifices et cérémonies diverses en qui se combinent, à l'état indistinct, la purification et l'expiation'.
Si l'on veut échapper à cette confusion, qui tend à englober dans le sujet le culte tout entier, car il n'est pas de cérémonie religieuse qui ne requière des officiants ou assistants un certain degré de pureté et qui n'ait pour effet de les rendre plus agréables aux dieux, plus
pieux » et plus purs il faut établir sur les faits une théorie assez indépendante des mots pour dominer les variations de la terminologie. L'idée qui a engendré les pratiques lustrales, obscurcie dans le monde grécoromain par l'intrusion de la morale, apparaît très nette dans les religions orientales et dans les « mystères » qui en sont issus, mystères païens et mystères ou sacrements ((zuat) pta, sacramental chrétiens. Il se trouve qu'aujourd'hui, avec nos habitudes de langage, la lustration appliquée aux personnes ne peut être clairement définie et distinguée de l'expiation que par assimilation aux rites sacramentels. Le caractère spécifique de ces rites, c'est d'employer comme remedia animae des symboles matériels ou signes sensibles, auxquels est incorporée une efficacité secrète, « mystique », distincte de leurs propriétés naturelles et apparentes 3. La lustration à la mode antique est une opération non pas faite, mais subie par la personne individu ou collectivité qui en réclame le bénéfice et qui est traitée comme un malade. L'être impur ne peut pas s'administrer à. lui-même la purification sacramentelle` : il souille tout ce qu'il touche; à plus forte raison ne saurait-il donner aux éléments matériels dont il voudrait se servir la vertu mystique qu'ils n'ont pas par eux-mêmes. La lustration doit être appliquée du dehors, par une main experte et autorisée : par le prêtre dans les religions qui ont réservé ce privilège au sacerdoce ; en Grèce et à Rome, par
piatrices) ou initiateurs (Te)fnrT«i) plus ou moins qualifiés pour cet office, s'il s'agit de lustrations individuelles ; par le père de famille, s'il s'agit de lustrations domestiques ; par les prêtres officiels ou les magistrats, s'il s'agit de lustrations intéressant la cité; et elle produit son effet avec une sorte d'infaillibilité mécanique, si les rites sont bien observés'. L'expiation, au contraire, part de l'idée de responsabilité morale ou culpabilité : elle
consiste en un acte ou une série d'actes voulus, dont l'intéressé prend l'initiative et dont la valeur, toujours aléatoire et incertaine, dépend à la fois de l'intention de celui qui expie et de l'appréciation faite de ses actes par les dieux.
En conséquence, nous renverrons à l'article PIACL'LOM non seulement l'énumération des péchés à expier, et notamment l'ample casuistique des pontifes romains sur le sujet, mais encore les expiations ou parties d'expiations qui consistent en actes accomplis par la personne intéressée, sacrifices et offrandes, voeux, prières et pénitences diverses'. Seront, au contraire, considérées comme lustrations toutes les cérémonies, expiatoires c'est-à-dire appartenant aussi à la catégorie des piacula ou simplement propitiatoires, dans lesquelles l'officiant vise à purifier, par contact effectif ou légalement présumé de symboles matériels, d'autres personnes ou objets que lui-même. Il suit de là que toute purification appliquée à des animaux ou des objets inanimés est nécessairement une lustration, et qu'il y a lustration des personnes, avec ou sans expiation proprement dite, quand la purification est passivement subie'.
Ces définitions, maintenues dans toute leur rigueur, excluraient de notre sujet certaines pratiques généralement désignées comme lustrales, en particulier, l'usage de l'eau lustrale et d'ablutions quelconques employées par les intéressés dans un but de purification, sans assistance d'une autre personne. Mais il faut considérer que ces pratiques ne sont que des imitations des lustrations sacramentelles, qu'elles constituent des expériences sans garantie et n'ont chance d'être efficaces que si l'on y emploie des substances déjà pourvues de propriétés mystiques s. Il n'y a pas une de ces lustrations qui ne pût être faite et mieux faite sur l'intéressé par une personne compétente, et on peut croire que le droit de se passer d'un secours étranger a été une usurpation due à l'ahsence ou l'insuffisance du sacerdoce. Il sera fait une place à ces copies, à côté des modèles.
1. Instruments de purification. Les symboles rnatériels qui opèrent la lustration ont été choisis les uns par association d'idées naturelle et de sens commun, les autres au nom de propriétés occultes créées par les raisonnements obscurs de la foi.
Au premier rang figurent l'eau et le feu, l'élément qui lave les souillures et celui qui les détruit. L'action naturelle de l'eau se convertissait en une action mystique, qui pouvait être accrue' soit par la vertu spéciale à cer
LUS 1408 LUS
faines sources sacrées', soit par addition naturelle ou artificielle de sel'. soit par une combinaison de l'eau et du feu, réalisée en plongeant dans l'eau des torches (7d=s, l o(, ôxaia,, taedae) allumées à l'autel. C'est en usant
de ces divers moyens à la fois qu'on obtenait l'eau dite lustrale par excellence (xxOxparov aqua lustralis)', destinée surtout à l'ablution des mise à la portée des fidèles dans des bassins ou bé
BRI-x) à l'entrée des lieux consacrés au culte (fig. 4680) ', ou des lieux de réunion, comme l'agora (ci-après) et peut-être les .palestres (fi g. 4681)'. On l'employait aussi en aspersions au moyen d'un rameau d'arbre (tupia8.r1ptov, 9x),adç : voir ci-après,
fig. 4685) doué d'une vertu analogue, laurier ou olivier'. C'est de cette façon qu'elle coopérait aux lustrations qui purifiaient l'autel, les victimes et les assistants. On sait qu'à Route l'aspersoir faisait partie des insignes des pontifes (PoeTielcus). CO n'est plus un simple rameau, mais un instrument spécial, un goupillon, fréquemment représenté sur les monnaies et qu'on peut. reconnaître, parmi d'autres objets servant au culte, dans plusieurs bas-reliefs (fig. 468'2) ',
et, cette fois, à usage chrétien, dans une peinture des Catacombes (fig. 4683) 8.11leur appartient surtout comme symbole des purifications accomplies sous leur surveillance par les Vestales (VI'sTALES_. Les Vestales n'étaient pas seulement chargées de purifier le temple de Vesta
et ses appartenances et de procéder en personne, le cas échéant, à d'autres lustrations solennelles' ; c'est à leurs mains pures qu'était confiée la préparation des ingrédients dont l'usage était obligatoire dans un grand nombre de lustrations rituelles. Telle était 1.a mola salsa (ou mata rasta salsa, f'aé' pium), gâteau de farine salée, dont les miettes, égrenées sur la tête des victimes se immolées » au nom de l'État,
leur conféraient la pureté légale 10, La confection de ce charme magique avait lieu seulement trois fois l'an (15 février, 9 juin, 13 septembre), mais les préparatifs en étaient longs et minutieux. Le sel brut devait être broyé dans 1.ln mortier, puis cuit au four dans un vase d'argile dont le couvercle était luté au plâtre. La
masse fondue était alors découpée avec une scie de fer et conservée, dans une grande jarre, au. garde-manger (penus) de Vesta. L'eau devait être puisée à une source, et non amenée par des tuyaux. La farine provenait d'épis cueillis par les Vestales du 7 au 14 mai, dont le grain était torréfié, broyé au pilon et passé à la meule, toujours par les Vestales en personne"
L'eau ne déterge que les surfaces : l'action pénétrante et irrésistible du feu faisait de lui le purificateur par excellence 72. Ce dieu d'Héraclite et des Stoïciens avait
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dépouillé Héraklès de son enveloppe mortelle pour en dégager l'être divin, et c'est du bûcher que s'envolaient vers les cieux les mortels divinisés [AroTHEOSIs] ou le fabuleux phénix. Il purifiait moins ù fond les vivants. La légende de Dérnophon passé au feu par Déméter a suggéré des imitations littéraires', niais point d'applications pratiques. On employait le feu sous forme de fumigations dont l'effet dépendait de la vertu spécifique des substances mises en oeuvre (suffit/tenta). La plus active était le soufre (Ot(ov,sulfur), qui figure dans une foule de lustrations privées ou publiques", et notamment dans la liste des suffimeula distribués au peuple romain à l'occasion des Jeux séculaires (ci-après). Puis venaient la poix, le bitume, l'encens (fig. 68/i) 4, et, en général, toutes les substances odoriférantes soit jetées sur le foyer de l'autel, soit incorporées à des torches (ôx(1,Eç, taedae, faces) dont les vapeurs ou exhalaisons (O I ((.esta), promenées avec lesdites torches, chassaient les mauvais esprits 3. L'action du feu, qui, on l'a vu par la coction du sel de la motu salsa, purifie même les substances purifiantes 6, se mêle de bien des façons aux rites de lustration. Son rôle dans le sacrifice est assez connu. C'est encore le feu qui crée ou exalte la valeur lustrale des cendres de certains végétaux, de certaines victimes ou parties de victimes. A Rome, la cendre des veaux brûlés aux l+ordicidia, mélangée par les Vestales au sang de l'October equus (ci-après), constituait, avec une flambée. de paille de fèves, les februa calta utilisés aux Parilia, concurremment avec les fumigations de soufre, d'olivier
mâle, de laurier et d' « herbes sabines Une vertu purifiante, indépendante de la combustion
ou de l'aspersion, était attachée à certaines espèces végétales, pour des raisons dont quelques-unes relèvent probablement de la pharmacopée'. Le laurier, grâce à la religion apollinienne, qui aspirait au monopole de la purification aussi bien que de la révélation, était hors de pair. Comme Apollon tuait les êtres malfaisants, le laurier
éloignait les influences pernicieuses ; il passait méme pour préserver de la foudre, qui n'osait.. le toucher. C'est probablement. la raison pou' laquelle d'aucuns croyaient qu'il n'était pas permis de le brûler, et qull protestait. par ses crépitements contre un pareil outrage °. 11 purifiait par lui-même, à l'état de rameaux, Apollon ne voulait pas d'autres balais pour son temple de Delphes 10, et des casuistes ingénieux avaient imaginé que le laurier triomphal purifiait les vainqueurs du sang versé 11. Des branches de laurier fichées en terre dans un champ
de blé le préservaient de la « rouille l'. On se servait de rameaux comme de goupillons (fig. 'i686) la. L"olivier remplaçait le laurier dans le culte des divinités chthoniennes et les rites funèbres. C'est une branche d'olivier entourée de bandelettes (tiatv(al, vittac) qui constituait l'EipE17t(O't-r1, attachée aux portes des maisons à
Athènes en guise de phylactère [EIRES1oNÉ, PYANEPSIA, TDAROELIA. La figue, sinon le figuier, jouait un rôle
analogue'`. Parmi les espèces qui ont pu être choisies en raison de leurs propriétés médicinales figurent l'hellébore et surtout la scillela. On les employait soit en nature, soit en décoction (â7d6pt ex
Il est impossible et inutile de faire un dénombrement complet de toutes les préparations de la pharmacopée
LUS 1410 LUS
lustrale, livrée à l'imagination féconde des fabricants de
phylactères (cf. AMCLETUM, EASCINGM et de recettes pro
pitiatoires ou dépulsoires de toute sorte'. Un procédé qu'on dit avoir été employé dans les initiations mystiques consistait à représenter la souillure avec de la boue et du son, et à l'essuyer pour opérer la purification 2. Les amateurs de classifications, une fois la part faite à l'eau et au feu, considéraient les ingrédients minéraux et végétaux comme la part contributive de la terre. Pour mettre en réquisition la nature entière, ils s'obligeaient à trouver l'emploi du quatrième élément, l'air. Celui-ci eut pour lot les purifications symbolisées par le van bachique (ci-après, fig. 4690) et par les figurines [AIORA, OSCILLA, PILAE] qui se balançaient aux souffles de l'atmosphère'.
Mais ces poupées, comme celles que nous retrouverons dans la cérémonie des ARGET, n'étaient que des substituts des victimes humaines, plus communément représentées chez les peuples civilisés par des victimes animales
Le sacrifice sanglant, devenu par consentement universel le centre et point d'appui de tous les cultes a, est Pins
trument par excellence de la lustration Véhicule de la vie, ou plutôt considéré comme étant la vie elle-même, le sang était censé céder sa force vitale à l'être avec lequel il entrait en contact et se charger, par transfert occulte, des germes de mort et maléfices que recélait celui-ci. Mais le sacrifice était aussi, par application plus intelligible, sinon plus morale, du même principe de substitution, le moyen le plus efficace d'expier les fautes commises. Dans toutes les religions, le sacrifice sanglant est un rachat en une monnaie dont la valeur est graduée suivant le nombre, l'espèce, le sexe et l'âge des victimes. Le coupable, au lieu de payer avec sa vie, éteint sa dette en offrant celle de ses semblables ou d'animaux reconnus propres à ce rôle de substituts (hostiae animales). C'est de là, de ce double emploi du sacrifice, lustral et expiatoire, qu'est née la confusion d'idées dont on ne peut plus sortir sans rompre avec des habitudes invétérées. Cette confusion, que Varron essayait de supprimer en ramenant la lustration à n'être plus qu'un paiement', s'est perpétuée et vulgarisée au point de résister désor
mais à l'analyse, par le fait de la doctrine chrétienne de la Rédemption, celle-ci étant présentée à la fois, en thèse générale, comme un rachat (redemptio), et, dans l'application sacramentelle, comme une purification, une rémission des fautes « lavées » dans le sang du Rédempteur 8.
Il nous faut retourner, pour comprendre les rites de la lustration, au point de vue des primitifs. D'après les rites connus, on peut distinguer deux façons de concevoir et de pratiquer la lustration parle sacrifice. Dans tous les cas, la victime sacrifiée devient un xci9apµa, un récipient que l'on charge, par le pouvoir des formules, de toutes les tares à supprimer, de sorte que, en le détruisant, le plus souvent, par le feu, on anéantit les souillures avec leur support matériel'. Mais la lustration par le sang exige que la victime soit pure au moment de l'immolation, comme dans les sacrifices ordinaires. C'est par la lustration même
que le sang se souille et que le corps exsangue se charge des maléfices. Le sang des victimes a toujours un effet utile, expiatoire ou propitiatoire; mais il n'est réellement un xa9apu6ç, un engin matériel de purification, que quand il y a contact, réel ou présumé, du sang avec la personne ou l'objet à purifier. Le contact peut être établi par onction ou aspersion, ou encore par la peau de la victime, endossée comme vêtement, prise comme masque, foulée comme siège ou support quelconque10: rites du DTOs KonioN (fig. 4686)11, des Lupercales et du mariage romain. II l'était pleinement dans le baptême du sang [TAUROBOL1uM], importé d'Orient dans le monde gréco-romain, cérémonie répugnante qui est restée confinée dans les cultes orientaux. Ce mode de lustration n'est guère applicable qu'aux individus ou à des objets définis et présents. S'il s'agit de purifier des collectivités vagues,
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des lieux el; espaces quelconques, ou l'air ambiant, le transfert des maléfices s'opère sur les victimes vivantes, promenées pour recueillir les « miasmes » et sacrifiées à l'état impur. Le sacrifice peut même être efficace sans être consommé. Il suffit que la victime, véhicule vivant des péchés à effacer, soit déportée hors du pays et abandonnée à son destin'. Le sens des cérémonies s'oblitérant avec le temps, cette logique ne fut pas toujours appliquée à la rigueur : nous rencontrerons des lustrations collectives de caractère mixte, où, les victimes étant immolées pures, leurs entrailles ou leur peau étaient promenées ensuite, ou encore, inversement, exposées devant un défilé des personnes à purifier. Enfin, il est des sacrifices, de rite mal connu, dont on ne saurait dire s'ils étaient offerts à fin de lustration, ou comme rachat expiatoire.
C'est à l'étude spéciale du sacrifice [sACRIFICICMj qu'il faut renvoyer le détail des règles concernant le choix et la purification préalable des victimes. Notons seulement que le sacrifice humain est le plus efficace de tous, et que, parmi les animaux, certaines espèces avaient à un degré éminent la vertu lustrale. Tel le porc, surtout jeune
(yotp(axoç, yotplôtov, ôia pa„ ôpOayop(exoç), qui figure presque
seul dans les sacrifices expressément désignés comme purificatoires (yotpoxtidvot xaOapiJ.o()2. C'est au point que Varron considère le sacrifice du porc comme le premier en date et propose de dériver sus, i:;ç, olim Aïr;, du verbe Buety, quod est immolare '. On attribuait sans doute à cet animal, avec une vitalité abpndante et communicative, une aptitude éminente à
devenir un xâ9aptxa
(fig. 468'7)'. Pour certaines lustrations solennelles, les Romains adjoignaient au porc la brebis et le taureau (suovetauriiia), à la mode homérique "; les Grecs pratiquaient, avec le pore ou verrat (xâ7rooç), le bélier, le bouc, le taureau, des combinaisons diverses, mais toujours en raison ternaire 6. Cette triade animale constituait le sacrifice parfait (beic. -ç). Le chien, favori d'Hécate et nourri par elle avec les xfOâpN.ara des carrefours, avait aussi une vertu purifiante, utilisée dans les lustrations magiques appelées 7.eptaxuaaxiap.oi7. À Rome, le sacrifice du chien était•prévu par le rituel aux lustrations des LUPERCALIA,
des RORIGALIA et à la cérémonie appelée auguriurn canariutn. Le cheval était une victime de prix, réservée à un très petit nombre de divinités et en de rares occasions. Nous n'avons à retenir ici que le sacrifice annuel de l'Oc'toher equus (ci-après) à Rome, qui est bien une cérémonie lustrale, le sang de l'animal étant distillé sur le foyer même de la cité.
C'est dans les cultes exotiques que l'on rencontre la purification par les oeufs, recette qui a pu s'introduire avec les superstitions relatives au culte d'Hécate et être justifiée après coup par les considérations à longue portée dont les mystiques étaient abondamment approvisionnés. Il est certain que les oeufs ayant servi aux lustrations faisaient partie des « dîners » servis à Hécate dans les carrefours 8 ; il l'est moins que la vertu purifiante de l'oeuf tînt à ce qu'il était un microcosme, germe de vie et symbole de la vie universelle'. En tout cas, on croyait que l'oeuf, comme être virtuellement vivant, absorbait les maléfices. Clément d'Alexandrie réfute cette opinion en disant que les oeufs employés à ces Iustrations auraient dû en être stérilisés, conséquence démentie par l'expé
rience 10.
Il suffira d'indiquer ici en passant la casuistique, ébauchée par les anciens, allongée par les modernes, concernant les substances qui tireraient leur vertu de la substitution symbolique à d'autres symboles. Des abstracteurs de quintessence avaient trouvé que, pour purifier, la pourpre, tirée de la mer, remplaçait l'eau de mer, et le lin, l'eau courante" ; ou bien, songeant que si le lin aime à être arrosé et roui, le roseau croit en pleine eau, ils assuraient que les roseaux purifient à merveille72. Mais la pourpre représente bien mieux encore le sang13 : de là l'idée que couvrir les morts " ou habiller les soldats de manteaux rouges' est une façon de s'acquitter envers les uns et de « dévouer » les autres aux puissances infernales, ou que les bandes de pourpre cousues à la trabée romaine sont une survivance de rites expiatoires 10. De même, si le lin est symbole de pureté, la laine représente la peau de la victime, douée de vertus expiatoires empruntées à la victime; d'où explication des bandelettes de laine qui entourentl'oipatc(v-, du fil de laine qui attache l'ap'ex au bonnet des flammes"1FLAMEN], ledit bonnet étant en peau (pileus), ou de couleur rouge (tutu!us), et agglomérant ainsi quantité de propriétés lustrales ou propitiatoires, y compris celle du végétal formant l'apex ou tressé en couronne. La couronne aurait aussi par ellemême une vertu symbolique, et de même le voile, qui, rabattu sur la figure du sacrificateur, fait de lui une manière de devotus; autant de formes d'expiation ou
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d'âao7d7cata Le prêtre rie marche que hérissé de défenses contre les maléfices et comme en état de lustration perpétuelle.
Quel qu'ait été l'instrument de la lustration, il est luimême chargé des souillures qu'il a enlevées, et, comme tel, on l'a dit plus haut, chose impure. Leur office
doivent disparaître. La crémation est le mode préféré. Le feu de l'autel consume les chairs des victimes, qu'on ne mange jamais dans les sacrifices cathartiques2 : elles sont traitées comme les êtres ou objets dont le contact ou la présence répand autour d'eux les maléfices 3. Les liquides employés en aspersion s'évaporent : les scrupules ne viennent qu'à propos des liquides et mixtures diverses ayant servi aux ablutions, onctions, fomentations, embrocations rituelles, ou des objets qui ne peuvent être aisément détruits. Ceux-ci, ainsi que les victimes non consumées, étaient rejetés hors du domaine purifié ou possédé par l'être purifié, de la maison, de la ville, du territoire (â;oo(~ety, û;caooo(etv), et, en ce dernier cas, le plus souvent noyés en mer'. Les Grecs n'ont pas abusé de la logique qui avait conduitles Perses à chercher pour les cadavres une sépulture qui ne souillât ni la terre, ni l'eau, ni le feu, et qui aurait rendu les lustrations même impossibles. Les eaux courantes n'étaient pas censées contaminées par les baignades rituelles, et il n'y avait inéme pas interdiction formelle d'y jeter les xaOxoctx. Un affluent de la Néda, en Arcadie, s'appelait Aé(tiaç, parce que les Nymphes qui avaient assisté Rhéa dans ses couches y avaient jeté les xa9àpµa'c ou k5p.2tia employés à la purifier ' : légende née évidemment d'un usage qui n'était point légendaire. On disait bien que l'odeur infecte des eaux de l'Anigros (Triphylie) venait de ce que Mélampus y avait jeté les xa94et7. avec lesquels il avait guéri les Proetides ; mais cette eau guérissait les maladies de peau °. On retrouve la légende de Mélampus, avec les xa9rtoeta, à Clitor en Arcadie', à propos d'une eau qui guérissait de l'ivrognerie. Un antre moyen de faire disparaître les xnUzoetx était de les enterrer : c'est ce qu'on avait fait, paraît-il, à Trcez('ne, après la lustration d'Oreste'. On recommandait de creuser un trou pour y verser les lotions qui avaient servi à laver des cadavres ou à purifier des Ëvxyeiç 0. La Circé d'Apollonius de Rhodes fait simplement porter hors de son palais les l,ûu.atia qui ont servi à purifier Jason et Médée : le poète ne s'en inquiète pas davantage 10. Virgile nous renseigne mieux : sa magicienne ordonne à Amaryllis de a porter dehors les cendres et de les jeter par-dessus sa tête, sans se retourner, dans une eau courante'"». L'essentiel était de tourner le dos à la direction dans laquelle on jetait
les xa9zoela et de ne plus les regarder42 : cela rompait toute attache et obviait à toute fascination.
Toutes les substances précitées ont une puissance magique, qui leur est incorporée par des « charmes » ou formules13. L'étude des lustrations n'est qu'un chapitre de l'histoire de la magie. Ce qu'on appelle communément magie n'est qu'un reliquat disqualifié, une survivance mal famée et souvent proscrite des plus anciennes formes du culte. Les cultes reconnus et ouvertement pratiqués se sont affinés peu à peu par l'introduction d'idées morales et par-une interprétation moins grossière de la vertu des symboles. Les formules se sont appelées prières, voeux, supplications : on a cru que leur efficacité dépendait de la miséricorde des dieux auxquels elles s'adressaientl4 et que ceux-ci tenaient compte de l'intention de ceux qui les prononçaient, tandis que la magie gardait le secret des incantations (ârcwôa(. carmina), des formules impératives, qu'on supposa dès lors adressées à des génies mauvais, en vue d'oeuvres malfaisantes. Il s'est formé ainsi comme deux séries parallèles de divinités et de rites, dont l'antagonisme apparent fit oublier l'origine commune : la religion et la magie. A part Hécate, que la religion n'avait pas tout à fait répudiée, les divinités magiques sont ou réputées étrangères ou innomées. La religion choisit, parmi ses dieux, les plus aimés pour en faire des divinités secourables, celles auxquelles on s'adressait pour infuser aux instruments de lustration leur vertu purifiante. Celle-ci était vaguement surchargée de l'idée de pardon, d'absolution des fautes : mais cette idée, il faut y insister, est restée accessoire. La plupart des lustrations privées n'ont pas cessé d'être magiques, et celles mêmes qui faisaient partie des rites religieux n'avaient pas dépouillé pour cela leur caractère originel. Quand les Grecs racontaient que Zeus, le M01Â(zt0ç par excellence, avait de ses propres mains purifié Ixion, ils affirmaient par un exemple typique la nécessité de la purification matérielle. L'l).aeµç, qui éteint la responsabilité, ne suffit pas ou n'est pas obtenu sans le xnOaogdç, qui enlève la souillure contagieuse.
Ces observations préliminaires nous dispenseront d'interpréter dans le détail les rites que nous allons rencontrer. La distinction fondamentale entre la purification et l'expiation étant bien établie, il n'y a pas d'inconvénient à appeler u expiatoires » les rites de purification destinés à effacer une souillure connue, et « propitiatoires » ceux qu'on emploie d'une façon préventive, pour écarter des maléfices possibles, ou pour dissiper des maléfices supposés actuels, mais de cause inconnue. Rites expiatoires et propitiatoires seront considérés comme applicables tantôt aux individus, tantôt aux êtres collectifs.
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II. Rites expiatoires. A. Lustrations individuelles ou familiales. Il faut partir du cas le plus concret, qui a chance d'être historiquement le plus ancien, la purification d'un meurtrier avéré. Celle-ci n'apparaît pas encore dans les poèmes homériques 1. 11 n'en est pas question dans l'Iliade. Achille passe au soufre et à l'eau sa coupe à libations et se lave les mains, mais comme on procède à des soins de propreté'. Dans l'Odyssée, Ulysse ne se sent aucunement souillé par les meurtres imaginaires dont il s'accuse ou se vante 3. Après le massacre des prétendants, il purifie au soufre sa maison, mais non pas sa personne 4. Il expie la mutilation de Polyphème en offrant à Poseidon un sacrifice qui est le plus ancien type des suovetaurilia 0 ; il compense par des vœux le tort fait à Hélios, dont on a tué les binufs 6 ; mais ces réparations ne sont pas des lustrations. Tout pécheur peut apaiser les dieux « par des sacrifices, des vœux, des libations et la graisse des victimes ». Théoclyrnène, meurtrier d'un de ses concitoyens, s'approche de l'autel où sacrifie Télémaque sans que celui-ci crie au sacrilège ou fuie la contagion', tandis que, plus tard, dieux et hommes tenaient les ivsyaïç à distance de leur foyer. Homère tonnait Oreste', mais ne dit mot des purifications auxquelles le soumettent les légendes postérieures. II ne semble pas avoir l'idée que le sang, même légitimement versé, imprime à la main homicide une souillure indépendante de la culpabilité et que peut seule effacer une purification sacramentelle. Cette idée, immorale au fond10, doit avoir été empruntée à l'Orient 11 et répandue dans le monde grec, avant la vogue des Mystères, par la religion apollinienne, la seule qui ait suscité un sacerdoce capable de créer des dogmes et de les exploiter. Les prêtres d'Apollon ont tenté de réserver à leur dieu de compte à demi avec Zeus son père le monopole de la révélation et de la lustration. Apollon était l'irro))u(ov, le libérateur des excommuniés, coupables ou malheureux 12. Son rôle grandit encore avec les progrès de la morale, qui tendaient à remplacer ou parachever la lustration par l'expiation. Les rites purificatoires durent être bientôt connus et mis à la portée de tous ; mais nul ne savait, comme Apollon, choisir les pénitences les plus propres à racheter les fautes commises. Il est probable qu'au début les oracles
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firent surtout valoir la lustration sacramentelle, en indiquant le procédé et désignant le xx0a.p7rlç. Pour imprimer dans les esprits la doctrine sacerdotale, on disait qu'Apollon lui-même s'était fait purifier du meurtre du
entendu que l'ivccyilç était un excommunié, qu'on devait écarter des choses saintes et même de tout commerce avec ses semblables, car sa souillure (âyoç) était communicative : il portait malheur f4. Il fallait, pour qu'il pût rentrer dans la société, qu'il fût purifié, et il ne pouvait l'être qu'en exil, loin du lieu où le crime avait été commis 19. Ceux qui lui rendaient ce service ne l'admettaient pas d'abord sous leur toit, mais procédaient à l'opération en plein air 98,
La plus ancienne mention de râOapetç sacramentelle apparaît dans des poèmes de date flottante : dans l'Aethiopis attribuée à Arctinos de Milet, où l'on voit Achille purifié du meurtre de Thersite par Ulysse, à Lesbos t3; dans les Kazâaoyot hésiodiques, à propos du meurtre d'Iphitos par Héraklès. Le héros assiège Pylos, parce que Néleus a refusé de le purifier l". Cette légende a été remaniée de bien des façons pour la rendre plus morale. Héraklès était fou, ou il le devient par punition : l'oracle lui ordonne de se vendre comme esclave 19 et d'indemniser les enfants d'Iphitos. La morale est satisfaite, mais rien ne vaut sans la xàOxpctç. Cette purification que, comme Néleus, le Spartiate Ilippocoon lui a refusée, Héraklès la trouve enfin à Amyclae, où Déiphobe lui administre le sacrement20. Le meurtre, pourtant justifié, de Lycos vaut à Héraklès un accès de folie durant lequel il tue ses enfants ; après quoi il est purifié par Thespios21, à moins que ce ne soit par Sycalos22, ou par Thésée, qui l'emmène avec lui à Athènes 23, lieu où le patriotisme industrieux des tragiques fait aboutir les légendes d'OEdipe et d'Oreste. C'est à Athènes aussi, où Déméter institue tout exprès les Petits Mystères, qu'il est purifié du meurtre des Centaures2k.A Cos, il ne se marie que purifié du sang des Méropes 26 Proteus, dont il a tué les fils, a la bonté de le purifier lui-même26.
La légende d'Oreste"i afourni aux tragiques l'occasion de distinguer entre l'expiation morale et la lustration sacramentelle. Ils ont déclaré celle-ci insuffisante 28, mais ils n'ont pu la supprimer. C'est Apollon lui-même qui
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purifie Oreste à Delphes (fig. /1888)', avec l'eau lustrale et le sang d'un porc 2. D'autres localités réclamaient l'honneur d'avoir hébergé et purifié le parricide errant. A Tru'zène, on montrait la pierre blanche où il s'était assis, la tente sous laquelle il avait séjourné devant le temple d'Apollon Théarios ; on savait qu'il avait été purifié par neuf Trcezéniens (sans doute opérant successivement) avec toute sorte d'ingrédients, parmi lesquels figure l'eau d'une Hippocrène locale Ou bien, Oreste avait été guéri
de sa frénésie à Gythion en s'asseyant sur la pierre blanche appelée Zeus Kappotas 4, à moins que ce ne fit près de Mégalopolis en se mangeant un doigt de la main 5, ou aux bords de I'Hèbre, au lieu dit les Trois-Fleuves 6, ou encore à Rhégion, par la vertu des eaux d'un fleuve formé de sept ruisseaux '. Les tragiques athéniens ont voulu qu'il y eût débat sur la responsabilité, et qu'Oreste, même purifié et absous, achevât de se réhabiliter par la pénitence librement acceptée La légende d'OEdipe, qui accumulait sur une même tete le parricide et l'inceste, l'un et l'autre involontaires, différait jusqu'au dernier moment la purification de cette victime de la destinée. Créon dit à Œdipe de se cacher, car il souille la lumière, la terre et l'eau s. C'est à Colone enfin, dans le bois sacré des Euménides, où il entre après un sacrifice lustral (r-a@ologta lxtN.ovtov), offert suivant un rite minutieusement décrit, qu'il meurt purifié avec de l'eau de source, baigné et paré « selon les règles » (fI vou.(E:'at) par ses filles, et qu'une bénédiction s'attache aux restes du maudit' 0.
Grâce à ces exemples typiques, la gi8apatç s'introduisit
dans toutes les légendes. Phttrécyde savait déjà que le premier exemple de lustration avait été donné par Zeus lui-même, qui avait purifié (xyvf;Et) Ixion, rejeté de tous comme auteur du premier meurtre volontairement et traîtreusement consommé sur un concitoyen; et cela, en faisant couler sur lui, goutte à goutte, le sang d'un porc". Ce Zeus indulgent avait ordonné à Athéna et Hermès de purifier les Danaïdes, que la légende populaire finit par damner''. Amphitryon avait été purifié
yv(alr) par Créon du meurtre involontaire d'Electryon if; Pélée, fratricide involontaire, t'avait été par Actort4 ou par Eurytion en Phthiotide "3, et une autre fois, toujours pour meurtre involontaire, par Acastost6; de même Peemandros par Eléphénor, pour avoir tué, toujours involontairement, Leukippos ". Ces exemples servaient à montrer que la souillure est une conséquence fatale du meurtre, indépendante de l'intention. Thésée, après l'extermination utile des brigands, a recours aux xaOxpata des Phytalides, qui le purifient aux bords du Céphise, à l'autel de Zeus Milichios 78. Le même Thésée va à Troezène se faire purifier du meurtre des Pallantides, commis à Athènes 19. On voulut que Cadmos, comme Apollon, eût été purifié du meurtre du dragon et l'eût été par les Cabires, après avoir fait pénitence et demandé l'initiation aux mystères. Il y avait là un enseignement complet, moral et profitable à l'établissement de Samothrace 10. Alemteon, parricide comme Oreste, a été, comme lui, un prétexte à épiloguer sur l'efficacité de la xxAapatç par combinaison de légendes diverses. Il est purifié par Phégeus à Psophis 21 ; mais, comme l'Erinys le poursuit encore, Apollon l'envoie sur une terre neuve, produite par les alluvions de l'Achéloos, et il y est purifié définitivement par le dieu-fleuve 22. Apollonius de Rhodes n'a pas de ces scrupules. Il décrit avec complaisance les cérémonies par lesquelles, sans exiger ni pénitence ni repentir, Circé purifie Jason et Médée du meurtre d'Apsyrtos, au nom de Zeus Ikésios et Katharsios. Elle y emploie le sang d'un cochon de lait, avec lequel elle arrose la tète et frotte les mains de ses clients, et des liquides divers; tout cela non en plein air, mais dans son palais, qu'elle se contente de désinfecter ensuite avec des drogues jetées sur le foyer 93. Au contraire, d'après les Orphiques, Circé interdit aux criminels l'entrée de sa demeure et les renvoie au cap Matée, où leur souillure (guaoç) « sera lavée par les catharmes divins dus à la science d'Orphée" » et plus puissants que les siens.
Dans toutes ces légendes, à part celles où les tra
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giques ont introduit l'idée d'expiation morale, le caractère magique de la lustration apparaît nettement. Elle s'est simplement substituée ou ajoutée aux précautions qu'un raisonnement barbare suggérait jadis aux assassins et que les tragiques prêtent encore à Clytemnestre. Celle-ci avait mutilé le cadavre d'Agamemnon en lui coupant les « extrémités » (xxpmTgptEtv), c'est-à-dire les pieds et les mains, et les lui attachant aux épaules avec une courroie (N.aazaà(lEty) pour qu'il ne pût se venger ; puis elle avait essuyé l'arme sanglante aux cheveux du mort, « en guise de lavage »,pour que la souillure matérielle disparût avec lui 1. Jason avait traité de même le cadavre d'Apsyrtos, en crachant trois fois pour rejeter le maléfice 2, et c'est pour la même raison que Déiphobe apparaît à Énée, les mains, les oreilles et le nez coupés.
Quoique étrangère ou contraire au sens moral, la foi à l'efficacité de la x«9apatç contribua à inspirer l'horreur du meurtre. La purification fut jugée nécessaire en dépit de toute excuse légitime et étendue même aux êtres irresponsables par nature. Les légendes ressassées par les tragiques avaient pour but d'expliquer les rites religieux incorporés à la procédure criminelle des Athéniens'. La peine de mort infligée par l'Aréopage était une satisfaction offerte aux Euménides, une expiation qui purifiait la cité, responsable des crimes impunis. Les meurtres involontaires étaient jugés au Palladion, les meurtres justifiés au Delphinion, oû Thésée avait comparu jadis pour le meurtre des Pallantides, c'est-à-dire dans les sanctuaires des deux divinités qui avaient purifié et réconcilié Oreste 5. Ceux qui avaient ainsi fait la paix avec la société, et surtout ceux qui se sentaient coupables de crimes impunis, n'étaient en règle avec les dieux et les morts que convenablement purifiés, soit par les mandataires d'Apollon Pythien, les i 'ryr,Tai lIuOdypr,ctiot [ExEGETAE] 6, soit par les prêtres d'Eleusis, préposés aux purifications des néophytes (voir ci-après), soit par des praticiens sans mandat officiel'. Le meurtrier excusé au Palladion avait dû s'exiler d'abord pour un an (â7tEVtaûT'tatç, â7eevt«UTM.6ç), après une première purification et en suivant un chemin déterminé; une fois rentré, il devait se soumettre encore à une purification légale 6'.
1 Aeschyl. Choeph. 439. Sophocl. Electr. 445 (Agamemnon ëµaayaaisBe, o4e) aouaestaw xépg ~ e 3,3taç tE€µaEev). Cf. Suidas, s. vv. e,xogp,çn, µaap,a5ieOg,va,, µaayaaiaoa,a. Etym. M. s. v. 'A..1yµase. 2 Apo'.1. Rh. IV, 476 sqq. L'Etym. M. pense que le meurtrier crachait le sang de la victime (3e, Si ont lyetovso saü e4µass; al katasuov, Ateftao; µapsupet saï 'Aaoaawv,oç). 3 Virg. Aen. VI, 494 sqq. Servius a oublié d'expliquer ce détail. 4 Appel aux souvenirs µulitOa dans Demosth. ln Aristocr. 65 sqq. 5 Lysias, Orat. III ('Ass5x',fa yGvou às acon). Pollux, VIII, 119. Pausan. I, 28, 8. Cf. l'expiation du meurtre dont l'auteur est inconnu dans le Deutéronome (xxi, l-9), type complet de lustration. 6 Plat. Leg g. VI, p. 759. Suid. s. v. ttnyasat. Athen. IX, p. 409 f (passage où la leçon Buyusp,Swv est restituée en E6aas2,3wv [0. Müller] ou en O'usaa,Swv [Lobeckj). Avec la correction ESoao5A3s, il y a concurrence entre l'exégète nu86xpr,exs;, qui purifie :ou; âyc, s,vl :exil€v ; (Suid.) et l'exégète tE Etsnxp,tbv, qui s'occupe srj; s wv celéseis; (Athen.) aSchgmaua (Gr. Ait. I12, p. 345) préfère imputer la lustration aux Phytalides, assistés d ° gpéaoet;, lesquels seraient o, âaao, o, ac).aywetovse; dans le texte d'Athénée. P. Foucart (Les Grands [Mystères d'E'leusis [Paris, 19001, p. 79-84) réserve les lustrations au premier des trois exégètes officiels, le suldypnaxoç, désigné par l'oracle. Tels ces ..ao, suis qui faisaient poser les pieds des tva 7 et; sur le o,5; a,tt,ov, c'est-à-dire, la peau d'un bélier (7) immolé à Zeus Milichios ou Ikésios (Hesych. Suid. s. v.; Apostol. VI, 10, in Panne.. gr. II, p. 367), engin de lustration dont il sera question encore à plusieurs reprises. Même rite à Hiérapolis (Lucian. Dea Syr. 55). C'est un reliquat de rites archaïques, comme les égides, nébrides, la peau de lion d'Héraklès, les peaux des Luperques, etc., rites dont le folklore a allongé la liste et tenté l'explication au profit du totémisme (cf. R. Smith, Rel. of the Semiles, p. 436 sqq.). Le sacrifice du bélier rançon de l'homicide involontaire in Numae legib. (Serv. Ecl. IV, 43 ; Georg. Ill, 387) pratiqué exemplo Atheniensium,
Subici aries, p. 347). On rencontre des t3-u apteuin , a. onç lvayetç oelut0soe,o aiµ', ia,Tiouaa, ao2 lepetou (Plat. Dain. p. 3,5: Etym. M. p~ 313) : autre sens dans Schol.
Les animaux ou objets inanimés qui avaient causé mort d'homme étaient apportés au Prytanée, au foyer de la cité, pour y être maudits par les magistrats ayant, charge du culte ((3xa )iEÛç, fuào6aatis(ç) et être ensuite, comme xx9zpp.arx, « exterminés » (E;op(EaOoet), c'est-à-dire transportés hors frontières, et, pour ne pas gêner les voisins, noyés en mer e. La mort du boeuf immolé tous les ans à la fête des (ioun6v,z [DIPOLEIA] était assimilée à un meurtre : le sacrificateur s'enfuyait, jetant sa hache qui était déclarée coupable et solennellement immergée i°. Peut-être cet usage bizarre conservait-il, à l'état inconscient, l'idée que la vie des animaux domestiques qui collaborent aux travaux agricoles mérite quelque respect11. L'Ajax de Sophocle, après avoir égorgé des troupeaux, qu'il prenait, il est vrai, pour des hommes, s'était « purifié de ses souillures » afin d'échapper au courroux d'Athéna i2 Les végétariens pythagorisants ont dû s'efforcer de protéger la vie des animaux par des scrupules religieux. Arrien semble considérer comme chose traditionnelle et même légale la lustration des chiens et des chasseurs au retour de la chasse 13
Après le meurtre, le sacrilège, sous forme de vol ([epocui`(x, sacrilegium) ou d'attentat quelconque àla majesté des dieux (àa€6Etx). Il était bon de ne pas prévoir les formes graves du sacrilège, et, en tout cas, de laisser croire qu'elles étaient inexpiables. Les coupables n'avaient à attendre que la vengeance des dieux, attestée par mainte légende 14 [HIEROSYLIAS GRAPHE], et, par surcroît, les sévérités de la justice humaine. La loi des Eumolpides punissait de mort les moindres contraventions cornmises à Éleusis'', et Périclès proposait de l'appliquer à tous les impies (aE6ouvTEç) 16. La mort même ne mettait pas à l'abri du chatiment. Les ossements des Evxyuïç qui avaient massacré les Cyloniens au mépris du droit d'asile furent déterrés et transportés comme xx94p.VTx hors de l'Attique 1:.
Un sacrilège facile à commettre, volontairement ou involontairement, était la dévastation de bois sacrés [ARBORES SACRAE, Lucas]. Il ne manquait pas, en Grèce et ailleurs, d'arbres-fétiches que « le fer des mortels ne doit pas émonder 18 ». Athènes avait ses oliviers sacrés
Arist. Vesp. 289. Il ne manquait pas de sorcières xaldpop:a,. Piatria sacerdos dice
eapiatricem uocant (Fest. p. 213, s. v.). C'est une besogne dont les Orphéotélestes ambulants, stigmatisés par Platon (Rep. D, p. 364 B), tiraient bon parti. Le superstitieux de Théophraste va les trouver une fois par mois. 3 Demosth. ln Aristocr. 72-73 (sa', 1ge ) sa@a1Brv :.. , xslatpiata, voµ(µo,; nié). 9 Arist.
Cf. la statue de Théagène noyée par les Thasiens, par application de la loi athénienne (Pans. VI, 11, 6). CE, à Kyme, la pierre maléficiée par contact de la femme adultère (Plut. Q. Graec. 2). Le boeuf homicide lapidé et non mangé (Exod. xx1, '28). 10 Pans. 1, 24, 4. Porphyr. Abst. II, 29-30. Aelian. Var. Hist. VIII, 3. D'après Porphyre, la hache rejetait la faute sur le couteau, qui était noyé (xacesivsmaav or, µhra,pav). A Rome, le Regifugium (24 févr.) et les Poplifu•gia (5 juill.) devaient être des cérémonies analogues, dont le sens s'était perdu. Le sacrificateur poursuivi et conspué à Ténédos (Aelian. Hist. Ani.. XII, 34) et à Lindos (Philostr. Imagg. II, 24, p. 850). Les femmes poursuivies par le prêtre de Dionysos aux Agrionia (Plut. Q. Graec. 38). Collection de rites analogues dans l'antiquité (Lobeck, p. 676682) et dans le folklore (Mannhardt, R. Smith, Frazer, Lang, etc.). 11 Explication courante (Porphyr. Loc. cit.), rejetée par les a totéenistes ,,, pour qui les 9ouoiv.a sont un argument capital. 12 Soph. Ajax, 655. 13 Arrian. Cyneg. 32 (scia s xxp,a vdp.o;). 14 Folie des Proetides, S,os, :u "Hpa; tinsse itnusia,ao, (Apollod. II, 2, 2), des Pandarides (Schol. Hom. Odyes. XIX, 518; XX, 66), etc. La triste fin des spoliateurs de temples est un thème banal. Cf. Val. Max. 1, 1 (De neglecta religione). Supplice de Sambichos (Plut. Q. Graec. 47). Erysichthon, Triopas, Ilalirrhotios, Lycurgue, sont des dévastateurs de bois sacrés, péché inexpiable. 15 Cf. Liv. XXXI, 14. 16 Lysias, In Andoc. 10. 17 Thucyd. 1, 126 ; Aristot, 'AB. osas. I. La loi dans Xenoph. Hell. 1, 7, 22. -13 Flynn,. Hom. In Vener. 268, Voir K. B6tticher, Der Haumkultus der Hetlenen, Berlin, 1856. W. de Visser, De Graecorum diis non referentibus speciem humanam, Leide, 1900.
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(u.op(«t), que protégeait la juridiction criminelle de l'A réopage '. On racontait que, au siège de Troie, les Grecs avaient encouru la colère d'Apollon pour avoir abattu des cornouillers lui appartenant, en vue de fabriquer le cheval de bois 2.Ils l'avaient « apaisé par des sacrifices», sans doute en excipant de leur bonne foi ; mais Turullius, lieutenant d'Antoine, ayant abattu les bois de l'Asclépiéon de Cos pour construire des navires, on remarqua qu'il fut tué plus tard sur le lieu même'. D'autre part, les Grecs ne semblent pas avoir eu de scrupules au sujet des amputations utiles. Les couronnes décernées aux jeux panhelléniques et panathénaïques, les lauriers des Daphnéphories, les «ip-g(f'tesvui, etc., étaient fournis par des arbres sacrés, et il n'est pas question à ce propos de cérémonies lustrales ou expiatoires 4. Du reste, toute modification ou destruction justifiée de matériel consacré pouvait être expiée par des âpaeti'l')pta 6. En ce qui concerne les bois sacrés, nous ne connaissons guère que les usages romains. Caton enseigne les précautions à prendre pour élaguer une futaie de cette espèce (lucum conlucare) 6. II faut immoler un porc (porcum piaculum) et demander par une formule canonique à l'être divin (si deus, si dea es) propriétaire du bois la permission de couper des branches ou de bêcher le sol. Si la besogne est interrompue et reprise, la cérémonie doit être recommencée. Le rituel des frères Arvales [ARVALES], où abondent les lustrations, multiplie les observances quand il s'agit de toucher aux arbres de leur lucus Deae Dire, ne fût-ce que pour emporter ou brûler du bois mort, pour faire disparaître des arbres frappés de la foudre, pour arracher un figuier poussé sur le toit de leur chapelle. Ce sont des sacrifices de perce et d'agna opima pour purifier avant, éloigner après, les outils de fer qui servaient soit à couper le bois, soit à graver sur le marbre les Actes du collège ; des invocations aux divinités étymologiques Coinquenda, Commolenda, Deferunda, Adolenda, qui étaient censées présider aux opérations commencées par l'abatage et terminées par la crémation'. On a trouvé des règlements analogues pour les amputations pratiquées dans les bois sacrés de Spolète " et de Lucérie 9. Le caractère indécis de ces cérémonies participe de la lustration et de l'expiation : expiation (piaculum), c'est-à-dire satisfaction préventive ou consécutive, de la part de l'acteur ; lustration des outils et du bois avec le sang de porc, celle-ci à peine indiquée par les textes, et destruction des parties amputées, devenues Ra8«pu.a'rx.
Si les Romains ont apporté tant de scrupule en cette matière, ils se sont moins préoccupés que les Grecs des souillures imprimées par le meurtre. Ovide est persuadé que l'usage des lustrations de cette sorte est d'invention et d'importation grecque16. Ils considéraient que la
société était dégagée de toute complicité quand elle avait. offert aux dieux en supplication [suPPr.ICruM] la vie ou « consacré la tête » [CONSECRATIO, DEVOTIO] du coupable, ou l'avait retranché de son sein par l'excommunication '1. L'aquae et ignis interdictio semble même indiquer qu'ils entendaient soustraire chez eux aux criminels ces moyens de purification. Quant aux meurtres justifiés, on ne voit pas que les Romains aient distingué entre la responsabilité et une souillure indépendante de celle-ci. La légende n'impose ni pénitence ni purification à Romulus fratricide 12. L'idée que le meurtre, même excusé, exige une lustration apparaît pourtant dans les traditions attachées au Tigillum Sororium. Tite-Live rapporte que le vieil Horace y avait « purifié son fils aux frais de l'État », et que ces sacrifices expiatoires avaient été ensuite confiés à la gens JJoratia ". Denys croit qu'Horace fut purifié par les Pontifes (iepowâvtica) suivant le rite usité pour l'expiation des meurtres involontaires 14. On est ici en présence de légendes obscures d'où l'on pourrait inférer que la gens Horatia était dépositaire d'une méthode de lustration reconnue d'utilité publique'°. En tout cas, il n'en était resté qu'un souvenir atrophié, sans application pratique. On ne saurait dire si cette légende est bien indigène, et non accommodée à la grecque. Là où intervient le laurier, il n'y a plus de doute. Des Grecs ou des Romains hellénisés ont seuls pu imaginer que les soldats avaient besoin d'être purifiés du sang versé sur les champs de bataille, et que le laurier était prodigué dans ce but lors du triomphe'".
Nous passons des actes délictueux par nature, même quand ils sont autorisés ou nécessaires, aux souillures contractées sans acte ni responsabilité quelconque, notamment par contact ou voisinage d'objets impurs.
Si révérés que soient les morts, le cadavre est par lui-même chose impure [rUNUS]. Ceux qui le lavent [Lou'PROPROnos], le parfument et l'entourent des soins rituels, ceux aussi qui le regardent et assistent aux funérailles, sont tenus de se purifier avant de reprendre contact avec la société. C'est là la raison d'être du deuil (7viu8oç, L'ICTUS), destiné â isoler, jusqu'àdisparition, l'influence «funeste». Pendant que le cadavre était encore dans la maison, un grand vase d'eau lustrale (èpl ..vtov, yipvo)) était placé à la porte, pour purifier ceux qui en sortaient; et on avait soin d'emprunter le vase lui-même à une autre maison 17. Après les funérailles, la maison mortuaire devait être soumise à une lustration qui dispensait de la détruire ou de l'abandonner, comme le faisaient ou le font encore certaines peuplades de civilisation rudimentaire 18. Elle était impure (svayrlç, funeste) durant un nombre de jours fixé par l'usage ou mème par les lois 19.
C'est dans ce laps de temps que l'on devait procéder à
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une lustration générale de la maison et de la famille'. D'après la loi d'Iulis (Céos) la maison mortuaire doit être purifiée dès le lendemain, d'abord avec de l'eau de ruer, puis avec une autre matière, probablement du soufre.Les femmes, mère, épouse, soeurs et filles du défunt, peuvent seules y rentrer avant l'opération. Toutes les personnes souillées doivent se laver tout le corps, et, jusque-là, s'abstenir d'entrer dans un lieu saint. La visite annuelle au tombeau produit les mêmes effets, sauf que la souillure disparaît d'elle-même le troisième jour. Les vases qui avaient servi aux libations étaient généralement enterrés avec le mort, entiers ou brisés. Il n'est guère possible ici de distinguer entre usages grecs et romains. On sait qu'à Rome on sacrifiait dans la maison mortuaire, le mort étant encore présent, une porca praesentanea 3. Pour le reste, nos textes sont un peu cosmopolites. L'abréviateur de Festus dit d'une manière générale : « Ceux qui avaient suivi le convoi passaient au retour pardessus le feu après s'être aspergés d'eau, et ce genre de purification s'appelait suffitio4. » C'est une coutume qui n'a rien de spécifiquement romain. On en peut dire autant du mode de lustration décrit par Virgile à propos des funérailles de Misène 5. Énée asperge trois fois ses compagnons avec un rameau d'olivier trempé dans une onde pure, en récitant une formule (novissima verba). C'est une lustration dans le double sens du mot, car Énée parcourt les rangs ou fait le tour du groupe (socios para circumtulit unda). ARome, l'héritier du défunt était tenu de balayer la maison avec un balai d'une espèce déterminée 0, Toute dérogation au rite des funérailles ou lustrations funéraires entraînait un piaculum, liquidé à date fixe, avant la moisson, par le sacrifice d'une porca praecidanea sacrifice qui, comme l'indique l'espèce de la victime, est une survivance de lustration. L'esprit méticuleux des Pontifes avait multiplié les mesures destinées à prévenir tout contact entre le culte des morts et le culte public. Un homme en deuil (funestatus) ne pouvait prendre aucune part aux sacrifices 3. La simple vue d'un cadavre, indifférente pour un simple citoyen, entraînait une souillure pour un pontife à plus forte raison pour un flamine. Si la chose arrivait à un censeur au moment oit il allait célébrer le lustrum, il devenait impur et incapable de purifier la cité 10. Les temples étaient soigneusement fermés durant les fêtes des Morts (dies parentales, du 13 au 21 février, jour des Feralia) et les jours des Revenants privés (Lemuria, 9,
11, 13 mai) ou publics (illundus patet, 21 août, )i oct., 8 nov.)f1. Les contraventions donnaient lieu à autant de piacula, que nous pouvons éliminer de notre sujet, le caractère sacramentel inhérent à la lustration n'y étant pas formellement indiqué. Nous éliminerons de même des cérémonies qui passaient pour une « lustration» du bûcher, dans les funérailles publiques, notamment la decursio en armes rAPOTHEOSIS], qui eut probablement pour but, à l'origine, de chasser les mauvais esprits et de « purifier » ainsi le lieu funèbre, mais qui avait perdu le caractère de lustration pour prendre celui d'hommage exceptionnel 12.
En somme, la préoccupation dominante qui perce dans tous ces rites, grecs ou romains, c'est celle de localiser et supprimer le maléfice avant que ceux qui l'ont contracté ne puissent le communiquer à d'autres, et surtout le porter dans les lieux consacrés. Aussi les légendes qui plaçaient des tombeaux dans les temples, à plus forte raison, la doctrine évhémériste si bien exploitée par les chrétiens, pour qui les temples païens n'étaient que des sépulcres, tout cela est étranger à l'esprit des religions antiques 13
On pouvait entrer en contact avec les morts autrement que par l'attouchement matériel ou la vue. Le Romain qui se levait la nuit, au mois de mai, pour expulser de sa maison les revenants [LEMURES, se croyait bien exposé à toucher ces êtres invisibles auxquels il jetait derrière son dos" des fèves noires mouillées de sa salive et qu'il cherchait à effrayer en frappant sur un chaudron de cuivre. Aussi se lavait-il les mains avec de l'eau de source avant et après l'opération, qui était une lustration du domicile 15. Le jour des Feralia, clôture des parentalia du mois de février, les vivants effaçaient les traces de leur commerce prolongé avec les morts. Le rite que décrit Ovide 16 et qu'il croit destiné à « apaiser les Mânes » contient probablement un fonds d'usages indigènes, surchargé de recettes magiques, telles que les trois grains d'encens glissés sous le seuil et la toupie lancée au moyen de cordons enchantés. Les sept fèves noires que la sorcière « retourne dans sa bouche » se retrouvent dans le rite précité des Lémure lia, et la tête de sardine (maena) qu'elle grille sur le foyer après l'avoir enduite de poix et traversée d'une aiguille, dans celui des Volcanalia (ci-après). Les Athéniens pratiquaient des rites analogues, suggérés par les mêmes idées, à la fête des Anthestéries [DIONYSIA], durant lesquelles l'accès
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des temples était barré par une corde et la porte des maisons frottée avec de la poix Les deux premiers jours étaient devenus jours de liesse, les libations funéraires étant remplacées par des chopes [ciloùs] bues ; mais le souci des morts reparaissait le troisième jour. On faisait cuire à leur intention, dans des marmites [CRYTRA], des graines de toute sorte (71ava7rcpp.(0t), parmi lesquelles la fève devait évidemment avoir place, et on allait verser, soi-disant en l'honneur des victimes du déluge, dans le trou qui passait pour avoir absorbé les eaux, -le muadus athénien, des libations d'eau ((iipopipta), de farine et de miel Cet ensemble de cérémonies lustrales se terminait le quatrième jour par les DIASIA, en l'honneur de Zeus Mata(ytos, qui avaient le même caractère mixte, expiatoire et propitiatoire.
L'idée de mettre des moyens de purification àla disposition des morts eux-mêmes dans leur existence d'outretombe a peut-être commencé par la préoccupation naïve de leur donner non seulement des aliments, mais de quoi se laver et se parfumer. 11 est question d'un rite d'après lequel on versait de l'eau et des parfums à côté du tombeau, en disant : « Voici un lavage (â7rovtµp.a) pour vous qui en avez besoin et y avez droit3 » [cf. LOUTROPRoaos]. Les sacrifices offerts aux morts héroïsés s'appelaient des évayal.a'ca, mot qui contient l'idée de péché à effacer et qui peut viser le mort aussi bien que le vivant. 11 suffit de donner un tour spiritualiste à ces idées pour en faire une théorie rationnelle. Dans l'Enfer ou Purgatoire de Virgile, les âmes sont purifiées par des tourbillons aériens, des torrents d'eau ou des flammes, dont l'action efface à la longue « la tache contractée » durant la vie terrestre '. La théologie étrusque, combinant l'idée de rachat avec celle de lustration posthume par le sacrifice, enseignait que « par la vertu du sang de certains animaux offert à certaines divinités, les âmes devenaient divines et échappaient aux lois de la mortalité° ». C'était aussi la doctrine des Orphéotélestes, qui couraient le
monde, offrant à tout venant leurs Àéaetç xal xa®apo.o), qui purifiaient les vivants, et leurs 'rsae'ca(, qui soulageaient les morts « des maux de là-basa». Il s'agit bien de lustrations, appliquées du dehors, où le contact matériel est remplacé par une communication mystique, analogue à la communion des fidèles maintenue par la théologie chrétienne, à l'état de charité active, entre les vivants et les morts 7. La nécromancie ou psychagogie aurait pu fournir le moyen de purifier les âmes des défunts ; mais elle avait trop mauvaise réputation pour être employée à une oeuvre pie. L'antiquité n'offre pas l'équivalent de la légende de Trajan ressuscité un instant pour être baptisé par le pape Grégoire 8.
En effet, ce n'était pas toujours à bonne intention que les vivants frayaient avec les morts. Les lois qui punissaient les violateurs de tombeaux atteignaient moins aisément les magiciens qui troublaient les âmes mêmes dans leur repos. Sans entrer dans l'étude de la nécromancie pro
prement dite [DIVINATIO, MAGIA], il suffit de viser en passant
les descriptions fictives d'évocations ou de voyages aux Enfers pour y voir apparaître l'idée que l'intrusion dans le domaine des morts est un péché dont l'effet doit être prévenu au moment même où on le commet. Dans la Nexuia de l'Odyssée, à côté du sang qui doit infuser un semblant de vie aux ombres, figurent des substances lustrales, une triple libation de lait miellé, de vin et d'eau, le tout saupoudré de fleur de farine 9. Ce n'est encore qu'un ivaytaN.ôç à l'adresse des morts.: le poète ne pense pas qu'Ulysse ait besoin d'être purifié, soit avant, soit après l'évocation. Mais, plus tard, les nécromants prennent des précautions. Dans la Nécyomancie de Lucien, Ménippe ne se risque aux Enfers que « purifié par la torche, la scille et autres ingrédients », pour échapper à la prise des fantômes 10
Les morts, sans être évoqués, apparaissaient aussi en songe. Quand ce sont des ombres aimées, les poètes ne manquent pas de dire que le dormeur a voulu les serrer dans ses bras. Morts ou génies quelconques, revenants (ordinairement des morts non ensevelis, non purifiés suivant les rites) ou lutins malfaisants, ces fantômes
nocturnes [LARVAE, LEMURES] pouvaient avoir laissé
quelque souillure au corps qu'ils avaient frôlé. Aussi y avait-il des lustrations recommandées en cas de songes fâcheux, dans le double but de purifier la personne et de détourner l'effet du présage. Seulement, par une dérogation signalée plus haut à la méthode régulière, les intéressés croyaient pouvoir se purifier eux-mêmes et « laver leur songe " ». L'Atossa d'Eschyle se lave les mains à l'eau de source et sacrifie 1L. La Clytemnestre de Sophocle adresse des prières et des offrandes à Apollon Lycien, le dieu lumineux devant qui fuient les hôtes des ténèbres 13 ; le superstitieux de Théophraste consulte pour savoir « quel dieu ou déesse il doit invoquer f4 »
la Circé d'Apollonius de Rhodes, après une nuit hantée par des songes, se lave la tète dans la mer" ; le Sosie de Plaute 16, supposant qu'Alcmène a rêvé ce qu'elle raconte, lui dit : « Femme, une fois éveillée, tu aurais dû invoquer le Jupiter des prodiges, avec de la moly salsa ou de l'encens. » C'est aussi avec ce gâteau salé que Tibulle prétend avoir prévenu l'effet des cauchemars de Délie, après l'avoir purifiée au soufre 17
Les morts et les fantômes ne sont pas les seuls êtres dont le contact emporte souillure ou maléfice. Il fut un
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temps, qui dure encore pour une partie de l'humanité, où la médecine du corps et de l'âme [MEDICINA] n'était qu'une branche de la démonologie ; où tout traitement médical était une x6apatç administrée par des sorciers, seuls capables d'expulser les mauvais esprits, ceux-ci le plus souvent envoyés par d'autres sorciers'. La folie, qui tient tant de place dans les légendes bachiques où elle n'est séparée de 1«, enthousiasme » que par une nuance 2 ainsi que dans celles d'Héraklès, d'Athamas et d'Oreste, a passé en tout pays pour une possession démoniaque. La folie des Proetides et leur guérison par Mélampus était un sujet sur lequel les poètes, mythographes et artistes avaient exercé à l'envi leurs talents (fig. 4689) 3. Mélampus avait exorcisé les Prcetides par « des drogues et des catharmes » dont il était l'inventeur 4, à Lousi (Aouaoi) en Arcadie, dans le temple d'Artémis °, ou à Sicyone, dans celui d'Apollon G, ou sur les bords de l'Anigros, dans les eaux duquel Mélampus aurait jeté les xatà.pi.atia7, ce qu'il avait fait, disait-on encore, à la source d'Azeniae. Apollon ne pouvait manquer de réclamer aussi cette spécialité. C'est lui qui avait envoyé Bakis comme xrOap'rs ç à Lacédémone, pour guérir les femmes nymphomanes de la localité ».
L'amour tourné en obsession était une des formes de la folie. Ses victimes avaient recours soit aux conjurations et aux philtres pour le satisfaire, soit aux exorcismes pour le chasser. L'auteur de Cirta décrit l'opération qui doit guérir Scylla de sa folie amoureuse : soufre broyé avec des plantes odoriférantes, salive trois fois crachée, ligature à 27 tours (3 X 9) avec un fil tricolore, aspersion d'eau lustrale, tous les charmes magiques, même « inconnus des Grecs », sont employés, mais sans succès 1». Tibulle aussi fait exorciser son amour par une sorcière qui le purifie avec des torches et le sang d'une hostie noire ". Dans tin ordre d'idées moins mystique, Cynthie passe à l'eau et au soufre la maison et la personne de Properce, souillées non par des génies invisibles et le poison d'amour, mais par des tilles de joie 12
Nous devons renoncer à entrer plus avant dans cet
aspect du sujet et renvoyer pour le surplus à MACLA. La lustration est magique par essence. La médication cathartique nous entraîne en pleine magie ; les sources qui guérissent sont des réceptacles de vertus magiques. La logique exigerait que l'on considérât comme lustrations elles en ont tous les caractères les opérations magiques qui ont pour but de prévenir ou de guérir les maladies et violences occultes produites par la fascination
de/iixiones [DEVOTio]). Nous laisserons ces branches de la magie soudées au tronc principal.
Si le meurtre, la maladie, la mort, même naturelle, emportent l'idée de souillure, il en va de même des actes de la génération et de la parturition. Cette idée, amorce de la théorie du péché originel faisait même partie du sens commun". La continence était imposée par une foule de rites, soit temporaire, comme préparation à certains actes religieux1', temporaire ou perpétuelle comme condition de l'exercice de certains sacerdoces" [VESTALES]. La parturition est un drame sanglant qui souillait l'enfant et la mère. L'Apollon de Délos, et même le dieu-médecin, l'Asklépios d'Epidaure, ne toléraient pas plus les femmes en couches que les morts dans leurs domaines 47. Ces prescriptions ayant été oubliées, les Athéniens procédèrent en 425 à une purification complète de l'île de Délos. « Toutes les tombes furent enlevées : il fut ordonné qu'à l'avenir il n'y aurait plus dans l'île ni décès ni accouchement. » Thucydide rappelle à ce propos qu'une lustration de ce genre, bornée au temenos
du temple, avait déjà été opéréepar Pisistrate L'Artémis Taurique, bien différente de l'Artémis Eilithyia, écartait de ses autels quiconque avait touché de ses mains « les lochies ou un cadavre'» ». En Grèce, la maison de l'accouchée était aussitôt parée de branches d'olivier ou de bandelettes de laine (€ita), engins de purification et de préservation contre les assauts des génies malins20 A Rome, c'est le souci de la préservation qui domine, Silvanus étant censé rôder autour de la maison ; mais, parmi les mesures prises, figure le balayage du logis ou tout au moins du seuil, avec l'assistance de Deverra2t. Cet état d'impureté prenait fin par des relevailles, qui comportaient évidemment une lustration dite en Grèce « quarantaine n (.rn aasa0OGTatoV) 22. Le nouveau-né devait être aussi purifié, non seulement par des lotions d'eau ou de
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vin et des onctions d'huile', mais par une Iustration rituelle accomplie après un délai de quelques jours, délai fixé absolument comme celui du deuil et de durée à peu près égale 2. A Athènes, cette lustration consistait principalement en une course autour du foyer [AMPx1DROMIA], dont le sens est diversement interprété 8. C'est après cette cérémonie que l'enfant recevait son nom. A Rome, ce jour était le dies lustricus, quia his lustrantur atque eis nomina imponuntur4. On prévenait le retour offensif des mauvais génies en suspendant au cou de l'enfant une capsule [BULLA, AMCLFTUM] renfermant des amulettes.
Il nous reste encore à recenser sornmairementcertaines lustrations qui peuvent être considérées, suivant les cas, comme intéressant les individus ou les sociétés, attendu qu'elles incombent soit aux familles des individus souillés, soit aux propriétaires du sol, M'endroit oit se produisent les faits qui rendent les lustrations nécessaires. Tout être humain privé de sépulture rituelle ( justa funera) est un objet souillé, un xâ.8app.a, et la façon dont on le fait disparaître constitue une lustration pour la famille ou la société à laquelle il appartient Les funérailles légitimes purifient et le mort et ceux qui l'entourent; les autres ne profitent pas au mort, mais purifient les vivants. Il n'y avait pas à. se préoccuper des disparus, surtout de ceux qui, noyés en mer, étaient dans le grand réceptacle des xalg.txtiet, à moins que le flotne rejetât leur cadavre sur la grève. Cependant, il pouvait arriver que des disparus revinssent à leur domicile ou que des léthargiques ressuscitassent. Le seul fait d'avoir passé pour morts les rendait impurs. Plutarque assure que les « ressuscités » devaient se faire laver et allaiter comme des nouveau-nés (en Grèce), et que les disparus (à Rome) ne pouvaient plus rentrer chez eux que par le toit 6. Le suicide était un meurtre que l'on pouvait considérer à, volonté comme inexpiable ou comme expié par le sang du meurtrier. C'est cette dernière jurisprudence qui paraît avoir prévaluà Rome, mais à condition qu'il y eût du sang versé. C'est ainsi du moins que j'expliquerais pourgndi les pontifes romains ne refusaient les justa funera qu'aux pendus 7. En Grèce, les suicidés étaient frappés d'atimie et punis par la privation des honneurs funèbres 8. A Athènes, sans doute pour permettre de rendre au corps les derniers devoirs en la forme accoutumée, on en détachait la main coupable et on l'enfouissait à part 9. Pour les suppliciés,
la privation de sépulture était une aggravation de peine qui, en dépit de l'expiation suprême, les assimilait aux xxOxp(.azx et les faisait déporter hors frontière. Les individus foudroyés étaient des suppliciés d'une espèce particulière. Ces individus, et même les objets ou le sol frappés parla foudre, devenaient des xazouxia. Cependant les Grecs hésitaient sur le sens qu'il fallait attribuer aux coups de foudre [FULMEN]. C'était, à leurs yeux, comme des « descentes » de Zeus lui-même (U.); XCITtUT51çJ, et le lieu où il s'était posé, où il avait pénétré (i~),Gatov, lVTi,uslov), était plutôt consacré que souillé. En tout cas, ce lieu était désormais soustrait au contact des humains ; on l'entourait d'une barrière pour qu'il fût inaccessible, intangible (xea'cov, L aursiov) 10. En ce qui concerne les individus foudroyés, abstraction faite des légendaires Titans et Géants, on ne nous parle que de morts déjà ensevelis, et cet attouchement céleste parait avoir été interprété comme une faveur. Lycurgue fut promu héros par un signe ou a prodige » de ce genre"; de même, sur consultation de l'oracle de Delphes, l'athlète Euthymos12. A plus forte raison, Euripide : la foudre, éclatant par trois fois sur sa tombe, avait « purifié », dit un poète, « la matière mortelle de sa dépouillei3 ». C'était une application, un peu sophistique dans son optimisme, de la théorie de la purification par le feu, poussée jusqu'à l'apothéose. Les Romains avaient mieux conservé la trace du sentiment naturel qu'inspire la foudre. Les coups mortels partis de là-haut leur paraissaient un châtiment mystérieux ou une malédiction. Une loi de Numa disait : Homo si fulmineoccisusest,eijustenulle/ierioportet14. L'individu foudroyé était enfoui sur place, et ce coin de terre, quoique purifié à la surface par le sang des bidentes, restait un lieu funeste, où personne ne devait plus poser le pied et que, pour plus de sûreté, on entourait d'une clôture (puteal, bidental). On a parlé ailleurs [HARUSPICES] de la casuistique importée à Rome par les Toscans et de l'enterrement de la foudre elle-même (fulgur condituin, fulguritum). Le rite national, employé par les particuliers, parait s'être réfugié dans la pratique des strufertarii, dont il n'est question qu'à propos des arbres foudroyés. On expiait ou annulait le maléfice au moyen de deux espèces de gâteaux ou pâtées, sans doute analogues à la muta salsa, la strues et le ferctum 16.
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Les coups (le foudre étaient assimilés aux prodiges, surtout quand ils frappaient des monuments ou lieux publics, et, comme tout prodige, ils emportaient présomption de fautes commises, mais ignorées Nous sommes là sur un terrain indivis, qui franchit la ligne de démarcation tracée entre les lustrations individuelles et celles dont l'effet s'étend aux êtres collectifs autres que les familles.
B. Lustrations des lires collectifs. Cette catégorie comprend les lustrations de caractère expiatoire, c'est-àdire qui visent à effacer la trace et prévenir les conséquences de fautes dont la société entière est tenue pour responsable, que ces fautes soient connues ou simplement supposées pour des raisons valables.
Le motif ordinaire, pour ne pas dire unique, qui conduit à l'hypothèse de fautes ignorées, est l'apparition
ciations surnaturelles. Le concept de a prodige » était extrêmement flottant. Il ne s'agit pas toujours de phénomènes miraculeux : il suffit que le « prodige » se fasse remarquer. Une sécheresse continue, une épidémie persistante, un arbre fétiche qui tombe ou sèche brusquement ou reverdit après avoir séché 2, enfin, une série d'accidents qui n'ont d'anormal que leur fréquence, peuvent être signalés comme prodiges. Les prodiges sont des avis, et le plus souvent des réclamations (postiliones) des dieux. Le prodige pouvait être soumis à l'interprétation, et l'on apprenait ainsi quelle était la cause de leur mécontentement et ce qu'ils réclamaient, auquel cas la « procuration » du prodige était indiquée par là même. On pouvait aussi se contenter de « procurer » le prodige sans l'interpréter, soit que la procuration fût déjà connue par des exemples antérieurs', soit qu'elle fût faite à titre d'essai, sauf à aviser si elle se trouvait inefficace. Dans tous les cas, la procuration comprenait une lustration, le plus souvent processionnelle, c'est-à-dire promenée sur le sol de la cité, cérémonie distincte des mesures prises pour supprimer soit la cause qui avait motivé l'avis céleste, soit le corps même du prodige, quand il était incarné dans un monstre. Lorsque, en 2Oî, les haruspices eurent fait noyer en mer l'androgyne né à Frusinone, les pontifes décrétèrent une procession expiatoire 4. Il s'agit, bien entendu, des prodiges qui sont reconnus comme intéressant la société entière et « acceptés » par l'État (publice suscepta). Libre aux particuliers de voir des prodiges à leur adresse dans une foule d'incidents, de les interpréter et de les procurer à leur guise.
Les prodiges abondent dans les légendes et histoires grecques et romaines'. On peut dire, d'une manière générale, pour ne pas entrer dans le détail de ce sujet
V.
réservé, que les Grecs se souciaient plus d'interpréter les prodiges que de les « procurer », tandis que les Romains, moins curieux, mais plus timorés, songeaient surtout à la procuration, seule prévue par leurs rites nationaux. Sommairement appréciés par les pontifes, ou interprétés soit par les haruspices, soit par les livres sibyllins, les prodiges « publics » pris en charge par l'État romain étaient procurés par des moyens variés : sacrifices, supplications, lectisternes, féries prolongées, processions e, offrandes, voeux, comportant parfois des sacrifices en masse VER SACBLAI], parmi lesquels figurent exceptionnellement, par ordre des livres sibyllins, des sacrifices humains empruntés aux rites grecs [cf. DL'DMVIRI S. E.].
Les Grecs avaient conservé une foi regrettable, encore que parfaitement logique, dans la vertu expiatoire du sang humain, le xxtxçiadt suprême. Cette vertu était portée à son comble, quand le sang était celui de victimes innocentes. N'ayant pas à expier leurs propres péchés, toute l'efficacité de leur sacrifice se reportait sur les péchés dont les formules et imprécations rituelles leur transféraient la responsabilité. Les légendes grecques reproduisent à satiété les sacrifices de jeunes filles que les oracles même et surtout les oracles d'Apollon' vouent à la mort par le couteau du sacrificateur ou la dent des monstres, ici le Minotaure, là des dragons vomis par la mer, et qui ne sont pas toutes sauvées par des héros amoureux ou des divinités apitoyées8. On savait aussi que des calamités publiques avaient été détournées par le sacrifice volontaire [DEVOTto] de personnes qui avaient pris spontanément le rôle de victimes expiatoires °. On se souvenait que certains cultes, adoucis par le progrès des moeurs, exigeaient jadis des victimes humaines". Enfin, ce qui dispense d'autres preuves, les sacrifices humains, plus ou moins atténués par des fictions légales, persistaient dans plusieurs cultes à l'époque historique, ceux de Zeus Lykaios 11 [cvl6AIAI, d'Arès à Lacédémone12, de Dionysos à Chios et à 'lénédos 13, de Kronos à Rhodes'', d'Apollon à Leucate 1", d'Apollon et Artémis à Massalia16, à Athènes, et peut-être dans toutes les villes ioniennes. On trouvait justifié par la raison d'État ce qui eût été un crime pour un particulier". Nous nous arrêterons, pour choisir un exemple incontesté de lustration publique, régulière et annuelle, par les sacrifices humains, à la fête des Thargélies [TIARGELIA], qu'on disait instituée pour expier la mort d'Androgéos et faire cesser la peste consécutive. Nous ne sommes pas obligés de croire, avec le scoliaste d'Aristophane, que les Athéniens nourrissaient des hommes pris dans le rebut de la société pour les sacrifier et « purifier le miasme » en cas de calamité publique 18 ; mais il est
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certain qu'ils prenaient cet précaution une fois l'an. La grande procession (itaaaifty. di :i Th urgélies, destinée à
purifier la ville » et pompant les fruits de la terre (Aap„ij).,a) des ardeurs du si lei1, comportait, entre autres cérémonies, la mise à mort d'une paire de tpapuaxo(, individus « drogués » ou enveittes par accumulation sur leurs tètes de toutes les souillures de peuple entier, l'un portant celles des hommes, l'autre celles des femmes. Ce transfert de responsabilité s'affirmait par toute sorte d'avanies, figues en collier, flagellation avec des branches de figuier sauvage, des oignons de scille, etc.' Quand ces xazpp.xra, ces ordures humaines promenées parla -allé, en avaient comme absorbé tous les miasmes, on les faisait disparaître, soit en brûlant leurs cadavres, soit en les précipitant dans la ,mer.
Le rite des 'ihargélies pouvait être appliqué à des lustrations extraordinaires, surtout motivées par des épidémies. Il figure dans la lustration solennelle par laquelle, sur l'ordre de la Pythie, Épiménide purifia Athènes souillée par le meurtre des Cyloniens ('(oç Ku,'daietov), meurtre insuffisamment expié par la déportation des évayr.;, vivants et morts. Depuis lors, Athènes était décimée par la peste et hantée par les revenants. On assure qu'Épiménide, entre autres cérémonies, immola un ou même deux adolescents, Cratinos et Ctésibios, choisis sans doute parce qu'ils portaient des noms de bon augure. Pour purifier le territoire, il avait, dit-on, lâché du haut de l'Aréopage des brebis noires et blanches, qui furent immolées là ois il leur plut de s'arrêter, et des autels commémoratifs furent érigés en ces divers lieux°. Les Argiens, à la suite d'une guerre civile, de date inconnue, avaient aussi, parait-il, purifié solennellement leur ville par diverses cérémonies et élevé une statue à Zens Milichios'P Polybe raconte que, les Cynathiens étant en horreur à tous.les Arcadiens à cause de leurs sanglantes discordes, les Mantinéens expulsèrent de chez eux des envoyés cynuthiens, puis « firent une lustration xx02op.4'e) en promenant des victimes autour de la ville et du territoire tout entier 3 ». De même, parait-il, Rome fut purifiée après l'expulsion des rois ° . la récolte du Champ de Mars, terrain usurpé par le tyran, fut jetée au Tibre comme « chose souillée (€rvutaaov) et qui ne devait pas être introduite dans les maisons' ». Après la retraite des Gaulois, Camille « purifia la, ville suivant les rites prescrits par les hommes compétents », c'est-à-dire à la mode grecque, car on consulta à ce propos Ies livres sibyllins 8. Silius Italicus suppose qu'on purifia aussi les « remparts » de Rome, fascinés, je suppose. par le mauvais oeil d'Hannibal °, La légende imagina des précéderais mythiques à ces opérations. Le Pélasgos des Sarppliantes p0 sait que le Péloponèse s'appelle de son
i Hellad. ap. Phot. Uibt, p. 534, Harpocrat. nt Suidas, s. vv. 2appax38,
questions de détail, v. g, le départ entre les rites athéniens et ioniens (de Milet, Paros, Massalia), et les fictions légales qui ont pu Afro substituées à la mort
réelle (of. Hesyeh. s. v. xabapl5ia, = eaaeiieâgsxi), voir YeaaaELL4.. L'auteur du Minos (p. 3E5 Dl nie les sacrifices humains à Athènes. 2 sliapy.aiî; 3 dal xsAupey5
tt Timeyd. 11, 47. 12 Les Grecs avaient frai par se persuader que le sacrifice de victimes humaines était une ;Axe :oa(a (Pausan. Vil, 19, 8). Plutarque (Superst.
temps Apia, pour avoir été purifié « des souillures d'antiques meurtres » par Apis, fils d'Apollon. Ce sang versé avait produit des monstres et fléaux de toute sorte, c'està-dire des prodiges ou signes de la colère des dieux. Les Athéniens durent se souvenir d'ipiménide quand éclata la terrible peste de 430; mais 'Tlnieydidc dédaigne le nous renseigner sur ce que purent imaginer des gens superstitieux et apeurés. Il se contente de dire : a tout ce qu'on essaya en fait de supplications près des temples, de consultations d'oracles et pratiques de ce genre, fut inutile" ». On peut supposer qu'après les protestations des tragiques contre I'anthropoctonie'', les Athéniens n'ajoutèrent pas de nouvelles victimes humaines à leurs' vppi.axol.
En somme, il n'est guère de ville grecque qui n'ait eu, dans ses rites locaux, des cérémonies expiatoires destinées à purifier la cité soit de crimes récents, soit de fautes ancestrales". Les légendes savaient toujours trouver à l'origine quelque dieu courroucé ou quelque ombre inapaisée. De ce point de vue, les jeux panhelléniques eux-mêmes sont des lustrations funèbres, et la tradition ne se fait pas faute de le dire pour les jeux pythiques et néméens.
Si nous retournons à Rome, sans revenir sur les procurations de prodiges que nous avons voulu éliminer, nous rencontrons une lustration annuelle, dont le caractère expiatoire est indiqué non seulement par le simulacre de sacrifices humains, mais par le deuil de la flarninica Dialis, qui suivait le cortège en attitude dolente, les cheveux épars. 11 s'agit de la procession des Argées rARGEI, la plus grande des lustrations, au dire de Plutarque". Les poupées de jonc qui servaient de tuapteaxot étaient d'abord promenées dans les divers quartiers au mois de mars et déposées dans des chapelles où elles avaient tout le temps de s'imprégner des « miasmes » locaux. C'est là qu'on allait les chercher le 13 mai, pour les précipiter du haut du pont Sublicius 13 dans le Tibre, qui les charriait à la mer. Le nom grec des Argei est à lui seul une énigme. On peut y voir un indice d'importation grecque sans se rallier à la dernière hypothèse qu'il e suggérée et qui consiste à faire de cette étrange cérémonie une procuration édictée par les hviri S. F. entre la première et la seconde guerre punique u. L'explication la plus simple est encore celle que les Romains du temps d'Auguste repoussaient comme déshonorante pour leurs ancêtres. Ils ne voulaient pas que ceux-ci eussent jamais été assez barbares pour se débarrasser régulièrement des bouches inutiles et « précipiter les sexagénaires du haut du pont" ».
L'enterrement des -Vestales fYESTALESj incestueuses est une lustration publique qui ensevelit dans les entrailles de la terre, au Campus Sceler'atus, Piètre souillé et inex
12) n'en connaît que chez les Carthaginois, les Gaulois et les Scythes. la A Co
Eurip. ledea, 273), supplication (Ix,uia) à Aphrodite (Athon. Xn1, p. 573 o); à Phé»ée, ixayiaeaaa pour Myrtilos (Pausait, Vlll, 14, 7) ; à Sicyone, pour Héraklès (Il, 10, 1); à lEehaüa, pour Cor, tus (IV, 3, 6), à Lacédémone, pour Karnos
16 G. Wissessa, art. Argei in Pauly-Wissossas Real-Encyclop. Il serait bien étonnant qu'on eût perdu si vite le souvenir d'une origine aussi récente, et l'absence des viri. S. F. à In cérémonie, ois figurent les pontifes et les Vestales, devient inexplicable. la Cicéron (Pro Rose. 36) y voit sans hésiter un mes majoruna. Ovide (Fast. V, 624) proteste, et les érudits avaient cherché un autre sens à la tradition concernant les depontant (Fest. Epit. p. 75, s. v.; cf. Fest, p. 334, s. e,
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piable qu'est devenue la Vestale coupable. On l'enfouit comme un x«Onpu.z, en prétendant respecter l'inviolabilité qu'elle n'a pas su garder elle-même ; moyennant quoi la cité est délivrée des conséquences qu'aurait attirées sur elle l'impunité d'un tel crime. Je croirais volontiers que les pontifes ont imite ici des rites grecs, connus ou inconnus, relatifs à l'enterrement des x«Oxpw.aia. Du moins, la tradition voulait que la première Vestale déflorée, Rhéa Sylvia, eût été noyée dans le Tibre', comme on faisait pour les Argei. Il était un autre cas, analogue à un certain point de vue, et qui, tout au moins comme difficulté théorique, car on ne dit pas qu'il se soit jamais présenté, a exercé l'ingéniosité des pontifes. L'individu qui s'était « dévoué » [voir DEVOTIO] avait assumé sur sa tête les péchés et responsabilités quelconques de ses concitoyens. Quoique innocent et même sublime, il était devenu un xzOapp.a, et, comme tel, il devait disparaître. S'il survivait, il fallait ou l'expulser de la cité, ou ne l'y laisser
rentrer qu'après lui avoir ôté le caractère de victime expiatoire. Les pontifes avaient trouvé auproblèmeune solution qui produisaiten même temps ces deux effets contradictoires. On devait substituer à l'individu dévoué une effigie d'au moins septpieds de haut, que
l'on enterrait, avec sacrifice expiatoire, dans un endroit qui devenait par le fait une espèce de bidental. Grâce à ce dédoublement de la personnalité, le dévoué était théoriquement supprimé, pratiquement rendu à la société. Si l'ennemi s'était emparé de l'arme sur laquelle le dévoué avait posé le pied en prononçant les formules rituelles, il fallait paralyser la vertu de ce talisman, témoin des imprécations, en offrant à Mars des suovetaurilia.
Parmi les cérémonies recensées jusqu'ici comme lustrations expiatoires, toutes celles qui sont devenues régulières et annuelles auraient pu aussi bien être qualifiées propitiatoires. Elles ont été maintenues dans la première catégorie en raison de leur caractère lugubre et des traditions qui en faisaient remonter l'origine soit à un crime ou malheur spécifié, soit, d'une manière générale, à des devoirs contractés envers les morts. D'autre part, la catégorie où nous allons ranger les cérémonies propitiatoires ne doit comprendre que celles où il y a lustra
Lion, et l'idée de lustration présuppose nécessairement celle de souillures à effacer, autrement dit d'expiation. La ligne do démarcation est donc assez flottante. Nous avons mis en deçà les lustrations qui visent à effacer des souillures connues, ou supposées pour des raisons connues : nous mettrons au delà les purifications qui ne supposent d'autres souillures que celles dont nulle personne ou chose terrestre n'est présumée exempte. La catégorie précédente est une médication qui confine à la morale : celle-ci est un chapitre de l'hygiène mystique.
III. Rites propitiatoires. -A. Lustrations individuelles ou familiales. Tout acte religieux, et particulièrement le sacrifice, exige une pureté corporelle dont la nécessité était rappelée à tous par les 1ipvtôeç ou 7Ep4avti'pta placés à l'entrée des lieux saints (voir fig. 4678). A plus forte raison les prêtres devaient-ils se
tenir en état de pureté [OACERDOS, sACRIFICILM. On sait de
combien d'observances minutieuses était encombrée à Rome la vie quotidienne dit
et des Vestales2. Nous ne reviendrons pas sur les prescriptions analogues concernant les sacerdoces helléniques et qui ont été visées plus haut. Il est probable que la collation du sacerdoce n'allait pas sans lustrations spéciales, ruais les textes n'en disent rien : il n'y en a pas trace dans le peu que nous savons de l' « inauguration » sacerdotale à Rome [JNAUGURATIO]. Du reste, dans le monde grécoromain, le sacerdoce, le plus souvent temporaire, tendait à devenir une fonction civique. En revanche, la cathartique avait pris un développement exceptionnel dans les mystères [ELEUSINIA, MYSTERIA]. L'initiation aux mystères exigeait toute une série de lustrations préalables (fig. 4690) 3, destinées à laver toutes les souillures possibles, même celles dont le myste lui-même n'avait pas conscience t, Pour les fautes dont il se savait coupable, et qu'on l'invitait à confesser dans les mystères de Samothrace', il y avait sans doute des lustrations supplémentaires, de caractère expiatoire a. Il n'est question, à propos des mystères, quels qu'ils soient', que de x«Oxpuot, Aéntçd, rEÀe'r«(, de vêtements immaculés, de bains, d'aliments et de breuvages régénérateurs, de spectacles produisant dans les âmes la xàtxpcu qu'Aristote
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a transportée à la tragédie dionysiaque. Les cultes mystiques étaient de véritables officines de purification, d'où l'on sortait tout prêt à affronter le voyage d'outretombe, allégé de ses fautes (part de l'expiation), marqué du sceau (aippay(ç) des élus et assuré de la bienveillance des divinités souterraines (part de la propitiation). Les « théurges », comme Proclus, se préparaient nuit et jour à leur fin dernière, par des « aspersions et autres catharmes, tantôt orphiques, tantôt chaldaïques i ». Ils avaient des traités sur les xaOcipeta., attribués à Orphée ou à Hermès Trismégiste, Pythagore, Epiménide, Empédocle, Phérécyde, où se mêlaient étrangement les recettes magiques, les prières, jeûnes et abstinences2. Les cultes fraîchement importés de l'Orient soutinrent la concurrence par une surenchère, le baptême de sang [TAUROBoLIUM], lustration qui produisait une « renaissance pour l'éternité » ou régénération, symbolisée par la vertu génératrice des vires 3. Ils avaient même puisé dans l'air ambiant des
idées de charité, qui permettaient aux initiés d'attribuer à d'autres le bénéfice de leur régénération.
Comme les Mystères, les oracles ([a.avTeïa)n'ouvraient leurs sanctuaires qu'à des clients préalablement purifiés suivant des rites officiels qui seront examinés
lustrations étaient particulièrement compliquées près des oracles chthoniens ou nécromantiques. A Lébadée, on ne descendait dans l'antre redoutable de Trophonios que muni de toutes les ressources de la cathartique, sacrifices, ablutions, dégustation d'eau de sources sacrées et habits de lin 4. On n'approchait de la fontaine des Paliques que « pur de toute souillure, de commerce charnel et de certains aliments ». Comme les parjures étaient frappés de mort, les prêtres exigeaient des consultants le dépôt préalable d'une somme qui servirait à purifier le temple en cas d'accident 6.
Comme les Mystères et les oracles, les divers sacerdoces pouvaient édicter des prescriptions de ce genre, à l'usage soit des prêtres, soit des fidèles. Les cultes na
tionaux ne paraissent pas avoir été très exigeants ; les cultes importés de l'Orient l'étaient davantage. Une stèle placée à l'entrée d'un sanctuaire d'ailleurs inconnu de Lindos avertissait ceux qui voulaient y pénétrer « en bonne condition » (aia(voç) qu'ils devaient s'être abstenus de certains mets, lentilles, chair de chèvre, fromage, durant un nombre de jours déterminé. La souillure produite par le contact d'un cadavre ou un deuil de famille exigeait un délai de quarante jours. L'interdiction résultant du commerce sexuel « légitime » pouvait être levée le jour même, moyennant une aspersion d'eau et une onction d'huile 6. Le règlement rédigé par le fondateur d'une chapelle de Mên Tyrannos [LUNUS] en Attique exige que quiconque s'en approche soit pur, c'est-à-dire purifié par un lavage, s'il a mangé de l'ail ou du porc ou s'est approché d'une femme : il n'oublie pas non plus ce qui concerne Tz yuvatxeia et les morts. Tout contrevenant peut être assuré que le dieu n'acceptera pas son offrande 7. On a signalé plus haut la place que tenaient dans la vie des individus et des familles les lustrations concernant la naissance et la mort : celles
du mariage [MATRIMoNIUM] ne sont ni
moins minutieu ses, ni moins obligatoires. Si elles sont disjointes ici des autres, c'est qu'elles ne visent pas des souillures' connues et qu'elles rentrent par là dans la catégorie des cérémonies propitiatoires. Les précautions imaginées pour purifier les mariés, leur maison, le lit nuptial, pour tenir à distance ou chasser les mauvais esprits et attirer les bénédictions des divinités protectrices, sont si multipliées qu'il serait plus simple de dire qu'on n'en omet aucune. Dans les rites grecs e, choix d'un jour heureux et « d'air pur », bains préalables avec invocation des Nymphes présidant aux sources où l'eau est puisée [LOUTROPHOROS], vêtements blancs et couronne, sacrifices, purification par aspersion (fig. 4691) 0 et fumigation promenée en cercle, de gauche à droite, autour du couple 10, flamboiement des torches portées par le cortège, partie essentielle des lustrations matrimoniales f1, communion par le gâteau
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symbolique de sésame, tapage à la porte durant la consommation du mariage, toutes ces pratiques, dont souvent on ne comprenait plus le sens et qui, tombées dans le domaine public, ne nécessitaient plus l'intervention du prêtre, concouraient au même but. A Rome, un certain nombre de cérémonies symboliques étaient tombées en désuétude avec la confarreatio, forme archaïque du mariage contrôlée par l'État en la personne du Grand Pontife et du flamine Dial'. Celle-ci exigeait, outre la communion par le panis farreus2, une cérémonie qui rappelle l'usage grec du Atos xoïStov et devait produire des effets analogues Les mariés étaient invités par le pontife à s'asseoir sur deux sièges ayant pour couverture commune la peau de la brebis immolée pour la circonstance 4. Mais le cortège des torches en bois d'épine, de cornouiller ou de pin °, était de rigueur dans toute deductio nuptiale, survivance, là comme en Grèce, du rapt de l'âge préhistorique. Les « flambeaux d'hyménée » (taedae, faces) 6 étaient passés en proverbe. A la porte de la maison nuptiale, une onction d'huile [cf. la dea Unxia des INDIGITAMENTA] et des bandelettes de laine attachées aux poteaux arrêtaient encore les maléfices
Les naissances, mariages et décès, n'étaient pas les seules circonstances où les lustrations fussent obligatoires. Sans rechercher curieusement les scrupules qui pouvaient surgir à tout moment dans l'existence des gens superstitieux et provoquer des lustrations individuelles ou domestiques 8, je me borne à relever les purifications qui étaient prescrites à certains jours par la religion de la cité. On a déjà noté celles qui, appartenant à la commémoration publique des morts, ont un caractère expiatoire. De même ici figurent les lustrations propitiatoires qui sont bien ordonnées par la religion d'État, mais sont exécutées par les individus, pour eux-mêmes et leurs propriétés. Les unes et les autres appartiennent à la catégorie de ce que les théologiens appelaient cultes populaires (iepâ Sr)[LoTtxâ., sacra popularia), par opposition aux cérémonies officielles (iep SrlµoTE),=r,, sacra publica ou pro populo). Ce sont des usages populaires, antérieurs à la constitution du culte officiel, mais reconnus et rendus obligatoires par l'État.
A Athènes, il n'est presque pas de fête qui ne soit populaire en même temps qu'officielle et qui ne prenne la forme de procession (7zoµ7ri)). On pourrait donc inscrire ici toutes celles où les citoyens portent des engins de purification, de l'eau, des torches ou « lampes », des
branches ou couronnes de laurier et d'olivier, c'est-à-dire les hydrophories, thallophories, daphnéphories, lampadophories ou lampadodromies. Il est prudent de passer à côté de cette perspective indéfinie, en ne retenant, pour le paragraphe suivant, que les lustrations vraiment officielles.
Le culte romain nous offre un triage plus facile. Voici d'abord, dans la catégorie des lustrations agricoles et en suivant l'ordre du calendrier, les fêtes mobiles célébrées en janvier, comme conclusion des travaux d'ensemencement (feriae sementivae), les Compitalia ou fête des Lares à la ville [COMPITALIA], les Paganalia à la campagne, deux parties artificiellement séparées d'une lustration générale du territoire, sans doute unique à l'origine'. Aux Compitalia, comme prélude aux réjouissances, figurent des cérémonies de caractère funèbre et expiatoire, suspension dans les carrefours et aux portes des maisons de poupées (nzaniae) et de pelotes (pilae) de laine ; à l'intérieur des maisons, offrandes de têtes de pavot et d'ail, qui représentaient on s'en souvenait encore des victimes humaines 10. Il y avait aussi commémoration des morts, surtout des disparus ". Enfin, le sang des porcs coulait dans les carrefours 12. Aux Payanalia, on jetait sur des foyers des gâteaux divers (annua liba) ; on pendait des oscilla aux arbres 13, on immolait des truies, et de toutes les cérémonies résultait la lustration de la bourgade 1°. Lorsqu'il y eut des magistri vicorum et pagorum officiellement investis, la lustration présidée par eux tendit àprendre un caractère collectif ". La même observation s'applique aux fêtes des paroisses dont l'État avait fait des curies et qui se célébraient aussi, par ordre de l'État, le même jour : les Fornacalia du 17 février [FORNACALIA] et les Fordicidia du 15 avril. De ces deux cérémonies, la dernière, à cause de l'intervention des pontifes et des Vestales, trouvera place plus loin : l'autre a été suffisamment étudiée dans l'article précité. Les citoyens sinon tous, du moins les patriciens16 y participaient d'une façon active, et chez eux, comme pères de famille, et dans les curies, sous la direction des curiones et du curio maximus. La lustration purement agricole du mois de février est la lustration des bornes ou fête du dieu Terme (Terminalia) au 23 février. Ce jour-là, les propriétaires de champs contigus se réunissent devant la borne couronnée, versent sur le feu de l'autel des grains, des rayons de miel, des libations de vin et immolent une porta lactans".
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Le 21 avril, jour réputé anniversaire de la fondation de Rome, fête stative des Parilia ou Palilia, à la fois publique et privée, intéressant la population entière, sans distinction d'origine ou de domicile. Dès le matin, les paysans procédaient à la lustration des troupeaux. Les bergeries étaient décorées de rameaux et de couronnes, le sol balayé, les moutons aspergés d'eau et fumigés au soufre; puis un grand feu était allumé, feu de paille, de branches d'olivier et de laurier, à travers lequel sautaient trois fois moutons et bergers. Puis venaient des offrandes de millet, de (lapes, de lait, de vin chaud -avec prière quatre fois (?) répétée à Pales, apprêts d'un banquet d'où les convives sortaient en belle humeur et utilisaient ce qui leur restait d'équilibre pour repasser par le feu ravivé du brasier'. Les rites devaient être quelque peu modifiés pour les citadins. Il est probable qu'ils se réunissaient et allumaient le feu traditionnel sur le Palatin ou colline de Palès, et que l'État y était représenté par le famine Palatual, ou même, sous prétexte d'anniversaire de la fondation de Rome, par le rex sacrorum. En tout cas, l'ingrédient principal de la lustration était une mixture fabriquée par les Vestales avec le sang de l'Uctober equus et la cendre des veaux mort-nés brûlés aux lr'ordicidia. Les tiges (slipulae) ou cosses vides de fèves devaient servir, j'imagine, à alimenter le brasier sur lequel les citoyens, dûment aspergés avec une branche de laurier, tenant en main le cadeau des Vestales, repassaient trois fois et jetaient cette étrange mixture'. Il est possible aussi que les suffimenta des Vestales aient été distribués au « peuple » pour une lustration domestique, préparatoire à la cérémonie collective comme aux Ludi Saeeulares (ci-après) les suffintenta, torches, soufre et bitume, distribués par les YVzori S. F.
Si l'on peut considérer comme individuelles des lustrations ordonnées par l'État, à. plus forte raison, celles qui étaient particulières à certaines corporations non officielles. Une des plus anciennes, celle des marchands ou Mercuriales, avait sa fête patronale le 15 mai. Ce jour-là, chaque commerçant allait, en simple tunique, puiser de l'eau à la source de Mercure, près la porte Capène, dans une cruche préalablement désinfectée (suffita), y trempait une branche de laurier et en aspergeait ses marchandises et sa propre personne, en invoquant Mercure au milieu des fumées de l'encens 4. Les féries des Quinquatrus, des Vinalia, des Volcanalia, des Portunalia ou Lud) piscatorii, étaient pour différents corps de métiers des fêtes analogues, donnant lieu à des pratiques où, même avec le peu que nous en savons, on devine l'intention de purifier les personnes et le matériel'. Avec la corporation officielle
des tubicines et leur tubilustriuut, nous passons à la catégorie des lustrations faites pour le compte de l'État.
B. Lustrations des êtres collectifs. L'ordre logique nous oblige à commencer par ce que nous connaissons le moins. On n'a guère sur la fondation des cités que des légendes où il est question de victimes humaines égorgées ou enterrées vivantes dans les fondations des murailles, légendes qui se donnent pour de l'histoire quand il s'agit de villes fondées à une époque connue. C'est ainsi qu'on nous indique le jour et l'heure où Séleucus Nicator, après avoir choisi l'emplacement d'Antioche, fit immoler au milieu une vierge nommée fh`matbia a. On n'ose affirmer que les Grecs soient restés indemnes de cette abominable superstition, qui parait avoir sévi sur toute l'espèce humaine 7. Les traditions authentiquement grecques n'en parlent pas. Les légariens racontaient que Alcathos, avant de bàtir leurs murailles, avait sacrifié aux Gui 7.eolop.stç, mais sans allusion aucune à ce rite barbare 8. Rome aussi avait, au milieu de son ancien périmètre, un mundus, un lieu purifié, où l'on avait jeté les prémices de toutes choses e à l'adresse des génies souterrains. Bien que les Romains eussent la prétention d'avoir toujours abhorré les sacrifices humains, il se peut que le meurtre de Rémus soit un souvenir travesti de ces sortes de lustrations. En tout cas, ils ne réclamaient pas comme national, mais appelaient « rite étrusque » le cérémonial qui avait été suivi, d'après la légende, lors de la fondation de Rome et qu'ils observaient fidèlement quand ils fondaient des colonies : orientation du « temple » urbain et du terrain à allotir, prise des auspices et tracé du pomerium avec une charrue de cuivre attelée d'une vache et d'un taureau blancs [INAUGCHATIO. Ce qui domine dans ce rite, et qui est appliqué, sous le nom d'inauguration, à toute espèce de « temples », c'est non pas l'idée de purification, mais l'idée connexe ou même équivalente de « libération » 18 ou déblaiement des espaces inaugurés, par transfert ou exauguration de tout ce qui pouvait l'encombrer. Cependant, la lustration par le sacrifice y avait sa part. Nous savons par Cicéron que la fondation d'une colonie exigeait des sacrifices pareils à ceux qu'offraient les censeurs et les généraux pour la lustration du « peuple » ou de «l'armée» (soir-ci-après)" c'est-à-dire dessuotetaurilia; et, d'autre part, le rite des Lupercales, qui est une lustration de l'ancien pomerium (ci-après), petit être reporté aux origines mêmes de la cité. La fondation de Constantinople fut une occasion d'évoquer les vieux rites et de les combiner avec ceux qu'une religion nouvelle put suggérer en une circonstance nouvelle aussi pour sa liturgie naissante. Constantin parait avoir essayé
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de satisfaire à la fois p2iens et. chrétiens cl', dans les deux solennités (326 on. 326 et il mai 330, réparti les cérémonies entre le7aolne,°i 16/11 les temples et. les églises, de façon qu'on pût dire la capitale inaugurée à l'ancienne
mode et dédiée (TŸ, Eyxz(vtx) t la nouvelle 1.
L'inauguration ou dédicace des temples reproduit dans ses parties essentielles le rite cle la hndafion des cités. Les suorotaurilia figurent dans la lustration de l'aire du temple de Jupiter Capitolin, opérée sous le principat de Vespasien (22 juin 70), en morne temps que la pose de la première pierre du nouveau temple. Cette fois, les pontifes et les haruspices avaient accumulé dans un rite composite toutes les finesses de fart. Les ruines du. temple incendié avaient été transportées dans des malais oit elles s'enterreraient d'elles-mêmes. On choisit pour la cérémonie inaugurale un jour serein. L'espace d purifier, entoure de bandelettes et de couronnes, bordé d'une haie de soldats ayant des noms de bon augure et portant. des « rameaux heureux », fut aspergé d'eau vive par les Vestales ; puis les suoi''elaurilia furent immolés, avec prière dictée par un pontife; le magistrat présidant à la dédicace toucha les bandelettes dont la pierre angulaire était enrubannée, et celle-ci fut descendue sur un lit de pièces d'or et d'argent et de pépites métalliques à l'état naturel. Défense fut faite par les haruspices d'employer à la construction ni pierre ni or qui auraient été destinés à un autre usage 2.
Pour les vieilles cités, les lustrations initiales sont présupposées d'après des usages existants, Grecs et Romains multipliaient les purifications périodiques du territoire de leur cité, soit à jour fixe, soit dans une saison déterminée. Le rituel athénien est tellement encombré de processions avec sacrifices, rameaux de laurier et d'olivier, droç xti,os (aux Exipopdpi« et ana Iloiac«ia de Mremalcterion 3), symboles phalliques et autres ânoTpd7izi«, promenés dans la ville et hors de la ville, et toutes ces cérémonies, dont on avait perdu le sens, étaient motivées par des légendes si incohérentes qu'il est impossible même d'en esquisser ici une analyse sommaire. On y pressent partout le caractère de lustrations officielles, adultéré et compliqué de toute sorte de détails énigmatiques. Bornons-nous à prélever sur ce fatras quelques cérémonies incontestablement lustrales. Telle la fête des Kallyntéries et Plyntéries [PLYRTEniA], qui avait lien précisément dans le mois de Thargélion et complétait l'effet de la grande lustration des Thargelies. La légende, en la rattachant au souvenir d'Aglaure, comme les Thargéiies à la mort d'Androgée, lui donnait un caractère funèbre qui parait ici tout à fait artificiel, Ii s'agissait de nettoyer le sanctuaire d'Athéna Poilas (lêx,)uva-r';pi«), de baigner le vieux fétiche geotvov) qui la
représentait et de laver ses vêtements (l)ut nçt«). Les Praxiergides, assistées de ueÀuvTplâse ou ),ourpèclcç et d'un xz-'av(ttTrtp, emportaient lidole soigneusement enveloppée et la conduisaient proceseionnellement e la mer, près de Phalère, d'où le cortège la ramenait le sors, portant un bloc de figues sèches eilyr,Tq,,.«) et des flambeaux allumés. Pendant t 'absence de sa patronne, la cité prenait dan air de deuil; l'accès des temples était barré par des cordes, et le jour était mec rx,`. Chaque sanctuaire avait peutêtre son jour de nettoyage, mais qui n'intéressait pas, la cité entière comme les Plynt .ries. Enfin, des réglarations ou des souillures accidentelles pouvaient donner lieu à des lustrations exceptionnelles, lin décret de 2.113 av. J.-C, charge les asty noittes «de fournir, pour la purification du temple (d'Aphrodite Pandémos), une colombe, d oindre les autels, de goudronner les charpentes et de laver let, sièges" l'n
La religion athénienne exigeait aussi que e lieu où se réunissait le peuple, soit, en comices (éx-cèqu'a), soit au théâtre ou ailleurs, fût panifié, ainsi que les assistants eux-mêmes, avant L'ouverture de la séance. C'était l'office des neptrTicepot e, qui faisaient le tour de l'assemblée en l'aspergeant avec le sang de cochons de lait, lesquels étaient censés recueillir dans leurs chairs et leurs dpyeIç tous les miasmes ambiants, après quoi ils étaient jetés à la voirie comme xaOOxpg.arx Cette lustration sacramentelle tenait la place des auspices à la mode romaine. Plutarque raconte que, en apprenant l'horrible « scytalisme » d'Argos (360 au. J.-C.), les Athéniens, qui étaient en séance, firent recommencer la xx9«pntc. de l'assemblée a. Un. Romain eût dit que les auspices étaient viciés par ces (lime. Le même usage se retrouve, indiqué plutôt (lue défini par le terme vague de Eco«, à Ephèse et à Bargylia e. A Andania, la « purification » préalable des myst.es assemblés exige « un bélier de belle couleur, et, quand la purification se fait au théâtre, trois petits cochons 10 ». A Olympie, le jury des 1-lellanodiques ne siégeait que purifié par le sang de porc et l'eau de la fontaine de Piérie'i,
A plus forte raison une année ou une flotte ne sc mettait-elle pas en campagne sans sacrifices accompagnés de lustrations. Les sacrifices légendaires d'lphigén.ie, de Poly-xène, d'Ast.yanax, .,lassés plus haut dans la catégorie dés lustrations expiatoires comme exigées par des prodiges, étaient des lustrations militaires qui purifiaient l'armée dans ta personne de son chef, celui-ci sacrificateur ou mis en contact avec la victime, Abstraction faite des sacrifices propitiatoires ou divinatoires offerts par tee
c( ITt (6ux ai)reste à considérer les lustrations proprement dites, motivé es par des circonstances spéciales., _Xénophon rapporte qu`il fit procéder à une lustration de
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toute l'armée des Dix Mille, parce qu'un détachement avait violé le droit des gens, lustration indépendante de la punition des coupables'. C'est après un commencement de guerre civile que les généraux d'Alexandre purifient l'armée à la mode macédonienne et béotienne', en la faisant défiler entre les deux moitiés d'une chienne sacrifiée à cet effet'. Cette lustration, qui rappelle le axo),axt.uh, et le culte magique d'Hécate, expiatoire dans ce cas particulier, était propitiatoire en Macédoine, où elle avait, lieu tous les ans au mois de Xanthicos, correspondant à peu près au mois de mars. Tite-Live décrit celle que célébra Persée en 182. Il mentionne le sacrifice de la chienne, en précisant davantage le rite. D'après lui, la victime est divisée transversalement, de façon que la tète et la partie supérieure du corps sont placées à droite du chemin, les entrailles et le reste à gauche 3. Le défilé était suivi d'un tournoi, qui remplaçait peut-être des sacrifices humains, c'est-à-dire le rite archaïque et oublié de la lustration
Il semble bien, en effet, que le rite béoto-macédonien ait eu (t l'origine un autre sens, que l'on ne comprenait plus. C'était le rite qui consacrait les serments, et surtout les serments qui servaient de garantie aux pactes internationaux. Ainsi fut scellé, au temps d'Abraham, le pacte entre Iahvé et son peuple'. Les Grecs juraient aussi sur les morceaux partagés des victimes', et c'était probablement à cette cérémonie que servait le porc « frappé e par les Fétiaux romains. Il y avait, dans la victime ainsi partagée, comme dans le foie qu'interrogeaient les haruspices [aARDSPICES],la partie de l'offi
lis). Ce rite a donc pu être celui d'un pacte qui liait l'armée à son chef ou à ses dieux nationaux, et n'a été considéré comme « lustration » que par oubli de sa signification symbolique. Oubli, ou même inversion, car une obligation ainsi contractée, loin de purifier les intéressés, attache à leur personne un maléfice éventuel pour le cas où ils violeraient leur serment.
Les Romains, qui ont ajouté à leur liturgie nationale tant de suppléments exotiques, ont bien pu emprunter aux Grecs l'usage des lustrations militaires accidentelles, de caractère originellement expiatoire, autres que les cérémonies régulières dont nous ferons état tout à l'heure ; à plus forte raison, les lustrations de la flotte, qui ne pouvaient être un rite national dans une cité longtemps dépourvue de marine. Tite-Live appelle lus
Xenoph. Anab. V, 7, 35. Il ne donne aucun détail sur le rite, disant simplement: ssl 176,s:o sals8ai1. Sophocle, dans une pièce perdue, parlait deeapapsnç espasoe (ap.
sis aspires l,i iasav (Plut. Q. Bora. 111). Philippe, élevé à Thèbes, a pu introduire cette mode en Macédoine. Cure X, 9, 12. 4 Hesych. et Suid. s. v. isn4èuv. C'est aussi le mois des lustrations militaires à Rome (ci-après). s Liv. XL, 6.
(ci-dessus, p. 1417) et les joutes funèbres, v. g. au tombeau d'Harpalyce, propter cf. X, 519). 7 Genes. xv, 10-17 (Abraham, une fois les victimes immolées, divisit ça per medium, et Iahvé passe lui-même, sous forme dé feu, inter divisiones illas). Iahvé rappelle ce pacte à Jérémie vitulum pesa conciderunt in dual partes et transierunt inter divisiones ejus (Jerem. xxxiv, 18). Le prophète parait viser la lustration au pied du Sinaï (Exod, xxiv, 8. Paul; Hebr. ix, 19), qui était en même
temps un renouvellement du pacte, avec aspersion du a sang de l'alliance e. 8 Pacte entre Achéens et Troyens sur des agneaux, ôpaia misé séoosssç (Iliad. Il, 124. Cf. 245, 252, 257, 269, 280, 323) : Priam mandé i 11' Epni« mina sapa( aosiç (II, 105). Pacte entre Héraklès et les Nélides tai sopiav xkxpou (Pans. IV, 16, 4). A Athènes, forme solennelle
',ration de la flotte ce que fit en 191 C. Livius partant du promontoire Lacinien Il entend évidemment par là des Eµ~aTipta comme ceux que le philhellène Scipion avait célébrés en 204 à Lilybée, alors que, après une solennelle invocation aux dieux et déesses, il avait « jeté dans la mer, selon la coutume, les entrailles crues de la victime immolée 10». Nous ne voyons apparaître les lustrations proprement dites qu'au cours des guerres civiles, et probablement à cause du caractère coupable de ces guerres entre citoyens, dont les partis se renvoyaient mutuellement la responsabilité. En l'an 36 avant notre ère, la flotte d'Octave était prète à quitter le golfe de Naples pour aller combattre Sextus Pompée. « Voici comment César la purifia (ixéiatpav). Les autels sont à même la mer, et la masse les entoure, distribuée par navire, dans le plus profond silence. Les victimaires sacrifient debout dans la mer, puis montés sur des barques, ils promènent trois fois autour de la flotte les entrailles lustrales (xa64atal, escortés par les généraux qui conjurent les dieux de détourner sur elles, au lieu de la flotte, les présages funestes. Puis, séparant les entrailles, ils en jettent une partie dans la mer et brûlent le reste sur les autels, pendant que le peuple forme d'heureux souhaits. C'est ainsi que les Romains purifient leur marine''. » Il s'agit bien ici d'une lustration sacramentelle, et la remarque finale d'Appien indique que, de cet ensemble composite, les Romains ont fait un rite national. A Dicéarchia, César fait des sacrifices et des libations du haut du navire amiral, à la mode grecque, sans nouvelle lustration à la romaine 12.
Pour les armées de terre, Appien se contente de dire que Brutus et Cassius « purifièrent suivant les règles » celle qu'ils avaient rassemblée en Thrace, au Mélas Kolpos13. Il était prudent, en effet, de purifier ce ramassis de mercenaires de toutes races, où pouvaient s'être glissés des scélérats. A Philippes, ils purifient leur camp, et Dion Cassius note comme un mauvais présage le fait que Cassius laissa tomber la couronne qu'il portait en cette occasion 14. Leurs adversaires en font autant. Du moins, Dion Cassius appelle « lustration d'usage avant le combat» les cérémonies qu'Antoine et Octave accomplissent à l'intérieur de leur camp 15. Une fois introduit, cet usage resta comme un recours dans les circonstances exceptionnelles. Ainsi, après avoir passé le Danube, opération dangereuse non seulement au point de vue technique, mais aux yeux des gens superstitieux, Trajan crut devoir procéder à une lustration de l'armée. Les bas
411, 8g8savsis en8'isp2o s,t.inv (Arislot. 'Al. astis. § 29, 5). Cf. les pactes par la coupe de sang, même de sang humain (Sali. Catit. 22). 9 Liv. XXXVI, 42 (lustrata
innabant fluctibus enta). T. Live a die oublier les libations de vin, qui figurent dans Thucydide (ci-dessus, p. 1427, 12) et dans la plupart des textes poétiques. Les poètes appellent lustration toute espèce de sacrifices propitiatoires. Lustramurque Joui rotisque incendimus aras (Virg. Aen. III, 279) : il s'agit de sacrifices asu6asèeia comme ceux qu'Enée offre sur le rivage de Thrace (Ill, 20), à Délos (III, 118-120). En vue de l'Italie, libations d'Anchise (III, 525); au départ de Sicile, Enée pratique
fundit (V, 772-776). Le sens de lustrum s'étend encore quand Paul-Emile dit 46). Il faut exclure au moins ces lustrations à distance. 11 Appian. B. Civ. peut-être par ces règles les ,)tai vat Ouais, uni Sisal que Denys d'Halicarnasse attribue aux consuls de 481 av. J.-C. (IX, 10) et qui peuvent, en effet, avoir eu un caractère exceptionnel, car il y avait eu des dissensions dans l'armée (1X, 7-8). L'armée que purifie Marcellus (lustratis rite maniplia. Sil. Ital. XIV, 626) est censée
avoir été décimée par la peste, comme celle d'Agamemnon. Toutes ces lustrations
supposent des suovetaurilia (cf. Cie. Divin. 1, 45). 14 Dio Cass. XLVII, 40. 15 Ta sulè0e,av erse ils afwvas (Dio Cass. XLVII, 38). Il confond probablement deux choses distinctes, la lustration du camp et les sacrifices d'usage avant le combat.
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reliefs de la colonne Trajane (fig. 4692) 1 le représentent en einctus Gabinus, versant sur le foyer des libations, pendant que les victimaires s'apprêtent à sacrifier les suovetaurilia, qui ont été promenés autour des légions. Les enseignes sont là pour recevoir les aspersions, fumigations et effluves purifiants émanés des sacrifices. Des inscriptions du me siècle semblent indiquer que l'usage des lustrations, appliquées soit aux hommes, soit au camp de la légion, s'était répandu dans l'armée 2. Il
est douteux cependant qu'on ait affaire â des cérémonies officielles. Les subalternes qui ont gravé ces dédicaces vaquaient peut-être à des dévotions particulières, dont ils appliquaient le bénéfice à leur régiment ou « à la santé » de l'empereur.
Le vieux rituel romain ne parait pas avoir prévu ces lustrations spéciales. N'avouant que des guerres justes et justifiées par les cérémonies méticuleuses des Fétiaux [FEII:ALES], conduites d'ailleurs sous la garantie des aus
pices, les Romains n'avaient pas besoin d'expiations, ni préalables, ni consécutives. Es conservaient simplement de leurs ancêtres et pratiquaient chaque année, qu'il y eût guerre ou non, la purification symbolique des armes, ajoutée aux promenades militaires des Saliens [sALUI, qui, durant trois semaines, pourchassaient par les rues de la ville, avec force tapage, danses et chants guerriers, les maléfices de toute sorte. Le 19 mars, jour des Quinquatrus, on purifiait les ancilia 3, probablement sur le Comitium, où les Saliens dansaient en présence des pontifes et des tribuni celerum 4. Le 23, avait lieu dans l'Atrium Sutorium la purification des trompettes (tubilustrium),
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cérémonie qui ne concernait plus, à l'époque historique, que les trompettes employées dans le culte ". Le 24, la série des lustrations militaires, préparant la campagne d'été, était close par un sacrifice du Rex sur le Comitium (Q. R. C. F.), d'où le sacrificateur s'enfuyait (Regifugium) comme celui des Bou vvtu.
Elles recommençaient en fin de saison, au mois d'octobre, sur le Champ-de-Mars, avec le sacrifice de 1'October equus aux Ides (15 oct.) et l'armilustriuna du 19 [ARMILusTRtuM], où les Saliens faisaient de nouvelles rondes avec les ancilia et sacrifiaient au son des trompettes$, qui subissaient probablement un nouveau tubilustrium
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compris dans le nom plus générique de la fête. La cérémonie se célébrant sur l'Aventin, on peut croire qu'elle représentait la lustration de l'armée au retour d'une campagne, au moment de rentrer dans le pomerium.
C'est au retour d'une campagne victorieuse qu'aurait été instituée, au dire de Denys', et en l'honneur des Dioscures, la procession des cavaliers ou chevaliers (transrectio equiturn) du 13 juillet, espèce de défilé triomphal dont on a voulu faire une lustration, sous prétexte que la trabée représentait les vêtements tachés de sang, l'olivier les rites funèbres 2, et que ladite procession fut ajoutée aux Lupercales. Cette pompe à la grecque, introduite dans les usages par un censeur, a dû faire partie du lustrurn de 304 av. J.-C.
Le lustrurn censorial, périodique à intervalles variables, a été mentionné ailleurs`CCvSOR(. Le fait que le nom de lustrurn lui est resté, comme désignation spécifique, atteste l'importance que cette purification solennelle avait prise aux yeux des Romains. On a vu plias haut, par une étymologie varronienne 3, à quel point néanmoins son caractère de lustration de l'e.xercitus, de cérémonie religieuse, risquait d'être méconnu par les savants. Le peuple en avait plus nettement conscience. Le moindre incident susceptible de faire naître des scrupules empêchait la célébration du lustrum'. Sur le détail de la cérémonie, nos textes, qui datent d'une époque où le lustrurn était devenu une antiquité, sont sujets à caution. D'après Denys et Tite-Live, le premier lustre fut célébré par Ser. Tullius, qui en fixa le rite 3. Celui-ci consistait à immoler des scovetaurilia, après avoir promené trois fois les victimes autour (d'où le terme aeabilustrums) du peuple enrégimenté'. L'auteur grec substitue, par habitude de son pays, un bouc au porc. Tel autre s'exprime comme si la lustration s'appliquait à l'urbs, c'est-à-dire au sol, et non pas ou non pas seulement au peuple assemblé ', et il nous apprend, si nous voulons l'en croire, que le censeur était assisté d'un pontife. En tout cas, le collège des, pontifes s'associait à la lustration quinquennale par un sacrifice spécial, dit des e' , -ares Ans', iae a.
les Forcdicidiat0 du 1à avril, nous rentrons dans lt ci des lustrations archaïques, léguées par l'age pastoral, Les rites étaient célébrés par les préposés aux curies (eur'iones), dans les locaux affectés aux réunions des paroissiens (curiae,. à raison d'un sacrifice par curie. L'lstat y participait, en tant que corps unique, par
un sacrifice semblable, offert sur le Capitole par les pontifes, et avec la collaboration des Vestales. Les victimes étaient des vaches pleines (hordae ou tordue) offertes, dit-on, à Tellus. De leurs entrailles, avant de les jeter sur le feu de l'autel, on extrayait les foetus, qui devaient être bridés à part sous les yeux de la doyenne des Vestales. Les cendres de ces veaux mort-nés entraient dans la confection des februa distribués six jours plus tard aux Parités (21 avril]. Une logique spéciale, fondée sur une révélation de Faunus à pluma, savait établir un rapport de cause à effet entre ces pratiques et la fécondité du sol et des troupeaux ' l .
II n'est plus question que des moissons le -23 avril, à la férie des Piobigaiia, dont le but est de détourner des blés en fleur la « calamité » par excellence 12. la « rouille » (robigo). Le flamine de Quirinus, suivi d'une procession de gens vêtus de blanc, allait sur la voie Claudienne brûler au tutus Robiginis, avec libations de vin et fumigation d'encens, les entrailles d'une chienne rousse et d'une brebis [RORIOALIA]". Ovide ne parait guère comprendre le sens de ces rites, débris fossiles d'une cérémonie qui se poursuivait ou se recommençait à époque variable, sur invitation des pontifes, sous le nom d'augurium canarium.
Plus solennelle était la lustration des AMBARVALIA. Il n'est plus possible de faire en connaissance de cause le triage des cérémonies publiques et privées. Il y est question d'iv7oµv7ju.ove, qui sont probablement les pontifest4, et l'on sait que la date de ces féries mobiles (fin mail coïncidait, au moins depuis la reconstitution de la
sodalité [ARvALES3, avec la grande fête des Arvales r-'3:
D'autre part, Caton indique, à l'usage des cultivateurs et non des pouvoirs publics, les rites à suivre pour « purifier le champ » en offrant des suovetaurilia au dieu Mars "3. Enfin, Virgile parait recommander à cette intention des offrandes moins coûteuses, des libations de lait et de vin, et une -s let-irae trois fois promenée autour des moissons, le tout en l'honneur de Cérès". Cérès peut ressembler à la Dea Diu des Arvales, mais non au Mars de Caton. Le problème se complique de la mention d'un ,4rnburbi,tta ï2, qu'il est d'ailleurs facile de classer à part, comme procuration accidentelle de prodiges, et distincte, diapres son titre même, quand il n'est pas défiguré par les Grecs 19, des strribarvalia. Si 1`on écarte -aussi la fête des Arvales, qui ne sortent pas ou ne sortent plus de leur Lucius, et si l'on renvoie la description de
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Virgile aux usages de sa province, il reste pour les Ambarvalia à la romaine les suovefaurilia de Caton, et probablement une procession conduite par les pontifes, qui sacrifiaient sur le parcours. Ce qui importe ici, c'est le caractère nullement contesté de lustration de la campagne romaine.
Cet usage devait se retrouver, avec variantes, dans toutes les villes antiques. Les Tables Eugubines nous ont conservé, jusque dans le détail, les rites des Ambar varia ou de 1'Arnburbium d'Iguvium, qui nous sont maintenant mieux connus que ceux de Rome Icf. at cuRES]. C'est une procession dont tous les pas sont réglés et qui prodigue à chaque station les ressources variées de la cathartique, sacrifices, libations, fumigations d'encens, feu nouveau, etc., employées dans un ordre, suivant des rites, et avec des formules définis. Ce Rituel des lustrations publiques contient aussi le cérémonial d'un luslrum appliqué non plus au territoire et à tout ce qu'il contient, mais au « peuple » 1. On y rencontre des vestiges de cérémonies semblables aux Po ilifttgea ou au Regifugium des Romains, lesquelles ont peut-être été des lustrations, mais ne sont plus pour nous que des énigmes, comme les Bouifdvt« d'Athènes.
En attendant la tin de l'année, où Februarius devait mettre en branle tous les februa, il y avait place pour des lustrations moins générales, mais pourtant officielles, comme le balayage du temple de Vesta, analogue aux Ka?,àuvT7lsin et llàuvT-riota d'Athènes. Vesta, le feu sacré, était le parfait symbole de la pureté. Le foyer ne devait être alimenté que de bois heureux et par des mains virginales. Aux Kalendes de mars, premier jour de Pan, il était régénéré par le feu nouveau, et les lauriers séchés alentour étaient remplacés par des rameaux frais 2. Du 7 au là juin avait lieu le nettoyage annuel'. Un idéal de pureté austère, que les Romains confondaient aussi, comme les Athéniens, avec le deuil, planait sur la ville. Point de mariages ; les matrones venaient pieds nus faire pour ainsi dire amende honorable au penus l'estae : la flaminica Dialis, au cours de son célibat temporaire, ne devait ni se peigner ni se couper les ongles « jusqu'à ce que le Tibre placide eut porté à la mer dans ses eaux jaunes les balayures (purgamina) de Vesta ». C'est, dans le fleuve, en effet, que, daprès Ovide, étaient jetées ces ordures, qualifiées stercus dans les calendriers. Peut-être n'y arrivaient-elles que par dérogation ou addition à un rite plus ancien. Varron, expliquant les sigles Q[uando] St[ercus' D[elatum ] F asi des calendriers, dit que le stercus extrait du sanctuaire de Vesta était porté « par la montée du Capitole en un endroit déterminé. ».
On a déjà recensé la part qui revient aux devoirs do
mestiques dans l'ensemble de purifications qui ont valu le nom de lbruarius au dernier mois de l'année L'État, s'acquittait des siens, auxquels il n'avait rien ajouté depuis le temps de Romulus', en lançant, ses Luperques autour de l'enceinte de la vieille cité du Palatin, le là février, jour des Lupercalia [LEPERCAL]. Nous n'avons pas à nous occuper ici des origines de ce rite donné comme « arcadien » par larron et, d'après lui, par tous les auteurs anciens", -un sujet sur lequel s'est exercée depuis la science et l'imagination des critiques modernes'. mais seulement de la lustration qu'il comporte. C'est le caractère éminent de la cérémonie, à tel point que Varron justifiait par là le nom du mois de févriers et que d'autres prétendaient retrouver dans Luperci le verbe luo'. Les Luperques commençaient par sacrifier des boucs, avec addition de naola salsa fraichement préparée par les Vestales; après quoi, ils étaient leurs habits pour endosser la peau des victimes et cous raient en cet accoutrement autour du Palatin, distribuant aux femmes postées sur Ieur parcours, comme gage de fécondité, des coups de lanières taillées dans les peaux sanglantes. C'est ainsi du moins qu'on peut résumer l'essentiel du rite. On y reconnait à première vue l'engin de purification si apprécié ailleurs sous le nom de A'o; xwâtov, capable d'éloigner tous Ies maléfices, y compris la stérilité". Sur ce fonds immuable ont pu se greffer des pratiques plus ou moins autorisées. Plutarque y ajoute le sacrifice d'un chien 1f et réduit le costume des Luperques à une simple ceinture, les peaux étant découpées en lanières. Il sait aussi que, au moment du sacrifice, « deux jeunes gens de famille » sans doute les magistri des deux sodalités (Fabii et Quinctilii) s'approchent des sacrificateurs, qui les touchent au front avec le couteau ensanglanté, marque aussitôt essuyée avec de la laine imbibée de lait. Ceci fait, les jeunes gens doivent rire. D'autre part, Lactance, après s'être moqué des Saliens, désigne évidemment les Luperques par « ces gens qui courent nus, parfumés, couronnés ou masqués ou enduits de boue 13 ».. En tout cas, le caractère de lustration était tellement inhérent à la fête, que le pape Gélase ne put la supprimer qu'en la transformant en une Puerfication chrétiennei'.
ll ne reste plus, pour clore cet, e longue et pourtant sommaire énumération, qu'à mentionner la grande lustration, la plus solennelle de toutes, qui marquait le pas
sage d'un siècle à l'autre [SAECULARES LCD77;. aetrUSque et
sabin par ses origines, romain par son histoire, grec par ses rites, cet ensemble de cérémonies combine les ressources cathartiques d'au moins trois religions, surchargées de la révélation sibylline. Nous laisserons à un
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article spécial la description détaillée de ces ludi, ne prélevant ici sur le sujet que l'indication des moyens matériels de purification. On disait que les ludi Taurei, ébauche des futurs Jeux Séculaires, avaient été institués par les Sabins, à l'occasion d'une pestilence, « afin que la contagion épidémique se portât sur les victimes' ». C'est le procédé banal de la substitution. Dans les Jeux Séculaires, les sacrifices de victimes blanches aux dieux célestes, noires aux divinités souterraines, sont uniquement propitiatoires ; de même les sellisternia des matrones [LECTISTERNIUM;I et les processions avec cantate. Horace, attentif à ne prononcer que des paroles de bon augure, a évité toute allusion aux rites expiatoires, qui ont p»urtant fourni le type et la raison d'être du programme et qui, après les guerres civiles, eussent été tout à fait à leur place. C'est que le peuple entier s'est purifié, par individus et par familles, avant d'assister aux cérémonies publiques. Les XVviri S. F. ont ouvert des bureaux de réception pour les prémices des récoltes (fruges) en blé, orge et fèves, de distribution pour les suffimenta (xaOxpat«, ),6u«ra), c'est-à-dire des torches, du
soufre et du bitume2, avec injonction aux citoyens de s'en servir à domicile et de ne revenir que suffiti. De leur côté, les XVviri S. F. ont purifié les fruges, symbole du siècle nouveau 3.
Tel se présente à nous, disséminé et incohérent, l'ensemble des pratiques conservées à l'époque historique par les Grecs et les Romains pour satisfaire, sans souci d'une théorie quelconque, la logique instinctive qui a institué la médication de l'âme par traitement appliqué au corps ; logique vraiment universelle et qui oblige encore aujourd'hui les doctrines lès plus spiritualistes à lui faire sa part. A. BOUCHELECLERCQ.
LYCHNUCHUS [LATIMA1.