Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

MAGIA

MAGIA. L'usage comprend sous le nom de magie des phénomènes assez divers dont les liens et les traits communs sont encore mal déterminés. Faute dune définition scientifique, nous devons circonscrire par tâtonnements le domaine de ce que nous appellerons la magie. en prenant soin que cette définition provisoire ne s'applique pas exclusivement à l'antiquité grécolatine. Pour limiter les conclusions à tirer de cette étude, ajoutons que, d'une part, la magie des Grecs et des Latins ne forme un ensemble cohérent que du jour où les Latins entrèrent dans la civilisation grecque et que, de l'autre, nous ignorons à peu près complètement les formes primitives et originales de la magie en Italie et en Grèce. L'extension des mots (,ayela et magia est variable. Dans leur emploi le plus restreint, ils signifient la science, l'industrie et la religion des mages', c'est-à-dire des prêtres de la secte de Zoroastre, importées en Grèce. A cette magie persane on oppose la yo7,Ta(d2 et la uaoµaxeEa3, qui n'ont point d'origines précises, se pratiquent en dehors des religions, sont malfaisantes et suspectes. Les goètes sont des charlatans qui font des tours de passepasse '. Leur nom se rattache à la même racine que o"; ils l'ont revu, dit-on, loto tiàv yoâly xai Twv Opr'Ivwv Twv is 'oiç zâwotç ytvog.évwv', et l'on ne sait pas au juste si ce sont des, nélcyomaneiens ou de simples pleureurs; peut-être sont-ils tour à tour l'un et l'autre; on semble leur attribuer, en tous cas, une mélopée caractéristique'. Les MA G -11p9~MAG (po.(Gil.'XO( sont des préparateurs de drogues'. Cette opposition de mots, dont la synonymie est implicitement reconnue par Suidas, qui les rapproche, repose sur la distinction théorique d'une haute et d'une basse magie, l'hle bénigne et noble, l'autre maligne et basse, distinction qui correspond. à des spéculations subtiles sur la hiérarchie des démons que l'une et l'autre sont censées faire agir". Cette distinction est comparable à celle de la magie blanche et de la magie noire'. Elle est due en grande partie à la philosophie mystique, niais il no parait pas qu'elle se soit imposée au langage courant. Ilesychius définit la yO'1TEl7_ par la ci in(a1,. D'autre part, Porphyre comprend toute la magie sous le nom de yor,'co(X et assimile à la religion tout ce qu'il détache de celle-ci. Saint Augustin n'admet que des nuances dans un art unique : (quant del Inagian ver detestabiliore fouine goetian vel honorabiliore theurgian vouant" Cette assimilation de la théurgie et de la basse magie, que l'école d'Alexandrie s'était appliquée à distinguer, peut être suspecte chez un chrétien. Mais la définition de Pline est décisive; selon lui, la magie est un art décevant composé de médecine, de religion et d'astrologie'. Pour les Latins, il n'y a entre le. male/icus, le venti/iicus ou le saga et le mage qu'une différence de degré,'. Enfin, on rapproche volontiers de la, magie et de la vapg,aze(a, qui est proprement la science des plantes merveilleuses, l'astrologie, l'alchimie et la divination'. En résumé, pour les Grecs et pour les Latins, les différents termes énumérés désignent concurremment une classe unique de phéalonl) nes. :Les pratiques magiques ont pour but de modifier l'ordre prévu des choses" par des miracles que l'intéressé ne peut pas ou ne veut pas demander à des actes religieux. il s'agit d'obtenir, en dehors des moyens naturels, et souvent, aux dépens d'autrui, des avantages improbables ou illicites °. Le secret, l'incompréhensible et le merveilleux sont des caractères habituels de ces pratiques. Le paradoxal, l'absurde, le contre-nature des jongleries magiques les distinguent des miracles proprement religieux; Porphyre y insiste" Faire descendre la lune du ciel", ressusci ter les morts",faire parler les animaux 1 ' et les pierres'', faire marcher les statues", se métamorphoser et métamorphoser les autres L9 sont des merveilles par lesquelles les magiciens ont coutume de manifester leur pouvoir ou leur ingéniosité. Mais à enté de cette magie théatrale qui touche à la prestidigitation et est matière à spectacle)", il 3. a une magie utilitaire dont les emplois varient à l'infini. Dans les jeux du cirque les concurrents emploient la magie pour affaiblir leurs rivaux 1'; un orateur qui reste court aitrihue l'accident aux maléfices de son adversaire; à la campagne on ensorcelle et stérilise le bétail et les champs de ses ennemis2°. Les charmes et les philtres amoureux sont typiques21. La plupart des recettes de la médecine populaire sont magiques1Z et souvent considérées comme démoniaques"3. On demande à la magie de faire tomber la pluie'`, d'arrêter la grêle'", de chasser les nuages26 et de calmer les vents", de sauver et de faire prospérer les plantes et les animaux", de donner du lait aux brebis29. La magie procure un supplément de protection là où d'autres moyens manquent ou sont en défaut : phylactères contre les voleurs X10, recette pour ict )vo Xpoxoio:Aou itaéa(vtty"1. Les recettes magiques mettent en oeuvre des notions d'origines diverses que l'on peut comprendre sous le nom vague de superstitions. Il est préférable, pour plus de clarté, de réserver le nom de magie aux actes et aux préceptes". Dans la multiplicité de ses emplois journaliers la magie peut présenter des formes infiniment simples et vulgaires. Parmi les manifestations d'une magie plus élaborée, nous devons signaler dés à présent les xzOapg.o 63 ; sous ce terme, devenu vague, on comprend à la fois des purifications et d'autres cérémonies'° [LDSTIATIOi, Les ovOz .o( et les exorcismes" nous acheminent vers la magie mystique" dont la compétence dépasse encore celle de la magie populaire. On trouve, par exemple, dans les textes magiques des «7a01vatitagoi. c'est-à-dire des rituels de l'immortalité31 Voici une liste des divers biens que l'on s'assure par des Bien que les Chaidéens [LuALDAElI et les mages aillent MAG 1496 MAG de pair, il importe de distinguer nettement la magie de l'astrologie ASrROl.oG1a . L'astrologie est une science qui constate des prédéterminations que la magie a précisément, pour objet de modifier. La magie s'introduit dans l'astrologie quand il s'agit de changer, par les moyens qui lui sont propres, le cours des astres et ses conséquences'. D'autre part, par analogie avec les incantations magiques, on arriva à attribuer aux consultations astrologiques une certaine efficacité'. Enfin l'une des branches de l'astrologie, l'iatromathématique, qui spécule sur les propriétés des nombres, est une science pratique qui se confond avec la magie des incantations L'alchimie, qui est une technique et une science,n'appartient pas non plus par définition au domaine de la magie. Même Zosime et ses auteurs condamnent formellement l'emploi de la magie'. Mais cela montre qu'on l'employait et, de fait, le caractère secret et sacré des recettes', l'allégorisme', l'appel à la tradition, la tendance à transformer les mémentos en formules indéchiffrables et en figures l'usage de symboles', enfin la présence même de mots magiques et d'incantations dans les manuels 9 sont autant de traits communs à la magie et à l'alchimie. Nous (levons faire la part de la magie dans l'art de la divination [DIVINATIO] 10. Ses diverses manifestations sont attribuées tour à tour ou simultanément à la p.yytx-ii vEtpoxot-(x11, etc. Les oracles et les formules pour obtenir des songes divinatoires (wetcxt-`rri') abondent dans les papyrus magiques13. On peut classer sans hésitation dans la magie la nécromancie, toutes les fois qu'elle ne se pratique point dans les cultes privés ou dans le culte des héros14 ; nous considérons comme magique l'évocation des morts de l'Odyssée. La divination par l'interprétation des vers d'I-Iomère, de Virgile (snrle.s; ' ou des versets des Écritures saintes appartient, également au domaine de la magie, car l'appropriation de l'oracle ne s'explique que par les mécanismes logiques que nous étudierons plus loin. Il en est de même pour la p.o[,.xxop_xvtiefxt" et en général pour toutes les cérémonies divinatoires qui impliquent des rites proprement magiques 11. En général, on peut dire que la divination privée ressort à la magie u. La magie se mêle dans une forte proportion à la divination officielle, mais pour des raisons historiques, dans la renaissance des oracles qui marque le n' siècle de notre ère 10. Enfin, la mantique et la magie sont si étroitement mêlées, que le nom de la première a souvent servi à désigner la seconde 20. Le départ de la divination magique et de la divination religieuse nous amène à la distinction de la magie et de la religion. La limite est difficile à tracer. Pausanias, à propos d'un cheval magique exposé à Olympie, pense au miracle, religieux selon nous, de l'embrasement spontané des autels dans les chapelles des mages d'Asie Mineure21. Pline" compte parmi les lois sur la magie un sénatusconsulte interdisant les sacrifices humains et une loi de Tibère contre les druides. Est-ce à dire que les druides étaient des magiciens? Ni leur objet23, ni leur forme24 ne permettent de distinguer a priori les rites magiques des rites religieux. On range dans la magie des phénomènes que l'on pourrait à bon droit classer dans la religion et réciproquement96. La différence est pourtant réelle. En somme, lorsqu'il est possible de discerner, à première vue, des rites magiques dans des opérations qui comportent l'application de rites religieux ou d'autres techniques, les premiers apparaissent comme quelque chose de surajouté, comme des chances supplémentaires qui échappent au contrôle de la raison L6. En outre, s'il est difficile de répartir les faits entre les deux catégories, elles ne s'excluent pas moins théoriquement27. Mais il faut remarquer avant tout qu'entre la magie et la religion il y a une distinction d'ordre juridique qui, d'ailleurs, n'est pas toujours fort nettement énoncée. La magie est essentiellement illicite", sinon criminelle ; elle est toujours suspecte et naturellement calomniée 20. Elle est déjà marquée d'illégalité chez les Grecs et considérée comme délictueuse30. Depuis la loi des XII tables31 jusqu'à Théodose, la législation romaine sur la magie n'a fait que s'aggraver; la jurisprudence32 et des lois fréquemment renouvelées sont d'accord pour la proscrire. Des peines spéciales, comme la peine du feu, sont quelquefois prescrites 33. Sans doute la loi prévoit et punit expressément l'abus des pouvoirs magiques34; d'autre part, les lois qui se succèdent à partir de Constantin 33, élargissant la définition de la magie et de la divination illégale, portent le caractère d'une persécution antipaïenne; ce sont des lois de circonstance 33 Mais, tout d'abord, il est à remarquer que la législation de Dioclétien sur les male/ici, les manichaei et les Itlatltenlatic'i u, parait précisément inaugurer la série de celles-ci ; quant à la portée de l'interdiction, limitée à l'origine à un nombre, d'ailleurs croissant, de pratiques malfaisantes, on l'étend dès le m0 siècle à la simple connaissance des arts magiques 3' et l'on fait rentrer dans la notion du crime magique l'accomplissement de certaines MAG 97 MAG cérémonies sacrées qui sont qualifiées d'impies, d'illi cites, de nocturnes et de clandestines'. Sans doute la notion du crime religieux' reste vague et manque d'une désignation fixe et satisfaisante dans le droit romain 3, nous devons cependant assimiler à la magie les cérémonies secrètes comme celles qu'interdisent le sénatus-consulte des Bacchanales` et les lois de 772 contre les rites égyptiens et juifs Ainsi, c'est l'autorisation légale qui sépare le religieux du magique'. Or nous pensons que le sens de la loi dépasse les vues utilitaires du législateur et que ces prohibitions mêmes constituent pour les deux modes d'action qu'elle distingue une différence essentielle. C'est ce que doit montrer une analyse un peu minutieuse du mécanisme des actes magiques. Nous remarquerons, avant d'aller plus loin, que les lois, dans l'énumération qu'elles font des différents actes délictueux imputés à la magie, n'entrent pas dans la distinction d'une haute et d'une basse magie. La loi romaine confond les synonymes énumérés au début de cet article. Quant à la question de l'antériorité de la magie sur la religion ou de la religion sur la magie, elle ne peut pas être discutée dans un exposé de la magie gréco-romaine'. Historique. La distinction de la yo-gie(x et de la p.xye(a, qui n'est pas une distinction d'espèce, rend bien compte de la différence des aspects successifs que présente la magie dans l'histoire du monde gréco-romain. On s'est demandé si la magie grecque était autochtone et jusqu'à quel point elle l'était'. Nous pensons que la question est oiseuse. Il est probable que la magie préhistorique des Grecs avait subi des influences lointaines qu'il est impossible de déterminer, mais qui se sont exercées vraisemblablement sur une magie indigène, née des besoins des tribus grecques comme de toute autre société. Il faudrait pouvoir étudier la magie grecque cité par cité, culte par culte, pour que l'exposé historique des faits connus ait une valeur scientifique quelconque. Les faits sont malheureusement trop peu nombreux, trop incohérents et trop imparfaitement rapportés, et l'on doit.se contenter d'un à peu près. Dans l'étude de la magie ancienne des Grecs on doit considérer deux sortes de données de signification très différente, les unes mythologiques, les autres historiques. Les premières nous font apercevoir l'étendue du concept magie, les deuxièmes nous renseignent sur la technique des arts magiques. Nous nous dispensons d'énumérer dans la magie mythologique tous les cas de merveilleux qui paraissent dépasser les données habituelles du merveilleux divin; qu'il nous suffise de signaler ce qui est expressément qua lifté de magique. Parmi les magiciens mythiques, il faut faire une place à part aux Telchines, aux Dactyles, aux Courètes et aux Corybantes'. Ce sont sans doute, à certains points de vue, des êtres divins qui reçoivent quelquefois un culte f0, des serviteurs de dieux, et même les Telchines, qui sont généralement présentés comme des êtres malfaisants et des adversaires de la divinité, sont à. leur heure des fondateurs de cultes ". Mais ils sont expressément qualifiés de.goètes12. Les Telchines sont en outre des jeteurs de sorts, des zQxxvo113, qui stérilisent les animaux, dessèchent les plantes 14 et ruinent les terres" ; ils disposent dans leurs maléfices de l'eau du Styx 16. Quant aux Courètes, l'acte caractéristique de leur rôle mythologique est de nature à confirmer le titre de goètes qui leur est donné; la danse armée à laquelle ils se livrent autour de Zeus enfant est une cérémonie conjuratoire, un â7iTo6aatov qui peut passer pour magique". Les uns et les autres sont des savants 18; ils connaissent les secrets de la nature et du destin, et, comme tels, ils sont à la fois devins " et médecins 20. Cette connaissance de la médecine les fait considérer indifféremment comme des dieux guérisseurs ou comme des sorciers. Enfin ces trois familles de démons moitié dieux, moitié hommes, sont des corporations de métallurgistes ; ils sont même les inventeurs de la métallurgie 221, Or l'histoire de l'alchimie nous montre comment la métallurgie empirique s'associe à la magie ; elle repose sur des secrets qui se transmettent précieusement de génération en génération : ces secrets sont fréquemment, chez les primitifs, le monopole de familles ou de corporations fermées, quelquefois étrangères à la société normale ; bref, les forgerons touchent aux magiciens L2. A. l'énumération des magiciens mythiques l'on peut donc ajouter les Cyclopes, autres métallurgistes d'une part, et d'autre part les Centaures Chiron 23 qui est un médecin, et Nessus "° à la tunique empoisonnée. La légende judéo-chrétienne, semblable à la mythologie grecque, attribuait également l'origine de la magie, de la métallurgie, de l'alchimie, de l'astrologie, de toutes les sciences mystiques à des êtres intermédiaires entre la divinité et les hommes, issus de la divinité, mais indisciplinés et maudits comme les Telchines et dont la malédiction pèse sur les arts qu'ils enseignèrent : ce sont les anges déchus chassés du ciel pour avoir forniqué avec les mortelles On a remarqué que beaucoup de sociétés attribuaient aux populations qui les avaient précédées sur la terre qu'elles occupaient la connaissance de certains secrets et la pratique ou l'invention des arts magiques. La Grèce ne fait pas exception, car les trois ou quatre clans divins dont il s'agit figurent dans l'ethnographie légendaire et ont été considérés comme les anciens habi MAG l'19S MAG tants, les Telchines de Rhodes, les Dactyles de l'Ida crétois et de l'Ida phrygien, les Courètes de t'Acarnanie et de la Crète`. Cette magie des primitifs puait avoir été également attribuée aux Pélasges, que l'on croit voir sur la frise du Théseion 2 faire voler les pierres par des moyens surnaturels. Les trois magiciennes mythologiques sont Circé, Médée et Agarnède 3. Joignons-leur, pour être plus complet, Pasi phaé' et Oenone qui sont également des xcu,zx(eç, et le divin Mélampous 6. Circé, fille du Soleil, est une « dame de la mer » plutôt qu'une magicienne; elle ensorcelle les marins qui s'aventurent dans son domaine `; on ne lui prête pas d'autres maléfices ; son pouvoir procède de la connaissance des plantes 3 ; elle fait: boire 't ses victimes des potions magiques° qui les métamorphosent ; elle les ramène iti leur première forme en les frottant avec des onguents : Ulysse est sauvé par la vertu d'une plante, le trzol?~, dont il est pourvu. Circé est munie d'une baguette magique t0. Médée est la proche parente de Circé 1l, et l'on trouve en Colchide un 7teov K(px ,ç 12. De même que Circé, Médée est quelquefois élevée au rang des dieux13. Mais elle est plus véritablement magicienne et sorcière que la précédente et elle personnifie une conception plus précise et plus riche de la magie; en tout cas son art est plus varié. La tradition insiste surie rajeunissement d'Aeson et sur d'autres cas de rajeunissement (fig. 4780)". Médée charme le dragon gardien de la toison d'or par une aspersion magique il; elle triomphe par un charme du géant Talos"; elle empoisonne son frère Apsyrtos 16. Elle traverse l'air sur un char attelé de dragons ailés". On la. représente munie d'une boite où sont, renfermées ses drogues _:IASON, fig. 4146, voir N IEAi 70, C'est particulièrement de la connaissance des plantes que procède son pouvoir 21, De même que les Courètes sont des génies civilisateurs", Médée est une magicienne bienfaisante. Elle guérit les héros", conjure les famines", détourne les tempêtes'-' et prédit l'avenir='. A gamède ou Péri mède"27, fille d'Augeia.s, petite-fille d'hélios, femme de Mnlios et n'adresse de Poseidon, est une autre Ilédée, également versée dans la connaissance des plantes 26. Médée parait être en somme la personnalité la plus développée d'une classe d'homonymes où l'on doit compter encore Againédiès, père de Trophonios Il faut en rapprocher aussi Prométhée, en raison du uspp.xxov iloog Ùtiov, que Médée compose pour rendre Jason invulnérable". L'origine de la tradition magique est rapportée â cette personnalité multiple ; c'est ainsi que s'exprime ici comme ailleurs le rapport de la pratique et du mythe. Par exemple les formules au mayen desquelles on conjure les vents à Titane (près de Sicyone) remontentit 'Médée 13'. D'autre part. les Dactyles sont les inventeurs des Epllesia fb'orizlrlata3° et paraissent, ainsi que les Corybantes, inséparables des Mystères. On fait remonter, selon Apollodore, au devin Sur la. pratique de la magie en Grèce, nous savons malheureusement peu de chose.. La légende d'Iplmihlos, fils de Pliylax, est un bol exemple de ce que pouvait être la magie médicale aux temps héroïques". Il n'avait pas d'enfants. Melampous consulté offre un sacrifice oit il convoque le5 oiseaux; le vautour lui apprend que Phylax, un jour qu'il chlitrait des boucs, avait menacé Iphilclos de son couteau sanglant et que le couteau avait été planté dans un certain arbre; le devin fait retirer le couteau, gratter la rouille ('?) et ordonne iti Iphilclos de boire cette rouille dans du vin pendant dix jours de suite; après quoi il retrouva sa virilité. Les fils d'Autolycos guérissent une blessure d'Ulysse au moyen d'une l rxmôr 3U ; il n'y a point de raison de douter que ce soit une incantation magique 3"e Le cas n'est pas d'ailleurs isolé et l'incantation (-73031e devait être l'un des artifices habituels des médecins-magiciens', Le mot. e?Aï's8 exprime l'action magique des charmes" L'emploi des plantes et de drogues tirées des plantes parait être l'une des parties principales de l'ancienne magie 2 ; Hélène, qui est ore magicienne, jette dans le vin de ses hôtes un Ocp.a.xe,» MAG 11.99 MÀG rapporté d'Égypte'. Un instrument ou un talisman sur lequel nous aurons à revenir 1').)y; appartient au bagage (le cette magie. Mais en somme, nous ne la connaissons que par les allusions d'ailleurs trop rares de la tragédie, de la comédie ou des orateurs 2. Nous n'avons rien qui puisse nous donner une idée précise et complète des procédés employés avant le temps où des influences discernables sont venues modifier la tradition -primitive. Sauf de brillantes exceptions, comme Empédocle, qui circule dans les villes siciliennes, couvert de bandelettes et de couronnes, recu comme un dieu et faisant des miracles 3, le magicien d'alors, c'est le goète'° doublé du pxpp.aaéç, sorcier populaire, incantateur bruyant et vulgaire, sorte de brahmane ridicule et méprisé, mais dont on craint les maléfices et les poisons 6, bon d'ailleurs à tous les métiers, pleureur °, diseur de bonne aventure, médecin, etc. Les goètes sont des vagabonds, de véritables bohémiens qui exercent leur art dans les cités grecques sans y être officiellement autorisés. Par opposition à la magie diffuse dont ils sont les agents, la magie mythique est cantonnée en Colchide, en Phrygie, dans les fies. Cependant la magie pratique parait avoir aussi son port d'attache dans des contrées situées sur les confins du monde grec et particulièrement en Thessalie La Thessalie est la terre bénie des magiciennes, terre des miracles et des enchantements 7. Cette magie thessalienne se rattache spécialement à Médée. C'est en Thessalie que Médée vient s'établir avec Jason et se fait une nouvelle patrie ; on raconte que les plantes aux vertus merveilleuses qui croissent en Thessalie viennent de la boite de Médée qu'elle avait perdue en traversant le pays $. La ville d'Ephyra, qui a la spécialité des Ouf,.o?Adpa. y,âpgxxx, que ce soit celle d'l lide, de Thesprotie, de Thessalie ou de Sicyonie, est liée à la légende de Médée. Nous voyons que les puissances magiques sont dans une certaine mesure localisées, La Thrace est un autre réservoir de magie, bien que Pline conteste l'importance de la magie thrace ". Mais celle-ci ne doit pas être séparée de la magie orphique 10. Orphée est, comme Musée ", un magicien ou un mage et comme un inventeur de magie i', un médecin 1', et les Satyres du Cyclope d'Euripide souhaitent une ~rylôt ôpptxsl pour que leur besogne se fasse toute seule (w6 recettes attribuées à Orphée ont été réunies dans les ©rphica d'Abel1". Un des Ephesia grammata usuels dans la magie est qualifié d'orphique 18. Enfin la figure populaire de l'Orphée magicien du v' siècle est devenue l'un des principaux caractères de la magie mystique postérieure 77. On associait, les rites orphiques aux rites chaldéens18, Les Ophites Séttliens se réclamaient d'Orphée'" et l'on faisait de lui l'un des initiateurs del'astrologie°-0 et de l'alchimie 21. En somme, il est souvent assez difficile de distinguer les textes magiques des textes orphiques". Il est vrai cependant que I'orphisme n'appartient pas essentiellement à la magie, qu'il est au contraire ,à proprement parler un phénomène religieux et que la tradition orphique n'a été invoquée que secondairement par les magiciens. Cependant les cérémonies lustrales particulières à l'orphisme, l'association de la figure d'Orphée au culte de Séléné et d'llécate 23 étaient de nature à favoriser les confusions. Comment distinguer des magiciens les prêtres libres de l'orphisme, les ' upTat et les i7.zvToio dont parle Platon dans la Républâque15? C'était affaire de point de vue. En tous cas l'à'uETtxdv et la yoriTe(a sont des choses que l'on rapproche2J et il est probable que, sinon l'orphisme, du moins les orphiques, ou les soi-disant orphiques, aient prêté au rapprochement. Il en est de même des Mystères en général2° [3IY5TEBIA . L'association de la magie et de l'orphisme nous montre : 1° qu'une forme anormale de religion se confond facilement avec la magie et contribue naturellement à en élargir l'idée; 2° qu'en fait et par suite de la situation qui est faite à ses adhérents dans la société, elle tend vers la magie ; 3° que la magie usuelle s'enrichit, au contact, de principes et de modes d'action nouveaux et qu'elle lui demande, entre autres choses, une théorie. Ce que les relations de l'orphisme et de l'ancienne yo'riTS(a laissent entrevoir obscurément, apparait clairement dans les effets produits par l'introduction des religions orientales dans le monde grec. Entre toutes les religions qui contribuèrent à la formation de la magie des temps nouveaux, celle des Perses fut considérée comme typique et fournit le nom du mélange 27. Zoroastre passa bientôt en Grèce pour le père de la magie 28. Les grands philosophes et les sages voyageurs de l'antiquité, Pythagore 29, Epiménide 3G, Démocrite 31 et même Platon 33, qui étaient censés avoir eu la révélation des doctrines orientales, furent pourvus d'une réputatïon de grands magiciens et considérés comme les premiers révélateurs de l'art divin. Pythagore passait pour un disciple de Zoroastre: Démocrite avait violé le tombeau de Dardanos pour en tirer des manuscrits ; initié, selon d autres, par le Perse Osthanès 33, il devint l'une des tètes de la tradition alchimique. On raconte que des devins grecs avaient été s'instruire à la cour du grand roi 34p Parmi les mages dont les noms sont associés à la magie gréco-romaine, mentionnons le Chaldéen Zaratas, maitre de Pythagore 3°, Gobryas et, Paza MAG 1500 MAG tas'. Le plus fameux est sans contredit Osthanès 2. C'est un successeur de Zoroastre; sa mission spéciale paraît avoir été de mettre par écrit la tradition. Pline lui attribue le premier livre de magie médicale '; on met sur son compte des apocryphes alchimiques4. Enfin c'est le plus fréquemment cité des auteurs magiques'. Le Ma'lxdç attribué à Aristote par Diogène Laerce devait être un tableau de cette magie telle que les Grecs pouvaient se la représenter'. Que la Grèce n'ait emprunté à cette époque aux civilisations orientales que des modes d'action et des doctrines d'ordre religieux, il serait sans doute exagéré de le prétendre. En tout cas, on en a fait entrer une notable quantité dans l'ordre de choses opposé à l'ordre religieux que nous désignons sous le nom de magie, et c'est ce qui est caractéristique. Ainsi la magie devint une combinaison de religions hétérogènes, une sorte de syncrétisme individuel et arbitraire superposé à la Yowems primitive. Nous avons établi plus haut que la magie était illégale, nous pouvons dire maintenant qu'elle est, non pas constamment, mais fréquemment considérée comme étrangère à la société où elle se pratique. Elle est illégale, nous dit Cicéron, parce que ses rites sont étrangers'. Les deux caractères sont inséparables. La magie dans une société donnée est le fait des étrangers'. L'imagination prête aux religieux étrangers les actes et les pouvoirs qui composent l'image vulgaire de la magie10 Les religions d'Asie Mineure, par exemple, furent considérées comme magiques au même titre que celles de la Perse et de l'Assyrie". Enfin, comme nous l'avons déjà indiqué plus haut en d'autres termes, une religion déracinée est magique jusqu'à ce qu'elle reçoive le droit de cité, officieusement ou officiellement, là où elle est transplantée. Il en résulte que la magie ne se distingue point de la religion par le caractère miraculeux de ses effets ou le mécanisme de ses procédés, mais par ce qu'elle présente d'anormal en un point donné de l'espace ou du temps et d'incompatible avec le système des idées reçues et des images coutumières. Les recettes de la magie sont d'autant plus efficaces qu'elles viennent de plus loin 12. L'histoire de la magie à Rome ou en Italie est à peu près semblable à l'histoire de la magie grecque. D'ailleurs on la connaît mal, et les meilleures descriptions de cérémonies magiques, celles des poètes, dérivent de la poésie grecque'". A l'origine sorcellerie populaire, magie de paysans, médecine dont Caton et Varron nous ont conservé des incantations, des recettes trop rares, mais caractéristiquesf4. Elle se mêle aux rites de la vie domestique, éloigne les démons qui menacent les enfants i5, jette des sorts (maleficiurn), attire la pluie, la grêle, l'orage et rend les champs stériles ". Elle se distingue parfois malaisément de la religion populaire, des rites du village, de la ferme et de la forêt. Mais la loi des XII Tables, qui l'interdit, atteste qu'elle est distinguée, au moins lorsqu'elle est malfaisante, des autres moyens d'agir avec les puissances surnaturelles. La divination privée devait former un vaste domaine indistinct entre la magie et la religion. La nékyomancie était pratiquée''. Le mot male/iras, usuellement employé pour désigner le magicien ne devient un terme de droit qu'à partir de Dioclétien'". On comprend sous la rubrique venefcium à peu près l'ensemble des opérations de la magie tolérée ou interdite; c'est ainsi que la désigne entre autres la loi de Sylla de Sicariis". Le mot ma,qus fut introduit dans la loi dès la première année de Tibère20 et est généralement appliqué, à partir de Trajan, aux praticiens de la magie criminelle 21. Les sorcières sont appelées sagee ou striges ; cette dernière expression les représente spécialement comme des vampires 22. La ligure 14781 représente probablement un paysan consultant une magicienne 2". L'Étrurie parait avoir été pour Rome ce que la Thessalie, la Thrace et l'Asie Mineure ont été pour la Grèce, une pépinière de sorciers, faiseurs de pluie ou chercheurs de sources24 [AQUILEX[, nécromanciens", etc. Mais l'haruspicine avait été de bonne heure adoptée ou légitimée [IIARUSPEX . Cependant Caton défend encore au bon fermier de consulter les haruspices, les augures et les llarioli aussi bien que les chaldéens26. Outre les Étrusques, les Marses 27 et les Sabins 2", les Pélignes avaient une réputation de magie. L'afflux des rites étrangers se produit à Rome après la seconde guerre punique, comme il s'est produit en MA.G 1501 MAG Grèce. Les incantations dont Caton recommande l'emploi contre les luxations ne paraissent pas à première vue venir de la tradition indigène'. Ici comme en Grèce, les religions étrangères non autorisées sont confondues avec la magie et soumises à la même législation. La situation est mieux définie qu'en Grèce par suite des efforts faits pour que la loi ne restât pas lettre morte. Après la deuxième guerre punique, un sénatus-consulte ordonne de détruire les livres de divination et de magie2 et interdit en même temps la célébration de sacrifices avec des rites étrangers. Les manifestations religieuses proscrites par le sénatus-consulte des Bacchanales sont rangées par la loi à côté de la magie'. De même, nous l'avons vu, Pline compte parmi les mesures prises contre la magie les décrets de Tibère contre les druides ` La loi resta impuissante. Les magiciens continuèrent à s'insinuer et à s'établir dans Rome. La littérature nous fait un portrait peu flatté des Canidies et autres sorcières, empoisonneuses ou entremetteuses qui pullulent dans les bas quartiers'. De nombreux témoignages nous montrent quelle clientèle crédule trouvaient les chaldéens, les devins et les enchanteurs'. Ce que les auteurs nous disent du crédit des astrologues doit être étendu aux magiciens. Or la magie, prise dans son ensemble, ne bénéficia pas de la tolérance ou de l'accueil accordé, sauf exceptions, aux religions provinciales. Les empereurs personnellement purent s'y intéresser et s'en servir', mais à la condition de s'en réserver l'usage; entre les mains des particuliers la magie était dangereuse, et c'est probablement ce qui explique le soin que l'on met à lui laisser son caractère d'illégalité, sinon à la proscrire systématiquement et constamment. En 721 (32 av. J.-C.), sous le triumvirat d'Octave, Antoine et Lépide, on chasse les magiciens et les astrologues '. Sous Tibère, en 769 (16 ap. J.-C.), des sénatus-consultes bannissent les mages et les mathematici de l'Italie. L. Pituanius fut précipité du haut de la roche Tarpéienne et P. Martius exécuté, more prisco, en dehors de la porte Esquiline'. Claudet0, Vitellius", renouvellent les proscriptions de Tibère et l'empire païen se termine sur les lois de Dioclétien contre la magie et l'iatromathématique 12, En dehors des manuels de magie sur lesquels nous reviendrons, deux séries de textes nous montrent ce qu'était la magie du monde gréco-romain unifié. Ce que la première série nous fait connaître, pris dans son ensemble, n'a généralement pas de date, c'est la magie éternelle, tellement usuelle qu'elle est sécularisée, qu'elle compte dans le total des connaissances scientifiquement acquises. C'est ainsi que Pline, qui considère la magie comme vaine, ridicule et illégale t3, nous donne une col Ilirschfeld, 0. 1. p. 21; Kehr, 0. 1. p. 7. s Maary, O. 1. p. 72 sqq. ; BouchéLeclercq, 0.1. ; Tac. Ann. 11,09 ; Dio Cass. fi Vit, 18 ; LXXVII, 15. 7 Cf. Wessel y, 0. 1. Pap. Paris, 2246 sqq. ; sous Marc-Aurèle (expédition contre les Quades), Dio Cass. LXXI, 8, p. 1183 ; Héliogabale, ap. Lampr id. 9 ; llerod. IV, 12, réunion officielle de magiciens sous Caracalla; Maury, L. 1. ; Pline accuse Néron de magie, Nat. de Mécène contre les religions étrangères, les sociétés secrètes et la magie. 9 Tac. Il Suet. 14, 12 Bouché-Leclercq, 0. 1. p. 566 ; Berthelot, Orig. de l'Alchim. p.72. 13 Plin, XXX, I; cf. Hein,. 0. 1. v. index. 14 Dieterich, Abraxas, p. 51, V. lection considérable de recettes et d'in antations qui sont passées de la magie populaire dans la médecine érudite et dans les différentes techniques auxquelles il touche. Pline n'est pas isolé, et l'une des préoccupations principales de la science gréco-romaine paraît avoir été de formuler et d'enregistrer l'expérience et la pratique léguées par les générations antérieures. L'association de la science et de la magie se fait si intime que le mot tçuetx70 prend le sens de magique". Les ouvrages des médecins sont d'excellents documents pour l'étude de la magie médicale" ; citons parmi les Grecs, Aétios d'Amyda, Alexandre de Tralles, Theophanus Nonnus, le recueil des Ilippiatrika et particulièrement les livres sur les remèdes comme les poèmes de Nicandre (e-r nxa ,'Aae;t0pp.axa) 'G, le de Mater/a alertait-1 de Dioscoride et ses appendices, et le traité des Cyranides ; en latin, le de Medicamentis de Marcellus''. De même les agronomes ont codifié la magie agricole. II faut citer en première ligne le recueil des Geoponika 15, en latin les recueils de Columelle et de Gargilius Martialis's. Depuis l'Histoire des plantes de Théophraste en passant par Alexander Polyhistor (Oaup.aa(wv c°°'(°ï), les naturalistes, les auteurs de'buatxx comme Neptunalios20 touchent plus ou moins à la magie. A côté d'eux il faut ranger les collectionneurs de prodiges, les Paradoxographes'-' dont le plus ancien est sans doute l'auteur du aeçi 6a)uaa(wv âxoursp..TNv attribué à Aristote, les antiquaires comme Macrobe et Sorenus Sammonicus qu'il cite 22. Citons enfin les recueils de proverbes (Diogenianos, inapotp-iat ôrlp.aiôet0 6x 7710 Otoysvtavoû rsuvaYwy=rlç, Zenobios) 23, où l'on peut trouver des renseignements épars. La deuxième série de textes comprend les sources sur la philosophie alexandrine et le gnosticisme". Les renseignements sont épars dans les commentaires philosophiques et dans des livres comme le de Abstinentia de Porphyre, le livre sur les mystères des Égyptiens et le petit livre de Sacrificio et Magia, dont le texte grec est perdu, traduit et publié par Ficin dans les oeuvres de Proclus2u. Ces textes nous renseignent sur la magie mystique, telle qu'elle s'est développée particulièrement autour de l'École d'Alexandrie. Elle est le produit du syncrétisme dont on a signalé plus haut les débuts. Elle se compose d'éléments philosophiques et religieux encore mal différenciés. C'est une synthèse de tous les moyens connus d'agir sur les pouvoirs spirituels. Elle est .à michemin entre la religion et la magie des recueils de recettes et capable de se tourner dans l'une ou dans l'autre direction. Un certain nombre de personnages typiques, Apollonius de Tyane''-', Alexandre d'Abonotique, le Peregrinos de Lucien, tiennent à la fois du philosophe, du charlatan, du prestidigitateur et du fondateur de religions. -2l Christ, p. 733, cf. 470 ; Paradcxographi graeci, éd. Weslermanu. 1839; Minent naturaliimz scriptores graeci ,8iosres, éd. Keller, 1877. 25 Schanz, gnosticisme, 1828; King, The Gnostici and their 'eniains, 1887, surtout 1. lostrate, V. Apollon., défend son héros de l'accusation de magie, 1, 2 ; Il, 18 ; V, 12; 189 MAG -50=2 -. MAC Les philosophes tendent naturellement à faire prévaloir le caractère. religieux du mélange, mais entre la théurgie et la magie ou la goétie, ils ne peuvent point tirer une ligne de démarcation suffisamment nette; Porphyre, qui parait avoir été particulièrement préoccupé de cette confusion, en a conscience et en fait l'aveu'. La différence est toute d'intention et dépend de la moralité individuelle. 11 manque à la théurgie alexandrine, pour cire religieuse comme l'ancienne théurgie égyptienne, une base sociale suffisante. Elle est, sortie de la religion. Le procès d'_lpulée nous montre bien que le public et les philosophes ne s'entendaient pas pour la. nommer du même nom; ce sont moins les maléfices particuliers qu'on lui reproche et dont ii se défend avec esprit, que les initiations variées dont il se vante et les traditions dont il proclame la sainteté qui le rendent suspect de magie. Du dehors, lit philosophie, même sans mélange de théurgie, parait magique. Pour Apulée et les Alexandrins, il nous parait malaisé de les justifier du reproche. Cependant la théurgie finit par rentrer en partie dans la religion; mais elle ne le doit pas aux philosophes. D'une part, les sectes gnostiques sont des sociétés religieuses qui, dans la mesure oh elles sont reconnues connue telles, transforment la théurgie magique en culte'; or il est difficile de distinguer des sectes ophites, par exemple, les compagnies de magiciens'. D'autre part, le mithriacisme donne un caractère religieux à des modes d'action et à des théories qualifiées auparavant de magiques'. 11 est à noter que pour Pline les premières manifestations du mithriacisme officiel à la cour de Néron sont magiques '. Les sceptiques, épicuriens et cyniques ont produit toute une littérature qui s'oppose à la philosophie ihéurgique L'épicurien Celse, qui est probablement le méme que l'adversaire d'Origène et à qui Lucien a dédié ;ripa du cynique OE.nomaos dont Eusèbe a conservé un long fragment est une critique des oracles en général. De mime la critique (le Lucien' dépasse la magie proprement dite pour atteindre l'ensemble du merveilleux religieux et mythologique. Citons encore le Ilots p.vOr1uvr.xous de Sextus Empiricus. Ces écrivains ne reprochent pas à la magie d'être irrégulière ou dangereuse; ils prétendent démontrer sa vanité; les magiciens, comme le Peregi'inos ou l'dlexandl"os de Lucien, sont pour eux de simples fourbes, hypocrites et immoraux qui exploitent la crédulité des bonnes gens; et, sur ce point, d'ailleurs, ils ressemblent aux prêtres errants des divinités orientales, comme les prêtres de la déesse syrienne que nous présente le Lucius. Les fantasmagories magiques sont des supercheries bien machinées; la description de la /ecanoniancie dans les Philosopltouniena10 est un bon procès d'Anollonius, Philostr. V. Apol1. 7 et 8. 3 Diekerioh, Pap. Alagica, roui, Heiden 5,0x5, H, 377; Berthelot, Coll. des Alchimistes, t. L p. 3; 6 Plin. XXX, 1, 6. l'hiloslr. V. Apoti. VII, 30. a Christ. O. 1. p. 745. n. 5. -13 Aug. De cir, Dei, Xx1, 6. Sur la réalité de la magie, cf. 1re,,. Ad"". haeres. exemple de celte t'acon d'interpréter le rituel des mages et des théurgies. Dans la littérature romanesque, qu'il s'agisse du voyage à Thulé d'Antonins Diogène, tle Théagène et Chariclée, des Bleu),rovtax7. de Jamblique, du Pseudo-Callisthène, des récits de Palladius sur l'Inde et les Brahmanes " ou, citez les Latins, des métamorphoses d'Apulée, la magie est un thème favori et un élément nécessaire de pittoresque. La position des chrétiens à l'égard de la magie est tout autre que celle des sceptiques. Origène fait un crime à Celse d'en nier la réalité'". Saint Augustin croit à l'efficacité des rites employés pour agir sur les démons'". N'oublions pas que le christianisme s'est propagé dans les milieux oit s'est développée la magie mystique ''. La nécessité de se dégager du gnosticisme appelait naturellement sur la magie l'attention des Pères de l'Église. Le caractère exclusif de la religion d'une part., de l'autre la force de l'autorité collective dans l'Église, font distinguer le magique du religieux avec une netteté que n'égale aucun des critères fournis par la Grèce et par Rome. C'est pou' cette raison que nous poussons jusqu'ici cet exposé sommaire. Le gnostique et l'hérétique sont des magiciens, à commencer par Simon le Mage ; Ménandre 1f Marcus", les Basilidiens'C les Carpocratiens" de méme sont taxés de magie. Entre le Dieu et le démon, il n'y a pas une simple différence de degré comme pour le théurge alexandrin; il y a une opposition absolue; les démons sont les mauvais génies, et c'est à ces mauvais génies que l'on attribue indistinctement tout le merveilleux illégal". La magie et la religion travaillent aux deux pôles du monde des esprits. Naturellement toutes les formes du paganisme sont reléguées dans la magie. C'est par une opération magique (lna,gicaoperalione) que s'expliquent les signes donnés par les idoles21 et, comme dit Tatien", u3x`l41 i7Tty 'gA(i:T683:pa7re.tirt r, 'A'rtoa),cev. Il résulte de cette opposition que lorsque le christianisme devint religion officielle, les lois sur la magie, complétées d'ailleurs par les lois de majesté, furent appliquées avec une énergie inusitée et qu'elles engendrèrent une persécution dont on trouvera l'exposé dans Maury". Signalons simplement, pour montrer le caractère de cette persécution, l'histoire du jeune homme qui fut cris à mort parce qu'il avait été surpris approchant alternativement ses mains d'un marbre et de sa poitrine en comptant les sept voyelles pour se guérir d'un mal d'estomac 2`. Les livres magiques. La plagie de l'époque impé riale nous a laissé un certain nombre d'écrits anonymes ou apocryphes et de recueils. Ces ouvrages magiques et leur usage sont mentionnés fréquemment, par les auteurs anciens Citons en première ligne les livres d'Hermès (Poitnander, ôsot " Aax),r,r.toû -p Ls '~Ap nova (Ixc~i.sx ; fragments conservés par Stobëe ; _f sclepius sine dialogus Gerster, p. --, 126, magie chrétienne, glossolalie, iucantalion; cf. Eudocia, De graeeorum ; Krolt et Olivieri, Cod l-enet. p. 79, extrait de la Vitre Seceri Antiocheni de Zacharias Scholast ficus, destruction de liges magiques en Syrie cers 487 MAG sqq., et une tablette de bois de la collection de l'archiduc Papyrus Ere/mer_ey Rainer (V. 20,1889).--Berthelot et 188810. I1 faut signaler, comme contenant des parties magiques, les manuscrits suivants publiés en totalité ou en partie et utilisés par 11eiru, ineantannenta mugira graeca Latina. Grecs : Codex Lipsiensis 175, fragment. édité par Bursian, in Ind. Lee'. (test., leva, 1873 (Cf. Philoloyas, 1890, p. 543. Codex Palatinus 224 (Harpocration, Pitra, Analerte sacra, V. p. 293 sqq.). Codex Parisinus 2286 (p. 61, Traité alimentaire du traits, XI, p. 178). Codex Sinaiticus, éd. Tischendorf, tub. XX, 7. Latins : Codex Bernensis A. 92, saec. N. (Catalogue Hagen, p 129)250 (ibid., p. 286): 334 (p. 332): 538 (p. 449). Codex Cavensis, 183, saec. XI (livre de Damigeron) in Pitra, Analecta sacra, t. II. Codex Sangallensis 751 (dlederina Plinii), Val. Rose, Ilerm. VIII, p. 5i. Codex Vindobonensis 93; J. Ilaupt, in Sitrm;gsbe 1872. Codex Laurentianus, Cat. Bandini, III, p. 40 Î o,et; io7 AxuiO aïç llop ~otov). Codex Vossianus, Picchiotta, Anecdoctton lalL'ut m.-Ajoutons à cette liste les manuscrits suivants l' : Codex Laurentianus XXVIII, 34. (Cat. Bandini, II, 59-62), fol. 85. Cf. Kroll, Astrologisclmes, in Philologus, 1898, p. 123 sqq. Codex Barberinus III, 3, fol. 205, ann. 1497: on y trouve une série d'incantanmenta et d'exorcismes (71-85). Codex Neapolitanus 11, c. 34 (cf. Ca/al. Salcatoris C.yrilli, t. II) ann. 1495 : on trouve une description de lécanomancie au fol 2342. -N. J. Politès a utilisé deux manuscrits de Munich et deux manuscrits d'Athènes dans Ilxaxloypv'tx-ii e-rxlucaoyix (cf. B/1_. Z,eitsclmrift, 1892, p. 555-571) ". Il faut signaler ici le Catalogue de manuscrits astrologiques publié par Bol], Cumont, Kroll et Olivieri (Bruxelles, Lamertin, à partir de 1.898). Les deux pre contiennent presque rien qui appartienne directement à la magie. Dans le troisième (Codiees 3lediolanenses` on trouve de longs extraits de manuscrits magiques grecs récents. La littérature des oracles magiques est à partager entre l'astrologie et la magie". Les tabellae devotiionis, dont nous n'avons pas à nous occuper ici spécialement [DEVOTIO], sont une source importante de renseignements sur la magie qu'il convient MAG 1.303 /Ierrnetis trisrnegisti) qui peuvent paraître plus philosophiques que magiques, dépouillés comme ils sont des applications de la gnose qui, dans les papyrus, suivent habituellement les passages mythiques ou dogmatiques 2; puis les 'Isoo~austxz d'Horapollon 3 • enfin les écrits astrologiques de Necitepso et de Petosiris [ASTBOLOGIAI Quant aux papyrus qui ont échappé aux destructions systématiques, telles que celle qu'ordonna Dioclétien en Égypte, voici la liste de ceux qui ont été publiés " t. 11, Leyde, 1885. Le papyrus Y«J. 384,, Cat. Anast. 75) s de Leyde a été publié à part par Dieterich, Papyrus magica critico instruxit, prolegornena scripsit Alb. Dieterich) in 827. Dieterich a tiré du papyrus IV J. 395) 7 le livre intitulé B.6r,oç :.-oz L-etxx)o'U.ér 11 \Iwzç ~l %%yôO' \Tw eewç roû ôvru.xroç tioa iy(ou, qu'il a publié dans ses Abraxas, Leipzig, 1891, p. 167-205'. Wesscly, Griechische tV issenschaften in 1Vien, t. XXXVI, 1888: grand papyrus de la Bibliothèque nationale de Paris (3274 lignes) Jlimaut (n° 2391, Louvre) ; Papyrus XI,VII du British Museum (Anastasi 5). P. Miller, Mélanges de littérature grecque, p. 442, 447. 452, sqq., avait publié déjà les lignes 434,-462, 1956-1989, 271.1-2870 du papyrus de la Bibliothèque nationale s. Les papyrus de Londres XLVI et XLVII, sont réédités dans Kenyon, Greek Papyri in the British Museum., t. I, p. 64 et 81. Le papyrus XLVI avait été précédemment édité par Goodwin, dans les Les lignes 304-369 ont été commentées et traduites dans aurons à mentionner au cours de ce travail un certain nombre de traductions et de commentaires partiels des ibid., t. XLII, 1893 : papyrus CXXl du B. M. (1045 lignes) papyrus CXXII; papyrus CXXIII; papyrus CXXIV , Papyri Rainer 1-12 (fragments). Les papyrus de Londres sont réédités par Kenyon, t. I, CXXI, p. 83 sqq., CXXIII, p. 120, CXXIV, p. 121. Le pap. CXXV (ype7ç 'A7co'noiviou ToxvAwç (irttyps-tç) est publié par Kennyon, p.123 sqq. 'Wessely a publié encore le papyrus XIV, 46 (3378) de Louvre dans un Programme du Gymnase de Hernals, 1889, p. 2 I Parllrey. Jl. •nzetis T, ismegisti Paemander, Berlin, 1851; Sténard, MAG 150li MAG au moins de signaler ici. On les trouvera réunies et commentées dans la préface des De/ixionum tabellae atticae de Wuensch. Mentionnons particulièrement les Inscriptions vela/in!" to sorcery in Cyprus publiées par Miss Macdonald dans les Proceedings of the Society of Bibliral Archaeoloyy, 4890, p. 160 sqq. ; la tablette d'Alexandrie (Dilthey, Rheinisches Museum, IX, 370; Lenormant, XVIII, 563 ; Babelon, Catalogue des bronzes antiques de la Bibliothèque nationale, 700) ; la tablette d'Ifadrumète ; les defixiones du temple de Déméter à Cnide (Sammlung der gr. Diale7,-t-Inschr., III, 41, p. 233 sqq. . Une importante série de tablettes magiques trouvée é Rome a été publiée par Wuensch dans ses Sethianisclle Ver/luchungstafeln. Plus récemment M. Olivieri a publié des tablettes trouvées à Bologne (Sludi Italiani di /lologia classica, 1899, p. 193). Citons encore E. Ziebarth, 1~eue attische Fluchtafeln (IVachr. d. K. ges. A. Wiss. ~. G7ttinyen, Ph. hist. KI. 1899, p. 105-135) et Wuensch, Xeue Fluchtafeln (Rheinisches Mus., 1900, LX, p. 62 sqq.), qui, outre des rectifications et des commentaires, ajoute quelques fragments inédits aux textes publiés par M. Ziebarth. 11 est à remarquer que les papyrus magiques ne contiennent pas seulement des formules de dévotion en blanc, mais aussi des formules particularisées'. La date des grands papyrus magiques de Berlin, de Londres et de Paris peut être fixée entre la fin du second siècle et la fin du quatrième ap. J.-C.2. Le papyrus I de Berlin contient A. 26) l'invocation âyalè I'nnpyé; Parthey y reconnaît saint Georges et, se fondant sur ce que l'institution de la fête du saint date de 308, il regarde cette date comme un terminus a quo. Mais l'identification est contestée 3, avec toute apparence de raison. Les divers papyrus magiques qui nous sont parvenus ne sont pas des ouvrages originaux et indépendants«. Ils citent des textes ; ils indiquent des variantes' et, d'autre part, contiennent des éléments communs 6. Par exemple il faut rapprocher, Pap. Paris. 436 sqq. et Pap. CXXI, 74-81, Pap. Berol. 1, 345-327 et Paris 1957-1988, Pap. Berol. II, 101 sqq. et Pap. V, III, 6 sqq. ; V, VII, 27-33 et W, XXII, 144-27'. L'hymne ou la formule est, suivant les versions, raccourcie ou allongée. Certaines formules habituelles sont indiquées par une simple allusion comme dans les textes babyloniens. Il est malaisé de reconstituer les originaux de cette littérature, entremêlés et défigurés par une longue et infidèle tradition. Quels sont les éléments de la tradition qu'ils représentent ? Pline" distingue trois sources de magie. La pre mière est l'École perse qui commence à Zoroastre° et aux deux millions de vers qu'on lui prêle ; pour les Grecs, le révélateur et le commentateur du Zoroastrisme est Osthanès ; Pythagore, Empédocle, Démocrite paraissent se rattacher à l'École perse ; Démocrite commente Apollobéchès de Coptos f0 et Dardanus" qui avait écrit en phénicien ; à cette branche appartiennent les noms anciens des Mèdes Apuscorus et Zaratus, des Babyloniens Mamarus et Arabantiphocus et de l'Assyrien Tarmoendas, auxquels, dit Pline '2, on ne prête point d'ouvrages. La seconde école est l'École juive, qui descend de Moïse' 3, Jamnès et Jotapès'`. La troisième est une école cypriote' S. Il est étrange que Pline ne mentionne point ici l'une des branches importantes de la tradition magique, la branche égyptienne, dont les représentants sont si fréquemment nommés dans les papyrus, Hermès16, Tphe14 l'hiérogrammate (livre adressé à Ochus), Typhon'", Manéthon19, Zminis le Tentyrite20, Apollon Boches (Horus)21, Agathodemon 22, Chimèsu, Nephotis24, Pibeches 25, Bolus de Mendes L6, Nechepso 27, Damigeron, Bérénice, Ptolémée Physcon 2". Marie la Juive est un des principaux auteurs de la branche alchimique de la magie. On rencontre encore les noms d'Agathoclès29, de Thalès, d'Anaxagoras30, Héraclite, Diogène", Evenus32, Erotyle30, Epaphrodite3'', IIimerius a3 Pasès 36 Chaeremon 37, Parmoenèsu. Enfin ceux des auteurs alchimiques récents, les magiciens proprement dits, restant généralement voilés sous l'apocryphe : Zosime, Synesius, Olympiodore, Pélage le philosophe, Jamblique, le Chrétien, Hiérothée, etc.".. Le grand papyrus de Paris contient une lettre du magicien Néphotès à Psammétique 10, un charme de Salomon ", une lettre de Pitys le Thessalien à Osthanès+2, un €aalzrTâ?tov d'Hermès 4" ; il nous fait connaître le magicien Pachratès ««, contemporain d'Adrien. Le papyrus cxxi du Musée Britannique contient des O' oxp(T0O aa(yvta (167), un ôvetcaiTvtmç de Démocrite et de Pythagore, Ces indications nous suffisent pour savoir comment les magiciens alexandrins se représentaient l'origine de la tradition qu'ils suivaient". Nous sommes d'ailleurs en état de les compléter, sinon de déterminer avec précision la provenance de tous les rites usités. Pour l'étude de l'élément perse, on se heurte à la question de la date des livres sacrés de l'Iran. M. Cumont a pris la peine de dégager des papyrus ce que l'on pouvait y trouver de mithriaque Y6 ; mais soit que la magie perse se soit mêlée de trop bonne heure à la magie grecque, soit qu'elle ait servi de véhicule aux autres magies étrangères, il est malaisé de distinguer son apport". L'élément parthe4" MAG 1505 MAG ne se distingue probablement pas de l'élément perse. Sur l'élément druidique et sur l'élément brahmanique qui nous sont également signalés', nous en sommes réduits aux conjectures, et, quant au premier tout au moins, mieux vaut ne pas s'en préoccuper. La magie assyrio-chaldéenne, sauf exceptions, ne parait pas être arrivée directement aux magiciens grecs. On trouve mentionné l'emploi de rites baby.loniens2. On rencontre ii plusieurs reprises le nom de la déesse chthonienne Ereschki,gal3 dans une formule qui varie peu et le nom plus ou moins allongé du dieu Nèbo Mais dans les textes qui nous sont connus ces mentions sont exceptionnelles. Le rituel de la magie assyrienne ne diffère d'ailleurs point de celui que nous trouvons en usage à l'époque de nos papyrus. D'autre part, de même que la magie alexandrine, la magie des Mésopotamiens forme avec sa littérature un corps de doctrines et de rites, souvent croisé sans doute de pratiques et d'idées religieuses, mais qui, pris dans son ensemble, est suffisamment différencié. Il n'est pas probable qu'une doctrine aussi bien codifiée soit restée sans influence directe ou indirecte sur la magie grecque'. L'élément juif entre directement dans la composition des livres magiques et il y tient une place importante'. Les Juifs paraissent avoir fourni au personnel de la magie un appoint considérable. Ils avaient une réputation bien établie de magiciens. Ils passent pour être les dépositaires de la tradition magique '. Les cercles d'où nous viennent les textes que nous possédons étaient fortement pénétrés de judaïsme. Le papyrus de Paris nous a conservé un long exorcisme (3009 sqq.) emprunté à une communauté « d'hommes purs») qui était probablement quelque communauté j udéo-orphique, sinon une communauté juive semblable à celle des Thérapeutes de Philon. La tablette d'lladrumète est un autre témoin important de cette magie juive acclimatée dans le monde grec3. A côté de ces documents où le judaïsme apparaît à l'état pur, il y a une infinité de passages où les formules juives et les moyens d'action magiques fournis par les Juifs sont mêlés à un rituel d'origine différente10. En quoi consiste l'apport des juifs dans la magie gréco-romaine? 11s n'y introduisirent point une magie toute faite", mais des éléments de magie. La Bible, traduite en grec et interprétée par IIernsès" en égyptien, est la principale contribution des Hébreux. Elle fournit une partie de la mythologie magique13. Le Dieu des Hébreux tient une place considérable dans les incantations' `. Les diverses formes de son nom, 'Izw, EmPxeôO, devenu 'AèxoJO et 'Ao',O'' d'Abraham, de Moïse, de Salomon10, ceux des archanges surtout y .sont répétés à satiété. On a expliqué le fameux mot Abraxas comme une corruption de la bénédiction hébraïque (haberachah la bénédiction, haberachah+ daberah la parole = abracadabra 20). Les mots hébraïques plus ou moins défigurés abondent dans nos textes 21. Quant à ce que l'on pourrait appeler proprement la magie juive, pour les époques anciennes, nous ne la connaissons que par allusion ; ce que nous connaissons d'elle à l'époque de la rédaction du Talmud 22 forme une branche particulière de la magie générale qui a poussé parallèlement à celle que nous éludions ici. Le christianisme entre dans la magie de la même facon que le judaïsme et à sa suite27, pour une part moins l'orle, naturellement. Signalons simplement dans le papyrus de Paris l'exorcisme par le nom de Jésus, qui est en tête du long passage juif dont nous avons parlé plus haut (3001, et un exorcisme copte (127) °. Jésus est encore mentionné dans une formule du papyrus V 2i'. Nous avons vu d'ailleurs que le gnosticisme et la magie étaient souvent indiscernables''. La principale contribution est celle de l'Égypte. La plus grande partie des textes en provient. On y cite des autorités égyptiennes et l'on s'y réfère à la tradition du pays 21. Outre ses (lieux et sa mythologie, l'Égypte a apporté au fonds commun une magie toute faite 28, codiliée, ayant une histoire et différenciée à peu près de la religion. Nous savons que la magie égyptienne pouvait exposer ceux qui la pratiquaient à des poursuites légalesL°; MAG 1h06 1\1AG et nous voyons dans le roman de Théagène et Chariclée que le contact des choses magiques était interdit au prêtre'. Les rites de l'ancienne magie égyptienne étaient semblables à ceux (lite prescrivent les papyrus', ce qui, d'ailleurs, serait une preuve insuffisante de filiation, s'il n'y en avait, d'autres. Quant à l'alchimie, ses origines égyptiennes sont établies aussi bien que possible 3. Les différents éléments sont mêlés'; Isis, qui révèle la science sacrée e Horus, l'a reçue d'un ange des Hébreux. Cependant, si l'on prend les textes un à un, on voit que certains éléments peuvent y dominer. Le papyrus W de Leyde cite surtout. des autorités juives ; les papyrus de Berlin et le papyrus V citent surtout des autorités grecques'. Il est vrai qu'il s'agit d'apocryphes. Les procédés de la magie. Les actes magiques présentent une infinité d'aspects suivant la nature de leur objet, le but de l'action et sa portée; l'image que le magicien se fait de leur genre d'efficacité en détermine le caractère et cette image est changeante; de même, suivant la façon dont on représente la production des phénomènes et la. direction des êtres par la magie, les modes de l'action magique doivent changer. Il s'agit ici de dégager ce qu'il y a de commun et de spécifique dans les manifestations particulières de la magie. Tout acte magique a pour but, soit de mettre des êtres vivants ou des choses dans un état tel que certains gestes, certains accidents, ou certains phénomènes doivent s'ensuivre infailliblement, soit de. les faire sortir d'un état analogue. Il y a toujours, soit imposition, soit suppression d'un caractère ou d'une condition, ensorcellement ou délivrance, prise de possession ou rachat. On exprime ce fait par l'image du lien qu'on lie ou qu'on délie (ex : p) oxx.i salée;' . Le mot I'eligio est employé souvent pour désigner cette sorte de contrainte'. Tout abstrait qu'il soit, ce mot arrive à. désigner une sorte d'être vague, de personnalité diffuse qui se précise par degré. La possession est une forme extrême, mais typique, de l'ensorcellement des personnes e.. La lycanthl'opie est l'une des formes de possession fréquemment produites par la magie'. La métamorphose est un exemple grossi du changement d'état de l'individu ensorcelé. Comme représentation sensible de l'enchantement, l'Hippomane d'Olympie est à signaler10. Dans les cas d'enchantement que l'on peut ranger sous la rubrique de fascination l'effet de l'action magique trouve, au contraire, son expression la plus vague LFASCIISDM,. En thèse générale, la magie arrive à ses fins par deux méthodes : méthode directe et méthode indirecte. D'une part, l'etï'etsemble résulter immédiatement de l'accomplissement du rite ; de l'autre, le magicien agit sur des êtres surnaturels qui lui servent d'intermédiaires ou d'agents. Toutes les opérations qui relèvent de la méthode directe s'inspirent du principe universel de la sympathie"; la contiguïté et la similitude tendent à devenir identité. La forme la plus simple de l'action magique est la communication par le contact d'un objet doué de propriétés magiques, générales ou spéciales '2. La vertu d'un talisman ou d'une amulette passe sur celui qui la porte AMLLETLM). Les différents produits de la chimie magique f3 : philtres amoureux, onguents médicinaux, eau sacrée des alchimistes''`, sont à comparer aux amulettes et agissent comme elles. Les substances employées dans la préparation des talismans, philtres, remèdes, etc., agissent, chacune prise à part, de la même façon. L'une des principales préoccupations de la magie est de déterminer l'usage des particularités spécifiques des êtres vivants et des choses. L'aimant est une substance magique à vertus indéfinies 13 ; de intime le sel 10, le galbanum 1 i ; la pierre dite oglaoplaotisounaarDlal'itisestutilisée danslesévocations, coutre l'épilepsie et les maux d'yeux13; on mentionne une eau mantique qui rend clairvoyants ceux qui la boivent". Les ennemis d'Apulée l'accusaient d'avoir acheté très cher certains poissons pour l'exécution de ses maléfices; il est vrai qu'il biche, malgré les apparences, de démontrer que les poissons sont rarement employés par la magie'''. Par contre, les oiseaux de nuit, hiboux striges31, sont magiques au premier chef, Ovide met des ailes de striges dans la marmite de Médée 22 ; on finit par confondre l'oiseau et les sorcières. Le lièvre, le lézard, l'ibis, etc., sont mentionnés dans le papyrus CXXI93. Tandis que l'attention des alchimistes s'est portée surtout sur les substances minérales, celle des magiciens, comme nous l'avons déjà vu, s'est portée surtout sur les plantes" : le laurier'3, la mauve''', l'ellé qui s'emploie contre la goutte, le plantain, la pulmonaire (consiligo) que l'on emploie contre la peste bovine ", la centaurée 20, la pomme'', la mandragore", la xuvoxei,xÎAtoç (3orzv-r, dont la mention revient si fréquemment dans les papyrus", la myrrhe°`, la rue 35, le plantain 38 etc. Il est inutile de donner ici une énumération complète des matières magiques". Mentionnons, pour mémoire, une autre série de substances dont l'emploi est souvent prescrit par les textes : la cire', le miel', la farine', certaines farines, l'eau' ou l'eau de pluie' jouent le rôle de simples véhicules; il faut cependant que ces substances soient appropriées au rôle spécial qu'on leur fait jouer La vertu des substances magiques n'est pas toujours attribuée à leur nature spécifique. On l'attribue soit à. une origine fabuleuse comme celle de l'aconit, née des dents d'Echidna et introduite en Grèce par Médée', soit à une relation mythique quelle qu'elle soit. Dans la magie chrétienne, les animaux immondes sont considérés comme les agents du diable et c'est de là., précisément, que vient leur vertu magique'. Des séries de plantes, de minéraux, de parfums correspondent à la série des planètes et sont utilisées pour cette raison °. De plus, les substances sont souvent désignées dans les textes, non pas par leur nom vulgaire, mais par un nom qui implique généralement une relation entre elles et une divinité. L'hadimils est le diadème d053/is'0, le mercure est appelé le lait de la vache noire nous rencontrons des sang de Mars, semence d'Arnm.o, doigt de _Mercure, cheveux, oreilles de Vénus, barbe de Jupiter ', etc.; une partie de ces noms ont passé dans la nomenclature usuelle. La signification de ce vocabulaire était révélée aux apprentis par des clefs ". Il est possible, puisqu'on le dit, que l'usage de ces noms ait eu pour but de mettre en défaut la curiosité du vulgaire L° et de donner aux opérations un caractère plus mystérieux; on ne peut pas croire cependant qu'ils n'aient pas contribué à déterminer la valeur magique de l'objet; ils font partie de sa représentation. Enfin le caractère terrible, obscène, anormal que ces noms donnent souvent aux cérémonies pour qui n'en a pas la clef, est également à considérer. D'autre part, le nom vulgaire des substances et aussi les analogies plus ou moins vagues que leur aspect peut suggérer sont pris en considération par la magie : « :Pique enim minus istis Lucie comarrerrroraa'i det,«Mlanodari possunt su aililer ex vocabulo suspiçione.s. Pusse dicitis ad tes venerias sumpta de mari spuria et fascina propter nominum simililudinean : qui minus possit es' codera litore ("Oculus ad vesicarn, testa ad 'eslantenturn, cancer ad ulcera, alga ad quercerufi » dit Apulée à ses accusateurs'. Le réséda calme les maladies par la vertu de son nom". Le plomb agit par sa lourdeur et on l'emploie contre ses ennemis dans les jeux du cirque"; il agit aussi par sa froideur". Le grillon doit probablement. sa vertu magique à son aspect bizarre". Le' Physiologus donne une idée suffisante de cette histoire naturelle qui sert de base à la magie 20. En général, tout ce qui est anormal'', tout ce qui est, habituellement considéré comme impur, appartient de droit à la magie. 1 :ne borine partie des substances magiques sont donc considérées comme de simples véhicules d'actions sympathiques et non plus comme faisant partager par leur contact des vertus spécifiques inexpliquées. La même substance peut être considérée tour à tour de l'une et de l'autre façon''. Au même point de vue, il faut distinguer les substances magiques par essence de celles qui sont magiques par accident, soit à cause de leur couleur"soit en raison de la place d'off elles proviennent, comme les objets pris dans les thermes, dont, la mention revient fréquemment dans les formules d'opération°. Ainsi, en parcourant cette première classe d'agents magiques, nous voyons appliqués quelques-uns des corollaires les plus lointains de la loi de sympathie. Le magicien s'efforce d'employer, soit isolément, soit en composition, des substances ou des objets qui aient une analogie, même peu apparente, de nom, de forme, de qualité avec le sujet de l'action magique, le phénomène à produire, l'état qui doit le suive, les forces que l'on doit faire agir et d'autres qui ont été, sont ou doivent "être soit en contact, soit en relation plus ou moins organique avec les êtres intéressés dans l'opération. A vrai dire, il est assez difficile de démêler les applications du principe de la sympathie dans la pharmacie magique. Généralement, les raisons qui ont déterminé une première fois l'emploi d'une substance spéciale sont effacées par l'antiquité de la tradition, et l'usage fréquent doit s'être souvent transformé en nécessité ; d'autre part, lorsque les substances sont employées à l'état isolé, comme amulettes, par exemple, la façon dont s'exerce leur efficacité est trop vague pour que le fometionnement de la loi soit apparent, et lorsqu'elles sont employées en composition, les effets différents produits par les composants se croisent à tel point qu'il devient impossible de les distinguer. Le jeu de la loi appairait, au contraire en pleine lumière dans un grand nombre d'opérations oit le résultat désiré est obtenu par de simples actes symboliques''. On peut distinguer deux processus. Le premier consiste à remplacer le sujet de l'action, personne ou chose, par un substitut. Le deuxième consiste à figurer le phénomène à produire. Des exemples de ces deux séries d'actes sympathiques se rencontrentà chaque pas dans toutes les magies connues. Ils ne manquent pas dans la magie gréco-romaine. Nous retrouvons ici la communication par contact que nous avons rencontrée d'abord. Que l'on touche des verrues avec de petites pierres, celles-ci s'identifient avec celles-là, on jette les pierres, et les verrues sont guéries"'. On peut transférer une morsure de scorpion d'un homme à un àne2'. un mal de ventre à un canard" ou à une grenouille, ou à un chien 2°, en appliquant. ces animaux contre la partie ma MAG 1 308 MAG lade ; dans ce dernier cas, l'autopsie prouve la réalité de la translation. Dans tous les cas le mal est expulsé. Le même effet s'obtient par le passage entre les jambes d'un homme ou d'un animal, à côté d'un tombeau, à travers un arbre percé, à travers les rais d'une roue, un entrecolonnement', deux cadavres 2, sous la racine d'un arbre 3. Par une modification du même procédé on pouvait donner à un homme la vue d'un lézard préalablement aveuglé 4. Entre un blessé et l'agent de sa blessure, le contact détermine une sympathie et l'on peut soigner la blessure par l'intermédiaire de l'arme '. Un pas plus loin, et la cause du mal fournit le remède'. Il est naturel qu'on puisse localiser sur une partie d'une chose ou d'un être ce qu'on peut transmettre par contagion'. La partie vaut pour le tout. Les cheveux les ongles 9, les dents" la salive", l'empreinte des pas f2, les vêtements 13, tout ce qui touche à l'homme ou en fait partie''' permet de le représenter intégralement et d'agir sur lui. Nous avons un exemple de double translation dans le cas où l'on attache les ongles coupés d'un fiévreux à la porte de son voisin' On utilise la continuité supposée de la famille et l'on pense agir sur un homme en agissant sur ses parents" ; on utilise même celle de l'espèce'', et c'est probablement la raison d'une partie des emplois d'os ou d'autres reliques humaines dans les cérémonies magiques. Une simple figure, en dehors de tout contact ou de tout autre mode de communication directe, est représentative. Enfin le nom joint à la figure ou employé seul supplée à tout". La translation de la personnalité peut être assez complète pour entraîner la mort : ainsi, lorsqu'on prend l'écume de la bouche d'un mulet pour soigner un asthmatique, le mulet meurt''. De même que la figure est identique à la personne, la figure de l'acte ou du phénomène est respectivement identique à ce qu'elle représente, et si la chose représentée n'existe pas encore, la représentation a pour effet d'en déterminer la production. Nous avons vu dans l'histoire d'Iphiclos le couteau à châtrer les boucs rendre stérile par son attouchement. Dans les cas de translation de maladie. on supprime la maladie par la destruction ou l'éloignement de ce qui la représente 20. Une sorcière coud la bouche de ses ennemis eu cousant la bouche d'un poisson". Les fermiers écartent la grêle de leurs champs avec des noeuds et des clefs qui sont censés soit l'enfermer, soit la tenir dehors". On simule avec des noeuds les liens d'amour43, avec des noeuds déliés l'accouchement", etc. Un moyen d'arrêter l'épilepsie était de planter un clou à la place où avait touché la tête du malade dans sa dernière chute ; on fixait ainsi la maladie à la terre. Les clous magiques dont la figure 4782 représente un exemplaire ont eu encore d'autres emplois 23. La figure d'un ongle de fer était propre à arrêter un coureur". Pour sortir d'un gosier un osselet ou un épi, il suffisait de retourner trois fois un tison, de manière à plonger chaque fois un de ses bouts dans le feu27. Pour entraîner sa victime à la mort ou la livrer aux puis sances infernales, le magicien met son image ou la tablette d'imprécation qui la concerne dans un tombeau2d, à moins qu'il ne dépose des ossements dans sa maison 20. On symbolise la fièvre par le feu". Pline nous apprend qu'on meurt seulement à l'heure de la marée basse J1 : l'idée remontait à Aristote et est confirmée par Philostrate 32. En chargeant un arbre avec des pierres, on le rend sté rile3t. Une simple image, celle d'Hercule étouffant le lion, suffit à arrêter la croissance du parasite dit baapoXùov 3i. Dans les souhaits et les incantations on accompagne le voeu d'un geste ou d'un acte symbolique : ou bien l'on étend par analogie l'efficacité d'une chose3' L'identité de la parole et de ce qu'elle signifie nous apparaît encore ici. Une simple comparaison suffit à remplacer l'acte symbolique". La sympathie est créée souvent par l'incantation qui accompagne l'acte 3', ou bien l'incantation constitue par elle-même l'acte sympathique, comme dans les évocations de maladies énumérées par MAG 1509 MAG Ileim'. Enfin le calembour parait devoir aux mêmes principes des vertus magiques'. La sympathie tient une telle place dans les opérations magiques qu'on nous propose d'une part d'étendre, de l'autre de réserver le nom de magie aux actes dont elle est le principe'. On nous dit que si les noms des dieux se rencontrent dans les formules magiques, les magiciens agissent sur les dieux de la même façon que sur les choses, que les dieux ne sont pas pour eux des êtres libres, mais des instruments passifs et que là se marque la distinction profonde de la magie et de la religion dont les actes ont pour but de fléchir ou de gagner des pouvoirs supérieurs à l'homme, qui gouvernent la nature en toute liberté'. 11 est vrai que des rites semblables Ô. ceux de la magie sympathique sont mêlés aux pratiques religieuses'. Aux Robigalia, dit Festus, rufae canes immolabantur ut fruges flavescentes ad maturitatem perducerentur (p. 285). L'usage de fixer la maladie est suivi officiellement à Rome en temps de peste ; ailleurs il était d'usage religieux et public de planter annuellement un clou dans une muraille [cLAvos] G. En Arcadie, le prêtre de Zeus Lycaios, pour mettre fin aux sécheresses, agitait une branche de chêne dans une source du Lycée'. Or, pour nous, nous ne pensons pas que, malgré l'apparence, les OscILLA latins et les balançoires des Aiwpa appartiennent, à la magie j'AIORA]' et nous hésitons à qualifier de magiques les guérisons d'Epidaure 9. On nous répond que la magie se mêle à la religion, que ce mélange n'est point étonnant et qu'elles sont à peu près indistinctes à l'origine. Mais nous contestons la justesse de la distinction proposée, car pour nous, les rites religieux, et le sacrifice en particulier, produisent des effets aussi nécessaires que les rites sympathiques de la magie ". Réduire à la magie sympathique toute la magie amène à la confondre avec la science. Ce n'est pas autre chose, dira-t-on, qu'une science à principes faux". En fait, l'idée de la sympathie, celle de l'identité du nom et de la chose nommée, celle de la représentation intégrale de la personnalité au moyen de ses parcelles, sont des idées d'ordre scientifique et philosophique. Il est à remarquer que la magie non seulement raisonne sur ses principes12, mais qu'elle en a généralement une conscience claire. Le principe posé, le magicien l'applique rigoureusement. De plus, en dehors de ces idées universelles, la magie fait constamment appel aux principes d'une science et d'une métaphysique plus avancées. Elle spécule sur les x)x),a T~ç 'Avzyxrç", sur l'influence des planètes, idées qui viennent d'une représentation scientifique du monde et qui témoignent d'une notion claire, bien qu'insuffisante, de la loi". Les formules d'opérations alchimiques sont V. précédées de l'énoncé de principes scientifiques' ('Ev Yip Tb 7râv, xxi 'xûTOV' Tb c v '(É 'àvE). C'est sous cette forme que se présentent des hypothèses allégoriques qui exa gèrent le symbolisme vulgaire ( .903 T'a 6I)pzvtx, xf.T(O Tx tation dans l'opération chimique doit durer le même temps que celle de l'embryon humain 11. Vient ensuite la formule scientifique, mais étroite, du principe de la sympathie : « La nature jouit de la nature; la nature triomphe de la nature; la nature maîtrise la natureLe. » Par bonheur, nous sommes bien renseignés sur l'alchimie. Celle-ci, précisément, hésite entre la magie et la science. Quand l'alchimie se croit science à proprement parler, elle renonce au mystère 19; autrement, elle est une science sacrée, c'est-à-dire qu'il entre dans ses opérations un facteur de plus que les applications des principes scientifiques et la connaissance des propriétés des choses20. Lorsque ce facteur apparait, l'acte magique entre dans la science ou devient un jeu21. Ainsi, dans le cas où la magie se rapproche le plus expressément de la science, elle n'y est pas entièrement réductible. Il en est de même à plus forte raison dans les autres branches de la magie. Les rituels magiques prescrivent avec minutie une infinité de cérémonies mystiques : sacrifices, prières, préparations d'amulettes", qui ne se ramènent pas à l'application de principes scientifiques. Le pouvoir du magicien. Les faits que met à notre disposition l'étude de la magie grecque et de la magie romaine ne sont pas suffisants pour nous faire comprendre en quoi consistaient exactement les pouvoirs du magicien, ni quelles raisons ont fait croire généralement à leur réalité. Nous devons cependant réunir ici quelques données qui permettront de comparer son pouvoir avec celui du prêtre et d'en voir successivement différents aspects. Comme le prêtre, le magicien égyptien s'identifie avec le dieu dont il utilise la puissance" ou bien il s'associe à lui"-4. D'où tient-il son droit? Et d'où vient que la proclamation de ce droit ne soit pas considérée comme une vaine jactance? Est-ce un don personnel? Dans les écrits alchimiques, on voit quelquefois mentionner les conditions morales de la réussite des opérations. On donne au philosophe des conseils d'ascétisme 25 ou tout au moins de régularité. Des mérites d'une autre sorte distinguent souvent les magiciens, la ventriloquie 26, des dons spirituels, le mauvais oeil. Les enfants 2' ont des dons magiques et divinatoires. Les femmes paraissent avoir été généralement considérées comme plus aptes à la magie que les hommes". Des prêtres de contrées lointaines sont favorisés de pouvoirs merveilleux29. Le mauvais oeil semble être conçu comme un caractère personnel assez sera 190 MA G 1510 i1.\ G blable aux pouvoirs de suggestion. Dans certains cas la spécialisation des pouvoirs magiques implique une relation spéciale entre les magiciens et les choses sur lesquelles ils agissent' D'autre part on attribue la pratique de la magie à des peuples entiers, comme ces tribus libyennes dont parle IIérodote 2 ou les ophiogènes des environs de Parium en Chypre, qui guérissaient les morsures de serpents' ; une tribu pontique, les Thibiens, sont qualifiés par Mienne de Byzance de ËOvoç 3xaxxvTtrdv Il y avait une famille à Corinthe dont la spécialité était de calmer les vents'. Marie la Juive, citée par Olympiodore, semble considérer l'alchimie comme un privilège de la race d'Abratiam 6. Si la magie s'exerce en dehors de milieux où l'art se transmet avec le sang, elle se réclame d'une tradition lointaine et divine, comme de la révélation par les anges déchus ou par les archanges Marie la. Juive prétend tenir la révélation de Dieu lui-même'. La magie aime les apocryphes et rattache ses traités à des autorités incontestables : dieux, rois, grands philosophes'. Entre ses sages et ses dieux il n'y a point de distinction nette JO. Le caractère sacré de la doctrine est protégé par le secret. Celui-ci est imposé par serinent au nouvel initié''. L'initiation parait se transmettre d'individu à individu, de maure à disciple, c'est une espèce de filiation1l, Mais elle ne se borne pas à la simple communication de recettes. L'indication de celles-ci est précédée d'une révélation cosmologique dont la forme est plus mythique que philosophique. Telle est la révélation d'Isis à Morus 1 ou celle de Comarius à CIéopiitre 14 dans les livres alchimiques. C'est une gnose dont la communication paraît, suffire à modifier la condition de l'initié. Dès qu'il v participe, il peut appliquer avec succès les méthodes qu'on lui explique ensuite. En somme, nous rencontrons dans la magie une TEat-ri[ ", une initiation analogue à celle des sociétés religieuses fermées 12I,E11SiilA Celte initiation comporte d'ailleurs d'autres cérémonies que la simple communication d'une doctrine mystique. C'est une bonne fortune que de posséder un texte comme le livre de Moïse'", qui nous expose en détail les phases de la cérémonie, purifications, rites sacrificiels, invocations, et, pour couronner le tout, révélation de la xorsu.osotïx, qui explique le secret du monde. Remarquons que les cérémonies sacrificielles ont ici pour but de mettre l'initié en relation, non pas avec les dieux d'une société particulière, mais avec les planètes et les astres, c'est-à-dire avec des agents universels dont le rôle est défini par la science, mais qui sont transformés en puissances mystiques et divines". Le magicien tient sa puissance de son accointance avec les forces de la nature. C'est. ce que signifient les sept anneaux donnés à Apollonius de Tyane par le brahmane Jarchas. Dans la moindre de ses opérations, le pouvoir qu'il en tire est impliqué, comme le montre entre autres choses la répétition constante des sept voyelles x e t o u w représentant les planètes dans les incantations 18. « Les portes de 1a terre sont ouvertes, lés portes du ciel sont ouvertes, la roule des [louves est ouverte, la route de la mer est ouverts,, s'écrie le magicien; inon esprit a été entendu par tous les dieux et par tous las génies, mon esprit a été entendu par l'esprit du ciel, mon esprit a été entendu par l'esprit de la, terre, mon esprit a ét.é entendu par 1'esprit de la mer, mon esprit a été entendu par l'esprit des fleuves1'. » Le magicien assyrien associe de même l'univers tout entier à ses oeuvres et les sorciers australiens, par exemple, empruntent leurs pouvoirs à. l'arc-en-ciel10. La magie implique la continuité de l'univers'', de même qu'elle suppose une connexion sympathique entre l'individu et son groupe et tout ce qui touche à sa personne. Pour qui connaît la répercussion des phénomènes, tout effet cherché fait partie d'une série liée; ii suffit de saisir l'anneau le plus accessible de la chaine, pour avoir prise sur l'ensemble. Cette participation aux forces de la nature fait que le magicien n'est. plus Est-ce à dire qu'un pareil pouvoir soit impliqué par tous les actes que l'on peut qualifier de magiques' Évidemment non. Ily en a qui sont tombés dans le domaine commun ou qui ont fini avec le temps par renfermer en substance le pouvoir qui les rend efficaces ; mais on peut dire qu'en général les opérations magiques mettent en jeu un pouvoir surnaturel dont celui que décrit le pa.ssagecidessusparaitêtrele degré le plus élevé.Le caractère mystique du principe de la magie apparaît clairement dans un passage de l'Apologie d'Apulée oit il. explique que, par opposition aux philosophes naturalistes, qualifiés d'impies, ceux dont l'étude a porté sur les agents spirituels et personnels du monde ont été traités de magiciens2e. Il s'agit maintenant d'établir quelle différence it y a entre les forces dont se sert le magicien et auxquelles il participe et celles dont dispose le prêtre. La méthode indirecte, â laquelle nous arrivons maintenant, est celle qui parait dominer dans la magie grécoromaine, et il n'y a pas lieu de s'en étonner puisqu'elle repose sur la démonologie des Platoniciens. Elle tient compte d'une théorie universelle qui attribue la production du phénomène à l'action d'une puissance spirituelle consciente, le démon rD.AEytox '2o. C'est ce que montre bien xxi âvtpuicwv, et qu'il en attribue l'invention aux fonda 1AG 1511 MÀG leurs de la magie, 3YTE u.dywv Tèo 7cd ZwpoxaTprly b adyoç oûTOÇl'iTty,E'i'nO"cri.xtos à7c''Olp lplwç A ir.l.=oç l tl é?toç, tin; TEXV.XIOdi14051 T E xt; x'TEpo)B, TEAETsb; Vx;A EU.ty[l.EVx7r0aax Ov'r1T1 xxltévOtu, 'oojvôpytx;oulvwv551bpo lvwviEpïnvboôwTEç'.Entre l'acte magique et son effet se glisse le démon qui sert de conducteur, préexistant ou créé par l'acte. Les maladies sont personnifiées', les frayeurs', la fatigue de même. D'autre part l'action d'un instrument magique comme l'ü'r; exige la création d'un démon ou d'un dieu spécial' ; les démons balnéaires sont chargés d'expliquer l'effet des tablettes magiques déposées dans les bains'. Le démonisme n'est d'ailleurs pas particulier au platonisme. On y e érigé en système philosophique la croyance vulgaire. Les Kôres 6, les Erinnves, la Némésis, Hotvr`„ Empousal sont des personnifications analogues avec lesquelles doit compter la magie. A côté des u.oipx2 et des àvâyxxt, on rencontre les (aaxoadvxt, démons chargés d'exécuter l'action du mauvais oeil [FASClxum_,'. D'ailleurs les démons sont quelquefois représentés expressément comme les émanations, àrdppot«t, des causes naturelles : xi àyx(rh à7rdôbbotat Tâiv à,r~pnv sia:v l'ié ovcç xxt Tûyxt xxi u.oipxt°. D'autre part, il ne faudrait pas exagérer l'efficacité attribuée à l'acte magique. On y admet sinon une part d'aléa, du moins une part de mystère et d'inconnu ; le magicien prévoit que sa science peut être insuffisante; que l'observation des rites peut être inexacte; que des conditions de réussite peuvent avoir été omises ; que des oppositions peuvent se produire, et il est amené à demander un secours à des puissances spirituelles qu'il est capable de se concilier 10. Il demande à un dieu de lui envoyer le démon nécessaire", ou il invoque la puissance dont dépend l'efficacité des rites. I1 opère « avec le eoncours du Dieu invisible et tout-puissant19 », Quelquefois il est aidé par un auxiliaire familier, un génie à tout faire, semblable à celui que Simon le Mage est censé se procurer par le sacrifice d'un enfant'''. La magie est donc appelée à agir sur des esprits, soit qu'elle les prenne comme auxiliaires, soit qu'elle les traite comme les agents des phénomènes. De ces êtres ou de leurs noms, les uns se rencontrent seulement dans des formules magiques, les autres appartiennent en commun à la magie et à la religion. Une première catégorie d'êtres magiques est celle des démons'`. Platon leur attribue la réussite des opérations magiques n. D'après les définitions antiques, le propre de la magie est d'agir sur les démons'". Les invocations aux bx''µovsç sont donc innombrables dans les textes magiques'', démons mâles et femelles 13 démons locaux f°, démons du ciel, de l'air, de l'éther, de la terre et du monde souterrain, le /tôxiyxosEç2°, 7axvoôxs uoveç 2i wxvTI'igSTS 21, phis les archontes, les éons ,'b x'tisv b 3povT~nv)2°, enfin tous les agents spirituels que la philosophie a chargés de la besogne des dieux. Or, les démons ne sont pas tout à fait des dieux. Ils se tiennent à michemin entre les dieux et les hommes, ils sont même à moitié humains24; ils sont à demi engagés dans la matière et les phénomènes avec lesquels leur spécialisation contribue à les identifier 2°. Il est remarquable que l'on tende à transformer en dénions les dieux oraculaires, et généralement à attribuer tous les actes divins provoqués par les rites non pas aux dieux relégués dans l'Empyrée, tuais à des servi teurs -", top l-aoaot, ür. r;pl'xt, doryphores 27 et parèdres 2a des dieux. On s'adresse aux démons portiers d'Hadès. plutôt qu'à Hadès 9Ô. Un voile de puissances dites démoniaques est tendu devant la divinité, et la magie ne s'avance pas derrière le voile. D'ailleurs, entre la divinité et l'homme on le phénomène, il y a an nombre infini de degrés3', sur lesquels s'échelonnent hiérarchiquement les dépositaires du pouvoir magique. Le magicien divinisé représente Hermès, Hermès Trismégiste qui est un dieu, et qui lui-même se donne comme le délégué, l'è oobpyoç et le prophète d'Hécate ou de telle autredivinité3i Suivant leur fonction ou suivant leur puissance, on a dressé des hiérarchies systématiques de démons. Le De snysteriis Aegyptiorlcna distingue les àp'«yyEaot qui enlèvent les aines dans les parties supérieures, les oyytaot qui les tirent de la matière, les ix:uovsç proprement dits qui les plongent dans la matière, les 'i,pwtç qui se mêlent aux choses sensibles, les âoyovTEç qui président aux affaires du monde'''. Proclus ne distingue que quatre classes de démons et Olympiodore trois". La distinction la plus importante, ou du moins qui nous importe le plus, est celle des bons et des mauvais démons auxquels on attribue les erreurs de la yor,TS!x' Les démons ont été assimilés aux anges des Juifs comme ministres des dieux 3u, et même les dieux 3G, relégués au rang de démons 37, se sont vu transformer en anges du dieu universel. Lin oracle se termine par ces mots: utxoxôa OEoû µspis yonaot ~ueïç3B. C'est à ce titre que les anges paraissent dans les textes magiques. Quant aux archanges 70 D1Ï''' , I xbotr;a, etc., ils y tiennent une place particulièrement importante, mais à titre de génies planétaires, connue les archontes gnostiques40. Le sort général des bx(µovEç fut de devenir de mauvais génies, des diables ". On voit figurer parmi les diables les parèdres MAG 1512 MAG de la démonologie païenne'. Les démons allèrent rejoindre dans la classe des esprits malfaisants les Empuses 2, les Cercopes 3, Mormo 4. La magie reste leur associée. On rencontre le nom d'_lntiinimos, c'est-à-dire de l'Antéchrist, dans les livres alchimiques'. La religion et la magie ont également affaire avec ces démons. Mais, tandis que la première s'occupe uniquement de les tenir à l'écart ou de les expulser" au moyen de forces supérieures, la seconde les prend à son service'. Les rapports avec les démons donnent lieu cependant à une série de rites, exorcismes 8 et autres, qu'il est difficile de partager entre les deux. Les âmes des morts constituent une deuxième catégorie d'êtres magiques 9. La mention de ôxluoveç (LloAxvzroi ou (3L7.CoOvv rot 19 ou â.;copot Txçitç ", de vExuôxlµoveç f2 est fré queute. Nous avons vu que la nécromancie était considérée comme une branche de la magie. Les néoplatoniciens rendaient aux limes un culte assidu". Or, entre les âmes et les lxhi.ovEç il n'y a point de distinction profonde". S'il y en a une, les héros servent à combler la distance qui les sépare [neioos] 1'. Les âmes sont une pépinière de ôx:uovoç1e. Naturellement, les héros tiennent une place importante parmi les êtres spirituels invoqués par la magie". La distinction des ôxEuovEç et des dieux, quelle que soit son importance et le soin que l'on mette à la préciser, est tout aussi peu stable ou aussi mal observée dans l'usage courant. Que l'on se place au point de vue de la hiérarchie des esprits ou à celui de la distinction des puissances bienfaisantes et des puissances malfaisantes, on se heurte à des confusions de notions et de termes qui rendent le problème inextricable. La séparation des êtres magiques et des êtres religieux, si claire dans le christianisme, est indécise dans les polythéismes et ne dépend pas d'une règle fixe. Ille/itis et Febeis sont appelées déesses et reçoivent un culte 18. Des figures allégoriques comme Euipcavia'9,'Avzyx-rl76,lesNymphes 2', le ôpzxwv I1ôotoç2", peuvent être classés indifféremment parmi les ôx:µovsç ou parmi les dieux. Il est donc naturel que nous voyions intervenir les dieux dans la magie". Solebat ad magorum cerenlonia.s advocari .Ilercuries caeminum inventor et illex aninli Venus et Luna noctium conscia et manium potens 1 l's. Clcm. Gon.. 11, 26, 30; lren. 1, 24,5; Just. Apol. 11,65 ; Tcrlull. De ,sn.XXVIII, I'hiloslr. V. Atoll. 11, 1'15; 1V, 25. 3 Suid. E3.p50. Aristoph. Ego. 690; Schol. Thcocr. .tdon. 40 ; Luc. l'hilops. 2. 5 Berthelot, 0. 1. Es II, p. 225. -6 l'orpin in Eusch. Praep. eu. IV, 23 ; cf. Pap. Paris. 2608 sqq. 7 Pap. Paris. 1348 sqq. ; Pap. XlVI, 168 sqq. 8 Paris. 3009 sqq. ; Plut. De defect. orac. XIII, 321 ; Plut.. Synap. VIL, 5, 4, p. 706 d; Philoslr. V. Apoll. III, 38; IV, 10, 1832, p. 143 sqq. ; Lobeek, Agl. 697. 9 Cf. définition de la yo-lce:a dans Suid. in llheie. 41es. 1893, XLVIII, p. 307 sqq. ; Paris. 296 sqq. lu Wünsch, Defi.x. lab. ail. XXI; r,oeliss:, Paris. 1401. Il Macdonald, L. 1. 30. 12 Wünsch, O. 1. XVI ; Corp. Biser. lat. VIII, 12 508,1 ; Ibid. 12 510, 1 ; osS,a lp s,, Macdonald, L. 1. ; ,, Dillhev, in Rhein. Mus. XXV, p. 334; 98 aoooi, Paris. 1401. 13111ariu, V. lbocl. XXXVI. If Confusion des revenants et des Oo' s,,;, Buresch, Claros, p. 59 ; cf. Eurip. Alé, 1000 ; Luc. Peregr. XXXVI ; Corp. biser. gr. 5875, :1858 b, etc. 13 Plut. De def. ortie: X; Euseb. Praep. eu. V, 2, 2. -16 Diog. Laert. Vit. 1.190 sqq. 1:198, 1409; llcubncr, O. 1. p.29., x 18 Dea Dleflis Tac. Hist. Ill, 03; l'liu. 11. 208 ; Var... Ling. 1. V, 49 ; Fest. p. 351 ; Dea Febris : Plin. I1, 15 ; Cie. De 907. D. 111,63 ; Ife lcllg. 11, 2:3. -19 \V ünsch, O. 1. p, 98. 20 Ibid. p.94.-2I W luseh, Def.z. lab. XXIX sqq. -22 Dicterich, Abrazas, p. 149. ":3 Liste des dieux invoqués dans Ii dormi, , Pap. -mag . prolog. -Apul. De ring. XXXI. Apoilod. Dibl. 1, 2, 1; I11, 6, 8. 26 Kra, 0.1. p.:39; Darnascius, II, 203, 27. -27 Maurv, II, 12 ; Hesych. •12s9/ss.pu ; Lobeck, Agi. p. 333.28 Roselier, Lexikon, t. 1, p. 895. 29 Pap. Paris. 2723 ; Roselier, Ibid. 1895. 30 Ap, Rh. IV, 59 ; Hor. Sut. 1, 8, 20 ; Trivia'-" ». Sans compter les parentés divines des magiciennes mythiques, nous voyons dans la mythologie les dieux user de charmes, de philtres et de pratiques magiques". Le plus remarquable est que l'on rencontre chez les théoriciens la mention d'une triade de dieux magiques, qui sont des démiurges, oi p,xyEtôly ixTlpEç"e. La magie aurait-elle ses dieux spéciaux? Parmi les divinités, la magie parait s'être approprié Hécate [11ÉCATÉ et SélénéILONA] "7. Divinité du monde souterrain et de l'au-delà sous toutes ses formes, maitresse des spectres qu'elle envoie ou qu'elle arrête "8, déesse des carrefours où les esprits s'assemblent, suivie d'un cortège de démons que les chiens suivent en aboyant", elle est impliquée constamment dans les cérémonies magiques 30. Citons les prières à la Lune du papyrus de Paris 11, et celle qui est rapportée par les Philosop/toumena 3". Elle préside à la magie amoureuse '3, aux métamorphoses''« ; elle est la déesse des uzo;l.xxx 3". La rosée lunaire donne aux plantes la force magique ou elle l'augmente 38. L'iuy; est qualifié de éxxrtxoç c-rpd,?x),dç 37. Les lunules étaient des amulettes3S. La sélénite, pierre de lune, est un talisman des plus puissants39. La Lune était la patronne spéciale et la mère des magiciens "6. Circé est sa fille u, Médée est sous sa protection spéciale 4". Musée est un fils de Séléné". La fondation du culte d'IIécate à Égine est attribuée à Orphée". Enfin l'on montrait au 2'Ei,gvx~ov dpos, en Étrurie, les mortiers de Médée et de Circé". Ajoutons que l'astre lui-même est considéré comme un séjour de ôx(N,ov1ç et d''unes4f. Avec Hécate, les dieux chthoniens sont, de tous les dieux grecs, ceux que l'on s'étonne le moins de voir invoquer par les magiciens. Les cérémonies expiatoires qui caractérisent leur culte, le mystère qui entoure certaines de ses parties l'ont fait comparer à la magie 47. On a dit que la magie lui avait beaucoup emprunté". En fait, nous savons que les mages recouraient à l'aide des dieux chthoniens '«9. On trouve mentionnés I-Iadès, Déméter o0, Perséphone"1, Baubo", les Praxidikai 16, les Erinyes ", Amphiaraos ", Gaia, la Terre (den sancla relias) o6, Cybèle''. Hermès Chthonios est l'un des plus fréquemment invoquésae. Il est vrai qu'il se confond avec Hermès Trismégiste. On peut ranger dans cette série de Synes.l19,o .IX,33;Thcokr.Il,10;Wünsch,De/ie,lob.att.Xll1,tablette iuédilede Mégare, 6, 1G 13 ; Kaibol, 376 d. 31 Pop_ Paris. 252 sqq. 12574 sqq. 3212 sqq. Wessely, Gr. Zauberp. p. 6-9. 33 IV, 4 (72 sqq.) ;a cf. Euseb Praep. ec. C, 8, citation de la lettre à Aneb,; cf. Prrp. L. CXXI, 834 sqq.; Marecll. XV, 89. 33 Theocr. L. 1. ; Ovid. Heroid. XII, 168; Met. XIV, 4 ; Senec. l'haedr. 430 sqq. 34 Apul. Met. XI, 3. 35 Hesych. s. s..;.c,,,; Senec. Jled. 811; cf. Ovid. Mcl. VI, 139 ; Manette, Apolel. V, 302 ; Achill. Tal. III, 18. 36 Lucan. VI, 506, 669; Sen. Jled. 840; Roselier, Naehtraege, p. 30. -37 Niceph. Act Synes. p, 362; Lnseb. L. 1. 38 Plant. Epid. V, 1, 39; Jahn, D6ser Dliek, p. 5:. 39 Roselier, Lecikoa, II, 3163 ; Kehr, O. 1. p. 4; l'est. Paris. 3360. 40 Ovid. Met. XIV, 105. 41 Sch, Ap. Iilh. Ill, 478. «2 Id. 111, 1314; IV, 2,47; .4p. Rh. Ill, 251, 478, 529, 738, 843 sqq. 915, 985, 1035; 1V, 1020; Ovid. .Oct. VII, 14 sqq.; Senee. Med. 6 sqq. Roscher, O. 1. L. Il, p. 173. -44 Pans. Roselier, 0. 1. 3167. 46 Lobeek, Agl. p. 603 ; Plut. De def. orac. X, XIII ; Ilü sch fcld, O. 1. p. 37; Dcubner, De inceb. p. 28. I«3 Deubner, L. 1.; Diclcrich. Abroæas, p.157, 49 Philostr. V. Atoll. Viii, 7, 311; Wünsch, .Seth. Ver/Ia51 Wünsch, Dep). tab. att. XIII. -52 Ibid. XXIX. -53 Ibid. VI, 109: Orpkica, I,vnm. XXIX, 5; Argon. 31. 1.4 Wünsch, 0. 1. VI, 108. ":" Cap, Paris. 1446 ; llcubncr, 0. 1. p. 31, n. 9. 36 Hein], n° 127 ; Wünsch, Ifefm. hab. 7 Uiod. III, 58, noue w, ,, o,o„ , e , .oou, pps, • 59 cf. Wünsch, Seth.. Ver/luchungshif. ~16, 5a. ,v88h Pap. l'or,,. 1443, 11013, 3:38; Pap. XI.VI, :370-439, 145-438; Papi. (:XXI, Gée-1,78; llcubncr, O. 1. p. 21, n.; Wünsch, Dcfi.e. /ab. ail. VI; Diog. lacet. VIII, 31. Hernies polios, Wünsch, L. 1. fleuries et Ilécate He'dod. Theog. 441; l'orpin De abslbr Il, 16, MAG 1513 MAG dieux à l'usage de la magie la déesse romaine de la mort et de la naissance, Man« Genet«. Mais on voit également prier les xûptot Oeo?', qui devraient être les dieux supérieurs, dieux du ciel et de la lumière, et l'on est amené à se demander en quoi, dans ses élévations vers les dieux, la magie diffère de la religion. Nous rencontrons les noms de Zeus 2, d'Apollon 3, du Soleil", de Cypris d'Asclépios «peut-être un Asklépios égyptien), d'Héraclès Callinikos 7, de Tyché 8, de Kronos', d'Eros10 et des dieux innomés ". Les observations qui précèdent sur la présence des noms des dieux dans les textes magiques, s'appliquent à la magie assyrienne et à la magie égyptienne. Il n'est donc pas étonnant que nous trouvions, dans les papyrus, les noms des dieux usités dans les pays d'où provient en majeure partie la tradition qui les dicte. On rencontre le nom assyrien d'Ereschkigal1, le nom phénicien Adonis ". Quant aux dieux égyptiens n, l'on pourrait en dresser une longue liste. On trouvera dans Wiinsch 11 une excellente étude sur les dieux égyptiens de la magie gréco-romaine. Contentons-nous de rappeler les noms d'Isis10, d'Osiris17 et ses dénominations mystérieuses d'Eulamon, Ephy llrias 18, Nymnphaeus 19, Dieliouchos 20, puis Horus 21, Anubis 22, Seth 23, l'Asklépios de Memphis 25, la M tio-ï Aiyut'c(a 25, Bès 20, les décans 21. Le dieu d'Eléphantine Cnouphis, transformé par l'astrologie en décan 28, devient, sous le nom d'AGATHODAEMON, l'une des figures favorites de la magie AMULETUM]. Evhémérisé, c'est un initiateur. Comme dieu, il représente l'ensemble des forces cosmiques mises en jeu par la cérémonie magique 29. Avec Agathodémon, le dieu magique par excellence est Hermès Trismégiste. On le rencontre sous le nom de OaièO dans les formules du livre de Moise S0 et ailleurs ; il apparaît pour la première fois comme dieu sous le nom d'Hermès Trismégiste, familier à la magie, dans une inscription d'Hermoupolis du règne de Gallien 31. 11 est père d'Isis 32, archégète des dieux33, à la fois mage, prêtre, auteur et démon. La personnalité d'Hermès Trismégiste paraît être l'oeuvre même de la magie. Quant au dieu juif 'Iâw, sous ses différentes dénominations et plus ou moins compromis par des associations démoniaques ( 'Izw 'IaôeL,'e(iéO), il parait réaliser pour les magiciens l'idée synthétique de la divinité35. Il est le OEbs OErt par excellence, et c'est comme tel que les magiciens l'utilisent J5. Enfin, en dehors des noms exotériques ou étrangers, on rencontre des noms divins comme LValLVxuÉVEUs 35, dont l'usage parait limité à la magie et à des mystères mal connus. Ce que le magicien semble se proposer d'obtenir quand il s'adresse aux divinités, c'est précisément la synthèse des forces qui leur sont attribuées 37. La magie n'a pas inventé le syncrétisme tel que nous le trouvons, par exemple, dans les derniers oracles de Claros 38. Mais elle l'a largement utilisé 39. On rassemble dans une même formule, de rédaction flottante, les avatars ..d'Osiris, Aidoneus et Adonai 40, Osiris et Michael", Zeus PEwpyô; et 'Sèp(wv, c'est-à-dire Horus42, le dieu d'Israel (b Ttij'l yeoouè(v xa0';,ucvoç) 53 et Asklépios 4Y. D'autre part, les divinités rapprochées sont assimilées, Zeus et lao 45, Isis, Némésis et Adrasteia40, etc. On joint les noms d'Hécate, d'Hermès, et divers attributs de la divinité lunaire, pour former un hermaphrodite synthétique L7. Pour embrasser dans une formule l'ensemble des aspects de la nature divine, on met le nom de 'I«w au féminin 48. Ailleurs on complète la désignation grecque ou égyptienne de la divinité par des équivalences juives, arabes et parthes` . Les divinités associent dans ces rapprochements leurs déterminations particulières50, perdent leur personnalité distincte et apparaissent comme des agents multiples d'une divinité totale''. Les puissances divines paraissent subir en outre, en passant de la religion à la magie, une autre sorte de dénaturation qui se traduit d'une part, comme nous l'avons vu, par la recherche des divinités étrangères au monde grec n, par la composition de figures étranges de démons'", ou par l'usage d'une onomastique sacrée, tantôt arbitraire, factice, propre à la magie, tantôt tirée plus ou moins directement des vocabulaires sémitiques ou de l'égyptien'`. Si la personnalité du dieu n'est pas respectée, son nom, d'ailleurs déformé par d'innombrables aventures, attire spécialement l'attention du magicien. C'est un trait dont nous sommes avertis par les auteurs 55. Le nom du dieu, ou du moins son nom véritable et mystérieux, le représente d'une facon adéquate en vertu des principes auxquels nous avons touché plus haute. Étant donné l'effacement du mythe et de la personnalité devant la considération de la force qu'est le dieu, on conçoit qu'il n'y ait plus rien en lui que son nom ne puisse exprimer en substance. Le peu de couleur précise que garde le nom vulgaire disparaît complètement dans l'usage du nom mystérieux n. Qu'y a-t-il, pour le magicien, de plus qu'un MAG MALI nom sacré et une puissance indéfinie dans le xt oteç'faty :,ir»wcox lits de xvt)3aty/.mruf, flanqué de ses doryphores mier des a-ot 9.ot ? Quelles que soient les divinités cachées par ces noms ésotériques, il ne parait leur rester aucune trace de personnalité. Certaines associations traditionnelles de noms divins, certaines synthèses divines, paraissent être traitées de la même façon que ces noms étranges11 devient donc difficile de distinguer le nom divin du.mot magique'. et l'on voit précisément dans les charmes les mots magiques se comporter comme des êtres magiques '. On est allé plus loin encore en remplaçant le nom lui-même par des figures ou des lettres: X = Osiris Z = Osiris-:Apis ; Y' = Seth 6. Le dieu magique dépouillé des particularités de son origine n'est donc rien de plus qu'une force cosmique, force spirituelle, peu différente des ia(p,ovac, et tout à fait semblable aux génies planétaires ou à des figures telles cosmogonie du livre de Moïse. Le magicien oblige le dieu de la même façon qu'il est censé nécessiter les phénomènes''. Il le tient parce qu'il est en possession de son nom" ou parce qu'il dispose de son image. La fabrication d'une image de la divinité impliquée dans l'action est l'un des rites caractéristiques de la cérémonie duagique 13. L'image du dieu et le nom du dieu sont de simples choses magiques, des accumulateurs de la force à appliquer, des amulettes, comme les têtes de Méduse ou. les pierres à représentations mythiques, et valent indifféremment pour trouver les voleurs, chasser les démons et lier les bien-airnésia. Elles ont exactement la même utilité et la même efficacité que dans l'alchimie les hiéroglyphes et les figures substituées aux formules d'opération 13. L'image de l'ceuf alchimique 1", celle du serpent Ouroboros, signe d'Agathodérnon et symbole à la fois du monde et de l'opéra.lion chimique, la récitation des sept voyelles, signes des planètes, et l'invocation des génies planétaires ont pour objet. de représenter dans l'acte particulier et la gnose et les forces universelles, partout impliquées et auxquelles participe le magicien. 11 en est exactement de même du nom divin. La prière ainsi entendue n'est pas accidentelle dans la magie, elle fait partie de sa technique habituelle et de sa routinet,, Quel que soit le mode de représentation de la force mystique, sa présence est nécessaire. Les cérémonies destinées à réaliser la présence du dieune sont pas des formes anormales de la cérémonie magique, bornées aux cas de divination ou de révélation, ce sont des formes extrêmes et typiques. Cette force dépouillée autant que possible d'enveloppes personnelles diffère-t-elle par là de celles avec lesquelles traite la religion? Platon attribue indistinctement au ôatp.ov(ov la divination, les sacrifices, toute la pratique religieuse et la magie10. Saint Augustin donne une excellente définition de ce qui distingue les deux domaines : « Aliter mugi faciunt ntiracula, aliter boni christiani, aliter mati christiani, 7nagi perprivains contractas, boni christiani per publicain )ustitiam, ntali christiani per signa publicae jnstitiaeZ0, » C'est précisément l'absence de I'élément société, dont la définition de Platon ne tient pas compte, qui distingue la magie de la religion, et la facile confusion de la théurgie, de la religion et de la magie dans la société gréco-romaine provient précisément de la généralisation du sentiment que trahit la phrase de Platon. « Pourquoi donc tant de livres et d'invocations au démon? » écrit l'alchimiste chrétien au début de son livre, en conseillant de s'adresser plutôt à Dieu 21. -'est que l'are religieux, le dieu n'est pas une force libre; il est qualifié par la société ; les besoins de la société lui ont fixé ses fonctions; on a déterminé sa vie, son mode d'action, et s'il ne se soumet pas exactement dans son mythe aux lois morales fixées par la société, celles-ci dominent expressément la pratique du culte et ses effets. L'être magique est une force libre, enchainée par la magie seule. Les dieux qu'elle invoque sont des dieux déracinés ; elle rassemble les esprits disponibles et, pour avoir une représentation complète de l'Esprit, elle se préoccupe d'additionner le plus grand nombre possible de ses personnifications particulières. Or, pour une religion fortement organisée, les esprits qui restent en dehors du culte tendent à devenir des démons au sens chrétien 29. La magie se meut sur la lisière de la société; souvent elle en prend le contre-pied. Elle parait avoir, pour objet spécial de dépasser les limites fixées par la religion, et d'abuser des forces saisissables. L'impur, le contre-nature, tout ce qui est craint. et. interdit, tout ce qui n'est pas spécialisé et organisé, lui est dévolu. Mais, en général, elle prend son bien un peu partout et s'empare indistinctement de tout ce qui peut l'aider à figurer et à saisir la force mystérieuse qui préside à ses opérations. La uerenlonie magique. Il résulte de ce caractère indéfini et multiforme des forces dont la magie tire son pouvoir, qu'une préoccupation domine toute la cérémonie magique, qui est d'accumuler le plus grand nombre possible de moyens d'action. De là le caractère complexe des actes magiques. La préoccupation d'utiliser ce que la religion néglige ou prohibe pour arriver à des effets que celle-ci ne réalise point explique le earactire obscène, immonde, contre nature que présentent ces cérémonies 2a. Est-ce à dire que toute notion d'orthodoxie soit absente des textes magiques? La ot«~oall -cbs EEX'vrv l'implique NI Atx 1515 MAG du rituel savant. ou qui contiennent en eux-mènes assez dl' sainteté pour être efficaces, mais des cérémonies qui nous sont décrites avec détail', telles qoc le sorcier devait les pratiquer; ajoutons que lu simplicité des autres rient souvent de l'insuffisance de notre information. Quant aux. représentations figurées de scènes magiques, faille pas en exagérer la portée. La magie est loin de se présenter à. nous aussi nettement dégagée. des idées religieuses que nous pourrions le souhaiter. Nous nous occupons ici non pas des actes magiques simplifiés, dont. la vertu éprouvée par l'expérience et assumée parla tradition n'a pas besoin d'Aire complétée par les ressources elles sont rares dans l'art antique. Les figures 4783 et. /a78:i font partie de l'illustration d'un roman qui se déroulait autour des murs d'une chambre'. En règle générale, la magie multiplie les conditions de l'action et les précautions !r prendre au point de sembler chercher des échappatoires el. d'y arriver. D. ns la magie comme dans l'astrologie, la multiplication des données permet de déduire d'influences générales des effets très particuliers. D'autre part, elle est obligée d'observer certaines règles, suivies aussi par la religion et qui sont déterminées par la nature des forces avec lesquelles elle agit» Ainsi le magicien, ou celui dans l'intérêt duquel il opère, doit se mettre dans un état tel que le contact des esprits soit pour lui sans danger. Les déterminations de cet état sont d'ailleurs variables. C'est, entre autres, la pureté, vs(a1.. On prescrit des ablutions", des onctions d'huile0, On doit, observer une chasteté temporaire', s'abstenir de certains aliments, du poisson par exemple était quelquefois commandée f0, comme dans les pratiques du deuil, en opposition avec les usages de la religion normale, ou tout au moins certaines parties du corps devaient être nues L1. Le vêtement était loin d'être indifférent. Il le fallait flottant', ou grossier 'i, ou de lin 1', tout blanc ou avec des bandelettes pourpres 1'. L'attitude devait compléter l'effet des purifications préalables et du MÀG 1516 MAG vêtement. Il y avait des gestes nécessaires'. Les noms mêmes des doigts qui faisaient les gestes sont significatifs'-. Certaines plantes, pour être efficaces, devaient être cueillies de la main gauche', d'autres de la main droite et entre deux doigts°. Des couronnes et des rameaux'', des amulettes, des anneaux 6 communiquaient à l'opérateur un supplément de puissance. Enfin les dispositions mentales entraient en ligne de compte. 11 était nécessaire d'avoir la foi' et de participer de toute son âme à l'accomplissement du rite 3. La cérémonie devait avoir lieu à un moment convenablement choisi, et les prescriptions relatives au temps sont celles qui manquent le moins dans les charmes°. Il y a dans leur observation déjà plus que de simples précautions ; elles font partie du système d'influences sympathiques qui doivent mener à bien l'entreprise. Le coucher du soleil est une heure magique10. Les moments qui précèdent le lever du soleil le sont également11. C'est généralement la nuit qui est propice", spécialement à cause de la lune ". On tient compte des phases de la lune dans la récolte des plantes magiques". Les cérémonies ont lieu surtout à la nouvelle lune'' et à la, pleine lune16. Si les magiciennes font descendre la lune du ciel (fig. 4785)", c'est pour rapprocher son influence. On trouve naturellement encore indiquées d'autres dates aet7ourT-gç 18... qui varient suivant la durée prévue des opérations ou le résultat précis désiré. L'association de l'astrologie et de la magie a nécessairement conduit à l'observation de données astrologiques plus précises" qui, lorsqu'on peut en comprendre la raison, sont indiquées par les influences spéciales attribuées aux différents astres. Ainsi les cérémonies de la magie amoureuse se font aux moments typiques de la course de Vénus. Comme la religion, la magie a des lieux sacrés. Les lieux qui sont généralement considérés comme religieux le sont pour la magie : les routes, les rues, les limites20, le seuil 21. Ces lieux de religiosité particulière sont choisis pour la relation sympathique qui les unit avec les sujets ou les objets de l'acte magique; ils le sont aussi en considération même de leur religiosité et comme de véritables sanctuaires. Les lieux que la magie choisit de préférence pour le théâtre de ses opérations sont ceux qui, au point de vue purement religieux, sont redoutés ou qualifiés d'impurs : les carrefours22, les cimetières. Nous avons des exemples de la constitution d'un templuni, d'un cercle magique où doit s'accomplir la cérémonie". La direction du regard n'est pas toujours indifférente 24. Mentionnons encore d'autres précautions. On est tenu à ne pas répondre aux questions posées'', à observer le silence 96. Il faut cracher en prononçant une incantation27, etc. Enfin le rituel de certaines cérémonies prévoit la constitution et l'emploi d'un phylactère 23 spécial, prière, formule écrite, talisman, qui a pour objet, soit de protéger l'opérateur contre la puissance même qu'il emploie", soit de prévenir ce qui pourrait troubler l'opération, soit de détruire l'effet des contre-charmes. Le plus curieux de ces phylactères est la àinàonil 7tpbç }'ea,vvv 30 La cérémonie proprement dite se compose de deux sortes de rites. Les uns ont pour but de réaliser l'objet même de la cérémonie en appliquant logiquement les principes de l'action magique. Les autres sont destinés, soit à constituer le pouvoir magique grâce auquel les premiers sont efficaces, soit à en assurer la présence. La première partie de la cérémonie comporte l'emploi d'un certain nombre d'instruments qui ont fini par avoir par eux-mêmes une valeur magique 3t. Voici, par exemple, en quoi consiste l'acte essentiel de la N,n'rs(a Kpovtx-q décrite dans le papyrus de Paris32 : « Prends un moulin à main et deux choenices de sel et mouds en répétant sans cesse l'incantation prescrite jusqu'à ce que le dieu paraisse. » De tous ces instruments magiques le plus connu et le plus commun est la baguette" : baguette divinatoire, baguette des chercheurs de sources qui parait prolonger le pouvoir du magicien. Elle est attribuée à Hermès dans son rôle de Psychopompe3i. La dactyliomancie présente un usage analogue d'instrument clairvoyant : une table ronde porte sur son pourtour les lettres de l'alphabet; on suspend au-dessus un anneau avec un fil, et l'anneau, en s'arrêtant devant les lettres, donne la réponse désirée". Dans la magie amoureuse on employait une petite rouelle, l'(uy;, la bergeronnette MAG 1517 MAG influer sur la volonté des personnes à gagner' ; à côté de il faut mentionner le rouet ou la crécelle (dflôoç, b cou~oç b /zaxeoç, turbo, vertigo 2) d'usage analogue 3. Dans la divination on emploie les lampes (lychnomancie8), des bassins pleins d'eau dont on interroge la surface (lécanomancie 5), des miroirs 6 que l'on emploie aussi pour écarter la grêle 1; à cette liste il faut ajouter les clefs 8, Iieoêép0u °) [DIVINATIO[. On trouve mentionnée dans un hymne la sandale de la Lune (Tb o. vôxXov aou Ëxpu,1a10) Des épées", des cymbales12 font partie de l'attirail magique. Les échelles minuscules représentées sur les vases peints aux mains de personnages divers, ne sont pas des instruments de musique 13, mais des symboles magiques ; on les trouve figurées sur des Tabellae devotionis i4, et elles font partie de la symbolique égyptienne 15. Les instruments alchimiques finissent par ressembler aux instruments magiques. Outre les substances magiques dont nous avons étudié plus haut l'emploi, les magiciens font une grande dépense de fil coloré, et spécialement de fil rouge 1G, le rouge étant une couleur démoniaque. Une des choses qu'on les accuse de rechercher avec le plus d'ardeur sont les restes humains" ; ceux des suppliciés ont une valeur magique ; on connait la superstition qui s'attache aux restes des pendus ï8. Les pièces de cette machinerie agissent, soit comme choses magiques, soit par la production d'un mouvement sympathique, essentiel ou accessoire, soit parce que leur aspect ou leur bruit" apportent des modifications aux conditions dans lesquelles se passe la cérémonie. Nous avons énuméré quelques-uns des actes sympathiques, clairs ou obscurs, qui en forment la partie centrale. Qu'il nous suffise de rappeler ici qu'il y en a dont la signification précise s'est effacée et qui valent par la vertu que leur attribue la tradition, à moins qu'ils ne soient tout simplement inspirés par l'analogie. Tel sont ceux qui consistent à frotter des serpes avec de la graisse d'ours pour écarter la grêle 20, et à faire des noeuds sur une ficelle alors qu'il est impossible de comprendre en quoi cette observance représente l'effet à produire; ainsi dans cette recette de Marcellus 21 : Oculos cum dolere quis coeperit, ilico ei subvenies, si, quot literas nomen ejus habuerit, nominans easdem, totidem nodos in rudi lino stringas. Au cours même de la cérémonie, certains rites interviennent qui paraissent avoir spécialement pour but de mettre l'officiant en état de recevoir le bénéfice de l'action engagée. Le rite del'incubatio 22 est typique [INCUBATIO]. C'est un rite V. général dé divination dont les papyrus magiques donnent un nombre considérable d'exemples. Il s'agit d'avoir le songe préparé, et l'on se couche en général dans le lieu sacré, qu'il soit préexistant ou créé par la cérémonie préliminaire. Remarquons simplement que l'incubatio apour effet supplémentaire de favoriser l'action des influences sympathiques, ou même de créer la sympathie. Le sujet, en effet, place à côté de sa tête un rameau magique 23, un talisman portant des noms divins2", une statuette 2i, etc. De tous les actes sympathiques, celui dont l'application parait être la plus fréquente et aussi la plus spéciale à la magie est l'envoûtement". Selon lePs. Callisthène27, le roi égyptien Nectanebo faisait des figures de cire qui représentaient les soldats de ses ennemis; il les plaçait sur le bord d'un bassin plein d'eau, puis, prenant sa baguette, il récitait des formules ; les poupées s'animaient alors et se précipitaient dans le bassin ; si l'ennemi venait par mer, le roi opérait sur la côte; il plaçait ses poupées sur des bateaux de cire et l'ennemi subissait invariablement le sort de la figure magique. Quand il voulut faire croire à Olympias qu'elle avait conçu du dieu Ammon, il fit une statuette au nom de la reine, exprima sur elle le jus d'herbes propres à donner les songes et la reine songea qu'elle était dans les bras du dieu. Aristote avait donné à Alexandre une boite que l'on portait après lui ; il y avait planté des figures de cire qui représentaient les différentes sortes d'armes que le conquérant avait à combattre; les unes portaient des épées de plomb tordues, les autres des javelots la pointe en bas, d'autres encore des arcs dont les cordes étaient brisées et, quoi qu'il advînt, les épées se tordaient, les javelots ne faisaient point de mal et les arcs étaient désarmés 28. Ces figures tenaient exactement lieu de la personne qu'elles étaient censées reproduire. On exerçait sur elles les diverses actions que l'on destinait à leur modèle, et, quand la cérémonie était bien faite, le modèle subissait exactement le sort de son représentant. La consécration de la figure sur l'autel magique, par exemple, avait pour conséquence immédiate la consécration de la personne figurée"; on la liait de liens symboliques ; on lui frappait la tête 30, on lui perçait le coeur 31. On employait l'envoûtement pour se concilier l'amour, l'estime ou la bonne volonté de quelqu'un, pour s'emparer de ses secrets, pour triompher d'un ennemi 32, etc. Le magicien s'empare de la personnalité de l'envoûté. Naturellement, la solidité de cette prise de possession est variable". Quelquefois l'image a une valeur collective 34, c'est ce qui se présente dans le cas des statuettes militaires de 191 .S' 11~G '1i18 Nectanebo et d'Alexandre. On utilise les rites dé L'envoûtement pour faire naître ce qui n'existe point encore, des enfants par exemple'. Un pêcheur, pour faire des pêches miraculeuses, n'a qu'a faire l'image d'un poisson et à la jeter là où il pèche'. On peut envoûter les esprits comme les hommes, et c'est un moyen d'exorcisme 3 ; l'esprit passe sur la figure de cire et est éliminé avec elle. La fabrication d'images divines spéciales dans les cérémonies magiques, divinatoires, expiatoires, médicales et autres est un véritable cas d'envoûtement', et l'on agit sur les astres de la même l'acon que sur les dieux °. Enfin le magicien ou le sujet de l'action magique agit par envoûtement sur soi-même, soit pour effectuer la relation qu'iI désire établir entre lui et l'envoûté, soit pour se mettre dans un état tel qu'il en résulte infailliblement pour lui certains avantages généraux. Cet envoûtement de soi-même a lieu dans les cas où l'on emploie deux statuettes, dans ceux où l'on mêle son propre sang et une partie de soi-même à la poupée envoûtée, ou bien encore lorsque l'opérateur fabrique une seule poupée qui le représente lui-même et porte son nom'. Dans quelques cas où la cérémonie comporte la fabrication de deux poupées, l'une représente l'envoûté et l'autre un démon sur lequel il est nécessaire d'agir 7 le traitement des deux effigies diffère. On rencontre aussi l'emploi de trois effigies de matières diverses'. On a trouvé de ces poupées d'envoûteurs inscrites au nom des patients auxquels elles étaient destinées. Celles que représentent les figures 4786 à 4789 sont en plomb et viennent des fouilles de Tell-Sandahanna en Palestine Qu'elles proviennent de l'ancienne Italie, ou du Mexique, ou de l'Allemagne moderne, elles ne diffèrent point sensiblement. La matière prescrite pour les faire est généralement la cire ou l'argile. On y peut ajouter d'autres matières qui sont indiquées avec un soin particulier pour la fabrication des images divines. Quelquefois l'image est creuse et l'on y glisse des papiers oft sont inscrites des incantations. L'image d'Hécate décrite dans Eusèbe90 est faite de racine de rue et de lézards écrasés. Une simple figure tracée sur une feuille de plomb, d'or, d'argent, d'étain ou de papier peut servir de volt''. Dans l'hymne à Ilécate 12, l'officiant décrit une étrange mixture qu'il dit être le symbole (le son esprit Nous avons vu que tout ce qui a touché de près ou de loin à la personne : ongles, cheveux, vêtements, etc., peut suffire à l'envoûtement des simples mortels13. On peut se contenter d'un représentant arbitrairement choisi : le corps d'un oiseau, un brin de myrrhe ou de rue 11. La simple mention ou l'inscription du nom suffit à réaliser l'expression matérielle et saisissable de la part prise par l'officiant ou le sujet de l'action à la cérémonie magique. La chose écrite vaut la figure, et dans certains cas, l'incantation écrite déposée dans un tombeau ou partout ailleurs se comporte exactement comme la poupée de l'envoûtement'°. C'est le cas en particulier des devotiones sepulcrales16. Un propriétaire d'esclaves, qui s'écrit sur la main le nom d'un fugitif, l'envoûte 11. Il n'est pas possible de séparer les gestes et les actes symboliques des rites verbaux, oraux ou écrits, quels que soient leurs noms, incantations ou prières'8. Le sujet est traité ailleurs Indiquons seulement en quelques mots la place qu'occupent ces rites dans la cérémonie magique. Le rite verbal indique le sens de l'acte magique. On inscrit généralement surlespoupées de l'envoûtement le nom de la personne qu'ellesreprésentent. Ou bien, comme nous l'avons vu, on attache à la figure un papier qui indique avec précision l'objet de la cérémonie. En cueillant certaines plantes médicinales, il faut dire l'objet auquel on veut les employer et le nom du malade au bénéfice duquelon les cueille. Pour plus de précision, on décrit par énumération le sujet de l'action magique et l'on mentionne à part tous les (dé MAG 1519 MAG ments de son être qui doivent en bénéficier ou en souffrir'. Ainsi le rite verbal précise et complète le rite manuel; l'incantation, d'autre part, répète l'acte symbolique et quelquefois elle y supplée, comme dans les évocations de maladies et les exorcismes en particulier. Les incantations qui consistent dans la récitation ou dans le rappel d'un mythe ont pour effet de favoriser par la sympathie le renouvellement de l'acte raconté par le mythe ou d'un acte analogue 2. En cas de maladie, l'exposition de la genèse du mal le met sous la dépendance du magicien 3. Enfin l'incantation écrite, portée comme talisman, permet d'appliquer directement et matériellement l'effet nécessaire de l'opération magique à son sujet. Dans l'hypothèse du démonisme, l'incantation parlée ou écrite' met en communication l'opérateur avec le démon et instruit celui-ci de son rôle. Le rôle de l'incantation se présente à nous sous un deuxième aspect. Elle nous amène aux opérations qui ont pour but de créer ou de représenter le pouvoir magique. Telle est l'utilité des hymnes et des litanies '. On appelle la présence du dieu ou du démon, on lui indique sa fonction; au besoin, on le contraint par des menaces ". Mais nous savons déjà qu'un simple nom divin a la vertu d'évoquer la présence de la divinité désignée. Une formule religieuse comme le rptax' iov 7, le godesch hébreu', écrite entièrement ou représentée par une initiale, introduit dans la cérémonie magique tout ce qu'elle représente de sacré. Un nom mythique comme celui d'Adam, revêtu d'un sens cosmogonique, sert à concentrer les forces naturelles qu'il évoque, et de même les signes des planètes, ou les voyelles qui leur correspondent et que l'on inscrit par exemple sur les poupées de l'envoûtement, font intervenir en réalité dans la cérémonie les influences planétaires. On peut dire des vers homériques et des formules oit un seul mot se rapporte à l'occasion pour laquelle on les emploie, on peut dire aussi des psaumes 0 et des textes sacrés en général ce que nous disons du godesch. Il s'ensuit que l'attention s'arrête au signe maniable, mais efficace, et ne va pas au delà à la recherche de la chose signifiée. Le mot étouffe le sens. On réduit en formules et en énigmes10, comme on les réduit en figures, les mémentos d'opérations alchimiques. On peut dire, avec Origène", que l'évolution de l'incantation fait passer son pouvoir de son sens aux qualités des sons dont elle est composée. L'incantation écrite ou orale finit par devenir une chose magique, un talisman, et nous pouvons remarquer que cette nouvelle sorte de chose magique est le produit d'un processus semblable à celui que nous avons montré à propos des autresl". La sorte de commentaire auquel sont soumis les noms divins ou ceux qui représentent les forces magiques montre bien de quelle façon ces noms-sont considérés. Il s'agit d'en répéter, d'en allonger les syllabes caractéristiques", de les détacher les unes des autres et de les analyser pour ainsi dire, de leur, joindre des affixes et des suffixes, d'en renverser l'ordre et de diversifier leurs liaisons, de les disposer en figures cca?uyoet8mç'", etc.) dites saintes, de façon à tirer de ces noms toute la plénitude de pouvoir mystérieux qu'ils ont en eux. Les Ephesia grammala, paroles imprononçables, empruntées en partie aux langues barbares et d'ailleurs déformées, sont le type de ces nouvelles amulettes ; l'auteur du De tllgsleriis Aegyptiorum fait remarquer 13 qu'elles ont un sens, mais dans la langue des dieux ; en tous cas, l'ont-elles perdu pour les hommes. Et ceux-ci s'appliquent à rendre les formules plus inintelligibles encore par l'emploi d'alphabets magiques fe. Pour augmenter la sainteté, on les écrit même avec une encre sacrée dont nous avons plusieurs formules 11. L'encre sacrée est à l'incantation écrite ce que la voix ou le rythme est à l'incantation orale. En résumé, l'incantation tend à passer de l'intelligible à l'inintelligible et à se transformer en chose magique contenant sa vertu en elle-même. L'observance de certains nombres et l'usage de figures géométriques donne lieu aux mêmes observations que l'incantation 1". Les considérations de nombre et celles de figuration littérale des choses sacrées ne sont point d'ailleurs étrangères l'une à l'autre. C'est ce que l'on voit sou 19. Les figures géométriques appartiennent plutôt au domaine de l'astrologie qu'à celui de la magie". On y observe le même détachement de la figure et du sens, le même passage de l'intelligible à l'absurde. La septuple répétition d'une même cérémonie, d'un même geste ou d'un même mot, paraît avoir pour ob et d'évoquer les influences planétaires au même titre que a prononciation des voyelles 21. C'est ce que montrent clairement les rites d'initiation du livre de Moïse. On trouve appliquées par la magie les idées courantes sur la sainteté du nombre impair92 et du nombre trois 13, du nombre quatrevingt-dix-neuf", du nombre quatre23, etc. Les rites sacrificiels tiennent une place importante dans les cérémonies magiques. Ils ont le même objet que la deuxième série d'incantations. La magie, comme la religion, se procure par le sacrifice la présence réelle des puissances surnaturelles. .1',b ri oivoç o' x ei oivoç, lit-on dans une incantation, qui ne nous paraît pas d'ailleurs dictée par une influence chrétienne, D,),' ' xe~aa'r tiTç Tx caazYwatou 'Iâw". L'objet spécial du sacrifice dans la magie parait être le plus souvent de créer le pouvoir magique, ou tout au moins de le rafraîchir et de l'accroître. C'est ce que paraît prouver, entre autres, l'absence complète de toute indication de pratiques sacrificielles dans les recettes qui suivent le rituel de l'initiation du livre de Moïse, que l'initiation suffise une fois pour toutes, ou qu'il soit sous-entendu que des pratiques sacrificielles MAG 1520 MAG d'expiation et de consécration doivent précéder dans la pratique l'application desdites recettes. En tous cas, les rites sacrificiels sont assez communs dans la magie pour donner leur nom àlasérie des rites t.Les xaOap.o(paraissent avoir été de véritables sacrifices magiques {LI'STHATIO) 2. Dans la p.avrE(a Kpovtxii le texte indique de sacrifier (avant ou après l'apparition du dieu? nous l'ignorons) une victime en y joignant un coeur de chatte et du crottin de jument'. Dans une cérémonie destinée à agir sur la planète Aphrodite, on sacrifie une colombe blanche ; le texte mentionne particulièrement le sang et la graisse de la victime 4. Ailleurs, après la description d'une image d'Hermès, le sacrifice d'un coq, et l'on trouve dix lignes plus loin la mention d'un sacrifice semblable°. Pour le rajeunissement d'Aeson, Médée dresse deux autels, l'un à Hécate, l'autre à Juventa; elle les décore de plantes, creuse des fosses, puis immole un bélier noir en accompagnant ce sacrifice d'une double libation de miel et de lait frais. Parmi les préparatifs dual songe, il faut signaler, dans un passage du papyrus CXXI, l'«aoliwatç d'un lézard. Les chiens°, les porcs', les animaux noirs en général, boucs, moutons, taureaux 8, les oies 9, les coqs blancs10 sont sacrifiés dans les cérémonies magiques''. On y faisait des offrandes sacrificielles de farine12 et de gâteaux 13, même de gâteaux au miel comme dans les cultes chthoniens 10, des libations de vin 13, vin de Mendès, vin égyptien, et des libations au miel, libations particulières aux cérémonies chthoniennes, funéraires et expiatoires (p.e)Jxparov16), enfin des fumigations de parfums". Le sacrifice est quelquefois simplement voué par la prière ou l'incantation18. La magie ne négligeait pas d'utiliser le caractère sacré donné par le sacrifice à tout ce qui en sortait. On prescrit comme amulette la dent d'un veau taoo9tlcos 19. Dans le rajeunissement d'Aeson tel que le raconte Ovide, le sacrifice et la préparation du philtre constituent deux opérations distinctes. Mais dans les papyrus magiques, il n'en est généralement pas de môme, et la fabrication des xoÀ)aoûpta 90 se confond avec la cuisson des offrandes ou tout au moins s'y mêle. C'est ce qui explique l'étrange composition d'un mélange semblable à l'é7c;Ouu.x âvceyxaatitxév décrit dans le papyrus de Paris21. Dans ces conditions, le sacrifice se mêle aux rites symboliques et à l'emploi des substances magiques. Les éléments du sacrifice (substances qui entrent dans la préparation du philtre) sont symboliques, comme dans l'a'.yn9yfl de la planète Vénus, mentionnée plus haut; dans l'envoûtement des poissons mentionné plus haut, la cérémonie sacrificielle consiste à brûler des arêtes, opération qui doit compléter l'identification de la figure avec ce qu'elle représente 22. Quant aux sacrifices qui ont pour objet de donner le change à des démons, comme celui que décrit Ovide 23, ou au sacrifice, raconté par Julius Capitolinus'', d'un athlète dont Faustine était amoureuse, on peut se demander s'ils appartiennent au domaine de la magie ou à celui de la religion. On trouve dans les livres alchimiques une longue et frappante allégorie qui a fait fortune parmi les auteurs de cette science ; elle décrit la transformation des métaux dans l'opération sacrée en termes empruntés au rituel et à la théorie du sacrifice 93. Il convient de mentionner ici les sacrifices humains, en particulier les sacrifices d'enfants (fig. 4784) 26 et même de foetus arrachés au ventre de la mère, reprochés souvent à la magie. Il serait imprudent de l'en disculper a priori. Mais on peut dire que ces sacrifices sont un des thèmes habituels de la légende qui voile les cultes secrets, les religions vaincues et les hérésies 27 L'usage du sang dans la magie doit être probablement compté parmi les rites sacrificiels28. Comme les cérémonies religieuses où l'homme entre en rapport intime avec les choses sacrées, la cérémonie magique comporte des rites que l'on petit appeler des rites de sortie 29, destinés à achever la cérémonie, à en limiter les effets et à permettre à l'opérateur de rentrer dans la vie pratique. Ils sont bien indiqués dans la huitième Églogue de Virgile 30. Lorsque l'on ne porte pas les produits de l'opération dans un endroit déterminé ou si on ne les garde pas avec soi pour produire un effet durable, on les brûle, on les jette ou on les enterre, en tous cas on les élimine. La p.avTefa Kpovtx's 31 nous donne un exemple de l'emploi de la prière pour mettre fin à une cérémonie. La cérémonie magique se compose donc, dans le monde hellénistique, des mêmes éléments que la cérémonie religieuse à tel point qu'elle est désignée par les mêmes termes ('ce)smT, sacrificiurn, etc.) 32 De même, la magie chrétienne utilise la messe en l'adaptant 33. Dans ce dernier cas, nous voyons nettement quelle différence MAG 1321 MAG sépare les deux cérémonies : la messe magique est en général la messe religieuse retournée; le mécanisme des rites est le même, mais il agit en sens inverse. Cette clarté nous manque dans les études gréco-romaines. Les cultes chthoniens, dont le rituel ressemble par tant de côtés au rituel magique, appartiennent à la religion. Mais il faut observer que la magie paraît employer infiniment plus de rites sympathiques ou autres, destinés à spécialiser l'action des forces surnaturelles. Dans la religion, en effet, la direction de cette action, dès qu'elle est mise en branle, semble être préalablement indiquée par la constitution, la vie et les besoins de la société. A un autre point de vue, nous devons remarquer que la magie manque de représentations mythiques qui lui soient propres; son panthéon est un chaos; elle en prend les éléments dans les religions, niais elle désorganise ces éléments. Elle transforme les figures mythiques en forces, qu'elle traite comme les composantes d'un pouvoir cosmique indéfini. Son évolution semble donc être inverse de celle des religions. La magie et la religion n'attachent pas la mêrne importance aux mêmes choses. Leur différence vient de celle de leurs fonctions dans la vie sociale. II. I-IUIIERT.