Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article MENSOR

MENSOR. Comme l'étymologie l'indique, on nommait mensor, à l'époque romaine, un personnage chargé de mesurer ; suivant, la nature des objets mesurés et le genre (le la mensuration, le terme a pris une valeur particulière. Appliqué à la mensuration des longueurs, il désignait un ingénieur, un arpenteur, un géomètre, un architecte rhème; à la mesure des grains, un employé de l'annone chargé de la vérification des arrivages de blé. A. 1° Arpenteurs. L'arpentage a donné lieu à un article spécial AGRIMES'SOR!; les procédés techniques employés sont étudiés aux articles GEODESIA et STELLA. Les inscriptions font souvent mention de mensores arpenteurs géomètres. On les rencontre soit dans la domesticité de l'empereur', soit dans la classe des ingénus', à Rome 3 ou dans les provinces 4. 295; Overbeck-Mau, Pompeji, 4' éd. p. 422. 3 Rich-Chéruel, p. 399, 1 (d'après le Virgile du Vatican). -'s Jahn, Abh. d. Colt. \Pics. XII, pl. vu 3 (peint. d'Iler X'11, 91, 902; Dio Casa. 61, 10. Tables d'érable Hor. Bat. Il, 8, 90; Mata. XIV, 90; 2° Architectes. Ce sont aussi les inscriptions qui nous font connaître les mensores aedi/iciorum. Les uns étaient attachés à la maison du prince et s'occupaient seulement des constructions impériales ; les autres, qu'ils exerçassent dans la capitale ou ailleurs, mettaient leur expérience au service des particuliers6. Évidemment ils ne doivent pas être confondus avec les architecti [4161 HITEC I , mais il est difficile de dire en quoi proprement ils en diffèrent. 3° Ingénieurs militaires. On donnait aussi le titre de mensor à des soldats légionnaires. Toutefois les auteurs qui nous parlent de ces ingénieurs ne sont pas absolument d'accord sur leurs attributions ; ils les confondent avec ceux qu'ils nomment metelores. Ainsi Végèce et Hygin attribuent à ceux-ci la mission de choisir l'emplacement du camp et d'en fixer les grandes lignes, ceux-là ayant comme fonction de s'occuper des détails du tracé. Pour d'autres les rôles sont renversés [CASTRORUi.METATOR. La question se simplifie si l'on interroge les inscriptions: elles ignorent le mot metator; on n'y rencontre que le terme de mensor, qui est assez fréquent '. Celles qui nous donnent quelque détail à leur sujet ne permettent pas de douter que les mensores militaires soient des géomètres, des arpenteurs. C'est à eux qu'on a recours, par exemple, lorsqu'il est nécessaire de fixer une limite contestée entre deux peuples voisins 8. Rien n'empêche, d'ailleurs, que, le titre de mensor étant le titre officiel, permanent, on ait choisi certains des mensores pour leur confier la mission de marcher à l'avant-garde et de délimiter l'emplacement du camp ; ceux-là joignaient au titre de mensor celui de metator : cumul qui expliquerait le rôle secondaire attribué par certains auteurs aux mensores ordinaires. B. Employés de l'annone. Quand le blé arrivait à Osiie apporté par les naviculaires [ASNONA, NAVICCLABTI], il fallait, pour éviter toute fraude, vérifier la quantité débarquée; une surveillance analogue était, nécessaire au moment où on le rembarquait sur les chalands qui remontaient le Tibre, lorsqu'on le déchargeait à Rome, enfin toutes les fois qu'on le transportait des magasins ~uoRREi'M aux boulangeries. Ce contrôle était confié à des agents nommés mensores frumentorii°, constitués en corporation. A Ostie,les inscriptions nousles fontconnaitre sous le nom de corpus mensorum frumentariorum Ostiensiuan 1" ou, au ne siècle, de mensorum frumentariorum Cerce ris Augustae « A la même époque, ditM. Waltzing 12, on rencontre un corpus mensorum frumentariorum adjutorum Ostiensium, ayant le même président que les collège des nauticarii et des acceplores. Ces deux dernières corporations portent du reste aussi les noms de corpus mensorum frumentariorum acceptorum et corpus mensorum frumentariorum nauticariorum13 C'est 1109) parait être soit un fabricant de poids et mesures (s5uu;so), soit plutôt un véri MEN 1725 MEN d'animal entier, par exemple un sphinx', serve de pied à la table (fig. 1913). Tous ces motifs se compliquent (l'une décoration ornementale qui couvre le bandeau de hauteur variable par lequel sont reliées entre elles les têtes des supports. Mais, à cette place, qui était moins en vue, les anciens se contentaient de sujets de moindre importance et d'une banalité plus grande. C'était une plante ou un motif floral', une couronne ou des palmes entre-croisées', une torche enflammée une corne d'abondance, une amphore entourée de bandelettes 6, des feuilles d'acanthe 7, un oiseau perché dans des branches 3. Aucun de ces motifs subalternes ne risquait de distraire l'attention de l'élément principal de la décoration qui restait les têtes des supports. Quant à la plate-forme supérieure, elle pouvait être de bois, de marbre ou de métal; elle paraît, dans tous les cas, n'avoir différé que par le luxe de la matière, et non par la forme qui restait toujours ronde : le plateau conservé dans le trésor d'Hildesheiln ° est à peine décoré sur les bords d'un simple listel. Le pied reste la partie importante de la table, la plus en vue et celle vers laquelle se portait tout l'effort de l'artisan. VI. La table à quatre pieds n'est pas une invention des Grecs 70. Les Égyptiens" et les Assyriens en connaissaient déjà l'usage. Ils ne se contentaient même pas des supports verticaux, indépendants les uns des autres et soutenant isolément la plate-forme supérieure. La mensa aux jambes croisées que les Étrusques" transmirent aux Romains se retrouve déjà sur des monuments assyriens 14, phéniciens" et hittites16. Il s'est conservé de l'un et de l'autre type un grand nombre d'exemplaires, non seulement en pierre ou en marbre 17, mais en bronze " et en terre cuite 19. Les pieds peuvent être simples et droits 20 (fig. 522, 2813), ou légèrement renforcés à la tête et à la base ; ils ont parfois la forme de colonnes avec chapi teau, tore et, moulures horizontales mais ils ont, le plus souvent, la forme de griffes 23 et imitent, tant bien que mal, les jambes d'un fauve. Sur un vase du British Museum, on voit, accolés deux à deux, deux pattes de cerf et deux pieds léonins'''. Tous ces supports étaient naturellement reliés entre eux, soit par des barres horizontales22, soit par un dispositif plus compliqué. On peut signaler, à ce point de vue, la table en terre cuite de Gnathia, conservée à l'Antiquarium de Berlin (fig. 4911) 96 : un bandeau assez large et décoré court en bas de la dalle, tout lé long des longs côtés, mais s'arrête sur les petites faces, à peu de distance des supports ; une ouverture se trouve ainsi ménagée dans cette partie accessoire de la mensa, où le poids à porter était moins lourd et où les pieds, par suite, avaient moins besoin d'être renforcés. Quant à la VI. plate-forme supérieure, elle était, presque sans exception, rectangulaire 27. Je ne connais qu'un exemplaire d'une table ronde à quatre pieds : il est votif et appartient à l'art primitif de l'Italie 28, car on ne peut guère ranger ici les guéridons à trois pieds, soutenus par un pilier central2° : ce renfort, nécessaire dans certains cas pour porter un poids très lourd, ne change rien au caractère de la mensa, qui rentre dans la série des delphicae (p. 172,3). De même je ne parlerai pas ici des bas-reliefs qui s'encastraient parfois entre les pieds des trapézo phones : les tables, ainsi pleines et couvertes sur les quatre faces, se distinguent malaisément des bancs, des autels, ou même des sarcophages. La table rectangulaire à quatre pieds paraît remplacer peu.à peu la table ronde à trois pieds dans les usages de la vie chrétienne (fig. 19, à25, 4830). C'est ainsi qu'elle est parvenue au monde moderne31. Nous signalerons, par contre, une table d'espèce particulière, dont la dalle, exhaussée du sol, est soutenue par deux pieds seulement, mais qui sont en forme d'animaux, réels ou fantastiques. Les Grecs paraissent avoir imaginé cette 'rp'12aza pour des raisons religieuses, et, selon qu'ils consacraient l'ex-voto à telle ou telle divinité, ils lui donnaient, suivant les cas, un support différent. Les plus curieuses de ces tables ont été découvertes sur l'Acropole d'Athènes. Elles se composent de deux platesformes de bronze, le long desquelles s'allongent les corps de deux chevaux qui les encadrent en même temps qu'ils les soutiennent ". Comme les deux îp7rExt ne sont pas (le même style, ni, par suite, de même date, il n'est pas interdit de penser qu'il y en eut d'autres consacrées sur l'Acropole, et il n'est pas impossible qu'on en découvre en d'autres lieux. De fait, j'ai publié un miroir du British Museum, dont l'Aphrodite, qui supporte le disque, se dresse elle-même sur une plate-forme pareille, soutenue par deux Pégases n. J'ai tenté de montrer 217 J MEN 1721 MEN horizontales qui en assuraient l'adhérence et la fixité Les pieds ou trapézophores2 avaient des formes différentes et qu'il nous faut passer rapidement en revue. La plupart s'appuient sur des griffes de lion et les exemples en abondent dans les musées mais les jambes pouvaient appartenir à d'autres animaux, comme équidés ou boucs 4. Le fût luimême est plus ou moins simple. Tantôt il est infléchi et le gènou du fauve est marqué, ainsi que les villosités et les muscles de la cuisse' (fig. 4908, 4911) ; tantôt il est droit et très orné, creusé de cannelures verticales, d'oves séparés par des boutons épanouis, de spirales et de rosettes, tous motifs entremêlés de rinceaux et séparés par des filets horizontaux 6. La fantaisie des décorateurs hellénistiques s'est exercée sur ces points de détail et les modèles qu'ils ont établis ont été fidèlement suivis par les copistes romains. La partie du pied qu'ils se sont le plus appliqués à diversifier est naturellement l'attache supé rieure , celle qui était la plus apparente, la tête du support débordant toujours hors de la plate-forme. Ici les motifs purement animaux alternent avec d'autres qui sont empruntés à la mythologie ou même à la vie courante. Les anciens n'éprouvaient aucun scrupule à couronner des griffes de lion par la représentation d'une figure humaine (fig. 4909). La partie inférieure du support était considérée comme complètement indépendante de la seconde : généralement la transition entre les deux éléments superposés était formée par un épanouissement de feuilles d'acanthe, bouquet floral dont émergeait le sommet du fût '. Parmi ces cou ronnements simples, nous mentionnerons la tête de lion (fig. 4911) 8, la tête de bouc 0, les protomes de griffons (fig. 1201) 10, la tête de lion cornu ou de lionbouc (fig. 4912)11 qui n'est autre que la protome de griffon telle que la représentent déjà les vases de Cyrénaïque 12, la tête de sphinx encadrée d'ailes relevées". Les hermès dionysiaques, de type masculin "ou ou féminin'', servent de transition aux figures plus compliquées (fig. 4909) 16. C'est un buste de jeune Satyre, les mains aux hanches, la poitrine traversée d'une peau de fauve"; un buste d'enfant nu, jouant de la syrinx"; un corps d'Éros ailé, adossé à un pilier et tenant des deux mains un jeune chien dont il s'amuse à tirer le poil"; une protome de jeune fille, et portant devant elle un coquillage 20 ; un buste de Nikè 21 ; un enfant ailé serrant une oie entre ses bras 22 ; une tête opposée à un bucrâne ou .à une coupe23 ; un corps d'Éros ailé, vêtu d'une nébride et dont les mains abaissées tiennent des fruits dans une patère 24 ; un buste analogue, à demi-nu, et dont les mains relevées supportent un grand coquillage 2a. Il est plus rare qu'un corps MEN 1723 MEN gants. L'attache supérieure des pieds est très variée. Quelquefois une simple cheville rectangulaire' en fixe la tête à la pièce de rapport qui s'encastrait sous la plate-forme supérieure. Le plus souvent l'ajustage se fait au moyen de clous dont le nombre est variable, deux trois 3, quatre' (fig. 4905), cinq b ou sept 6 : ils sont disposés, suivant le cas, en triangle, en quinconce ou en rosettes. Quelquefois d'autres clous apparaissent à droite et à gauche de l'attache, en dehors du pied, mais toujours sous la plate-forme Il faut y voir les têtes de chevilles supplémentaires que d'autres clous transversaux fixaient d'une part à la partie inférieure de la dalle, de l'autre au chevet des supports. Si nous regardons le pied de gauche, celui qui se présente de profil, nous constaterons qu'il s'élargit en profondeur à l'attache. Comme les supports sont censés représenter une jambe de lion, rien n'était plus naturel aux yeux des Grecs qu'un renforcement sensible au-dessus du genou, à l'endroit où devait commencer la cuisse de l'animal. Mais ce n'était qu'une indication légère 3, et les artisans se seraient fait scrupule d'imiter de trop près les formes du fauve. Ils préféraient terminer la face latérale par une spirale, plus ou moins régulière et qui reparaît, à peu près la même, sur les monuments figurés. Il y a pourtant des cas, peu fréquents, où le pied se continue droit depuis la base jusqu'à l'attache L0. Mais alors une pièce rapportée, creusée de cannelures verticales, unit la tablette à la plate-forme supérieure (fig. 1694, 4905)11: le même effet d'adhérence est obtenu, mais par d'autres moyens et à l'aide de ce coin supplémentaire. D'ailleurs, ce qui est l'exception à gauche de la table est la règle à droite où le pied, comme nous l'avons vu, se présente de face. L'augmentation du chevet, beaucoup moins sensible en largeur qu'en profondeur. ne pouvait suffire à l'adhérence des pièces emboîtées. Des sortes de crochets 12, ou, le plus souvent, des planchettes rapportées, ornées d'oves' 3 ou de cannelures", s'intercalaient entre la tablette inférieure et la dalle supérieure (fig. 4905). Dans tous ces cas, les parties les plus voisines des supports étaient seules renforcées. Mais, si la planchette inférieure était trop longue, il pouvait arriver qu'il ne fèt plus suffisant de la fixer solidement à chaque extrémité il devenait nécessaire de la consolider en son milieu. C'est le parti que les Grecs ont di. parfois adopter. Sur un cratère à figures rouges du Cabinet des Médailles, une planchette continue, percée d'ouvertures rectangulaires, court au-dessous de la plateforme'6. La tablette inférieure se trouve ainsi supprimée, mais les pieds sont fortement reliés entre eux. Sur un autre vase, la planchette est conservée, mais des rinceaux et des spirales la fixent sur toute sa longueur à la plate-forme 16. Enfin, dans quelques cas, la tablette porte, précisément en son milieu, un contrefort, de formes variées, qui lui sert ainsi de troisième support et l'empêche de fléchir dans sa partie médiane 17. IV. 11 faut rapprocher de la forme précédente une table rectangulaire à trois pieds, dont nous ne connaissons que deux représentations figurées, qui font partie de la frise de l'héroon de Trysa 13. Le pied de gauche y apparaît oblique et formant un angle prononcé avec les supports verticaux du côté droit. M. Benndorf ne voit avec raison qu'une manière d'expliquer cette particularité. Il suppose que les jambes de la table étaient pliantes, ce qui rendait le meuble tout à fait portatif : le pied de gauche était éloigné de la verticale afin d'assurer un équilibre plus stable à la plate-forme supérieure. V. En dehors de cette forme purement grecque et que les Romains ne paraissent pas avoir adoptée, il y avait une autre table à trois pieds que les Grecs connurent etsans doute inventèrent, mais qui n'apparaît guère avant les reliefs hellénistiques et dont la fortune fut surtout grande à Rome. C'est la table ronde appelée delphica 12, à cause de sa ressemblance avec les trépieds consacrés au dieu de Delphes et qui, au heu d'un lébès, portait une plate-forme horizontale. Les exemples en terre cuite 20, en bronze et en marbre 22 en sont très fréquents. La figure 4908 est tirée d'un bas-relief du Louvre (voir encore fig. 684, 1693, 1699, 1703, 3824). Les pieds sont d'ordinaire fixes et encastrés au sommet dans une entaille ménagée sous le cercle supérieur, mais, lorsqu'ils sont métalliques, ils peuvent être aussi mobiles et s'allonger ou se raccourcir à volonté : on obtenait ce résultat à l'aide de lattes transversales, reliées deux à deux et dont l'attache glissait le long des supports verticaux. On en aun exemple dans des tables trouvées à Pompéi (fig. 4909 et 4910), qui mit, Il est vrai, quatre pieds 2'. Suivant que les supports étaient bas ou relevés, la distance augmentait ou diminuait entre leurs extrémités supérieures, de sorte qu'ils pouvaient porter des plateaux de divers diamètres : ceux-ci reposaient simplement entre les boutons terminaux , Quand les piliers étaient fixes, ils étaient le plus souvent reliés entre eux par une 26 ou par deux 26 séries de barres MEN -1722 MEN les pieds fixés au chevet de la plate-forme supérieure, et, entre eux deux, précisément au milieu, un troisième pied. A moins de supposer une erreur de dessin, il nous faut admettre que ce troisième support étaitplacé sous la petite face de gauche et dans la partie médiane de cette face. De plus, comme ce côté, placé le plus loin de la tête des convives, était évidemment le moins lourd de la table, il serait absurde de supposer qu'il fallût, pour le porter, trois contreforts, deux aux angles, et un entre les deux premiers: donc nous sommes amenés à supposer que la plate-forme rectangulaire avait seulement trois pieds, deux au chevet et perpendiculaires au long côté, l'autre sur la petite face de gauche et perpendiculaire à cette face. Cette conjecture devient une certitude si nous jetons les yeux sur une peinture de Cumes, au Musée de Naples'. Nous y voyons la table en biais et du côté gauche. A droite sont les deux pieds du chevet; à gauche un seul support et qui coupe justement en son milieu la petite face de gauche. II y a mieux encore. Le Musée de Berlin possède en bronze une de ces tables à trois pieds, trouvée à Clusium, et qui sert de base à un danseur étrusque, jouant des crotales 2 (fig. 4907). Les supports y sont bien à la place précise et tournés dans le sens que nous avons indiqué. Comme le dessous de la plateforme est reproduit, nous y gagnons d'apprendre ce détail important, que les têtes des supports étaient parfois réunies par deux barres perpendiculaires, se croisant en forme de T. De la sorte, la triple base ne formait qu'une seule pièce et l'adhérence était parfaite entre la tablette supérieure et ses piliers. II reste à se demander pourquoi les Grecs avaient inventé ce genre de tables. Les raisons n'en apparaissent pas très clairement. Sans doute le meuble était ainsi plus léger et pouvait être plus facilement déplacé, quand, ce qui n'arrivait d'ailleurs pas toujours, on ôtait les 7•pz9teat avant la seconde partie du festin. Les pieds des convives, quand ii leur prenait fantaisie de s'asseoir, trouvaient plus facilement place sous ces guéridons de forme rectangulaire. Le sol des pièces antiques, en terre battue ou en mosaïque grossière, n'était d'ailleurs pas d'une égalité parfaite : il y avait des différences de niveau qui pouvaient être assez sensibles ; un moyen de les corriger était cette troisième jambe placée entre les deux premières et qui leur faisait contrepoids. La forme générale une fois expliquée, il nous faut dire quelques mots des détails, et surtout des pieds. Car la plate-forme qu'ils supportent paraît toujours identique : nous noterons seulement qu'elle déborde toujours du côté droit (fig. 4905, 4907). La raison n'en est pas seulement que cette partie de la table était plus rapprochée de la tête du lit et par suite du buste des convives, qui pouvaient avoir besoin de plus de place pour disposer leurs mets et leurs coupes. Mais le plateau supérieur ne pouvait absolument s'élargir que de ce côté ; car la petite face de gauche était soutenue par un pied qui lui était perpendiculaire, et nous avons vu que les supports des longs côtés étaient, eux aussi, à angle droit avec ces côtés. Cette plate-forme rectangulaire avait, presque toujours3, au-dessous d'elle une planchette horizontale 4 qui réunissait le double avantage de porter, elle aussi, des plats et de fixer ces supports entre eux par une chaîne de bois, indépendante de celle qui, nous l'avons vu, réunissait les pieds à leur tête. Il arrive, mais le cas est très rare, qu'au lieu d'une tablette, une planche pleine occupe le bas de la plate-forme supérieure ''. D'une manière générale, les pieds et la tablette forment la partie essentielle de la table. Nous allons les étudier séparément. Les pieds sont simples e, ou, le plus souvent, cannelés. Dans ce dernier cas, ou bien un simple filet partage en deux la largeur du support', ou les filets sont multiples, qu'ils soient équidistants 3 ou qu'ils creusent au milieu une sorte de rainure qui paraît plus profonde que les bords latéraux'. La base de ces piliers est rarement rectangulaire le : d'ordinaire, comme nous l'avons vu plus haut, des griffes de lion", ou, à tout le moins, une moulure simple f2 en décorent l'assiette. Les supports en forme de jambes d'animaux ne sont pas une invention des Grecs : les Égyptiens, les Assyriens, les Hétéens se plaisaient àdécorer ainsi leurs meubles ; ils évitaient de cette façon la monotonie des lignes droites et des angles cou MEN 1.721 MEN les Dlensae funéraires étaient aussi connues à Rome'. Nous en possédons de curieux exemplaires découverts en Algérie, dont deux trouvés à Lambessa2(fig.4903): sur la face supérieure est sculptée en creux toute une série de vases et de plats, patères à manches, coupes, cuillers, passoi res, aiguières, cratères, plats à poissons. Il faut y voir la représentation symbolique d'un repas offert au défunt : peut-être, au jour anniversaire, versait-on du lait ou du miel dans les récipients figurés sur ces monuments. Dans des cas exceptionnels, la table pouvait être offerte du vivant même du personnage, qu'on honorait ainsi comme un héros : telle était la me osa dont les trapézophores ont été retrouvés sur l'Es quilin et que la province d'Asie donnait à son « patron », l'ancien questeur P. Numicius Pica Caesianus 3. 1. La table pouvait n'avoir qu'un pied. C'était alors une sorte de guéridon, qu'on posait devant les mortels ou devant les statues des dieux (fig. 1691, 4379). 11 semble que cette forme ait été particulièrementusitée en Égypte mais nous la retrouvons sur les patères « phéni ciennes », telles lympie, conservée au Musée d'Athènes '. On en voit une à pied très massif, sur un vase de style corinthien au Louvre (fig. 1690) : elle sert à découper des viandes. Les potiers de Corinthe modelaient leurs vases sur une table à peu près semblable (fig. 3033), mais dont le pied paraît massif et fixé en terre 6. D'une manière générale, les Grecs et les Romains semblent avoir préféré des formes plus solides et dont l'assiette était plus stable. On trouve pourtant des exemples de tables à un seul pied à Pompéi' jusqu'au temps de l'Empire (fig.4904 ; voir fig. 446, 1200 et 1201). II.Les Grecs, et sans doute aussi les Romains, préfé raient la table pleine et basse, qui servait au besoin de banc et dont les monuments du ve et du ive siècle nous montrent des représentations fréquentes 3. Le cube plein qui sépare les héros jouant aux dés dans un motif bien connu des céramographes n'est autre chose qu'une mensa de cette forme. Un bas-relief de Merbaka, près d'Argos, est de structure un peu plus compliquée : la planche supérieure est rectangulaire et déborde un peu sur les côtés; elle est posée sur trois assises superposées, fortement encastrées entre quatre piliers placés aux angles 9. D'autres fois la base est moins allongée, plus ramassée, et la hauteur plus grande par rapport à la largeur f0. III. -Une forme purement grecque, qui apparaît déjà sur les vases corinthiens 1i et cyrénéens 12 et cesse avec la céramique italienne d'imitation helléniquel3, est celle de la table rectangulaire, portée par trois pieds. Elle a été adoptée par les Étrusques (fig. 1698). M. Bliimner t4 a eu le mérite de discerner et d'expliquer cette forme. Sans reproduire tous ses arguments, nous résumerons, du moins, ses raisons. Sur les scènes de banquets, où ces tables apparaissent près des lits des convives, les pieds représentés sont d'ordinaire au nombre de deux, sur lesquels reposent les deux bouts de la plateforme supérieure (fig. 4905)"; mais, si l'on y regarde d'un peu près, on s'aperçoit que ces supports sont toujours figurés d'une manière différente. Celui de droite se présente de face ; les griffes de lion, qui décorent presque toujours ces pieds à leurs bases, sont représentées d'une manière qui ne peut laisser aucun doute sur ce point (voir aussi fig. 1694,1698). Le support de gauche, au contraire, est de profil; la jambe du fauve est tournée, non plus vers le speétateur, mais vers la partie gauche du champ. Or, si la table avait quatre pieds, on s'expliquerait mal qu'ils ne fussent pas tous les quatre fixés aux quatre angles de la plate-forme supérieure, mais en étant, deux à deux, perpendiculaires à la longue face de la table, celle que les vases peints montrent de préférence. II y a plus. Sur une coupe de Douris conservée au British Museum (fig. 4906( 10, les tables sont dessinées à la fois de face et de profil : nous en voyons l'un des côtés longs et l'une des petites faces, celle qui regarde la droite dans les symposia. S'il y avait quatre pieds aux quatre angles, ceux-ci se seraient forcément masqués deux à deux et deux contreforts auraient seals apparu. Au lieu de cela, nous apercevons, à droite et à gauche, MEN 1720 MEN éclat (s'il était doré), était capable d'ajouter un ornement à la statue, tout en gardant son rôle utile. Enfin, le passage cité d'Aristophane témoigne que la tige se terminait quelquefois par un croissant, qu'il faut se représenter posé, non pas horizontalement, mais verticalement, de façon que les deux pointes en fussent dressées vers le ciel. Blaydes a très bien traduit le mot p-tylrxot par lunulae cornutae sine curvatae. Les oiseaux ne pouvaient, naturellement, se percher sur les pointes, ni davantage sur le creux du croissant, qui était en métal mince à bords coupants, et la tige de support les empêchait de se poser sur la tête même. HENRI LECRAT,