Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article MEMBRANA

MEMBRANA. Ateipa. Peau, parchemin. Une tradition dont Varron s'est fait l'écho' affirmait que l'art de préparer les peaux d'animaux pour l'écriture avait été inventé sous le roi Eumène II, au commencement du ne siècle av. J.-C., par les savants de Pergame; d'où le nom de charta pergamena, parchemin. Il est possible, en effet, qu'ils l'aient perfectionné ; mais nous savons aujourd'hui de source certaine que l'invention remonte beaucoup plus haut; en Asie et en Égypte elle était connue dès le xve siècle av. J.-C. 2. D'autre part cependant, il n'est pas question de livres de parchemin dans l'antiquité gréco-romaine avant le commencement de notre ère3, et parmi ceux que nous avons conservés les plus anciens ne datent guère que du Ive siècle [LIBER]. On ne se servait pas davantage du parchemin pour écrire des lettres [EPISTOLA]. C'est uniquement le papyrus que VI. les particuliers employaient dans leur correspondance'. Il présentait en effet l'avantage d'être plus léger et une lettre n'avait pas besoin d'être écrite sur une matière très durable. Mais on ne saurait expliquer par la même raison la préférence qu'on lui accorda pendant si longtemps dans la librairie. M. Birt a prétendu que le parchemin coûtait moins cher que le papyrus ; un ouvrage littéraire qu'on jugeait digne d'être lu par des gens cultivés ne pouvait pas ètre reproduit sur une matière sans valeur, abandonnée à de vils usages'. M. Dziatzko doute beaucoup de la solidité de cette raison Pour trancher le débat d'une manière définitive, il faudrait pouvoir comparer les prix du parchemin et du papyrus, et nous n'en avons pas les moyens [PAPVRus]. Mais toutes les vraisemblances nous portent à croire avec M. Dziatzko que le prix du papyrus était inférieur ; si les libraires s'y sont tenus pendant si longtemps, c'est à cause des frais qu'entraînait une édition sur parchemin. Avant l'Empire nous ne le voyons jamais employé que par petites quantités à la fois. On en faisait des couvertures pour envelopper les rouleaux de papyrus, des étiquettes qu'on y suspendait et où on inscrivait le titre de l'ouvrage [LIBER]. Une feuille de parchemin pliée en deux tenait lieu des tablettes de bois enduites de cire qu'on portait sur soi pour y mettre des notes, à la promenade, en voyage, au bain, etc. ; si bien qu'elle en prenait le nom (pugillares membranae). Ces tablettes de parchemin remplissaient le même office : on y inscrivait ses comptes et on y couchait ses brouillons. Même s'ils exigeaient beaucoup de feuilles, on y trouvait encore un avantage, c'est qu'on pouvait, comme sur les tablettes de cire, gratter et récrire et qu'on utilisait le verso aussi bien que le recto'. Le parchemin était donc affecté à des productions de premier jet ; on mettait au net sur du papyrus. M. Birt en a conclu que le papyrus était plus estimé et par conséquent plus cher. 11 paraît légitime de conclure au contraire qu'il devait se vendre à plus bas prix; car un brouillon sur parchemin pouvait être de moitié moins volumineux que la copie sur un rouleau de papyrus. Le parchemin servait aussi aux artistes pour dessiner. Pline assure que de son temps on possédait encore sur parchemin des dessins du peintre Parrhasius, qui avait vécu àla fin du ve siècle 8. Ce témoignage a paru suspecta, peut-être à tort; car si le parchemin a été inventé très longtemps avant Eumène II, on ne voit pas pourquoi les artistes grecs n'auraient pas dès le ve siècle utilisé sous forme de feuilles volantes une matière qui présente à coup sûr pour le dessinater un grand avantage sur le papyrus. Pline ajoute que ces dessins, de véritables chefs-d'oeuvre, objets de l'admiration générale, avaient été tracés au crayon, ypatplç, c'est-à-dire probablement avec une pointe d'argent te. Même si l'on admet que Pline a commis là un ~t5 MEL 1708 MEL côté du temple se dresse un pin ; dans le soubassement de l'édifice est représentée une porte voûtée, où l'on a voulu voir l'entrée de l'adyton souterrain mentionné par Pausanias 1. Quant au temple circulaire lui-même, M. P. Monceaux y reconnaît le temple ionique dont il a retrouvé les ruines ; parmi les morceaux d'architecture qu'il a recueillis, il a remarqué des morceaux d'architraves et de corniches circulaires fort anciens2. Hors de Corinthe, le culte de Palaemon n'est signalé que dans l'île de Ténédos. Il y avait revêtu un caractère particulier. Lycophron, dans son poème intitulé Cassandra, attribue à Palaemon l'épithète,'pecpô'Tovoç3. Le scoliaste Tzetzès l'explique ainsi : Palaemon n'est autre que Melicertes, le fils d'Ino ; ce dieu était adoré à Ténédos, où on lui sacrifiait des enfants'. Les représentations certaines de Melicertes-Palaemon sont fort rares. Les plus nombreuses sont les effigies des monnaies corinthiennes citées plus haut. Le dieu se voit aussi sur une mosaïque trouvée àSaint-Rustice, dans le sud de la France'; il y est nommément désigné par une inscription. On a voulu reconnaître des images du dieu sur d'autres monuments, par exemple sur le fronton occidental du Parthénon', sur le grand camée de Vienne', sur plusieurs vases peints de Corinthe', sur une mosaïque du Vatican'. Il est bien difficile d'affirmer que ces monuments nous présentent des images certaines de Melicertes-Palaemon; l'interprétation n'est que vraisemblable. Pausanias vit dans l'Isthme plusieurs statues du dieu : l'une dans le sanctuaire de Poseidon, l'autre dans le Palaemonium, la troisième à Corinthe même 10. La première de ces statues représentait Palaemon debout sur un dauphin ; la troisième le représentait Excl ôe),Livoç, sans que fauteur indique cette fois si le dieu était à cheval, couché ou debout sur le dos de l'animal. Enfin Philostrate" décrit un tableau où l'on voyait Palaemon sauvé des flots par Poseidon et accueilli dans l'Isthme par Sisyphe.Melicertes-Palaemon était le plus souvent figuré sous les traits d'un enfant porté par un dauphin. Tels sont les renseignements que les documents antiques nous fournissent sur Melicertes-Palaemon. Que pouvons-nous en conclure? Un premier point nous paraît incontestable : le culte de Melicertes-Palaemon a été apporté dans l'Isthme du dehors; il y est arrivé par le golfe Saronique, c'est-à-dire par l'est. Melicertes-Palaemon est, de plus, un dieu marin ; ses parèdres habituels sont Poseidon et Leucothéa ; il protège la navigation ; Euripide l'appelle vcïiv 9à) a;12. Quelle est l'origine de ce culte? Il y a des raisons sérieuses de croire qu'il est de provenance phénicienne. Depuis longtemps l'analogie des deux noms Melicertes et Melqart a été remarquée". En outre Melicertes, par sa mère Ino, est un petit-fils de Cadmos; il est né en Béotie, 1 Barclay-Head, p. 80, n. 624 ; cf. p. 78, n.614 ; Imhoof-Blumer et Perey-Gardner, pl. B, xu ; Donaldson, Archit. numism. p. 62. 2 Gao. arch. 1884, p. 362. 3 V, 229. 4 Schol. ad v. 229-231. Voir le Lexie épigraphique cité par Maas, Orpheus, p. 26, -6 Michaelis, Parthenon, p. 181. 7 Müller-Wioseler, Denkm. d. ait. Kunst, II, 6, 75 a ; Baumeister, Denkm. d. Bass. Alterth. fig. 1528. 8 Furtwaengler, Berliner Vasensammluny, p. 81, n. 779 et 780; p. 103, n. 914. 9 Helbig, Führer, 12 Iphig. Taur. 271. -13 Voir la bibliographie dans Roscher, Lexikon, s. v. c'est-à-dire dans une des régions de la Grèce où l'on s'accorde à reconnaître que l'influence phénicienne s'est exercée le plus profondément. D'autre part le caractère sanglant du culte de Palaemon à Ténédos semble confirmer ces inductions : le dieu, auquel on sacrifie des enfants, ressemble de bien près au Melek ou Moloch de Phénicie. Mais une des questions relatives à ce dieu MelicertesPalaernon reste obscure. Pourquoi ce double nom? Diverses explications ont été proposées. Parmi les exégètes, les uns rattachent le nom de Palaemon, fI Xa(p.wv, au verbe grec aaÀak0, iv X i.ut, lutter, et font remarquer qu'Héraclès portait le surnom de Palaemon14. Tzetzès rapporte que cette épithète fut donnée au héros ôla 'r'o 7ta),a(4'at aûrOV Ttï llti Tei 'AyeÀ6w 7roTa'1Utw'''. On sait que l'Héraclès grec a été souvent identifié avec le Baal de Tyr, Melqart. Faut-il en conclure que les deux mots Melicertes et Palaemon sont synonymes, l'un étant la transcription du mot phénicien Melqart, l'autre étant une épithète d'Héraclès, le héros grec identifié à, Melqart? Il nous paraît difficile d'admettre cette explication, parce que la tradition n'établit aucun rapport entre Héraclès et MelicertesPalaemon. On ne saisit pas pourquoi le dieu marin de Corinthe aurait été nommé : le Lutteur. Rien, dans ce que nous savons de son mythe ou de son culte, ne justifie une telle appellation. D'autres savants ont demandé à la langue phénicienne l'explication du mot grec Hx),a(p.wv. Brown voit dans ce nom la transcription du mot Baal-haman ou Baal-hamon ". Ici encore une objection grave se présente. Baal-haman signifie : le dieu qui brûle, qui consume. Brown le traduit en anglais : the Burning Lord. Il n'y a rien de commun entre une divinité de cette nature et le Melicertes-Palaemon des Corinthiens. Le dieu grec n'était pas plus, dans l'Isthme, le dieu Brùlant que le Lutteur. Peut-être cette explication vaudrait-elle davantage pour le Palaemon de Ténédos. Mais pour la divinité corinthienne, elle ne nous semble pas admissible. Ainsi l'étymologie grecque et l'étymologie sémitique sont également impuissantes à nous expliquer ce double nom : Melicertes-Palaemon. Dans l'état actuel de la science, il nous paraît sage de reconnaître que nous ne savons pas pourquoi le dieu portait ces deux noms. Il est probable que Melicertes est une transcription grecque du phénicien Melqart; quant à Palaemon, il n'a encore été, suivant nous, clairement expliqué ni par le grec ni par le phénicien. J. TOUTAIN.