Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article MEILICHIOS

MEILICHIOS et MILICHIOS. Il a été traité, à l'article DIASIA, du culte hellénique de Zeus Milichios 1. On a découvert, au Pirée, une série d'ex-voto provenant du temple d'un dieu qui porte le même nom, mais qui n'est grec que d'apparence. Si l'un des bas-reliefs le représente sous la figure ordinaire de Zeus, sur les autres, Zeus Milichios est un serpent de grande taille, enroulé, comme le montre la figure 4893 2. C'est le serpent qui est appelé le dieu ; c'est à lui que s'adresse l'hommage ou le sacrifice. On ne connaît rien de semblable dans les cultes grecs. Du reste, aucun des consacrants n'est citoyen MED l'amour pour les hommes, il y a de l'amour pour la science g.... » « Le médecin doit être silencieux, discret, de moeurs pures, l'air sérieux mais non renfrogné, réfléchissant avant de parler, évil.a,nt de rire aux éclats, pieux, mais exempt de superstitions » Ailleurs encore, onrecommande au médecin la patience avec le malade g on l'avertit que sa, profession est pleine de déboires et de dégoûts qu'il doit surmonter avec constance'; on l'exhorte à soigner les âmes non moins que les corps "1; on le détourne de l'ostentation et des vaines parades devant la foule". « Personne depuis Hippocrate, dit Daremberg, n'a eu une plus haute idée de la dignité médicale ; personne n'a marqué plus de respect pour les malades et plus de sollicitude pour leur guérison, ou du moins pour leur soulagement et leur consolation personne, non plus, n'a montré plus d'admiration pour les utiles découvertes, plus de soin à les perfectionner; plus de déférence pour les médecins consciencieux qui appliquent leur intelligence à toutes les parties de l'art plus d'indulgence pour les erreurs inséparables de toute science et de tout art ;... plus d'éloignement pour les médecins qui, tout occupés de leur fortune et de leur réputation, font étalage de leur savoir, caressent les préjugés du vulgaire et règlent leur conduite sur le profit qu'ils en retireront; personne, enfin, qui. ait fait preuve d'autant d'expérience et de bon jugement dans les relations journalières que la profession médicale établit, entre le médecin, le malade et les gens du monde". » A l'exemple des hippocratiques, toute l'antiquité s'est, fait une haute idée des devoirs du médecin, des égards dus par lui non seulement au patient, mais à sa famille et à ses amis. « Le chirurgien, dit Celse, doit être assez compatissant pour vouloir la guérison de son malade, mais assez ferme pour ne pas se laisser émouvoir par ses plaintes' l'.... II ne doit pas tenter d'opérer un incurable 1l.. Si le malade est en danger, mais non perdu, que le médecin avertisse ses proches que le cas est sérieux.; mais il est d'un charlatan d'exagérer le danger pour s'attribuer plus de mérite en cas de guérison '°. » « Le médecin, écrit Lucien, ne doit pas visiter les malades contraint et forcé; il doit le faire spontanément et avec joie n. a Là oit il y ale plus de souffrance, là doit aller le médecin », dit Dion", Nous avons déjà rappelé les belles paroles de Libanius. On attendait du médecin qu'il encourageât le malade et lui apportât l'espérance, à défaut de la guérison de son mal. Aussi en voulait-on à l'hérophilien Callianax de sa dureté et de son ironie envers ses patients". En. un mot, on n'exigeait pas seulement du médecin ce que nous appelons la correction MED -1699 mettrai mon nlaitre de médecine au même rang que les auteurs de mes jours, je partagerai avec lui mon avoir et, le cas échéant, je pourvoirai à ses besoins ; je tiendrai ses enfants pour des frères et, s'ils désirent apprendre la médecine, je la leur enseignerai sans salaire ni engagement. Je ferai part des préceptes, des leçons orales et du reste de l'enseignement à mes fils, à ceux de mon maître et aux disciples liés par un engagement et un serment suivant la loi médicale, mais à nul autre. Je dirigerai le régime des malades à leur avantage, suivant mes forces et mon jugement, et je m'abstiendrai de tout mal et de toute injustice. Je ne remettrai à personne du poison, si on m'en demande, ni ne prendrai l'initiative d'une pareille suggestion. Semblablement, je ne remettrai à aucune femme un pessaire abortif'. Je passerai ma, vie et j'exercerai mon art dans l'innocence et la pureté. Je ne pratiquerai pas l'opération de la taille ('?)2, je la laisserai aux gens qui s'en occupent. Dans quelque maison que, j'entre, j'y entrerai pour l'utilité des malades, me préservant de tout méfait volontaireet, corrupteur, et surtout de la séduction des femmes et des garçons, libres ou esclaves. Quoi que je voie ou j'entende dans la société pendant l'exercice ou même hors de l'exercice de ma profession, je tairai ce qui n'a jamais besoin d'être divulgué, regardant la discrétion comme un devoir en pareil casa. Si je remplis ce serment sans l'enfreindre, qu'il me soit donné de jouir heureusement de la vie et de ma profession, honoré à jamais parmi les hommes ; si je le viole et que je me parjure, puissé-je avoir un sort contraire! » « On peut affirmer, dit Littré, que ce serment a exercé une influence salutaire et perpétuelle sur la profession médicale. Libanius écrivait, au déclin de la civilisation antique : « Vous qui, désireux d'entrer dans la profession « médicale, avez trouvé des maîtres pour vous instruire, « adonnez-vous diligemment à l'étude; soyez humain:, « que l'amour de vos semblables vous inspire; appelé près d'un malade, courez; arrivé près de lui, examinez « le avec toute l'attention dont vous êtes capable ; compati tissez à ses souffrances, réjouissez-vous de son réta • blissement et intervenez de tout votre pouvoir entre le « patient et la maladie', » Littré rappelle que le Serment avait pénétré aussi chez les Arabes. Un médecin sicilien, Honain, s'autorisa de ce texte respecté pour refuser de fournir du poison à un calife Aujourd'hui encore, grâce à 1a tradition hippocratique, ceux mêmes qui ne l'ont jamais lu en subissent l'influence et se dirigent dans la voie qu'il a tracée. Ne manque pas, dit encore un médecin hippocratique, de secourir un étranger et un pauvre, car là où il y a de MED 1. 693 MED vie siècle, découvert à Athènes, sur lequel est peinte la silhouette du médecin Aineias, appartenant à la famille des Asclépiades de Cos il~loco, fig. 30661. L'inscription se lit les anciens, la reconnaissance des Athéniens envers Hippocrate, qui avait combat tu avec succès la grande épidémie de peste. se traduisit par des mesures extraordinaires : il reçut le droit de cité, fut initié aux mystères d']leusis, et l'on décida que lui et ses descendants seraient entretenus au Prytanée'. Mais le texte du décret qui aurait été rendu à cette occasion est certainement apocryphe' et aucune inscription n'est encore venue confirmer le rôle attribué, lors de la peste d'Athènes, au médecin de Cos. En revanche, à partir du siècle av. J.-C., nous possédons une série d'inscriptions, tant d'Athènes que de la Grèce continentale, des iles et de l'Asie Mineure, qui attestent la gratitude des cités grecques pour leurs médecins. En 322, l'Acarnanien Événor est loué pour avoir dirigé avec zèle le iarpciov public d'Athènes, dépensé de sa bourse des sommes considérables et soigné gratuitement les malades'. En 303, un autre médecin public, Phidias, est loué et couronné pour avoir longtemps soigné avec zèle ceux des Athéniens qui réclamaient son concours ; puis il a décidé de donner ses soins pour rien, en conséquence de quoi on lui décerne des honneurs publics A Élatée, un médecin venu de l'étranger, Asclépiodore, a mérité divers privilèges par sa sollicitude pour les malades et son désintéressement'. Le Lacédémonien Damiadas, médecin public â Gythium, a rempli ses devoirs avec zèle à un moment où la ville manquait de ressources et a consenti à la servir sans traitement 6. Un décret d'Alnphissa honore Menophantos, lydien d'origine macédonienne, qui est venu s'établir à Amphissa et a assuré à lui seul l'entreprise des soins médicaux, dont il s'est acquitté à la satisfaction de tous'. A Andros, le médecin Artémidore reçoit une couronne d'or 1e. Le médecin Ouliadès est honoré à Minoa d'Arnorgos par la communauté samienne". Archippos de Céos est nommé proxène et bienfaiteur de Délos pour avoir soigné beaucoup de citoyens ". Carpathos eut pour médecin public, pendant plus de vingt ans, au ne siècle av. J.-C., Menocritos le Samien ; autrefois, exerçant son art à Rhodes, il avait traité gratuitement beaucoup de Carpathiens; à Carpathos, il s'est distingué dans une épidémie et reçoit des récompenses appropriées ". Chatalas est honoré à Calymnos en qualité d'archiàtre et comme bienfaiteur de nombreux citoyens ". A Cos, au me siècle av. J.-C., pendant une épidémie, tous les médecins étaient tombés malades ;l'un d'eux, Xénotimos, s'imposa spontanément la tache de les remplacer et soigna sans distinction tous les habitants '°. La même île a encore fourni deux inscriptions en l'honneur des médecins Isidoros et Satyros t6. A Smyrne, on élève une statue à Hermogène, qui avait écrit soixante-deux livres de médecine, plus des ouvrages sur l'histoire de la ville, sur les villes d'Europe et d'Asie, sur IIomère, etc. " A Rhediapolis en Lycie. une inscription a conservé le nom d'Héraclite le Rhodien'", qui fut également honoré par les Rhodiens, les Alexandrins, les Athéniens, le tribunal sacré (Ri l'Aréopage et les philosophes épicuriens d'Athènes ; il était célèbre non seulement connne mé decin (7rgè ov T' J,twvo iaTo6v , mais comme auteur d'oeuvres médicales et philosophiques ; on disait de lui qu'il était l'Homère des poèmes médicaux et détail très fréquent dans ces textes honorifiques il donnait ses soins gratuitement (iŒTpeûeavT1 7epo°tr.a). Cadvanda élève aussi une statue de bronze à son médecin Ménophile, praticien heureux et expérimenté t9. Aperles honore Lysandre, appartenant à une famille de Lyciarques, ic r vv u :o'7o', evô;auvv' 20. Ameinias Aristoboulos, médecin accompli et philologue (iaTpbv T€1,1194 xàt yt).é),oyov), est honoré d'une statue à Lydae't. On pourrait ajouter à ces textes ceux qui témoignent de la reconnaissance des villes à l'égard de médecins qui ont soigné et guéri de grands personnages, bien qu'ici la part de la flatterie intéressée puisse l'emporter sur celle de la gratitude. Le sénat et le peuple d'Ilion comblent d'honneurs Métrodore, qui a guéri Antiochus ter d'une blessure". Délos honore Papias d'Amisos, médecin et ami de Mithridate L3. Artorius Asclépiades, qui avait sauvé la vie d'Auguste, est l'objet d'un culte à Smyrne en qualité de ' pioç 2'`. Statilius Attalus, âaytvTpb, l'Eia QT(BV, est honoré à Héraclée Salbacé, où son nom figure aussi sur les monnaies 2". Ménécrate, médecin des Césars, plusieurs fois nommé par Galien 2^, est honoré d'un héroon à Rome par ses élèves et sectateurs (of yvo)ptu.ot T~ évSTGrv aipEatspn); l'inscription" rappelle qu'il était l'auteur d'une Logique médicale en cent cinquante-six livres, qui lui a valu de nombreux décrets honorifiques de diverses cités. Nous avons déjà mentionné les honneurs rendus à Antonins Musa, le médecin d'Auguste, et au trop fameux médecin de Claude, Stertinius Xénophon (,ti XII) no XIX. Déontologie médicale. Si les médecins grecs n'ont pas tous été des gens de bien, ce n'est pas faute d'avoir reçu de nobles conseils. De toutes les parties de la science médicale, la déontologie est la seule que les Grecs aient portée du premier coup à la perfection. A cet égard, l'école hippocratique a enseigné et légiféré pour tous les temps. Il suffit, pour en fournir la preuve, de transcrire la traduction du fameux Serment hippocratique, telle qu'elle a été donnée par Littré" : « Je jure par Apollon médecin, par Esculape, par Hygie et Panacée, par tous les dieux et toutes les déesses, les prenant à témoin, que je remplirai, suivant mes forces et mes capacités, le serment et l'engagement suivants. Je MED 1697 MED nent » (quorum ordini conveniunt) ; mais, dans l'espèce, cet ordo était celui des affranchis et des esclaves. Un de ceux qui ont fait le plus de cas de la profession médicale est Sénèque, qui la compte parmi les ailes liberalissimae 2. « On doit au médecin, dit-il, plus que des honoraires, car il donne non seulement sa peine, mais son emur ; il a droit au respect et à l'amour; comme le inaitre de philosophie, c'est un aloi, non un mercenaire 3. e Le progrès que fit, au e1 siècle de l'Empire, l'estime accordée aux médecins est bien marqué dans une controverse de Quintilien 4, où l'on demande lequel, de l'orateur, du philosophe et du médecin, rend plus de services à l'État. Plutarque range également la médecine parmi les Ënsufiep(at tiwat. Dans les derniers temps de l'Empire, la considération accordée aux médecins se traduit tant par les privilèges assurés aux archiâtres (, XVI) que par la brillante carrière de quelques membres du corps médical, comme le père du poète Ausone qui, praticien estimé à Bordeaux, devint sénateur romain et préfet d'Illyrie 5. Quelques écrivains, sans s'attaquer aux médecins en général, raillent la confiance un peu puérile qu'ils inspirent, Ies prières qu'on leur adresse de rendre la santé aux malades, comme si cela dépendait (le leur bon vouloir'. D'autres, au contraire, les défendent contre l'injustice du public qui, si le malade guérit, attribue la guérison aux dieux, et, s'il ne guérit pas, en accuse le médecin Que les reproches adressés aux médecins grecs fussent souvent légitimes, c'est ce que démontrent d'abord de nombreux passages des écrits hippocratiques. Il y est question de l'ignorance de la plupart des médecins 8, de la légèreté de leurs jugements, de leur indifférence au mépris public, pourvu qu'ils ne soient pas atteints dans leurs intérêts°, de leur tendance à tromper le monde par des procédés de charlatan qui sont souvent récompensés par le succès 10. De là, l'opinion répandue qu'il n'existe réellement pas de médecins, d'autant plus que les médecins, en présence de maladies aiguës, se contredisent comme des augures". A bien des égards, les écrivains hippocratiques ne sont pas moins sévères que les poètes comiques, et leur sévérité est motivée par les mêmes abus. a Il y a un an, dit un personnage d'Aristophane, j'avais mal aux yeux ; j'ai eu le malheur d'aller trouver un médecin, et maintenant je vais plus mal12, » Aristophane met sur le méme rang les devins, les médecins et les prodigues t3. Aristophane, Aristophon, Philémon, Théophile avaient écrit des comédies sur les médecins1L. Ceux qu'on bafouait le plus volontiers étaient les médecins à la mode, charlatans élégants (xop.iLo(, yapfev-re;)15, qui essayaient d'en imposer par le luxe de leur personne, de leur entourage et de leurs instruments, coffrets d'ivoire, lancettes incrustées d'or, ventouses d'argent, alors qu'ils savaient à peine s'en servir 1f. Un auteur hippocratique, tout en recommandant aux médecins une tenue propre et soignée, les met en garde contre tout luxe inutile A Rome, les médecins grecs, objet, des invectives du censeur Caton (§ II), furent durement pris à partie par Pline le Naturaliste. Il leur reprocha de porter le désordre dans les familles, de capter les testaments, de se faire les complices de crimes, empoisonnements et adultères, de se diffamer entre eux sans scrupules, d'élever systèmes contre systèmes pour se faire valoir, d'ètre les vils complaisants de ceux qu'ils prétendaient traiter et guérir, enfin d'étaler une vanité sans bornes et une scandaleuse avidité f8, Martial ne les juge pas avec plus d'indulgence: ils séduisent les femmes 1°, exploitent les maladies en les faisant durer '» ; ils vont jusqu'à voler les objets mobiliers chez leurs malades 2f ; ils les tuent en prétendant les soigner 22. Le même reproche est adressé par Juvénal au célèbre médecin Thémison Ce sont là, sans doute, des exagérations comiques; ruais Celse, savant en médecine sinon médecin lui-méme, s'élève contre les praticiens intéressés (lui, uniquement avides de gain, visitent trop de malades et blâme sévèrement le charlatan (hislrio, opposé au prudens) qui exagère la maladie d'un client pour mieux faire valoir ses services='". Du temps d'Epictète, certains médecins ne craignaient pas de solliciter eux-mêmes les clients, alors qu'autrefois c'étaient les clients qui sollicitaient les médecins 2G. Un autre procédé de ces charlatans consistait à exécuter des opérations en public, comme les dentistes dans nos campagnes 2 Il y avait aussi des médecins thaumaturges, comme cet Antigonos qui, au dire de Lucien, se vantait d'avoir ressuscité un homme enterré depuis vingt jours 28 Galien reproche aux médecins de son temps leur vanité, leurs querelles scandaleuses, leurs lâches complaisances, et va jusqu'à comparer les praticiens de Rome à des brigands qui opèrent, non sur la montagne, mais en ville 29. On aurait tort, cependant, de généraliser ces critiques et de les étendre à toute la profession médicale. A côté de charlatans et de gens indélicats, comme il en a existé de tout temps, l'antiquité a compté nombre de médecins d'un dévouement admirable ; chose plus importante encore, elle leur a fait une loi du dévouement et de la charité. C'est ce qu'il nous reste à montrer en traitant des honneurs rendus aux médecins et de la déontologie médicale. XVIII. Honneurs publics rendus aux médecins, De bonne heure, la reconnaissance publique a divinisé les médecins : Esculape, Podalire 30, Machaon, Chiron 31, le Thrace Zalrnoxis3', le Scythe Toxaris, auquel Athènes rendait un culte", le le,; iacpdç honoré à Athènes et à Éleusis, où l'on ignorait son nom, et à Marathon sous le nom d'Aristomachos 3Y. Le plus ancien témoignage authentique que nous possédions des honneurs publics rendus à un médecin est un disque de marbre de la fin du MED 1696 MED imposteurs étaient expressément exclus de ce droit'. XVI. Privilèges des médecins. Les villes grecques, comme nous le verrons plus loin (§ )(VIII), ont souvent accordé à des médecins certains privilèges et honneins individuels ; mais elles ne semblent pas avoir concédé des avantages collectifs à la profession. Il n'en fut pas de même à home. Jules César octroya le droit de cité aux médecins (libres ou affranchis) qui exerçaient à Rome même 2. Auguste, reconnaissant envers son médecin, l'affranchi Antonins Musa, auquel il fit don de l'anneau d'or des chevaliers, accorda le privilège de l'immunité aux médecins libres`; cette immunité comprenait l'exemption de la tutelle` et de quelques autres charges qu'il est difficile de préciser . Il est probable que les médecins résidant à Rome étaient seuls visés par cette mesure. Elle fut étendue dans la suite à ceux qui exerçaient la médecine a titre d'élus des représentants des villes"; mais on a lieu de croire que les villes possédant des médecins publies leur avaient déjà accordé l'exemption des charges municipales. Vespasien et Hadrien confirmèrent le privilège accordé aux médecins par leurs prédécesseurs, d'être exempts du logement des militaires' ; ce texte prouve qu'ils avaient reçu antérieurement cette faveur. D'ailleurs, comme nous l'avons dit, c'est parce qu'Antonin le Pieux trouva trop considérable le nombre des médecins soustraits aux charges publiques qu'il crut devoir le restreindre dans certaines limites°. A partir d'Antonin, les médecins privés semblent n'avoir plus joui d'aucun privilège. Modestin, en rapportant la constitution d'Antonin, ajoute que le nombre des médecins jouissant de l'immunité ne peut être augmenté par aucun moyen', sans doute pour empêcher que des médecins privés n'essayassent de se faire assimiler, par des municipalités complaisantes, aux médecins publics désormais privilégiés. Un médecin de la deuxième légion ayant demandé à Caracalla l'exemption des lnunera civilia, l'empereur répondit qu'il jouirait de cette exemption tant qu'il s'acquitterait d'un service public, mais que, rendu à la vie privée, il n'en pourrait jouir qu'en tant qu'il serait in eorum nuntero qui ad bene/icia medicis concessa pertinent, c'est-à-dire au nombre des médecins officiels '0. Comme les professeurs de lettres jouissaient des mêmes privilèges, il est probable qu'ils s'étendaient aussi à ceux qui enseignaient publiquement la médecine. Toutefois, la loi de Constantin qui confirma l'immunité des medici et pro/essores litterarurn" ne dit pas expressément que ces medici donnassent un enseignement; ce mot, sans autre épithète, désigne souvent les médecins publics ou archiàtres, et nous avons déjà fait observer que l'existence d'archidtres scolaires, admise par le D' Briau, n'a pas encore été confirmée par les textes. Les exemptions accordées aux archiàtres étaient celles de la tutelle 12, du ludorum publicum regimen (gymnasiarquie), de l'édilité municipale, de la prêtrise, du logement des soldats, de l'intendance des approvisionnements publics en blé et en huile (emptie /''umenti et olei), du minus judicandi, du munus legationis, du service militaire (militia), enfin de tout autre famulatus (provinciale menus ?) 12. Il y a là, tout ensemble, exemption de musera et exemption d'honores, dans la mesure où les médecins désiraient eux-mêmes se soustraire à ceux-ci 1". Les archiàtres officiels furent encore exemptés de certains impôts, praestationes, et d'impôts en nature, ab omni functionè''. Certains archiàtres de condition curiale ou revêtus de certaines dignités sont exemptés du décurionat et des charges que ces dignités imposent' comprenant l'obligation de recouvrer l'impôt foncier et la capitation, de payer pour les insolvables, de donner des jeux, etc.", ainsi que des charges proprement sénatoriales, glebalis collatio, onction oblatitium. Les exemptions accordées aux archiàtres le sont aussi à leurs femmes et à leurs enfants ; ainsi, le fils d'un arciliàtre ne doit pas le service militaire 18. En outre, elles sont également valables pour les ex-archiàtres, c'est-à-dire pour ceux qui ont accompli leur temps de service. Les archiàtres jouissaient encore de privilèges actifs : ils n'étaient pas obligés de comparaitre en personne devant les tribunaux ; ils étaient protégés, par des peines très sévères, coutre toute injure venant d'un homme libre ou d'un esclave". Mais ce qui parait avoir été particulièrement enviable dans la condition des arch iàtres du Ive siècle, c'est qu'ils pouvaient parvenir à tous les honneurs et exercer toutes les fonctions sans en supporter les charges pécuniaires et autres. Les archiàtres palatins jouissaient de privilèges et d'honneurs spéciaux : ils devenaient comtes du premier ou du deuxième degré et prenaient rang parmi les vicaires 20. Tout archiàtre palatin portait le titre de contes archiatrorantV1 ; de ce nombre fut Vindicianus, proconsul d'Afrique en 3802'. Sous Théodoric, il y eut un praesul architriarorum, qui avait toujours libre accès auprès de l'empereur 2 3 et était considéré comme le chef hiérarchique de tous les médecins de l'Empire. XVII. Situation morale des médecins. -Le prix que les hommes attachent à la possession de la santé 22 et, d'autre part, l'incertitude de l'art de guérir, si propice à l'étalage d'une fausse science, se reflètent dans les jugements contradictoires que les anciens ont portés sur les médecins; comme les modernes, et par les mèmes motifs, ils ont tour à tour vu en eux des bienfaiteurs et des exploiteurs de l'humanité. Commençons par rappeler le bien qu'on a dit des médecins. Pour Homère, le médecin vaut, à lui seul, beaucoup d'autres hommes 2°. Empédocle prétend que les âmes des devins, des poètes d'hymnes et des médecins s'élèvent après la mort au rang des dieux 26. Un auteur hippocratique assure que la médecine est la plus noble des professions 21. Cependant Platon, malgré son respect pour Hippocrate, ne semble pas considérer la médecine comme un art libéral 2d. Cicéron la range parmi les actes honestae « pour ceux à la situation desquels ils convien MED 1695 MED pendant le traitement'. Jusqu'à la fin de l'antiquité, les médecins grecs, malgré les attaques dont ils furent l'objet, ont donné de beaux exemples de désintéressement : Libanius parle encore de médecins qui, loin de se faire payer de leurs soins, secouraient les pauvres de leurs deniers'. Ouf rel eurs honoraires les médecins recevol i en t quelquefois des donations testamentaires, témoignant de la reconnaissance des malades dont ils avaient prolongé la vie'. Il arrivait aussi qu'un malade guéri dédiât une tablette dans un temple d'Esculape, avec l'expression publique de sa gratitude envers le médecin qui l'avait soigné'. A l'époque alexandrine, certains praticiens en renom commencèrent à réaliser des gains considérables ; il en fut de même au 1" siècle de l'Empire. où Pline écrit que la médecine est le plus lucratif de tous les arts 5. Héro(lieus de Sélymbrie, fondateur de l'iatraliptique, trouva moyen, dit Pline, d'enrichir jusqu'aux baigneurs et aux frotteurs (rconctores, mediastini) qui étaient employés par les médecins ". Érasistrate reçut 100 talents pour la guérison d'Antiochus, fils de Seleucus Nicator'. Sous Claude, Q. Stertinius (cf. XII), que l'empereur voulait prendre pour médecin particulier, allégua qu'il gagnait par an 600 000 sesterces et qu'un traitement de 250 000 sesterces ne lui suffisaitpas8; on finit par lui en donner 500000. Manlius Cornutus, légat d'Aquitaine, paya 200 000 sesterces à un médecin qui l'avait guéri d'une maladie de la peau'. Sous Néron, Charmis de Marseille, appelé par un malade de Rome dans une ville d'Italie, demanda 200000 sesterces pour le voyage et l'opération f0. Thessalos ne sortait qu'escorté d'un brillant et nombreux cortège ; son luxe fut encore dépassé par celui d'un autre Marseillais, Crinas, qui laissa dix millions de sesterces, après avoir dépensé une somme presque égale à construire les murs de sa ville natale et ceux d'autres villes". Après. la condamnation d'un chirurgien nommé Alcon, Claude confisqua ses biens, évalués à dix millions de sesterces; mais, dès que le condamné put revenir à Rome, il gagna de nouveau la même somme en peu d'années''. Au siècle suivant, on voit encore Galien toucher .400 pièces d'or (10 000 francs) pour soins donnés à la femme du consul Bcethus". Une inscription nous a fait connaître un obscur médecin d'Assise, P. Decimus Eros Merula, medicus clin n'as et clzirurqus ocularius, qui avait payé pour son affranchissement 50000 sesterces, pour le sévirat 2000, pour des statues placées dans le temple d'Hercule, 30000, pour la confection de routes, 37000etqui, malgré ces dépenses et ces libéralités, laissa une fortune de 520000 sesterces". Toutefois, les grosses fortunes médicales étaient l'exception. Bien qu'on reprochât aux médecins grecs leur avidité, il y avait dès lors beaucoup plus d'appelés que d'élus ; le prolétariat médical ne date pas de notre temps". La lutte pour l'existence était si âpre qu'on voyait des médecins quitter leur profession pour devenir, disait-on, porteurs de cadavres ou gladiateurs 1G. On n'a pas besoin de prendre à la lettre les plaisanteries de Martial, qui prétend que ces hommes n'avaient guère changé de métier; mais elles n'auraient pas été comprises si de tels abandons de la carrière médicale encombrée n'avaient pas été fréquents et notoires. Nous avons vu que Septime Sévère établit des traitements fixes, en argent ou en nature, pour les médecins du palais i'. Les traitements en nature consistaient en deux ou trois annones, rations de farine qui pouvaient être vendues par les bénéficiaires. Dans les villes et bourgades, les traitements des médecins publics devaient être fixés par les conseils municipaux 13. Les archiâtres populaires des capitales percevaient des annones (annOnaria), variant suivant leur grade; ils pouvaient aussi recevoir des présents des malades guéris, ruais il leur était interdit de rien accepter de ce qui leur aurait été promis pendant la crise "9. On n'est pas renseigné sur la valeur exacte des traitements ainsi concédés. Quant aux professeurs de médecine, dont les salaires (salaria) furent institués ott du moins consolidés par Alexandre Sévère 20, nous ne savons même pas quelle sorte de rémunération ils recevaient, en dehors des taxes perçues par eux sur les élèves aisés. Suivant l'histoire secrète, Justinien supprima les traitements des médecins et des professeurs d'arts libéraux'1 ; mais ce témoignage isolé n'est guère digne de foi. Les lois barbares de la même époque fixent les honoraires des médecins (medicatara) suivant la gravité du mal: neuf sous pour le traitement d'une plaie 22, cinq sous pour la guérison d'une cataracte 2s. Le médecin romain était protégé et même privilégié par la loi dans la réclamation de ses honoraires, qui étaient généralement payés le 1°" janvier et dont la famille était tenue après le décès du patient ". Lorsqu'ils s'appliquaient à un esclave, considéré comme res, les services médicaux pouvaient être l'objet d'un contrat de louage et le payement en était assuré par l'existence réelle ou implicite du contrat 230 Mais s'il s'agissait d'un homme libre, la situation était plus difficile, car les Romains n'admettaient pas qu'un contrat pût avoir pour objet des services libéraux ; il n'y avait ni locatio operarum ni mandatum. Toutefois, en pareil cas, le droit prétorien eut recours au procédé de la cognitio extraordinaria9U. Le praeses dans les provinces, le préteur à Rome, jugèrent les actions relatives aux honoraires (jus dicere de mercedibus). La fixation du salaire litigieux incombait au magistrat, qui pouvait aussi réduire une rémunération excessive, lorsque le médecin l'avait obtenue par extorsion. On ne possède pas de données sur le salaire des sagesfemmes. En Égypte, il (levait être faible, car, d'après le papyrus Westcar, un père de famille paie une charge d'orge à quatre sages-femmes pour avoir opéré trois accouchements 27. A Rome, les sages-femmes avaient, comme les médecins, une action pour réclamer leurs honoraires; seuls, les devins, magiciens, exorcistes et autres ME[) 169i, MED la dignité du personnage traité'. Les traditions relatives aux médecins grecs mentionnent plusieurs exemples de praticiens qui demandèrent ou obtinrent:, en échange de leurs services, des récompenses exorbitantes, lesquelles ne consistaient pas en sommes d.'argent. Ainsi l'on racontait que Podahre, ayant guéri Syrna en la saignant aux deux bras, reçut cette princesse en mariage et devint par là l'héritier du trône 2 ; on disait aussi que ietampe s'était fait promettre par les Argiens la moitié de leur territoire pour prix de la guérison des Pro?tides'. ;\u ta siècle, un médecin fou de vanité, Ménécrate de Syracuse, exigeait des malades qui se faisaient traiter par lui pour le mal sacré qu'ils s'engageassent par écrit à devenir ses esclaves en cas de guérison. Comme il se croyait Jupiter, il se faisait escorter de ses clients, vêtus du costume et pourvus des attributs des autres dieux Une légende, rapportée par Pindare, veut .qu'Esculape ait été foudroyé par Zeus pour avoir ressuscité un homme à prix d'argent, ce qui semble impliquer que l'usage de percevoir des honoraires était considéré comme une invention d'Esculape, traité de v1 7'[upo; par Clément d'Alexandrie 6. D'autre part, on disait qu'Épiménide, après avoir guéri les Athéniens d'une peste, refusa la somme d'un talent qu'ils lui offraient', et que les Abdéritains essayèrent vainement de faire accepter par Hippocrate une somme de dix talents pour avoir guéri leur philosophe Démocrite. Le grand médecin se déclara l'obligé des Abdéritains, qui lui avaient permis de connaître un pareil sage Quoi qu'il en soit de`ees légendes, il est certain que, dès avant l'époque d'Ilippocrate, les médecins grecs recevaient des honoraires. En ce qui concerne les médecins publics, nous avons l'exemple de Démocédès (§ XII), qui était payé un talent à Égine, cent mines à Athènes et deux talents à Samos. Le médecin public avait un traiteruent fixe et soignait gratuitement les pauvres, ruais il parait évident qu'il se faisait payer de ses clients en ville, des étrangers et, en général, de ceux qui h' pouvaient. Une inscription de Carpathos loue le médecin public Ménécrite de vivre dans la pauvreté et d'avoir sauvé nombre de malades sans accepter de salaire; c'est donc qu'il aurait pu, sans illégalité, en exiger un De même, à Athènes, le médecin public Événor est loué pour avoir soigné gratuitement ses malades", alors que son contrat l'obligeait seulement à donner des soins gratuits aux indigents. En outre, comme les esclaves ne payaient pas la taxe dont il va être question, il faut admettre que le médecin public était payé par leurs maitres des soins qu'il leur faisait donner par ses propres esclaves (§ Il). Pour subvenir au traitement du médecin publie et à l'entretien de son iateeion, on percevait un impôt spëcial dit inrpxdv, qui parait avoir été institué d'abord à Ces16. Bien que nous n'en trouvions que peu de mentions, il est probable que cet impôt était établi dans la plupart des villes grecques. Dans un fragment de traité d'alliance et de sitna'eistne entre Téos et une autre ville, vers 310 av. J.-C. les léiens accordent aux nouveaux citoyens l'exemption des liturgies pendant quatre ans, entre autres de la chorégie, mais à l'exception du iatrikon" A Delphes, en °d70, l'exemption de la chorégie et du ietrikon est accordée à un certain Philistion et à ses descendants l'. En Égypte (du moins, dans le seul exemple qui nous soit connu), le ia(i'ikon était perçu en blé (deux artabes par personne et par an)'" Ceci est conforme au texte de Diodore'`, d'après lequel les médecins recevaient leur subsistance (7 %c t; xLxsl des habitants (Bi. roi xotvoé) ; ces 2soyz( sont l'équivalent et l'origine des annonce que l'on attribua aux arcbiâtres romains. Diodore dit encore que si, en Égypte, un homme tombait malade en servant comme soldat ou en voyageant pour son propre compte, il était soigné gratuitement,; c'est que, sans doute, on tenait compte à l'étranger du ïatrikon qu'il payait dans sa ville d'origine, sur Iaquelle la ville qui lui donnait des soins gratuits pouvait exercer une répétition. Dans les _l sklépieia, ce sont généralement les prêtres qui fixent les sommes dont le malade est redevable'°. D'autres fois, le dieu lui-même intervient pour préciser l'honoraire15. A Julius Apellas, il est ordonné de donner une drachme attique au baigneur19. Pour punir l'incrédulité d'Ambrosia d'Athènes, le dieu exige d'elle, àtitre de salaire, qu'elle offre un cochon d'argent dans le temple '8. Ailleurs, le dieu demande d'avance au malade ce qu'il. lui donnera10 et punit un mauvais payeur en lui rendant le mal dont il l'a guéri 20, Nous n'avons pas d'informations précises sur le salaire des médecins privés en Grèce. Aristophane insinue qu'ils étaient fort mal pavés et que, par suite, on n'en trouvait pas assez'''. Cratès de Thèbes, le cynique, semble évaluer le salaireà une drachme par visite, dans un passage qu'il est d.'ailieurs difficile de prendre ail sérieux 22. Toutefois, le prix approximatif d'une drachme par visite semble ressortir aussi d'un passage de Plaute, traduction ou imi talion d'une comédie grecque23. Quoi qu'il en soit du taux des salaires, la légitimité n'en était contestée par personne", Parfois la somme était fixée d'avance, ou l'on en convenait au cours même de la maladie21. (3n ne considérait pas comme déshonorant pour tin médecin de demander au malade, pendant sa maladie même, un engagement ou une sûreté". Cependant l'école hippocratique éprouvait, à cet égard, des scrupules infiniment honorables. Elle recommandait. aux praticiens d'avoir égard à la fortune des malades, de leur donner parfois des soins gratuitement, de secourir les étrangers comme les pauvres n, de ne pas voir dans la profession médicale un simple métier, de traiter la question des honoraires avec humanité et modération, d'en négliger même le soin plutôt que de s'exposer à perdre un temps précieux pour le traitement. en discussions avec le rnalade2g. Cette dernière recommandation montre cependant que la question des honoraires pouvait être abordée MED 1693 MED avec plus de détails les formalités relatives au remplacement des archiâtres '. Pour faire partie du collège, il fallait que le candidat fût agréé par sept membres titulaires au moins; le nouveau venu sera inscrit à la suite des autres et avancera graduellement vers les premiers rangs. Les salaires et les annones auxquels les archiâtres ont droit d'après leur mérite et leur dignité leur seront distribués par le préfet de la ville. Ainsi l'avancement des archiâtres devait avoir lieu à l'ancienneté; mais la puissance impériale dérogea bientôt elle-même à ces règlements. Un médecin de famille patricienne fut autorisé à occuper d'emblée le rang du défunt qu'il remplaçait; aux protestations du collège des archiâtres, on opposa le respect dû à la volonté impériale'. Ainsi, à la différence des archiâtres municipaux, ceux des capitales (utraque Borna) n'étaient égaux ni par la dignité ni par les salaires; en outre, ils étaient sous la dépendance directe du pouvoir central, c'est-à-dire de l'empereur représenté par le préfet de la ville. Nous sommes peu renseignés sur les médecins publics dans les provinces occidentales de l'Empire. A Bénévent, on trouve un chevalier romain revêtu du titre d'archiâtre 3. Une inscription de Pisaurum est dédiée archiatro peritissimo4. A Aeclanum, dans la Grande Grèce, une dédicace à Esculape est faite en grec par un archiâtre, Salvius Atticianuse. A Mellaria en Espagne, on trouve un medicus colonorum coloniae 6 ; il est aussi question d'un medicus coloniae dans une inscription de Nîmes'. On manque également de détails sur les médecins de corporations et de collèges6. Une inscription de Magnésie, contenant une liste de fonctionnaires du culte d'Artémis Leucophryène, mentionne un iCeTpôç 'apou6(aç°. Galien fut choisi par le grand prêtre d'Asie pour être le médecin d'une école de gladiateurs f0. A Corinthe, un collège de venatores du cirque (91pE13TOpE; àvSpeç) élève une statue à son médecin". A Rome, un certain Titus Aelius Asclepiades, affranchi impérial, est iaTpbç ),013h21 p.aTOUTlvoll (ludi matutini) yutpoupyoç 12 ; un autre affranchi impérial est medicus ludi". Le medicus ludi magni, mentionné dans une' inscription ligorienne, est nécessairement suspectt4. Il est question de recettes pour les blessures des gladiateurs, dont l'étude devait former une branche spéciale de la chirurgie". Nous ne connaissons que de nom, à Rome, l'archiâtre du Xyste (portique où s'exerçaient les athlètes)" et celui des Vestales", qui existaient avant l'institution des archiâtres populaires dans la ville". Il est possible que fa création de l'archiâtre des Vestales soit due au préfet Praetextatus, qui avait sur elles droit de surveillance et auquel les Vestales, reconnaissantes, élevèrent une statue". Du temps de Pline le Jeune, il ne paraît pas que les Vestales eussent un médecin ; quand elles étaient malades, on les faisait sortir du temple pour les confier aux soins de matrones VI. et les pontifes pouvaient désigner une femme du monde pour veiller alors sur ellesL0. A Luna, deux médecins sont nommés comme attachés au collège des fabri iignarii 21. Un medicus a bibliothecis, dont j'ignore les fonctions, paraît dans une inscription de Rome; une autre mentionne un medicus ex hortis Sallustianis22. Enfin, à côté des médecins de collèges, il y a des collèges de médecins, par exemple à Rome23 et à Bénévent". Sur ces institutions intéressantes, la pénurie des renseignements nous laisse dans une fâcheuse obscurité. XIV. Médecine légale" .Les anciens n'ont pas connu la médecine légale, dans l'acception moderne de ce mot ; toutefois, il y a quelques exemples de l'intervention des médecins dans les procès et dans l'administration de la justice. Nous savons par Eschine26 et par Démosthène" que les médecins pouvaient être amenés comme témoins, soit devant le sénat athénien pour attester qu'une personne était malade, soit devant un tribunal pour exprimer leur avis sur l'existence et la gravité de blessures.. Dans la Vie du sophiste Hadrien par Philostrate, il est question d'un médecin appelé à déposer devant un tribunal, dans un cas de meurtre supposé, sur les causes naturelles ou accidentelles de la mort26. Un document grécoégyptien de l'an 130 ap. J.-C. nous apprend qu'un certain Q. Minucius Valerianus, médecin à Karanis stratège (barpiT-r,ç) d'examiner l'état d'un homme qui avait été l'objet de sévices; le médecin fait une déclaration, précédée d'un serment par la T6yrl de l'empereur, comme quoi il a examiné la blessure le cinquième jour, y a trouvé de petits cailloux et a institué un traitement approprié". A Rome, une loi attribuée à Numa prescrivait un examen médical après la mort des femmes enceintes". Les obstetrices jouaient un certain rôle dans les expertises31 et il est à présumer, malgré le silence des textes, que le préteur pouvait aussi consulter un médecin. Il est certain qu'Hadrien requit l'opinion de médecins (requisitis medicorum sententiis) avant de décider si une grossesse pouvait durer onze mois". En théorie, l'intervention d'un médecin légiste devait être nécessaire en bien des cas où les tribunaux avaient à statuer sur des questions d'ordre médical (blessures, avortements, durée de la grossesse, etc.); mais, dans la pratique, nous ne voyons pas que les médecins soient intervenus ; sous Justinien mème, la médecine légale n'existe pas encore". XV. Honoraires des medecins34. Les sommes touchées par les médecins en rétribution de leurs ser salarium 36, quelquefois honos 3' Avant l'invention de la monnaie, les médecins recevaient probablement des cadeaux en nature ; cet usage était général en Perse, où la récompense était en proportion de 213 MED 1692 MED bien il y avait de médecins publics à Athènes, mais il est certain qu'on s'est trompé en supposant qu'il n'y en avait, qu'un seul, car une inscription nous apprend que les médecins publics, Cati s) ''-r,pootoUovtiEç, sacrifiaient deux fois par an à Asklépios et à Hygie', pour recon'mitre les bienfaits des dieux à 1'égard de leurs malades et d'eux-mêmes'. Le fait que Platon dit qu'on choisissait le plus habile, Ewtxdîaiov, ne prouve pas qu'il n'y eût qu'un seul médecin ; il s'agit d'une vacance à, combler dans le corps des médecins publics. Les médecins publics n'étaient pas des spécialistes, mais soignaient toutes les maladies'. La cité mettait à leur disposition un local, le ta-roEïov, servant aux consultations, aux opérations et à l'hospitalisation des malades (cf. § X). Les médicaments devaient être payés par l'État, car, dans une inscription athénienne, Événor est loué pour avoir, « préposé par le peuple à la préparation des médicaments, dépensé un talent à ce service » ; c'est donc, conclut avec raison le D' Vercoutre, qu'il n'était pas tenu de le faire'. En revanche, le médecin devait ses soins et l'hospitalité à titre gratuit. Dans les Acharniens5, Dicéopolis répond à, un paysan qui lui demande un collyre qu'il n'est pas médecin public et qu'il s'adresse aux auxiliaires de Pittalos ; plus loin 0, Lamachos blessé se fait porter chez le même Pittalos'. Il faut encore conclure du premier de ces textes que les médecins publics avaient des auxiliaires, qui étaient probablement des esclaves publics. A l'époque de Xénophon, les villes grecques quelque peu importantes possédaient des médecins publics ; Cyrus en fait la remarque8 et il est probable que cet usage s'était introduit même dans des colonies lointaines, par exemple à Marseille, qui possédait des médecins publics avant Strabon°. Nods avons vu que la médecine publique avait été inaugurée à Rome par Archagathos, mais que cette tentative n'avait pas eu. de succès (§ II) 10. Il fallut attendre longtemps avant que la médecine officielle, organisée dans les provinces sur le modèle donné par les villes grecques, le fût aussi dans la capitale de l'Empire. On trouve des médecins publics, désignés depuis le ne siècle sous le nom d'archiâtres, à Alabanda, Anaphé, Aphrodisias, Calymnos, Claudiopolis, Coloé, Euromos, Éphèse, Hiéra de Lesbos, Labranda, Lampsaque, Sparte, Trézène, etc 1 t. L'intervention du gouvernement romain parait avoir été motivée d'abord par des considérations fiscales. Depuis Jules César, les médecins publics jouissaient d'immunités qui durent amener certaines villes à en accroître le nombre outre mesure, ce qui portait préjudice à, l'État et provoquait une inégale répartition des charges. Ainsi s'explique le décret d'Antonin le Pieux, qui régularisa l'institution des archiàtres municipaux et en fixa le nombre suivant l'importance des cités 12. « Les moindres cités, dit Antonin, peuvent avoir cinq médecins jouissant de l'immunité, trois sophistes et autant de grammairiens ; les villes plus importantes peuvent avoir sept médecins et quatre professeurs de l'une et l'autre science; enfin, les plus grandes villes peuvent avoir dix médecins, cinq rhéteurs et autant de grammairiens. Au-dessus de ce nombre, même les plus grandes villes ne pourront conférer l'immunité. Il convient de ranger dans la première classe les capitales des provinces, dans la seconde les villes qui ont un tribunal, le reste dans la troisième". » Modestin ajoute que la curie peut diminuer, mais non augmenter le nombre des médecins publics prévus par la loi1Æ On voit qu'elle n'oblige pas les cités à entretenir des médecins publics, mais qu'elle les astreint seulement à n'en point entretenir un trop grand nombre. Dans la loi d'Antonin, les médecins municipaux ne sont pas qualifiés d'archiâtres; mais comme cette désignation parait sur les inscriptions, il est probable que, dans la pratique, ils étaient appelés ainsi avant de l'être dans les textes législatifs. La nomination des médecins appartenait à, l'ordo et aux possessores, et non, comme on l'a dit, au conseil des médecins publics : « Le pouvoir de faire entrer des médecins dans le nombre réglementaire (intra numerblm praefinitum) n'appartient pas au président de la province (praesidi provinciae), mais au conseil et aux propriétaires (ordini et possessoribus) de chaque cité, afin que, assurés de leur probité, de leur moralité et de leur habileté dans l'art, ils choisissent ceux auxquels ils se confient, eux et leurs enfants, dans leurs maladies 15. » Une fois élus, les médecins recevaient l'investiture de la curie, qui leur conférait les immunités et les salaires attachés à l'exercice de leurs fonctions. Ils pouvaient être destitués pour négligence par la même autorité qui les avait élus 1G. L'institution, comme nous l'avons dit, fut plus lente à s'implanter dans les capitales de l'Empire. Elle y fut organisée en 368, par une constitution de Valens et de 'alentinien, rendue à l'instigation de Praetextatus, préfet de Rome 17 o Il est institué autant d'archiâtres qu'il y a de régions dans la ville, en outre de ceux du Xyste et des Vestales 18, Que les médecins, sachant que des salaires annuels leur sont servis par le peuple, aiment mieux donner honnêtement leurs soins aux pauvres que de servir honteusement les riches. Nous leur permettons d'accepter ce que, pour les soins qu'ils donnent, leur offrent les malades guéris, mais non ce que les malades en danger leur promettent' pour qu'ils les sauvent. Que si la mort ou un autre événement enlève l'un d'entre eux du nombre des archiâtres, on ne devra pas le remplacer à l'aide du patronage d'un puissant ou de la protection des votants, mais par le choix sincère et prudent de tous les autres, lesquels choisiront celui qui sera digne de cette préférence, de la dignité d'archiâtre et de notre propre assentiment. On devra nous en référer immédiatement au sujet de sa nomination". » Deux ans après, en 370,'les mêmes empereurs réglèrent MED 1691 MED Du temps d'Alexandre Sévère, la médecine de la maison impériale fut définitivement organisée : de serviteur, le médecin de l'empereur devint fonctionnaire. Un médecin du palais (medicus palatinus) toucha des appointements fixes (salarium); six autres reçurent des indemnités en nature (binas aut ternas annonas) ', qui pouvaient d'ailleurs être converties en argente. La réunion de ces médecins impériaux forma le collège des archiatri palatini ; une constitution de Constantin exempte de toute charge les archiétres et les ex-archiàtres, c'est-à-dire tous les membres anciens ou actuels du collège'. Le titre d'archiàtre ne fut probablement attribué aux médecins impériaux qu'à l'époque de Dioclétien ; il n'était d'ailleurs pas exclusif de celui de medicus' Les archiatri. palatini, sous le Bas-Empire, étaient spectabiles, comites priori ou secundi ordinis' et pouvaient s'élever aux plus hautes fonctions politiques et administratives. Théodoric leur donna un chef (praesul), avec le titre de tomes archiatrorunl9. XIII. Médecins publics.Par opposition aux médecins privés, iôtwTEés'TEç, les médecins publics s'appelaient ô-ggonellin-caç', èrp.datot ix-po!'; exercer la médecine publique était dit'ireocta(tty, ôrtuos(a û7[31pEretx Épi µ''6w9, L'institution des médecins publics existait de longue date en Égypte, où chacun, dans les expéditions militaires et en voyage, recevait gratuitement les soins que réclamait son état''. En Grèce, cette institution dérive probablement de l'ancien usage d'appeler un médecin dans une ville quand une épidémie y sévissait ou quand la santé d'un citoyen de haute distinction était menacée. L'Odyssée énumère déjà les médecins parmi les artistes et les artisans que l'on faisait venir de loin 12. Les philosophes thaumaturges du vie siècle jouèrent plus d'une fois le rôle de guérisseurs et de purificateurs, frayant ainsi la voie aux médecins rationalistes du ve siècle. Épiménide de Gnosse fut appelé de Crète à Athènes pour guérir une peste en qualité de raOxpT2iç13. Empédocle, sans exercer de fonctions publiques, fut, comme nous dirions aujourd'hui, le chef du service de santé à Agrigente. Il fit exécuter des travaux dans l'intérêt de l'hygiène publique, comme de combler l'espace entre deux collines qui donnait passage au vent du midi 14 ou de dévier de l'eau courante dans la rivière stagnante de Sélinonte, ce qui mit fin à une peste". Lors d'une autre épidémie, il fit procéder à des fumigations dans la ville' 0. On lui attribuait aussi des guérisons miraculeuses, obtenues par l'emploi d'incantations. Acron d'Agrigente, contemporain d'Empédocle, fut appelé à Athènes pour mettre fin à une peste'. Les Spartiates aussi faisaient venir du dehors des médecins, comme Thalétas de Gortyne, lorsqu'il fallait prendre des mesures contre une épidémiet3. Il n'est pas surprenant que les villes grecques, ayant éprouvé les effets bienfaisants d'un médecin public en temps d'épidémie, aient cherché à s'en assurer le béné lice permanent. Quelques-unes d'entre elles ont dù entrer dans cette voie dès la fin du vie siècle, car à l'époque où Charondas légiférait à Catane, vers 500, l'institution de la médecine officielle était déjà assez connue pour que Charondas ait voulu, suivant Diodore, que l'instruction fût gratuite comme la médecine 1". Toutefois, en temps d'épidémie et de calamité publique, les villes continuèrent à faire appel aux lumières de médecins étrangers, soit qu'elles n'en possédassent pas elles-mêmes, soit que les nouveaux venus eussent plus de titres à la confiance. Un exemple intéressant, à cet égard, est fourni par le texte chypriote de la tablette de bronze d'Idalion20, C'est un contrat passé entre cette ville et une famille de médecins, à la suite d'un siège soutenu au ve siècle contre les Mèdes (Perses) et les Chiens. Le roi et la ville ont invité le médecin Onasilos et ses frères à venir soigner gratuitement ceux qui ont souffert des suites de la guerre ; ils prennent l'engagement de donner à Onasilos et à ses frères, en guise d'honoraires, la somme d'un talent, prélevée sur la maison du roi et sur le trésor de la cité. A défaut d'argent, les médecins recevront, sur les terres du roi, des biens-fonds dont l'emplacement est désigné, qui leur appartiendront en toute propriété, à perpétuité et sans redevance. A Onasilos, en particulier, le roi et la ville promettent de donner une certaine somme ou, à défaut, certains domaines décrits dans le contrat. Le roi et la ville ont déposé le contrat auprès de la déesse Athéné d'Idalion, avec serment d'en tenir les clauses à perpétuité. Le grand Hippocrate, qui avait été appelé par les Abdéritains pour soigner leur philosophe Démocrite21, se rendit, dit-on, à Athènes pour combattre la fameuse épidémie de peste et la fit cesser en allumant de grands feux dans la ville, en y suspendant des guirlandes de fleurs et en prescrivant un antidote dont Jean Actuaire a conservé la formule 2e. Nous citerons plus loin d'autres exemples de faits analogues, en parlant des honneurs rendus à des médecins publics. L'importance de la médecine publique explique que les cités grecques se soient disputé les praticiens éminents à prix d'or, comme certaines universités d'aujourd'hui se disputent les professeurs. On a lu plus haut ( XII) l'histoire de Démocédès, qu'Égine enleva à Crotone, qu'Athènes enleva à Égine, que Samos enleva à Athènes et dont Darius finit par faire son prisonnier de guerre et son médecin. Aujourd'hui encore, dans bien des îles de l'Archipel, les médecins reçoivent. de la communauté un salaire fixe à la condition de donner gratuitement leurs soins 22. Telle était aussi, dans l'antiquité, l'institution de la médecine publique2'6. A Athènes, les médecins étaient choisis par les citoyens, qui se réunissaient eCap( ixTpàv xtp€rseeoç2"; les candidats tenaient des discours à l'assemblée, déclaraient quels avaient été leurs maîtres et comment ils avaient exercé jusque-là leur art. Nous ignorons corn Music. 42; Paus. I, l4, 19 Diod, XII, 12, 4. C'est à tort que MM. Vorcoutre cl Ziebar th out prétendu conclure de ce passage que l'institution de la médecine publique poco. IX, 419, 421; Jeaml. Actuar. De Dleth..lled. p. 264 (3d, il. Sleph.). Tout cela parait appartenir au domaine de la légende.-23 Rcinach-Newton, Traité d'épigr. preegoe,p. 30.3', Suid. s. u. Sr,µoo«5eiv. 23 Plat. Gora. 155; Schoi. Aristoph. \IED 1690 MED fils aîné du roi, qui était amoureux de sa belle-mère, Stratonice'. Andreas de Caryste, médecin de Ptolémée Philopator, l'accompagna à la guerre et fut tué, en 217, peu avant la bataille de Raphia Citons encore Métrodore, médecin d'Antioclius de Syrie (280-261) et Euphorbe, médecin de Juba Il On croyait autrefois que le titre d'archiâtre [AHCIIIATHUS] datait de l'époque romaine impériale et qu'il avait été porté d'abord par Andromaque, médecin de Néron °. Cette opinion s'est trouvée contredite par une inscription du ne siècle av. J.-C.3, où un certain Cratère est dit iepztardç du roi Antiochus. Une autre inscription de Délos, que j'ai publiée en 1883', prouve définitivement que le titre d'arclliàtre existait dans les cours des successeurs d'Alexandre et que c'est des cours des Ptolémées et des Séleucides qu'il a passé, comme tant d'autres institutions, à celle des Césars'. L'archiatrie étant essentiellement un poste de confiance, il n'est pas surprenant que son titulaire ait été revêtu en même temps d'autres dignités. Dans une inscription de Délos', il est question d'un Grec d'Alexandrie qui cumule les titres de chef des médecins (sa: rmv tvtsàv, sans doute équivalent à àpytarpdç), de parent (co tyavç) du roi Ptolémée, d'exégète et de directeur du Musée. Dans un papyrus de Turin0, un certain Tatas, nommé médecin royal, ((aat),txoç iarpdç, est chargé de notifier un ordre émanant du souverain, d'où Peyrou a conclu avec raison que le fonctionnaire revêtu de ce titre exerçait des fonctions analogues à celles de secrétaire d'État. Du reste, il est identique à l'àoz(-r,rpoç dont parle Aristeas, espèce de grand chambellan qui donna des ordres pour loger et entretenir les soixantedix interprètes chargés de traduire la Bible en grec10. A Rome, nous trouvons d'abord M. Artorius Asclepiades, honoré par plusieurs villes grecques, qui sauva la vie d'Octave en 12, lors de sa campagne contre Brutus et Cassius ; il mourut dans un naufrage, peu après Actium". Auguste eut ensuite pour médecin l'affranchi Antonins Musa, frère d'Euphorbe, qui était médecin du roi Juba 11. II guérit l'empereur en 23 av. J.-C. par des bains froids et reçut du Sénat, en récompense, une somme considérable, l'anneau d'or et une statue élevée près de celle d'Esculape ". Eudème, ami et médecin de Livie, femme de Drusus César, fils de Tibère, aida à empoisonner Drusus, de complicité avec Livie, en l'an 23 ap. J.-C.l3 Le plus remarquable de ces médecins impériaux fut Xénophon, Asclépiade de Cos. Son frère alité s'était établi médecin à Rome, y avait reçu le droit de cité sous le nom de Q. Stertinius et gagné des sommes considérables14, Caligula obtint qu'il renonçât à sa clientèle pour devenir médecin impérial. Il appela alors à la cour son frère Xénophon qui, sous le nom de C. Stertinius, devint le médecin de l'empereur Claude. Quintus et son frère, arrivés à l'opulence, construisirent de beaux monuments à Naples, où ils possédaient sans doute des villas. Quintus mourut sans héritier. Xénophon devint chevalier, accompagna Claude en 43 eu Bretagne comme tribunus militutn et praefecttcs /arum et reçut, à l'occasion du triomphe britannique en 44, des distinctions honorifiques, corona aurea et laa.sta pura. Tout-puissant sur le faible esprit de Claude, Xénophon obtint le droit de cité pour son oncle Philinos, son frère Cléonyme et sa belle-soeur Phcebé; les deux hommes furent aussi nommés tribuns militaires. D'ailleurs, il ne s'oubliait pas lui-même : Claude appréciait ses connaissances littéraires et le nomma secrétaire pour les affaires grecques. 11 n'oubliait pas non plus sa patrie et s'efforea d'assurer àl'ile de Cos, par l'intermédiaire de son frère Cléonyme, les bienfaits de la munificence impériale. Ainsi, en $3, les Coens reçurent l'inr,munite'°; pleins de gratitude pour Xénophon, ils lui consacrèrent des àacToç, etc. Xénophon possédait à Rome, sur le Caelius, une maison dont on a retrouvé des traces". Médecin à lapp fois de Claude et d'Agrippine (~pytarpb; 'r v aiov oatcr rèiv), il contribua, de concert avec l'impératrice, à faire disparaître l'empereur. En récompense de ce service, il reçut une forte récompense, puis il alla s'établir à Cos, où il joua le rôle de grand bienfaiteur et fut comblé de tous les honneurs publics («pytEpeuç rmv Oeikv, %epu); Stz (ou r(d(v.Eeaartilv, etc.)f7, De son vivant même, il fut qualifié de 'ipuç dans la dédicace d'une exèdre construite en son honneur". Il est probable qu'il mourut sans enfants comme son frère; suivant Pline, ii laissa à ses héritiers (sans doute Cléonyme et ses enfants) la somme de trente millions de sesterces 19. Claude avait aussi eu pour médecin Scribonius Largus, qui paraît l'avoir accompagné en Bretagne en 43. Scribonius est l'auteur d'un livre de recettes que nous possédons et qui a été utilisé dans l'antiquité même par Sextus Empiricus20. (in autre médecin de Tibère et de Claude (%arpb; Katazptav) fut Tiberius Claudius Ménécratès, mentionné par Galien21 et qu'une inscription désigne comme un chef d'école, auteur d'un ouvrage important, %ô(aç nous de nommer ici Andromachos, médecin de Néron52; L. Arruntius Sempronianus Asclepiades, médecin de Domitien; C. Calpurnius Asclepiades de Pruse, médecin de Trajan23. Galien fut appelé en 169 par Marc-Aurèle et Lucius Verus pour les accompagner dans une guerre contre les Germains; mais Verus mourut et Galien t.ouva un prétexte pour rester à Rome où il y fut successivement le médecin de Marc-Aurèle et du jeune Commode24. Oribase fut le médecin de Julien pendantsa campagne contre les Perses et se trouvait auprès de lui quand il mourut°3. MED 1689 M ED préoccupé de ses troupes, les avait tous envoyés au loin auprès des blessés'. Toutefois, le soin que prennent les historiens de signaler ces marques d'humanité à la guerre prouve combien la dureté et l'indifférence pour les blessés étaient encore dans les moeurs ; ,j'ajoute que je ne connais pas un seul témoignage romain touchant les soins donnés par le vainqueur aux blessés de l'armée ennemie. Il n'est pas question davantage d'ambulanciers chargés de recueillir les blessés pendant la bataille et de les soustraire ainsi à d'inutiles souffrances. Pour trouver mention d'une ambulance volante, il faut descendre jusqu'au VI° siècle, époque où l'empereur Maurice (582-602) organisa un corps de cavaliers appelés axp: ioo 6ç ou ôsnozz'cct (deputati), qui étaient chargés d'emporter les blessés et, recevaient une prime pour chaque soldat qu'ils sauvaient ainsi. Léon le Philosophe (886-911) augmenta le nombre de ces cavaliers qui, pour procurer un soulagement irnmédiat aux blessés, étaient munis de bouteilles d'eau'. Un médecin militaire pouvait, à l'occasion, donner ses soins à des civils3. Son temps de service accompli, il devenait parfois médecin civil, à titre privé ou public`. Une inscription fait connaître un médecin public, salariarius civitatis splendidissi'nae Ferentinensium, qui avait été auparavant médecin militaire des ailes Indiana et Tertia Asturum °. Un médecin de légion, Rallimorphos, raillé par Lucien, écrivit le récit des campagnes auxquelles il avait pris parte. En général, les médecins militaires ne paraissent pas avoir joui d'un grand crédit. Galien, tout en décernant des éloges à l'un d'eux, nommé Antigonos, reproche leur ignorance en anatomie à ceux qui suivirent Marc-Aurèle dans sa campagne contre les Marcomans '. Il y avait également des médecins de la marine. Dans les inscriptions romaines, ils sont souvent appelés duplicarii (soldats touchant double ration ou double solde) et leur nom est accompagné de celui de leur navire, preuve qu'ils étaient attachés à tel ou tel bàtiment3. Galien mentionne un oculiste attaché à la flotte de Bretagne (â;eoç ôOaagtxeiç frrôaou (3paziavtxo1J) Une inscription de Bouyoukdéré a conservé la nomenclature de l'état-major et de l'équipage d'une tétrère de Cos commandée par Q. Terentius Varron 10 : le médecin y est nommé à la suite des officiers, immédiatement avant les matelots (i7tei«t), ce qui donne à penser que dans la marine, comme dans l'armée romaine, les médecins étaient loin de jouir de la considération et des honneurs qu'on leur accorde aujourd'hui dans ces milieux. XII. Médecins de cour. Les médecins privés des princes ont joué un rôle important auprès des monarques achéménides et macédoniens, comme auprès des successeurs d'Alexandre et des empereurs. Représentants de la science hellénique, ils ont contribué à lui faire trouver crédit et à répandre ses enseignements. Jusque vers 515 av. J.-C., les Achéménides demandèrent des médecins à l'Égypte : Cyrus avait appelé un oculiste de ce pays"; Darius était entouré de médecins égyptiens'. Mais ceux-ci ayant été impuissants à le guérir d'une fracture, Darius s'adressa à Démocédès de Crotone, dont l'histoire, contée par Hérodote13, est des plus instructives. Démocédès s'était établi comme médecin public à Égine, où il recevait un traitement annuel d'un talent ; il se rendit ensuite, dans la mème qualité, à Athènes, où il toucha cent mines, puis, l'année d'après, à Samos, où Polycrate l'attira par un salaire de deux talents. Fait prisonnier avec Polycrate par le gouverneur perse de Sardes, en 522, il fut amené captif à la cour de Darius à Suse. Là, il se rendit célèbre par la guérison de la blessure de Darius et d'une tumeur qu'Atossa avait au sein. Quand il réussit à quitter la Perse et à retourner à Crotone, les Perses envoyèrent une ambassade qui tenta vainement de le ramener. Le grand Hippocrate fut, dit-on, appelé auprès de Perdiccas II, fils d'Alexandre roi de Macédoine, et le guérit d'une maladie de langueur causée par la passion de ce jeune homme pour la concubine de son père, Phila1l. Cette histoire est suspecte, d'abord à cause des difficultés chronologiques qu'elle soulève 13, puis parce qu'elle a été relatée aussi, avec quelques variantes, d'Érasistrate et d'Avicenne ; elle se retrouve dans le roman d'IIéliodore f e et les lettres amoureuses d'Aristénète 17 ; Galien raconte, à son tour, qu'il lui arriva une aventure analogue 18. Artaxerxès IV Longuemain (465-425) invita vainement Hippocrate à venir à sa cour; le médecin grec refusa, alléguant ses devoirs envers sa patrie". Ne pouvant s'assurer les services d'Hippocrate, le grand roi s'adressa à un autre Asclépiade, Apollonidès de Cos. Ce dernier guérit Mégabyze, beau-frère du roi, d'une blessure dangereuse, mais devint l'amant de la femme de Mégabyze, Amytis. L'intrigue ayant été découverte, Apollonidès fut abandonné à la cruelle vengeance d'Amestris, mère d'Artaxercès9o. Le fils d'Hippocrate, Thessalos, fut le médecin d'Archélaos de Macédoine (413-399)n. Au ive siècle, les princes asiatiques choisirent leurs médecins parmi les Asclépiades''. Dexippe, élève d'Hippocrate, guérit les fils d'Hekatomnos(385-377), Maussollos et Pixodoros"3. Le célèbre Ctésias de Cnide", Asclépiade, fut le médecin d'Artaxerxès II Mnémon et le soigna d'une blessure de javelot reçue à la bataille de Cunaxa (401), (405 -362). Critohule traita Philippe de Macédoine, blessé à.l'cr.il au siège de Méthone, en 353. Critodème, Asclépiade de Cos, fut le médecin d'Alexandre après sa blessure en Inde"; le roi reçut également les soins de Philippe d'Acarnanie et de Glaucias`-e. Hippocrate IV fut le médecin de Roxane, femme d'Alexandre ; c'est par erreur que Suidas l'a confondu avec un autre Asclépiade, Dracon III". Le roi d'Épire, Pyrrhus, eut pour médecin Nicias de Soli (aussi nommé Cinéas?)". Le savant Érasistrate, médecin de Seleucus Nicator, roi de Syrie, découvrit la cause de la maladie d'Antiochus, le MED '1688 MED temps, preuve qu'il n'y avait pas seulement des chirurgiens dans l'armée, mais des médecins'. Les Romains montrèrent longtemps moins d'égards pour leurs troupes en campagne. On racontait, il est vrai, que le prêtre Umbro avait fait office de médecin dans la guerre des Troyens contre les Rutules, guérissant au moyen d'incantations et d'herbes magiques; qu'Énée blessé avait été soigné par Iapis, favori d'Apollon 3 mais ce sont là des reflets de l'épopée grecque. A l'époque des grandes guerres de Rome en Italie, les soldats pansaient leurs blessures entre eux et se pansaient eux-mêmes avec les bandages qui firent toujours partie de leur équipement'. Denys' rapporte qu'en 469 les soldats romains refusèrentde se battre contre les Volsques et que beaucoup se mirent des bandages pour simuler des blessures. Après la journée de Sutrium, en 309, il. mourut plus de blessés, faute de soins, qu'il n'était tombé de soldats dans la batailles. Les blessés transportables étaient évacués sur les derrières', ou dans le camps, ou, si les communications le permettaient, sur Rome'' ou sur les villes alliéesf0. Polybe, décrivant avec détail le camp romain, ne parle pas d'un endroit réservé au soin des malades. Les seuls médecins étaient, semble-t-il, ceux que les chefs militaires emmenaient à titre privé11. Cependant, dans ce domaine, comme partout, l'influence bienfaisante de l'hellénisme se fit sentir; lorsque l'armée romaine devint permanente, elle eut des médecins permanents qui servaient avec rang de légionnaires. Le plus ancien témoignage que nous ayons à ce sujet est celui d'Onésandre, au 1°" siècle ap. J.-C.; mais il ne parle pas des médecins d'armée comme d'une institution récente. On connaît, du temps de Claude, le monument funéraire d'un médecin de la XX1e légion à Vindonissa: c'était un affranchi nommé Claudius Hymnus 12. Personne ne trouva mauvais qu'il y eut des chirurgiens sur les champs de bataille ; mais le service de santé en temps de paix fut l'objet de critiques dont Onésandre et Végèce nous ont transmis l'écho. On alléguait que la parole du che' était plus utile que les médicaments, que les exercices quotidiens entretenaient la santé des hommes mieux que les médecins 1°. Quoi qu'il en soit, le service de santé s'organisa et devint une institution régulière, sans cependant cesser d'être subordonnée au commandement]'. A l'époque impériale, les médecins militaires, medici ordinarii, medici legionis (probablement un par ala et par cohorte)' 3 passaient la visite des malades dans les tentes, les y traitaient quand la maladie était légère", et, dans les cas graves, les faisaient porter au valetudinarium (hôpital); ils accompagnaient les légionnaires'dans les manoeuvres, les marches et les expéditions militaires ; sur la colonne Trajane (fig. 4891), ils ne se distinguent des soldats ni par le costume ni par l'armement '8. Aurélien, étant tribun, dut interdire aux médecins, comme aux haruspices, de se faire donner de l'argent parles hommes : c'est donc que cet abus existait au ul° siècle ". Dès l'époque de Cicéron, il y avait dans les camps des tentes spéciales pour les malades 20. Chaque camp de légion possédait un hôpital, situé à gauche de la porte prétorienne, dans un endroit isolé et tranquille21 ; la surveillance et l'administration incombaient à un officier hors cadres, optio valetudinarii 22. Les malades étaient, soignés par des infirmiers 23 et le service médical dirigé par un medicus castrensis ou castrorumt, supérieur aux médecins légionnaires 24. Les médecins, les malades et les dépenses qui les concernaient relevaient du praefectus castrorum 2G Les historiens romains du temps de l'Empire ont souvent loué la sollicitude des chefs d'armée à l'égard des blessés et des malades. Tibère, à une époque où le service de santé n'était pas organisé encore, mettait sa voiture, sa litière, ses médecins, sa cuisine, même son appareil de bain portatif à la disposition de tous ceux qui en avaient besoin (il s'agit sans doute des officiers seulement)2s Germanicus visitait les blessés, leurdistribuait des encouragements et des secours 27. Trajan, plus généreux encore, se dépouilla un jour de ses propres vêtements pour faire des bandages destinés aux pansements 23. Hadrien allait trouver les soldats malades dans leurs cantonnements (in 7mospitiis)29. Alexandre Sévère faisait de même la tournée des tentes oùreposaientlesblessés (per tentoria) ; il leur procurait des chariots suspendus (carpenta) pour suivre l'armée et, quand ils étaient très malades, les plaçait chez des particuliers qui recevaient une indemnité pour les soigner, soit qu'ils guérissent, soit qu'ils mourussent30. Lorsque Valentinien eut une attaque d'apoplexie sur les bords du Danube, en 375, on mit longtemps à trouver un médecin, parce que le prince, uniquement MED malades ramassés sur les places publiques (prima omnium voaoxyEïov instituit, in quo aegrotantes colligeret de plateis), ce qui prouve combien le service hospitalier laissait encore à désirer au Ive siècle clans la capitale du monde romain'. Dans les grands domaines oit l'on employait beaucoup d'esclaves, il y eut de bonne heure des hôpitaux dits valetudinaria, sous la direction d'un intendant dit supra valetudinarium 2. A Rome, les esclaves malades étaient souvent abandonnés dans file du Tibre, où il y avait un temple d'Esculape ; sans doute leur sort y était digne de pitié, car Claude, voulant imposer aux maîtres l'obligation de soigner leurs esclaves, décréta que ceux qu'on abandonnerait ainsi seraient libres et le resteraient en cas de guérison ; le maitre qui tuerait un esclave malade pour navoir pas à le soigner serait poursuivi pour homicide'. Une pareille loi en dit long sur la brutalité des moeurs romaines même à l'époque de la civilisation la plus brillante. On ne peut considérer comme des hôpitaux les édifices que le sénateur Antonin (peut-être Antonin le Pieux) fit construire près du temple d'Esculape à Épidaure' ; c'étaient des asiles pour les femmes en couches et les mourants, qui ne devaient pas souiller le temple de leur présence. Je ne sais sur quoi l'on s'est fondé pour attribuer à l'empereur Antonin des constructions analogues dans File du Tibre XI. Médecins publics militaires'. Nous étudierons les médecins militaires avant les médecins publics des cités, parce que les premiers sont incontestablement 1687 -MED les plus anciens. Aucune civilisation, quelque primitive qu'elle fùt, n'a pu ignorer les rudiments de la médecine militaire, c'est-à-dire l'art des pansements. Dans l'Iliade, elle parait déjà à l'état de science fort avancée, d'où un médecin militaire allemand. Friihlich, a conclu qu'llomère avait été lui-même médecin d'armée Diodore dit que Machaon et Podalire se distinguèrent tellement au siège de Troie qu'on les dispensa de prendre part aux batailles et qu'on les exempta de toutes Ies charges publiques'; il est à peine besoin de dire que ce récit evhémériste indique seulement les privilèges des médecins militaires à l'époque ou écrivait Diodore ou l'auteur qu'il a suivi. Les baraquements, x) lalat, dont il est question dans l'Iliade`", paraissent avoir servi aussi de lazarets de campagne; c'est là que les blessés recevaient des soins '°. Les auteurs hippocratiques mentionnent plusieurs fois la médecine militaire; l'un d'eux" recommande aux chirurgiens de se joindre aux troupes de mercenaires afin d'avoir l'occasion de se perfectionner dans leur art. Au siège de Daton, en 1153, il devait y avoir des Asclépiades, car des cas de blessures reçues dans cette campagne sont relatés aux livres V et VII des Épidémies. Un Asclépiade, Nebrus de Cos, prit part à la guerre de Crissa, où il se rendit sur une galère à cinquante rames, équipée à ses frais, pourvue de tout ce qu'il fallait pour traiter les malades et pour combattre (usr,poa)«ç TE partir pour la Sicile, Hippocrate désigna son fils Thessalos pour accompagner sans salaire l'expédition; il reçut en récompense des Athéniens une couronned'or1'. ASparte, l'ordre de bataille prescrivait qu'au moment du combat les compagnons de tente du roi, les devins, les médecins et les joueurs de Hâte se trouvassent réunis en un même lieu, à la disposition du chef militaires''. La sollicitude des médecins s'étendait même aux morts : ils les pansaient et les lavaient avant de les ensevelir, afin qu'ils descendissent décemment dans la tombe''. L'armée perse avait aussi des médecins]', qui soignaient même les captifs blessés17 ; on se préoccupait des blessés qu'on ne pouvait emmener, et Xerxès laissa nombre de soldats malades dans les villes qu'il traversa dans sa retraite, en les recommandant à la sollicitude des magistrats". Xénophon a donné des détails sur la médecine militaire en racontant l'expédition des Dix Mille. Ils avaient des médecins pour soigner les blessés après la bataille", les transportaient à la suite des hommes valides, retardaient parfois leur marche par égard pour eux u et les logaient, dès qu'ils pouvaient, dans des villes amies". Les ambulances privées installées dans les villes grecques recevaient aussi les blessés ennemis". Un chef des Dix Mille, Cheirisophos, mourut d'un fébrifuge administré à contre SIED 1686 SIED d'ilippocratel'. Ce manuscrit appartient au x° siècle; il n'est cependant pas douteux que les miniatures, représentant des opérations sur des membres démis, c'est-àdire la remise de luxations, ne dérivent d'images beaucoup plus anciennes (n siècle ap. J.-C.?), ne fût-ce qu'à cause de la nudité des malades et souvent aussi des médecins, qui est contraire aux habitudes de l'art byzantin. Malheureusement, ce ne sont pas des copies directes et les originaux paraissent. avoir subi de singulières déformations aux mains de leurs copistes successifs. Les quatre miniatures que nous reproduisons (fig. 4887 à 4890)' représentent : la remise d'une épaule luxée, c6 ',,i; introduit son épaule gau che dans l'aisselle gauche du patient et saisi le bras luxé avec les deux mains, tandis qu'un auxiliaire opère une extension en sens contraire (fig. 4887) ; la remise d'une épaule luxée à l'aide d'une coulisse de bois, p o),' ii)p.oo ôtâ T ç «p~rlç. L'opéré est suspendu par l'aisselle à une barre horizontale; le médecin exerce une traction sur le bras gauche, auquel est fixée une coulisse de bois : un auxiliaire tire les pieds du patient pour opérer une extension en senscontraire (fig.4888); 3° la remise des vertèbres à l'aide d'une ration très hardie dont l'explication technique doit être réservée aux hommes de l'art. L'échelle, sur laquelle est fixée le malade, est successivement élevée et abaissée, au moyen d'une poulie. par le médecin et son auxiliaire fig. 4890) ; 4° la remise des vertèbres au moyen des pieds du médecin et du cabestan, i L n) q f7rovb m,n af7 est attaché sur une planche; tandis que deux aides manoeuvrent un appareil destiné à produire des extensions dans les deux sens, le médecin exerce avec ses pieds une pression sur la partie démise (fig. 4889). Chacune de ces miniatures comporterait une étude approfondie qui n'est pas de notre compétence. A Rome, tout service hospitalier fit longtemps défaut; en temps de guerre ou de calamité=, il fallait inviter les particuliers à recevoir les malades dans leurs maisons `. ~Il~ IIJ Ilit~lllll ~~ III'i,ll~lli~lio hIU~ La première officine publique fut la boutique achetée aux frais de l'État (ernpta pubüce taberna) que le Sénat romain, au dire de Pline, mit en 220 à la disposition du médecin grec Archagathos 4. L'insuccès de cette tentative fut peut-être due à la jalousie des médecins privés °. En l'absence d'institutions publiques °, les médecins romains devaient prendre en pension des malades. Un esclave d'Hadrien, qui avait voulu tuer son noaitre, fut reconnu pour fou (furiosus) et remis par l'empereur aux médecins (medicis curendum dedit)' ; c'est donc que ceux-ci acceptaient de soigner des aliénés chez eux. Il est remarquable que la loi de 368 sur les médecins publics, dont il sera question plus loin, ne dise rien de l'officine médicale. Peut-être eut-elle pour résultat,commel'apensé le e' Vercoutre, de hâter par là l'établissement des hôpitaux. dus à l'initiative charitable des chrétiens. Le premier (qui était plutôt une auberge pour voyageurs et pèlerins) s'éleva en 372 à Césarée, grâce aux efforts de saint Basile8 ; on en construisit ensuite à Amasie, à Constantinople, à Jérusalem et ailleurs. Le premier vo7oxop.utov proprement dit est celui que fit bâtir Fabiola en 380' ; elle y recueillit des MED 1685 MED Le médecin résidant dans une ville avait toujours un cabinet de consultation, mais souvent aussi une installation plus complète qui comprenait les éléments suivants : 1°la demeure du médecin, de sa famille, de ses auxiliaires et de ses esclaves ; 2° un laboratoire de pharmacie ; 3° une salle d'opérations ; 4° une salle de consultation 2 ; 3° une ou plusieurs chambres pour recevoir des malades et les hospitaliser avant ou après une opération, ou pendant le cours d'une maladie et le début de la convalescences. L'ensemble de cette installation constituait l'officine du ptov, taberna medica, medicina°. Les iatreia étaient tantôt la propriété des villes et dirigés par le médecin public, tantôt celle de médecins qui exerçaient pour leur compte. L'institution en était fort ancienne ; il y avait sans doute des iatreia publics antérieurement â Hippocrate, car on ne peut imaginer qu'une ville ait appelé un médecin si elle n'avait pu lui fournir un local approprié avec les appareils nécessaires. Toutefois, il n'y avait pas de iatreia partout, sans quoi Hippocrate, décrivant les malades de file de Thasos, n'aurait pas indiqué si exactement le domicile personnel de chacun L'iatreion public devait être installé dans une maison de grande dimension, percée de larges ouvertures qui laissaient passer à flots l'air et la lumière, mais protégée contre le vent et le soleil, qui fatigue les yeux des malades'. La salle d'opérations était pourvue de toute espèce d'instruments (pyava), appareils fixes (tels que le banc d'Hippocrate)' pour réduire les luxations, sièges, baignoires, vases, bassins, couteaux, bistouris, ventouses, cautères, scalpels, seringues, sondes pour les oreilles, arrachedents, trépans, outils pour couper la luette, bandes, compresses, coffrets à onguents, etc. Les instruments VI. devaient tous être en bronze, les serviettes et les éponges parfaitement propres et molles au toucher, l'eau à boire d'une .pureté irréprochables. Les médicaments simples ou composés se préparaient dans la pharmacie attenante : les aides du médecin les vendaient pour être emportés ou les administraient sur place". Un homme frappé d'un mal subit pouvait se faire porter dans l'officine du médecin public". Il est possible que les malades pauvres y fussent nourris gratuitement ; mais il ne faut pas alléguer à cet effet, comme l'a fait le D' Vercoutre, l'histoire du philosophe Bion, qui, arrivé malade à Chalcis, y souffrit beaucoup (, par suite de l'indigence des méde cins hospitaliers » (efrop(z tiinv vocoxo) oévcmv)'2. Ces der niers mots, comme l'a reconnu le W Dechambre, signifient simplement « à cause du manque d'infirmiers n ; la triste situation de Bion prit fin lorsque Antigone lui envoya deux serviteurs. Les esclaves malades étaient soignés dans les officines par les esclaves du médecin ". Ajoutons que les iatreia, comme les boutiques des barbiers, étaient des lieux de réunion pour les oisifs, qui venaient y échanger leurs impressions sur les événements du jour ''. Ainsi, comme l'a établi en 1880 le Dr Vercoutre, les iatreia étaient de véritables hôpitaux publics ou privés, comparables, du rnoins par leur destination, à nos établissements modernes. Un passage malheureusement isolé du poète comique Cratès (vers 430 av. J.-C.) mentionne une espèce de maison de santé sous l'invocation de Paeon, le médecin des dieux, qui était appelée Paeonion et située près de la mer" ; ce devait être, suivant laconjecture du D' Daremberg, un sanatorium laïque'', à la différence des habitations pour les malades qui s'élevaient auprès des Asclépieia (INCUBATIo)18. Épictète compare l'école de philosophie à un iatreion oit les hommes entrent malades, l'un avec une épaule luxée, l'autre souffrant d'un apostème, tel autre d'une fistule, d'une migraine, etc. 19. Décrire les opérations qui s'effectuaient dans l'iatreion d'un médecin grec serait écrire un traité de chirurgie antique et sortir des limites prescrites à cet article. Mais nous croyons devoir appeler l'attention sur toute une série de miniatures très intéressantes qui figurent dans un manuscrit florentin d'Apollonius de Citium (commentaire du traité 7tspiàpOpwv 212 familles pendant de longues années' . Il est probable que les opérations un peu compliquées se faisaient au domicile du médecin et non à celui du malade, à moins que ce dernier ne fût un personnage important. Les médecins célèbres donnaient, comme de nos jours, des consultations par correspondance; ainsi nous savons que Galien avait des clients en Gaule, en Espagne, en Thrace et en Asie-Mineure2. Un auteur hippocratique déclare qu'il n'y a pas de honte, pour un médecin, à faire appel aux lumières de ses confrères C'est peut-être à des consultations entre médecins que fait allusion un passage obscur de la Politique d'Aristote' Nous connaissons par Antiphon° le cas d'un homme qui, tombé entre les mains d'un mauvais médecin, mourut non des blessures qu'il avait reçues, mais du traitement qu'on lui avait imposé. Or, l'orateur dit que les autres médecins s'étaient fortement élévés contre le traitement indiqué, ce qui implique une ou plusieurs consultations. Dans des affaires qui comportaient une expertise médicale, chaque partie faisait choix d'un médecine. Les consultations étaient parfois scandaleuses par les contradictions et les disputes auxquelles elles donnaient lieu'. Théodore Pr iscien 'se plaint aussi que le repos des malades soit troublé par l'arrivée tumultueuse des médecins, dont chacun cherche surtout à se faire valoir, comme des concurrents dans un cirque. C'était, d'autre part, un lieu commun de dire que la multitude des médecins tuait le malade, et Pline l'Ancien cite une épitaphe ainsi conçue : Tarim medieorum perii °. L'histoire a conservé les noms d'un grand nombre de médecins grecs qui ont été appelés à l'étranger, soit par des villes, soit par des princes ; nous en parlerons en traitant des médecins publics et des médecins de cour. Mais il faut dire ici quelques mots des médecins ambulants que Modestin appelle aEPtoôEUTxi, i. e. circulatores 10. 11 y avait parmi eux des spécialistes charlatans, qui se rendaient aux foires et aux fêtes en promettant de guérir les maux de dents, les maux des yeux ou de la rate, la goutte et le coryza 11. En voyage, le médecin se munissait d'instruments plus légers que ceux dont il se servait à demeure; il emportait aussi des médicaments simples, tels que purgatifs et vomitifs12. Les coffrets de pharmacie (LDCULtsl, dont on a conservé quelques spécimens (fig. 4884), ont peut-être servi, comme les trousses d'oculistes et de chirurgiens (fig. 488b), à des médecins ambulants". MED -1683 MED qualifie d'antistes disciplinas in ntedicina, mots dont le sens ne laisse pas d'être obscur'. La tante du poète Ausone, Aemilia Hilaria, eut toujours en aversion, suivant son neveu, les penchants de son sexe et sut se rendre célèbre autant qu'un homme dans la pratique de la mnédeciine'. Enfin, Theodorus Priscianus, archiàtre du ve siècle, dédia le troisième livre de son ouvrage dfedicinae Praesenlaneae, dont on ne possède qu'une traduction latine', à une femme-médecin, « l'aimable compagne de son art t. Quelques femmes avaient écrit sur la médecine, par exemple Salpé, Laïs, Elephantis, que citent Pline l'Ancien et Galien; Aspasia, citée au livre XVI d'Aetios et Metrodora, dont un traité sur les maladies des femmes, D'autres avaient composé des ouvrages sur les cosmétiques, les maladies des cheveux, etc. Nous ne savons presque rien touchant l'enseignement médical que recevaient les femmes. En Égypte, à Saïs, il y avait, dit-on, une école de sages-femmes oit des femmes donnaient l'enseignement a ; il est probable qu'en Grèce et à Rome elles se formaient par l'apprentissage comme les médecins et étaient admises parfois à suivre des cours. Une femme, Restituta, fait une dédicace à Claudius Alcimus, médecin impérial, son patron et son professeur (xa6r,y-r,tif,ç). Un auteur arabe rapporte aussi que Paul d'Egine avait, parmi ses élèves, des sages-femmes'. Dès l'époque héroïque, il est question de l'habileté des femmes à recueillir des simples et à préparer des philtres a ; cela resta une spécialité des magiciennes de Thessalie [BIAGIA]. Il y avait des femmes dites anoaax(ôeç, app.axeutia(at, qui faisaient profession de médecine magique. Les citations que fait Pline des oeuvres de l'accoucheuse Salpé prouvent que certaines d'entre elles s'appliquaient à la matière médicale dans un esprit un peu plus scientifique. Les accoucheuses, tant en Grèce qu'à Rome, paraissent avoir été fort considérées e. A Athènes, elles recevaient chez elles des pensionnaires10. A Rome, au point de vue du droit, elles étaient assimilées à leurs confrères 91 ; leurs noms prouvent qu'elles se recrutaient surtout parmi les affranchies t2. Avec les médecins grecs arrivèrent à Rome les accoucheuses grecques, qui ne tardèrent pas à supplanter les matrones italiennes auprès de la riche clientèle des villes. Socrate, fils d'une sage-femme, nous a laissé un tableau de la profession qu'il est intéressant de rapprocher de celui que le médecin grec Soranus en a tracé plus de cinq siècles après. « Aucune sage-femme, dit Socrate, ne se mêle d'accoucher les autres femmes tant qu'elle est encore en état de concevoir et d'avoir des enfants.... Les sagesfemmes connaissent mieux que personne si une femme est enceinte ou non. De plus, au moyen de certains breuvages ou de certains enchantements, elles savent hâter le moment de l'enfantement et en apaiser les douleurs; elles font accoucher celles qui ont de la peine à se délivrer et facilitent l'avortement, si cela est jugé nécessaire, lorsque le foetus n'est pas encore à terme.... N'as-tu pas remarqué un autre de leurs talents, qui est d'étre très habiles â assortir les mariages, puisqu'elles discernent à merveille quel homme et quelle femme doivent s'unir pour avoir les enfants les plus accomplis`.?... Tiens pour certain qu'elles sont plus fières de ce talent que de leur adresse à couper le cordon ombilical.... Il n'appartient qu'aux sages-femmes vraiment dignes de ce nom de bien assortir les unions conjugales". » Soranus d'Éphèse, dans son livre sur les maladies des femmes, expose en détail le savoir et les qualités que l'on exigeait, de son temps, des accoucheuses (na siècle ap. J.-C.). Celles qui veulent embrasser cette profession doivent savoir écrire, jouir d'une mémoire fidèle, d'une santé robuste, d'un tempérament égal; elles doivent avoir de longs doigts effilés, des ongles courts et arrondis, tenir leurs mains très propres et ne pas filer, pour ne pas nuire à la finesse de leur peau. Il faut qu'elles connaissent la diététique, la pharmacie et la chirurgie usuelle. Soranus les met en garde contre les superstitions et l'emploi de moyens abortifs, niais leur donne des conseils en vue de certaines opérations assez difficiles, comme l'inversion du foetus, et prévoit le cas où 1'embryotomie peut. être nécessaire pour sauver la vie de la mère. Enfin, il leur recommande d'étre discrètes, « car les affaires de la maison et les secrets de l'existence de chacun leur seront confiés i4 ». X. L'exercice de la médecine: les officines médicales. Dans l'antiquité comme de nos jours, le médecin va visiter les malades à leur domicile, se réunit parfois avec des confrères pour délibérer sur un cas difficile, enfin reçoit les malades chez lui pour les opérer ou leur prescrire un traitement. Suivons-le dans ces diverses manifestations de son activité. Les anciens disaient qu'Esculape avait inventé la médecine clinique, c'est-à-dire celle qui se fait au lit des malades, par opposition à celle qui envoyait les malades dans les temples 13. Un bas-relief d'Athènes représente Esculape, accompagné d'un de ses fils, auprès du lit d'un malade dont il prend la main 16 (fig. 488:Il. Un autre, qui a passé de la collection Pourtalès au Musée Britannique (fig. 4883), représente un médecin qui examine un malade; l'inscription donne le nom du médecin, Jason d'Archanes. A droite, sur le sol, est une grande ventouse retournée''. Nous avons vu plus haut (§ III) que les médecins faisaient souvent leurs visites en compagnie de leurs élèves, tant pour les instruire que pour se faire aider d'eux. Le médecin, après avoir examiné un malade, devait pouvoir lui prescrire un traitement"; quand il s'absentait, il lui laissait une prescription par écrit19. Certains médecins donnaient leurs soins aux mêmes MED 1682 MED à leur permettre de préparer des remèdes faciles et d'attendre l'arrivée du médecin'. L'Égypte, cette patrie des livres de médecine 2, où le traitement des maladies était établi d'après des préceptes écrits attribués à Horus 3, ne cessa pas d'en produire et d'en répandre à l'époque gréco-romaine. Il est question d'un vieux livre égyptien appelé üµ6p=gç, où étaient réunies d'anciennes observations sur le diagnostic et le pronostic des maladies'. Du temps de Jamblique, les prêtres égyptiens possédaient quarante-deux livres sacrés attribués à Hermès, dont six sur l'anatomie, la médecine, la chirurgie et la matière médicale ; il en existait des traductions en langue grecque Les ouvrages médicaux grécoégyptiens, Poemander, Asklépios (adyoç Tsati6ç), les Iatromathematilca, etc., sont des falsifications néopythagoriciennes où se retrouvent peut-être quelques vestiges de la science', toujours imprégnée de superstitions, qu'avait possédée l'Égypte pharaonique e, IX. Femmes-médecins'. Une femme exerçant la ixTnp(7, iaTpxiva,axecro(ç (guérisseuse), en latin medica, peut-être aussi elinica 0. Au point de vue des fonctions spéciales d'accoucheuse, elle est dite axis (7cspiTàç Ttxro6caç qui coupe le cordon), en latin obstetrix, iatromaea 10. Le mot medica désigne également une accoucheuse et se rencontre fréquemment dans les inscriptions 11 On trouve dans Hygin une histoire assez invraisemblable qui peut être résumée comme il suit '2. Une loi athénienne défendait aux esclaves et aux femmes d'exercer la médecine; ii en résultait que beaucoup de femmes, n'osant, par pudeur, faire appel à des médecins, mouraient en couches. Alors (Hygin ne spécifie pas l'époque) une jeune fille athénienne, Hagnodice, se coupa les cheveux, s'habilla en homme et se fit instruire par le médecin Hérophile. Une fois en possession de son art, elle se rendit auprès d'une femme en travail et, lui ayant révéle son sexe, obtint de la soigner. Le bruit de son heureuse intervention s'étant répandu, les médecins s'émurent et protestèrent contre le nouveau confrère qui leur enlevait des clientes. Hagnodice dut comparaître devant l'Aréopage et déclarer qu'elle était une femme; sur quoi la colère des médecins ne fit qu'augmenter, et il fallut que les Athéniennes les plus distinguées intercédassent pour faire acquitter Hagnodice. L'ancienne loi fut abrogée et l'on décida que les femmes libres pourraient désormais apprendre et exercer la médecine. Cette historiette assimile complètement les femmes-médecins aux accoucheuses et c'est, en effet, à cette spécialité del'obstétrique que les femmes, tant en Grèce qu'à Rome, s'appliquèrent de préférence, sinon à titre exclusif. Les médecins n'intervenaient dans les accon chements qu'au cas de complications redoutables 13, et l'auteur hippocratique du Traité des maladies des femmes constate leur peu d'expérience en ces matières, sans doute parce qu'on avait rarement recours à leurs offices 1'. Mais l'accouchement n'est pas la seule crise qui menace la santé et la vie des femmes. II arriva naturellement que les accoucheuses furent consultées sur d'autres maladies propres au sexe, comme la stérilité et l'hystéries°, et que les femmes préférèrent des avis qu'elles pouvaient solliciter sans gène. Atossa, atteinte d'une tumeur au sein, ne consulta Démocédès qu'après de longues hésitations 16 ; c'est donc qu'elle avait commencé par avoir recours aux lumières de femmes. Dans l'Hippolyte d'Euripide 17, la nourrice demande à Phèdre si elle souffre de quelque maladie qu'il faut taire (c'est-àdire d'un caractère intime), auquel cas des femmes sont là pour la soigner ; si son mal réclame des médecins, on s'adressera à eux. Ainsi, le cercle de l'activité des femmesmédecins tendit à s'élargir par la nature même dés services qu'on réclama d'elles. A l'époque impériale, elles se firent aussi masseuses (tractatrices) et furent parfois employées à ce titre par des hommes 18. Dans Apulée, une soeur de Psyché se plaint de jouer le rôle pénible de medica, parce qu'elle a un mari goutteux dont elle doit frictionner les doigts et pour lequel elle doit préparer des liniments et des compresses". Il va de soi que les femmes, nées, pour ainsi dire, gardes-malades et infirmières, se sont de tout temps acquittées de ces fonctions 20. Bien entendu, il y eut aussi, et de tout temps, des femmes s'occupant de cosmétiques et de ce qu'on appelle l'hygiène de la beauté; déjà le papyrus Ebers, le plus ancien traité médical que l'on possède, mentionne une princesse nommée Schesch, à laquelle on devait un remède pour faire pousser les cheveux 2t. Il est à remarquer que le droit romain ne fait nullement de la médecine une profession réservée au sexe fort et qu'il n'est jamais question, dans les codes, d'un domaine médical réservé aux hommes 22. On peut donc admettre que certaines femmes particulièrement douées se sont appliquées à toutes les branches de la médecine, bien que nous n'en ayons pas, que je sache, de preuve directe. Une inscription gravée sur la base d'une statue à Tlos, en Lycie, relate que ce monument aété élevé à elle-même par Antiochis, fille de Diodote, de Tlos, honorée par le sénat et le peuple de cette ville pour son expérience dans tion de Karabaulo estla dédicace d'un certain Asclépiade, sans doute médecin lui-même, à sa femme Aurelia Alexandria Zôsimé, savante en médecine, Ht'o É7ctcTii;lriç ivretxi,Ç 2;. L'épitaphe de Scantia Redempta à Capoue la MED 1681 MED terre cuite, conservé au Musée de Berlin et provenant du entourant un groupe formé des têtes d'Isis et de Sérapis, au-dessus de l'image du Ail couché. Ce cachet était sans doute destiné à un ballot d'aromates expédié à la cour impériale. M. Rostowzew, qui a publié ce petit monument, pense que la maison impériale affermait à des marchands égyptiens lafourniture des aromates (xpuwuaTtxil et que le cachet avait pour but de mettre le ballot à l'abri des taxes de douane. On procédait sans doute de même pour l'expédition des substances médicinales. Les magasins impériaux qui recevaient des envois de ces substances en vendaient aux pharmacopoles, qui s'en procuraient, aussi directement'-. Malgré ces précautions, la fraude ne perdait pas ses droits. Ainsi l'oJlobalsamum, qui poussait en Judée dans un domaine impérial, et qui était vendu pour le compte du fisc', subissait néanmoins tant d'altérations qu'il était difficile, au temps de Galien, de le trouver pur'. C'est seulement à la tin de l'Empire que la pharmacie se constitua comme un auxiliaire indépendant de la médecine; Littré en allègue pour preuve un texte d'Olympiodore ', d'après lequel le médecin prescrit, tandis que le 7ylN.Ev'rxçtoç pi,Zmentarius) exécute l'ordonnance'. D'après ce qui vient d'être dit, il n'est pas surprenant que ce que nous appelons les spécialités pharmaceutiques et les remèdes secrets aient été connus dans l'antiquité sous le nom des médecins qui les composaient ou les faisaient composer pour la vente. Ainsi Zénon (de Laodicée?), de l'école d'1lérophile, se rendit célèbre par l'invention d'une foule de médicaments composés'. De ce nombre sont les collyres pour les yeux, dont il a été question plus haut (j VI), et où le nom du remède est accompagné de celui du médecin inventeur ou débitant. Sur les flacons ou coffrets contenant des médicaments, on collait à cet effet une étiquette (E7txy•(là(x)'. De même, de nombreux médecins, en part iculierà Alexandrie, attachèrent leurs noms fi différentes sortes de bandages et d'appareils, destinés à réduire des fractures, à contenir des viscères, etc.; tels furent André de Caryste', Amyntas de Rhodes1', Périégène", Nileus1', Nymphodore". Il reste à dire un mot de la vente des substances dangereuses. Dans le Serinent hippocratique, le médecin s'engage à ne remettre à personne du poison. A Rome, avant la le.r Cornelia de sicariis et vene/iciis (81 av. J.-C.), la remise de poisons, même mortels, ne parait pas avoir été interdite aux médecins. Un médecin ayant administré du poison à un esclave peut être poursuivi en vertu de la loi Aquilia, mais non pas s'il a préparé du poison que l'esclave a pris librement". Dans le Mercator de Plaute, Chari nus, désespéré, déclare qu'il ira s'empoisonner chez un médecin ". Mais la loi Cornelia [LEx CORNELIA, p. 11401 établit des peines sévères contre ceux qui vendaient en public des médicaments dangereux ; plus tard, les crimes de castration et d'avortement furent réprimés avec la VIII. Charlatans, livres de médecine. Bien des gens, en Grèce et à Rome, exerçaient la médecine sans être considérés pour cela comme des médecins. A côté et au-dessous des prêtres des Asclépieia, pullulaient les interprètes de songes, les guérisseurs de maladies spéciales, les faiseurs de miracles, qui exploitaient la superstition et la crédulité de toutes les classes sociales. Bien que les auteurs hippocratiques s'élèvent contre la médecine charlatanesque '" et distinguent la médecine rationnelle de la divination 17, les Grecs les plus éclairés, comme Platon, ne paraissent pas avoir pris nettement parti dans le débat. « Il est bien difficile, dit Platon, de savoir au juste ce qu'il y a de vrai en tout cela », à propos des breuvages, des aliments et des parfums employés comme maléfices'«. Socrate propose à Charmide de le délivrer d'une migraine à l'aide d'une certaine herbe et de certaines paroles magiques dont il a reçu la recette d'un médecin thrace ". Démosthènes parle (avec mépris, il est vrai) d'un charlatan qui prétendait guérir les épileptiques Les songes, qui, pour Hippocrate et son école, sont une des sources du diagnostic dans les maladies", fournissaient aux charlatans les éléments d'une méthode thérapeutique qui trouvait son expression officielle dans les Asclépieia [INCLBATt . Le dédain de quelques rationalistes, comme Cicéron, qui oppose le conjector som niorum au nicdicas n'a pas empèché les interprètes de songes de trouver des dupes jusqu'à la fin de l'antiquité et au delà. La littérature médicale offre le même contraste et, parfois la même confusion entre des ouvrages écrits par des savants pour leurs élèves et des recueils de recettes composés par des charlatans pour la multitude crédule. En Grèce, dès le ve siècle, il y avait un grand nombre de livres relatifs à la .médecine et à la pharmacie" ; beaucoup de gens en faisaient usage au lieu de recourir aux lumières d'un médecin. Platon se moque, dans la Phèdre, de ceux qui se croient médecins pour avoir lu un livre de médecine 2'. Aristote rapporte que certains magistrats, de crainte que les médecins, corrompus par les ennemis de la cité, ne les fassent périr, préfèrent se soigner d'après des livres ; mais c'est là, selon lui, une mauvaise méthode, car les médecins eux-mêmes, quand ils sont malades, se font soigner par d'autres médecins16. Ces livres, 7o.N.pxra, étaient sans doute des recueils de recettes analogues à ceux dont Caton le Censeur prétendait faire usage à titre exclusif". À l'époque impériale, la médecine d'amateur était fort répandue ; Aulu-Gelle dit qu'il a employé ses loisirs à la lecture de livres de médecine 27, et Plutarque veut que chacun soit en état de surveiller son pouls, qu'il sache ce qui est utile ou nuisible à sa santé ". Telle fut, du reste, l'opinion de l'empereur Tibère qui, refusant de recourir aux médecins, se moquait de ceux qui, après leur trentième année, ont besoin des conseils d'autrui pour savoir ce qui est utile ou nuisible à leur corps 79. Il existait aussi des manuels de médecine à l'usage des voyageurs et de ceux qui habitaient la campagne, destinés à les soustraire aux entreprises des charlatans, MED -. 1680 MED premier, qui ales allures et la réputation d'un charlatan', pour obtenir des spécifiques tout préparés. Dans ristophane on oit un personnage courant les boutiques des pharmacopoles pour acheter un remède destiné à faciliter les couches (wxozdxtov). Les vendeurs de drogues allaient les débiter sur les marchés, dans des coffrets spéciaux (xia~nt)3; leurs boutiques contenaient aussi des objets de tout genre, par exemple des amulettes, des bagues prophylactiques contre les morsures', des lentilles pour allumer le feu'. Le pharmacopole est le client, du rhirotolne, qui s'occupe surtout de recueillir des plantes médicinales' et qui, obéissant à des superstitions fort anciennes, opère la cueillette suivant des règles souvent absurdes qui sont du domaine de la magie'. L'époque alexandrine fut témoin d'un développement extraordinaire de la matière médicale, dû à l'influence de la médecine populaire et de la pharmacopée magique des peuples orientaux. On trouve la preuve de cette richesse, d'ailleurs plus apparente que réelle, dans la pharmacopée à la fois scientifique et populaire de Galien, héritier de la science alexandrine. D'autre part, on voit des souverains, comme Attale, le dernier roi de Pergame', et le grand Mithridate', s'appliquer eux-mêmes à l'étude des poisons et des contre-poisons et mettre à la mode des drogues mystérieuses, où entrait une variété extravagante de substances". Le roi Antiochus VIII fit graver sur marbre et dédia dans le temple d'Esculape, à Cos, un remède contre les morsures d'animaux venimeux". De cette époque datent de nombreux ouvrages didactiques sur la matière médicale, ceux d'Iléraclide de Tarente, qui écrivit aussi sur les cosmétiques, les Tlleriaca et les Ale,cipharmaca de Nicandre. Suivant Galien, le premier qui ait écrit sur la composition des médicaments fut Manteias, élève d'Hérophile'". Outre les poèmes de Nicandre, nous avons conservé le vaste recueil de Dioscoride d'Anazarbe, qui avait, parcouru une grande partie du monde romain et qui décrit environ cinq cents plantes, avec tant de précision qu'elles ont pu, pour la plupart, être identifiées par les modernes". Ces traditions de la Grèce alexandrine prévalurent pendant l'Empire romain'''. L'industrie des pharmacopoles ou myropoles't (pharmacopolae' °, unguentarii", seplasiarii ' , thurariif°, aromatarii20, pigmentarii "1, lnyrobree/iarii 2"), dont la réputation de hâbleurs était ancienne23, se développa même aux dépens de la méde sine ; tout ce qui touche aux cosmétiques était de leur ressorti, y compris les articles de toilette, les huiles, les pommades, les parfums, les onguents, les teintures pour les cheveux et les sourcils, savons, dentifrices, laits antéphéliques etc. Bien plus, dès l'époque de Pline, les médecins, soit pour épargner leur temps, soit par ignorance, avaient presque cessé de préparer euxmêmes leurs médicaments et achetaient les drogues ou même les remèdes tout faits chez les pharmacopoles". Ces derniers, peu scrupuleux eux-mêmes 77, étaient encore victimes des supercheries des rhizotomes, qui leur vendaient des pro duits avariés ou frelatés. Galien , dans sa jeunesse, avait payé une grosse somme à des fraudeurs pour être initié à leurs pratiques". Plus tard, il fit lui-même de longs voyages pour recueillir des substances médicinales à l'état de pureté, telles que le jayet, l'asphalte, le baume, la terre sigillée de Lemnos, et il s'en fit aussi envoyer par des amis sûrs 30. Galien demande que le médecin connaisse toutes les plantes utiles et il recommande de les cueillir soi-même, avant que la chaleur de l'été ne les ait desséchées : c'est une science qui doit s'acquérir, non pas dans les livres, usais sur le terrain''. Pour le service de la maison impériale, on faisait venir des substances médicinales recueillies par les fonctionnaires sénatoriaux ou impériaux, qui les envoyaient cachetées à Rome. Galien mentionne aussi des esclaves impériaux chargés de donner la chasse aux vipères, qui étaient employées comme contre-poison'". Un cachet en MED 1679 MED spécialité créée par un autre. La grande majorité des cachets se sont rencontrés en Gaule, en Bretagne, en Germanie et sur le Danube; l'Afrique n'en a fourni qu'un ; on n'en a trouvé ni en Grèce ni en Asie Mineure. J'incline, pour ma part, à y voir une survivance, modi fiée par la science ou le charlatanisme hellénique, d'une vieille tradition médicale celtique et druidique. Sichel pensait que ces cachets avaient appartenu à des médecins militaires, qui accompa gnaient les légions; mais cette opinion est insoutenable, car on les a surtout trouvés là où les légions ne stationnaient pas. Les oculistes mentionnés sur les cachets, affranchis ou esclaves, étaient probablement des praticiens ambulants, qui s'adressaient principalement à la clientèle gallo-romaine des villes. L'usage de ces objets a duré du fer au Ive siècle après J.-C. Comme leur nom l'indique, ils servaient à estampiller des pâtes ou collyres, qui étaient ensuite dissoutes dans un liquide : eau, vin, blanc d'oeuf, lait de femme, etc.' Pour les oculistes, il y avait là un moyen de publicité comparable aux étiquettes dont sont revètues, chez nous, les spécialités pharmaceutiques. Avec une trousse d'oculiste exhumée en 185'4 à Reims, on découvrit toute une série de collyres, petites plaques rectangulaires qui portaient encore l'empreinte de cachets. Les cachets servaient également à estampiller les vases dans lesquels les oculistes renfermaient leurs collyres liquides 2. On connaît aussi des tablettes d'oculistes sans inscriptions, présentant, sur une face, des évidements en forme de godets qui servaient de mor tiers '. Enfin, les instruments de bronze, spatules, pinces, érignes, cautères, trépans, balances, etc., dont se servaient les oculistes, nous sont connus par un bon nombre de spécimens On est moins renseigné sur les aoristes (nteàicus aurieullarius) et sur les dentistes (une désignation spéciale fait défaut) 6. Les Égyptiens connaissaient déjà la prothèse dentaire, dont il est question dans le papyrus Ebers'. Des dents liées avec de l'or (auro (lentes juncti) sont mentionnées dans la loi des XII Tables', et l'on a trouvé, dans plusieurs tombes de Phénicie, de Grèce et d'Italie, des dents jointes avec un fil d'or'. Il est également question, chez les Grecs et les Romains, de fausses dents10. Des dents aurifiées ou plombées ont fréquemment été rencontrées dans les tombeaux". VIl. Pharmaciens et rhifanomes". L'antiquité n'a pas connu l'équivalent du pharmacien moderne, qui exécute, sur l'ordre du médecin et sous le contrôle de l'État, des prescriptions magistrales ou officinales. En principe, le médecin préparait lui-mémo ses médicaments ; il pouvait en acheter les ingrédients chez le pharntacopole, sorte d'herboriste qui, à son tour, se fournissait de plantes médicinales chez le rhirotome'". A l'origine, la cueillette des simples souvent accompagnée de cérémonies magiques et effectuée dans certaines circonstances seulement" constituait une partie essentielle de l'art de guérir 1'; c'est celle que le centaure Chiron passait pour avoir enseignée à Esculape, en rhème temps que les incantations f 6. Les premiers médecins grecs, comme les magiciens et les magiciennes, recueillaient eux-mèmes les simples, ou les faisaient recueillir par des amis sûrs ; ainsi $piménide, disait-on, avait fait de longs voyages à cet effet : cyoXoûµavoç 7«a etoTOp.(av17. Il existe une lettre supposée d'Hippocrate à Krateuas, qualifié de h otiéN.wv xots'roç, pour le prier de recueillir avec soin de l'ellébore en vue du traitement de Démocrite 1". Au ve siècle av. J.-C.,le médecin fait préparer les remèdes dans son officine et les vend à ses clients par l'entremise de ses élèves et de ses préparateurs. yapp.axo'cciéat 10, qui en surveillent l'administration aux malades20. Mais, dès cette époque, l'industrie du pharmacopole est constituée, à côté de celle du médecin, et l'on s'adresse souvent au MET) 9678 \IED niste (G,-tetvêç)t, un masseur et un rebouteur. Il fixait la quantité et la qualité de la nourriture des élèves et graduait la série de leurs exercices. Hérodicos de Sélymbrie, élève d'Iccos de Tarente, après avoir été longtemps pédotribe, devint infirme 2 et, changeant de profession, se mit à exercer la médecine, ou plutôt à mêler la gymnastique à la médecine (µ(;as yuµvaartxr`ly i«Tptx :,, dit Platon), suivant les principes de l'hygiène des gymnases, prescrivant surtout aux malades des exercices physiques, de longues marches, des massages, des sudations et une diète appropriée 3. D'autres pédotribes et même des athlètes'` suivirent son exemple et réussirent. Sans doute. il y a quelque exagération à dire que la médecine grecque est sortie en partie des gymnases et des palestres; mais il est incontestable que ces institutions ont contribué à son développement rationnel et qu'elles exercèrent une influence bienfaisante sur les doctrines hygiéniques'. L'accroissement du savoir médical et peut-être aussi la tradition de l'ancienne médecine égyptienne favorisèrent, à l'époque alexandrine, la multiplication des spécialités. Cette tendance ne fit que s'accuser à l'époque romaine. Si quelques savants, comme Celse et Galien, l'ont blâmée, ou du moins ont exprimé le voeu que le médecin donnât son attention au plus grand nombre possible de sujets a, d'autres se sont résignés à admettre, avec Philostrate ', que personne ne peut embrasser tout cbv«t^o). Toutefois, les excès de la spécialisation, à Rome, prêtaient au ridicule, et Martial ne s'est pas fait faute de les railler : « Cascellius arrache ou guérit une dent malade; Hyginus brûle les poils qui incommodent les yeux; Fannius enlève, sans la couper, la luette relâchée ; Eros efface les tristes stigmates des esclaves; Hermès est le Podalire des hernies a. » Il y avait non seulement des spécialistes pour les différentes parties du corps, les oreilles, les yeux, les dents, etc., mais pour les différentes opérations, comme la lithotomie 9, la réduction des hernies, la cataracte, et pour les différents âges de la vie; enfin les médecins se répartissaient en écoles qui traitaient d'après certains principes généraux, empiriques, méthodiques, pneumatiques, éclectiques, ou en faisant prévaloir l'emploi de certains moyens curatifs ou diététiques, tels que la gymnastique, l'hydrothérapie (Antonius Musa), l'oinothérapie (Asclépiade), etc." La chirurgie et la médecine n'étaient pas généralement exercées par les mêmes praticiens, bien que le chirurgien soit aussi qualifié de medicus et que le médecin soit souvent consulté par le médecin Plutarque dit qùe médecins et chirurgiens se soutenaient et se recommandaient entre eux, mais saris insinuer par là qu'il existât à cet égard aucune complicité en vue du gain '•'. En même temps que les spécialités s'introduisaient dans l'exercice de la médecine, l'enseignement même de cette science se subdivisait. C'est à Alexandrie, du temps d'lirasistrate, d'Ilérophile et d'Eudème, que l'on commença à distinguer dans la médecine trois grandes divisions, la diététique, la pharmaceutique et la chirurgique que la pharmaceutique n'est pas ce que nous entendons par la pharmacie, mais la branche de la médecine qui tend au rétablissement de la santé par les remèdes (eu naedicinae pars quae magis medicamentis pugnat)14. De toutes les spécialités médicales, la plus développée dans l'antiquité fut l'oculistique, science qui paraît d'origine égyptienne 1',, bien que les Grecs en attribuassent l'invention à Apollon "s. Celse lui consacre une grande partie de son sixième livre et cite de nombreux collyres, surtout d'après )velpide, qu'il appelle le plus grand oculiste du temps ; tout le livre IV de l'ouvrage de Galien, 7repiauve:aemç 9.9«pµdxsiv, concerne les médicaments pour les yeux ". Le nombre des oculistes sous l'Empire était très considérable ; la liste qu'en a dressée Enfin 1 R s'accroit sans cesse par les découvertes épigraphiques. Nous reproduisons une stèle gallo-romaine découverte aux Ronchers (Meuse) et conservée au Musée de Bar-leDuc, dont le registre supérieur représente un oculiste inspectant l'ceil d'une patiente en abaissant la paupière à l'aide d'un petit instrument; au registre inférieur le médecin est figuré auprès du lit d'un malade (fig. 4880)1. L'oculiste, médecin ou chirurgien, s'appelait chirurgus ocularius 20, medicus ocularius 21, ab oculis 22, opittalmicus23 (dp0«aµtxbç iarpe 2'`). Les oculistes de la région nord-ouest de l'Empire nous ont laissé plus de deux cents cachets, dont l'étude, longtemps négligée, a occupé de nos jours plusieurs savants ]sIGILLUM]23. Un cachet d'oculiste est une plaquette prismatique, généralement en serpentine, en stéatite ou en schiste ardoisier. Les tranches portent des inscriptions latines gravées à rebours, mentionnant : P les noms de l'oculiste, inventeur ou vendeur d'un collyre; 2° le nom (grec. mais latinisé) et l'usage du collyre ; 3° parfois son mode d'emploi 26. L'indication du nom de l'oculiste fait rarement défaut". Quelques cachets portent deux ou trois noms, témoignant d'une succession ou d'une association d'oculistes, ou de l'exploitation par un oculiste d'une 9ED 1677 MED est question de la responsabilité criminelle des médecins égyptiens, qui était engagée au cas où un malade mourait, s'il était, prouvé qu'ils avaient agi contrairement à certaines règles ; or, les anciens n'auraient pas signalé cette particularité s'il avait existé, en Grèce, quelque législation analogue. Toutefois, malgré les plaintes de Pline, il est certain que l'irresponsabilité des médecins à Rome n'était pas absolue et que la loi tendit sérieusement à la limiter. Le médecin était responsable au criminel en vertu des lois Cornelia de verse/iciis et Cornelia de sicariis. « Est tenu de la loi Cornelia celui qui a tué un homme libre ou esclave; celui qui, dans l'intention de donner la mort, a confectionné et vendu du poison ; celui qui a blessé dans l'intention de tuer; celui qui a vendu au public des médicaments dangereux, ou en a conservé dans des intentions homicides. Est puni des peines portées par cette même loi celui qui hominem libidinis vel promercii causa castraverit. Est puni d'une peine spéciale celui qui s'est rendu complice d'un avortement » Il s'agit là, il est vrai, de crimes de droit commun ; mais ce sont des crimes dont le soupçon a effleuré plus d'un médecin célèbre sous l'Empire. La responsabilité civile des médecins était engagée par la loi Aquilia, de l'an de Rome 468, qui réprimait le dommage causé, dalnnum injuria datant, et, par suite, ouvrait une action ayant pour but principal une indemnité'. Le dommage doit avoir été causé injuria ; donc, si le malade est mort par hasard, ou par force majeure, le médecin est indemne' ; mais la loi atteint même la faute la plus légère, imprévoyance, ignorance, maladresse. Ainsi le médecin qui, venant d'opérer un esclave, n'a pas surveillé les suites de l'opération et l'a laissé mourir, est civilement responsable. Une opération mal faite, un remède ou un clystère administré mal à propos, avec une substance dangereuse, l'application d'un onguent nuisible, sont autant de dommages commis injuria'. En cas de mort ou de mise hors de service d'un esclave, le médecin maladroit supporte une indemnité égale non seulement à la valeur de l'esclave, mais aux pertes accessoires que le maître a subies et aux gains dont il a été frustré. La responsabilité des médecins n'était pas engagée, en vertu de la loi Aquilia, s'il s'agissait de dommages causés à un homme libre ; toutefois, la jurisprudence suppléa à cette lacune; l'homme libre fut lui-même investi de l'action, qui pouvait passer à ses héritiers'. La loi admettait également que le médecin esclave prit s'obliger au civil par ses délits ; son maître était responsable dans la limite de la valeur de l'esclave, qu'il pouvait abandonner au plaignant pour faire lever la poursuite '. Les sages-femmes et femmes-médecins (obsteh'ires zTeaetaè étaient soumises aux mêmes responsabilités que les hommes 2. Entre cette législation sévère et les plaintes de Pline, la contradiction n'est peut-étre qu'apparente. D'abord, il a fallu du temps pour que la jurisprudence se constituét sur ces délicates questions; en second lieu, les condi VI. fions actuelles de la responsabilité médicale en Europe suffisent à montrer combien la « faute grave » est difficile à définir et à établir. Les plaintes contre l'irresponsabilité des médecins n'ont pas cessé depuis qu'ils sont obligés, par la loi, de posséder un diplôme; ceux qui exercent sans licence sont souvent poursuivis pour exercice illégal de la médecine, mais bien rarement condamnés au civil pro damno injuria data. VI. Spécialités et spécialistes. En Égypte, oit les médecins étaient très nombreux, au point qu'on disait que tous les Égyptiens étaient médecins Hérodote assure qu'il y avait un médecin pour chaque maladie et chaque organe (yeux, dents, estomac); aucun médecin ne s'occupait de plusieurs affections 70. Ce goût des Égyptiens pour la spécialisation du savoir médical se constate encore à l'époque romaine. Un médecin, sur un papyrus de Berlin, parle de TpauuxTOOEpa;CEÛEty ; il était donc un TpauuaTOEpa7rt(T't)ç, médecin des blessures, ce qui est l'équivalent du nom que l'on donnait à Rome au médecin grec Archagathos, vulnerarius. Un papyrus de Londres mentionne aussi un i'TpoxaérsTyiç, médecin opérant des cautérisations ". Si l'on en croyait Cicéron, la Grèce, à l'époque d'Hippocrate, n'aurait pas encore connu de spécialistes soignant, les uns des maladies internes, les autres des blessures, d'autres encore les yeux 12. Mais Cicéron est probablement dans l'erreur. Déjà, en effet, dans les poèmes homériques, on trouve constituée la chirurgie militaire, qui s'occupe principalement de plaies et dont il sera question plus loin avec détail (5 Xl). En second lieu, l'auteur de l'É'thiopide, Arktinos, distinguait la médecine de la chirurgie, puisqu'il faisait de Machaon un chirurgien et un médecin de Podalire 13. Une grossière plaisanterie d'Aristophane J' semble indiquer que, dès le ve siècle, il y avait des spécialistes des maladies du rectum. Il faut attacher plus d'importance au passage du Serinent hippocratique, où il est question de spécialistes qui pratiquent l'opération de la pierre et auxquels le médecin s'engage à en laisser le soin. Toutefois, l'interprétation de ce texte prête à quelque incertitude et l'on a pu se demander si l'opération interdite n'est pas plutôt la castration, considérée dès lors comme incompatible avec les devoirs moraux des médecins 13, Mais on doit faire observer, à l'appui de l'interprétation ordinaire, que la lithotomie est restée une spécialité souvent héréditaire, même dans la Grèce moderne (cf. plus haut, § III)t6. La médecine des gymnases a constitué une véritable spécialité depuis le développement de l'éducation athlétique en Grèce 17. II fallut de tout temps, dans les palestres, une personne capable de parer d'urgence aux accidents, foulures, fractures, luxations, contusions, qui s'y produisaient à chaque instant". Les préposés des gymnases acquéraient à cet effet, les connaissances nécessaires; mais ils devaient aussi développer avec méthode les forces de leurs élèves et proportionner leurs efforts à leur état physique. Le pédotribe fut donc à la fois un hygié 211 MEI) 167G MED L'anatomie fit des progrès considérables à Alexandrie sous Ptolémée Philadelphe, grâce surtout à Érasislrute et à Hérophile, l'un et l'autre élèves de Chrysippe de Cnide. Ilérophile donna le premier manuel opératoire pour les dissections; c'est à lui aussi que la science grecque est redevable d'une connaissance assez précise du système nerveux'. Non seulement Erasistrate et Hérophile purent librement disséquer des cadavres, mais Celse assure qu'Hérophile obtint la permission d'ouvrir le corps de criminels vivants 2 ; Tertullien s'en indigne 3 et se demande s'il faut qualifier un tel homme de médecin ou de boucher (laniu.s). Mais il ne semble pas que les grands anatomistes d'Alexandrie aient trouvé beaucoup de continuateurs. A Alexandrie même, l'art de la dissection resta en honneur jusqu'à l'époque de Galien; toutefois, la dissection des cadavres humains n'était nullement encouragée". L'école empirique, contemporaine des débuts de l'ère chrétienne, contestait en principe l'utilité des vivisections et des dissections °. Daremberg, à l'exemple de Cuvier et d'autres savants, n'a pas hésité à affirmer sans réserves que Galien n'a jamais décrit, d'après nature, un cadavre humain, mais qu'il a toujours reproduit l'anatomie d'un autre animal, en particulier du singe. Ce sont des singes qui lui ont fourni ses descriptions ostéologiques et myologiques; pour la splanchnologie, il a combiné les informations que lui fournissaient les carnassiers et les ruminants. Il est avéré que Galien a disséqué des singes, des ours, des porcs, des solipèdes, des ruminants, un éléphant, des oiseaux, des poissons et des serpents ; il avait aussi pratiqué des vivisections sur des animaux et fondé ainsi la médecine expérimentale °. Du reste, Galien essaie si peu de dissimuler l'origine de son savoir anatomique qu'il recommande de noyer (au lieu d'égorger ou d'étrangler) les animau.r destinés aux recherches de ce genre. L enseignement de l'anatomie consistait à montrer aux étudiants un homme nu et à leur désigner l'emplacement des organes et des viscères ; après quoi. pour préciser la leçon, on disséquait des animaux Rufus d'Éphèse reconnaît que cette méthode expose à des erreurs et que la dissection des cadavres humains fournissait autrefois (c'est-à-dire e l'époque d'IIérophile) des connaissances plis exactes". Même les exercices pratiques de pansement se faisaient d'ordinaire, dans les écoles, sur des mannequins de bois plutôt que sur le vivant ou le cadavre °. Celse considérait la dissection des cadavres comme indispensable à la science, mais protestait, avec raison, contre les vivisections qu'Hérophile avait pratiquées à Alexandrie et qu'il trouvait à la fois cruelles et inltiles10. On semble s'être inspiré, à Rome, des scrupules de Celse plutôt que de ses conseils. Galien raconte que les médecins qui accompagnaient l'armée romaine dans la guerre contre les Marcomans furent autorisés à disséquer les ennemis morts, mais que leur manque de préparation les empêcha de tirer parti de cette circonstance Il y a là une preuve, non seulement de la faiblesse des études anatomiques à cette époque, mais (le la difficulté qu'on éprouvait en général à se procurer des cadavres pour la dissection. Bientôt il devint même dangereux de disséquer des animaux, car, en le faisant, on s'exposait, comme Apulée, à l'accusation de magie72. V. Liberté de la profession médicale; responsabilité des médecins. L'antiquité n'a pas connu les diplômes d'État ou d'Université conférant le droit d'exercer la médecine ; chacun était libre de se dire médecin et d'agir en conséquence. La situation était la même, à cet égard, en Grèce et à Rome, où, comme dit Montesquieu, tt s'ingérait dans la médecine qui voulait 13 ». Aux yeux de la loi romaine, est médecin quiconque, homme ou femme, libre ou esclave, exerce la profession médicale. Le savetier famélique du fabuliste Phèdre, qui s'improvise médecin et marchand de drogues, ne devait pas être une exception 14. Galien se plaint des médecins qui, sachant à peine lire décrire, méprisant les études théoriques, en particulier l'anatomie et la physiologie, ne songent qu'à se créer une clientèle de dupes, alors qu'ils étaient, hier encore, cordonniers, forgerons ou charpentiers". Les conséquences de cet état de choses ont été signalées amèrement par Pline. « La médecine, dit-il, est le seul métier où l'on en croie tout d'abord quiconque se dit expert, quoique jamais l'imposture ne soit plus dangereuse'". » Il est vrai que, suivant Horace", alors que les pharmaciens et les médecins pratiquent le métier qu'ils ont appris, tout le monde, ignorant ou docte, se mêle d'écrire des vers; niais la paraphrase de ce passage par Perse te prouve qu'il n'y avait d'autre sanction que celle de l'opinion publique contre ceux qui exerçaient la médecine sans qualité. L'irresponsabilité des médecins, souvent accusés de tuer les malades, est également déplorée par Pline : « Il n'y a aucune loi qui châtie l'ignorance, aucun exemple de punition capitale. Les médecins apprennent à nos risques et périls ; ils expérimentent et tuent avec une impunité souveraine, et le médecin est le seul qui puisse donner la mort. Bien plus, on rejette le tort sur le malade ; on accuse son intempérance et l'on fait le procès de celui qui a succombéf3. » Mêmes plaintes chez les auteurs grecs : les médecins sauvent ou laissent mourir leurs malades, certains toujours de recevoir un salaire ; médecins et avocats peuvent tuer les gens sans en subir les conséquences, etc. 20. Si Aristote dit que le médecin doit rendre compte à d'autres médecins, cela signifie seulement, d'après le contexte, que tout spécialiste est soumis à l'appréciation de ses pairs". Un passage d'Antiphon atteste formellement l'irresponsabilité des médecins dans l'exercice de leur profession 22. D'autre part, il MED 16'/5 MED la transmission de certaines pratiques théurgiques. Mais il semble bien, comme nous l'avons dit plus haut, que la médecine scientifique et rationnelle pénétra avec le temps dans les Asclépieia. M. Herzog' a récemment supposé que, sous l'Empire, lorsqu'on sentit le besoin d'avoir à Rome des médecins romains et non plus seulement des Grecs, des Romains de bonne famille vinrent étudier à l'Asclépieion de Cos et y constituer une confrérie religieuse. Cela est possible; mais le caractère religieux d'une confrérie d'étudiants à Cos ne préjuge en rien celui de l'enseignement qu'ils y recevaient. IV. Insuffisance des études anatomiques. Au,jourd'hui, comme depuis deux siècles au moins, l'enseignement de la médecine a pour condition essentielle la pratique de la dissection, la fréquentation des amphithéâtres. Dans l'antiquité, les moeurs et les préjugés religieux, à défaut des lois, rendaient la dissection des cadavres humains très difficile ' ; on se contentait presque partout de disséquer des animaux Ainsi s'explique l'insuffisance des connaissances anatomiques chez les anciens et les erreurs que les plus illustres représentants de la science grecque ont accréditées sur ce sujet. Il était plus facile de se procurer des squelettes que des cadavres, et c'est pourquoi l'ostéologie des anciens vaut mieux que leur anatomie. On montrait à Delphes un squelette de bronze dédié par Hippocrate' ; des modèles semblables devaient être employés dans les écoles, et nous en possédons quelques exemplaires dont la destination pouvait d'ailleurs être différente'. Le Musée du Vatican conserve deux modèles en marbre, représentant, l'un, la partie antérieure d'un thorax, l'autre, l'intérieur d'un corps humain'. Ce dernier est d'une inexactitude anatomique vraiment monstrueuse; il est évident que le sculpteur n'avait vu et n'a reproduit que l'intérieur du corps d'un ruminant. Les ex-voto en bronze ou en terre cuite, qui représentent des viscères ou des parties internes du corps humain, témoignent de connaissances anatomiques vagues ou erronées. De même, les auteurs de squelettes, tant sculpteurs que ciseleurs et mosaistes, ont commis des fautes qui accusent l'insuffisance de leurs études 7. Nous ignorons de quelles connaissances disposait Cléarque de Soli, élève d'Aristote, qui avait écrit un ouvrage d'ostéologie (noF( ex[)nTmv) a ; mais les détails où entre Galien sur les quelques squelettes qu'il a pu étudier et les circonstances qui les ont mis à sa disposition prouvent qu'à son époque encore la manipulation des ossements humains soulevait de sérieuses difficultés 9Chose plus grave : le squelette décrit par lui dans son traité élémentaire sur les os paraît être, en partie du moins, celui d'un singe et non d'un homme10 I En ce qui concerne les recherches anatomiques, on a fait valoir que tous les cadavres, chez les anciens, n'étaient pas protégés par une sorte d'inviolabilité religieuse : il y avait des esclaves, des étrangers, des criminels, des inconnus décédés en plein air, des enfants exposés, des gladiateurs blessés, enfin des ennemis tombés sur les champs de bataille, dont les restes pouvaient être traités avec moins de ménagement". Mais le fait qu'il était possible de disséquer des hommes n'implique nullement qu'on ait souvent profité des occasions qui s'offraient. Hérodote 12 parle bien d'observations ostéologiques faites à Platées longtemps après la bataille, lorsque les corps étaient déjà réduits à l'état de squelettes; mais la trouvaille de ces ossements fut due au hasard et personne ne songea à disséquer des Perses au lendemain de la tuerie qui en avait été faite. Les auteurs hippocratiques ont certainement disséqué des animaux en grand nombre et tenté, de loin en loin, quelques recherches sur les hommes ; ainsi il est question d'une opération de la moelle épinière qu'il est possible, au dire de l'écrivain médical, d'exécuter sur le mort, mais non sur le vivant11 ; on trouve aussi la mention d'un coeur humain extrait d'un cadavre et même d'une recherche instituée in ntortuo pour établir le siège et la nature d'une maladie". Ce sont là, d'ailleurs, des témoignages exceptionnels. On a cité à tort un texte de Chalcidius, pour alléguer qu'Alcméon, élève de Pythagore, avait le premier osé pratiquer une dissection" ; il s'agit de l'exsectto de l'oeil, et les études anatomiques d'Alcméon, attestées d'autre part, n'ont dû porter que sur des animaux 18. Un médecin de l'école hippocratique du ive siècle, Dioclès de Caryste, avait écrit sur la dissection; Galien lui reproche d'avoir commis à ce sujet de nombreuses erreurs 17, et les fragments qui nous restent de ses oeuvres semblent établir qu'il n'avait guère disséqué que des animaux". Il en fut probablement de même d'Aristote, bien que les comparaisons, assez fréquentes et parfois exactes, qu'il fait entre le corps des animaux et celui des hommes, inclinent à croire qu'il ait vu disséquer quelques cadavres 19, On a aussi insisté sur un passage de ce philosophe "0, d'où il ressort, comme nous l'avons vu plus haut, que l'on ouvrait parfois les corps de personnes mortes de certaines maladies à la fin d'en rechercher la nature; mais cela ne veut pas dire qu'on poussât cette étude toujours répugnante au delà de ce qu'imposait la nécessité immédiate du diagnostic. Mien ne peut prévaloir contre le témoignage d'Aristote lui-même, suivant lequel les parties internes du corps humain sont moins connues que celles des ani MED 1674 MED dit-il ; je l'ai maintenant'. » Philostrate raconte que Philiscus, étant malade, reçut la visite de deux médecins, Séleucus et Stratoclès, qui n'amenèrent pas moins de trente étudiants auprès de son lit 2. Aussi Galien recommandait-il à ses élèves d'éviter tout bruit de pieds ou de conversation qui pourrait gêner ou énerver le malade ; ils devaient veiller aussi à ne pas l'incommoder par une haleine trop forte et, à cet effet, s'abstenir d'oignon ou d'ail et ne pas boire trop de vin avant la visite 3. La nature et la durée de l'enseignement (ô1iacxa)dct) que les élèves recevaient de leurs maîtres nous sont également mal connues .Hippocrate distingue trois espèces d'enseignements, qu'il appelle 7CapayyE),(Il (les préceptes, sans doute la médecine et la chirurgie usuelles), txpéactç (l'enseignement oral) et ),onrq p.,ZOs atç (le reste de l'enseignement). Aristote dit que ceux qui abordent les études médicales dans un esprit philosophique (oi Cpt),o69.4 ipto4 T';Iv Tiyvr(v ,u.ETt(iVTEç) commencent par l'étude des sciences naturelles 0 ; ce qui implique que la plupart des médecins ne s'imposaient pas cet apprentissage. Galien raconte que Thessalus de Tralles, sous Claude, prétendait pouvoir former un médecin en six mois, d'après les principes de l'école méthodique ; pendant ce laps de temps, il se faisait accompagner d'une troupe d'élèves sans préparation scientifique, auxquels il permettait ensuite d'exercer leur art Mais il est évident qu'une éducation médicale ainsi donnée et reçue semblait tout à fait insuffisante ; Galien avait lui-même poursuivi ses études pendant onze ans'. Sous le Bas-Empire, la durée normale des études médicales paraît avoir été de cinq ans : c'est ce qu'on peut conclure de l'Isagoge in artem medicam attribuée à Soranus' qui fait commencer les études médicales à quinze ans, alors qu'on sait que l'étudiant d'alors était censé avoir terminé son apprentissage à vingt ans 10. De ce qu'Athènes et d'autres villes possédaient des médecins publics rétribués, il ne s'ensuit pas qu'elles rétribuassent leur enseignement. Nous savons très peu de chose touchant l'organisation des grandes écoles médicales de l'antiquité. Il y avait peut-être à Cos, depuis l'époque de Ptolémée Philadelphe, une sorte d'université ayant pour noyau l'école de médecine, qui fut le séminaire de celle d'Alexandrie l'. Cette dernière fut particulièrement florissante au n° siècle av. J.-C. Ptolémée Evergète II (Physcon, 171-167), par haine de son frère Philométor, chassa d'Alexandrie beaucoup de savants, entre autres des médecins, qui se répandirent en Grèce, en Asie Mineure et dans les îles, où ils fondèrent de véritables colonies de l'école d'Alexandrie u. Vers le Ier siècle av. J.-C., Hikésios fonda une école à Smyrne 73 ; d'autres Alexandrins émigrés en établirent une autre à Laodicée qui, du temps de Strabon 14, avait pour centre le temple de Mên Karou et pour chef Zeuxis, commentateur d'Hippocrateft. L'école de Pergame, à laquelle appartenait Galien, se rattache également à celle d'Alexandrie's ; il en est probablement de même des autres écoles de l'époque romaine, celles d'Antioche, de Berytos, d'Athènes, de Marseille, de Lyon, de Bordeaux, etc. f7. A Rome, les premiers maîtres de médecine furent des médecins grecs immigrés, qui professaient et formaient des apprentis moyennant salaire. On• a pensé qu'il existait sous l'Empire une schola medicorum, qui possédait un édifice à elle sur l'Esquilin et dont une inscription ligorienne mentionne le secrétaire, tabularius 10 ;mais, outre que l'inscription est suspecte, le rôle de cette schola, qui pouvait être un simple lieu de réunion, est inconnu et l'on n'est nullement autorisé à y voir une sorte de Faculté de médecine. C'est à partir de Vespasien seulement que les professeurs de médecine furent rétribués par l'État ; encore cela n'est-il pas dit expressément dans le passage de Suétone qui parle de l'institution, par ce prince, de salaires pour les rhéteurs grecs et romains Mais on peut croire, avec Briau, que Vespasien en fit autant pour les médecins, car une loi du Digeste atteste que cet empereur confirma les privilèges accordés aux grammairiens, aux rhéteurs, aux médecins et aux philosophes, qu'il mettait, par conséquent, sur le même rang et qu'il honorait d'une égale bienveillance20. Hadrien, au dire d'Aurelius Victor2', institua une école des arts libéraux dite Athenaeum; mais il n'est pas certain que la médecine y fût représentée. Il faut aller jusqu'à Alexandre Sévère (223-`'3à) pour trouver la preuve formelle d'un enseignement de la médecine à Rome. L'empereur attribua des traitements aux rhéteurs, aux grammairiens, aux médecins, leur fournit des locaux pour faire leurs cours et décida que des enfants pauvres, de condition libre, les suivraient en qualité de boursiers". On a prétendu, mais sans preuve, que ces professeurs de médecine étaient des archiâtres ; la désignation d'archit2tres scolaires, proposée par R. Briau, est fort sujette à caution. De même, il est possible, mais nullement certain, que les médecins publics des villes de l'Empire, rétribués en qualité d'archiâtres, fussent chargés d'un enseignement officiel. Ce qui parait bien avéré, toutefois, c'est qu'ils enseignaient ; on en trouve la preuve dans une loi de Constantin, insérée au Code théodosien, qui, confirmant les bienfaits d'empereurs précédents, exempte de charges les médecins et professeurs de lettres, afin qu'ils puissent plus aisément former de nombreux élèves aux études libérales et aux arts qu'ils pratiquaient (quo facilius liberalibus studiis et memoratis artibus multos instituant)13. Ainsi l'enseignement existait, et n'existait pas seulement à Rome2S ; il était aussi encouragé par l'État ; mais le doute subsiste sur la nature et l'étendue de ce patronage officiel. Il ne peut guère être question d'un enseignement de la médecine sacerdotale, car on ne saurait qualifier ainsi MED 1673 MED Il est à peine besoin de dire que beaucoup de Grecs libres vinrent exercer la médecine à Rome; nous verrons plus loin à quelles hautes situations quelques-uns d'entre eux sont parvenus. Jules César conféra le droit de cité à ces étrangers reconnus indispensables et dont on désirait que le nombre s'accrût encore' ; plus tard, ils participèrent aux privilèges et aux exemptions de charges accordés aux médecins publics et aux professeurs (voir § )(VI). En principe, un médecin affranchi ne doit ses soins gratuits qu'à son patron. Toutefois, le patron peut employer son affranchi médecin à soigner gratuitement ses amis2 et, s'il est pauvre, il peut louer les services médicaux de son affranchi Enfin, si le patron est médecin, il peut se faire accompagner et aider par son affranchi; il peut aussi lui interdire l'exercice de la médecine pour éviter une concurrence préjudiciable'. Les médecins grecs de Rome étaient surtout originaires de Grèce et d'Asie Mineure, où les écoles de Pergame et de Smyrne brillaient d'un vif éclat; il est cependant aussi question de médecins d'Égypte, comme celui que Néron fit venir pour traiter son ami le chevalier Cossinus, qui était attaqué du lichen', et le médecin-masseur de Pline le Jeune, llarpocras L'école médicale d'Alexandrie conserva sa haute réputation pendant tout l'Empire et l'on voit, par l'exemple de Galien, que les jeunes médecins allaient y compléter leur éducation. Au ive siècle encore, le fait d'avoir étudié à Alexandrie suffisait à recommander un médecin'. III. Éducation et formation des médecins. Nous avons vu que la science médicale avait d'abord été héréditaire dans le ,(É'toç des Asclépiades ; iL en fut probablement de même dans d'autres familles, où se transmettaient, de père en fils, des connaissances empiriques relatives à l'art de guérir. De cette hérédité de la profession médicale, il y a des traces même à une époque tardive. La grande famille hippocratique des Asclépiades de Cos subsista pendant trois siècles (585-'286)'. Le médecin Andromaque le jeune était fils d'Andromaque I°°, archiàtre de Néron 0. Le médecin Ménocrite, honoré à Carpathos10, et le médecin Attale, honoré à Éphèse'', appartenaient à des familles médicales. Une inscription de Galatie fait connaitre un archiàtre fils d'un médecin estimé, itpb a[xvrosv 6T.ouiai9ç". Glycon, médecin de Pergame, célèbre en vers pompeux la mémoire de son père et maître Philadelphos ; Alexandre de Tralles était fils du médecin Stephanos ". Toutefois, dès avant l'époque d'Hippocrate, comme l'atteste le fameux Serinent les diverses écoles d'Asclépiades avaient admis, à titre d'apprentis ou d'élèves payants, des hommes libres n'appartenant pas au'ivoç (ni«) Tov 'ivous)1u. Ces derniers devaient s'engager à observer la piété envers leur maitre, à considérer ses enfants comme leurs frères et à leur enseigner la médecine sans rétribution. Ainsi la confrérie se substitua de bonne heure à la famille; l'apprenti agréé, reçu dans la communauté professionnelle, devenait un frère adoptif des Asclépiades, %i ~iEA((i I6'(I.ÉVOç ITT2éç. Dans la Grèce moderne, suivant le témoignage de M. Alex. Bertrand, il y avait encore récemment des vestiges de l'hérédité de la profession médicale et de la méthode d'enseignement domestique, comme aussi de la médecine ambulante des périodeutes 16. Les habitants d'une vallée du Pinde, le Zagori, passaient pour naître médecins et chirurgiens à la fois; les fils succédaient aux pères et, à défaut des fils, des parents ou des étrangers s'engageaient dans la famille à titre d'élèves ou de domestiques, ce qui revenait à peu près au méme. De ces médecins, les uns étaient rebouteurs, les autres herniaires; il y en avait qui pratiquaient avec succès les opérations de la cataracte ou de la pierre On les trouvait parcourant les villes de l'Orient, où ils se créaient rapidement une clientèle. Après avoir travaillé de la sorte en divers pays, ils revenaient se reposer et vieillir, riches souvent, dans le village qui les avait vus naître. A Athènes, au ve siècle et plus tard, le médecin, public ou privé, a des apprentis et des auxiliaires libres, thaOryTaC, G7 rlpéTat, outre les esclaves qui le secondent également17. Pour faire l'éducation médicale d'un jeune homme, on le plaçait chez un médecin habile auquel il payait une redevancel8 ; tel fut le cas de Timarque, qu'Eschine nous montre allant s'installer dans l'officine d'Euthydique au Pirée, absolument comme un interne des hôpitaux actuels 13. L'apprenti accompagnait son maître dans ses visites, devenait son remplaçant (6d.èo'Oç) en cas d'absence, pouvait même étre délégué par lui en temps d'épidémie t0 ; surtout il se formait sous ses yeux, dans l'officine, au diagnostic et au pronostic, à toutes les opérations manuelles, telles que saignées, pose de ventouses 21, applications de clystères, ainsi qu'à celles de la chirurgie proprement dite 22. Comme de nos jours, le médecin pouvait confier à un élève avancé la garde d'un malade, pour surveiller et diriger le traitement". Un passage assez obscur d'Aristote2't désigne sous le nom d'âpyITexTovtxéç le médecin qui a des auxiliaires, le médecin dirigeant; il le distingue du i' atoup'6ç, simple praticien (?) et du aaaatôeuy.ÉVOç Irepl T'jv TÉ,y'rriV, qui serait plutôt un médecin amateur 2;,. Galien se sert aussi de l'expression àpytxbç ixTods et compare le médecin en chef à l'architecte qui dirige une construction 26. Les médecins grecs à Rome avaient également des affranchis qui étaient leurs apprentis et leurs auxiliaires, et qu'ils conduisaient, parfois en trop grand nombre, au chevet des malades. Martial se plaint d'avoir été non seulement visité, mais touché par cent mains glacées d'élèves qui accompagnaient Syrnmachus : « Je n'avais pas la fièvre, MED 1 672 MED médecins égyptiens en Grèce remonte au delà de l'époque homérique ; on a cependant exagéré leur influence sur les débuts de la médecine scientifique en Grèce. Pline l'Ancien prétend que Rome a vécu, pendant six siècles, sans médecins, sinon sans médecine 2. Cela signifie qu'elle ne possédait pas de médecins formés dans les écoles grecques ; mais elle ne pouvait se passer ni d'empiriques ni de sages-femmes, ni de chirurgiens militaires, dont la condition nous est d'ailleurs inconnue 4. D'autre part, les riches durent avoir de bonne heure des esclaves médecins d'origine grecque °. En 217 av. J.-C. arriva à Rome un médecin grec, le péloponnésien Archagathos, fils de Lysanias ; le Sénat lui accorda le droit de cité et lui acheta, des deniers publics, une officine sur le carrefour acilien. Sa spécialité le fit qualifier de vulnerarius (médecin des plaies)'. Au début, son succès fut grand, mais sa hardiesse à couper et à brûler souleva bientôt une vive opposition, au point qu'on le traita de bourreau et qu'il dut quitter la ville. Archagathos, en sa qualité de Grec, était probablement un protégé de Scipion et, à ce titre, fort mal venu des vieux Romains, dont Caton était le porte-parole. Ce dernier, qui pratiquait la médecine dans sa famille à l'aide d'un vieux livre de recettes, rempli de formules absurdes et d'incantations, haïssait d'autant plus les médecins grecs qu'il les soupçonnait de ne pas vouloir donner leurs soins à des barbares, comme on le racontait d'Hippocrate, et d'avoir conjuré de les faire périr 8. Il interdisait formellement à son fils de recourir à leurs conseils. Malgré ces résistances, l'afflux des médecins grecs s'accrut avec les progrès de l'hellénisme en Italie' et, du temps de Pline, i1 y en avait un grand nombre. Mais cet écrivain nous dit expressément que la médecine est le seul art dont la gravité romaine se soit détournée, quelque lucratif qu'il soit; peu de Romains (c'est-à-dire de citoyens romains de naissance) s'en sont mêlés et ceux-là même se sont faits Grecs aussitôt. « Bien plus, ajoute-t-il, il n'y a d'autorité, même chez les ignorants et ceux qui ne savent pas le grec, que pour les médecins qui écrivent dans cette langue ; et l'on a moins de confiance pour ce qui concerne la santé, si l'on comprend. » Le fait qu'un médecin exerçant en Italie porte un nom romain ne prouve nullement son origine romaine, car il pouvait être un esclave grec affranchi qui avait pris le nom de son maître, ou un Grec libre qui avait adopté un nom romain en recevant le droit de cité. Toutefois, Pline reconnaît lui-même qu'il y eut quelques médecins vraiment romains ; mais le nombre ne dut pas en être considérable, du moins jusqu'à la fin du 1Cr siècle 10. La majorité des médecins à Rome sous le Haut-Empire furent, semble-t-il, des esclaves grecs ou des affranchis. Au moment d'une famine, nous apprenons 11 qu'Auguste expulsa de Rome tous les étrangers et un grand nombre d'esclaves, à l'exception des médecins et des précepteurs ; c'est donc qu'il y avait beaucoup d'esclaves parmi les médecins. Il y en avait surtout dans les familles (servi medici, donlestici et fanziliares medici) 12 ; mais la dépendance où ils se trouvaient détruisait souvent chez eux toute initiative et les poussait à flatter les désirs de leurs maîtres plutôt qu'à combattre leurs maladies ". En 49 av. J.-C., L. Domitius Ahenobarbus avait pour médecin un esclave 14. Les esclaves attachés aux grandes maisons, en particulier à la maison impériale, sont souvent mentionnés dans les textes épigraphiques, par exemple dans les épitaphes du Columbarium de Livie, qui nomment un médecin et un chirurgien. Les esclaves médecins de la familia avaient pour chefs des affranchis dits superposilus medicorum ou supra snedicos". Il y avait aussi parmi les médecins des esclaves publics, auxquels était probablement confié le soin des autres esclaves de l'État10. Dans les exploitations agricoles considérables, on entretenait des esclaves médecins à demeure ; mais les petits propriétaires préféraient, du temps de Varron, en louer à l'année de leurs voisins''. Les affranchis médecins (liberti medici), comme les esclaves, étaient souvent attachés à des personnages de marque. Caton d'Utique avait pour médecin un affranchi 18 ; Antonius Musa, le médecin d'Auguste, était également un affranchi ". A Sidyma en Lycie, on lit sur un portique une dédicace de Tibère Claude Epagathos, médecin, affranchi de l'empereur 20. Une inscription de Magnésie21 a conservé le souvenir de Tyrannos, originaire de cette ville, qui avait été esclave de la famille impériale, attaché au service médical du palais, puis affranchi par Claude, dont il avait pris les noms. Il était probablement resté au service de Néron, car l'inscription parle des témoignages que les empereurs lui accordèrent pour sa science médicale et pour son caractère. Revenu dans sa patrie, il y jouit d'une haute considération; la ville de Magnésie décida qu'il serait reçu et traité en hôte public''. MED 1671 MED de faire justice de la phrase stéréotypée : Hippocrate, père de la médecine, et d'en débarrasser l'histoire'. » La théorie qui veut que les philosophes, en particulier ceux de l'Ionie et de la Grande-Grèce, aient contribué puissamment aux premiers progrès de la médecine2, ne paraît pas reposer davantage sur des fondements solides, bien qu'elle ait été admise, semblet-il, par un aussi excellent esprit que Celse Si les philosophes ont fait avancer la médecine, c'est en prenant conseil de ceux qui la pratiquaient ; ils ont pu être médecins en même temps que philosophes, mais non par l'effet des spéculations physiques ou physiologiques auxquelles ils se livraient, ni des jongleries que des traditions d'ailleurs peu certaines attribuent à plusieurs d'entre eux 5. On a cherché, de notre temps, à réhabiliter la médecine sacerdotale des Grecs et à montrer qu'elle s'inspirait souvent de principes rationnels 6, tels que l'influence salutaire de l'air pur, des bains, de la gymnastique, des jeûnes précédant le traitement médical', etc. Il est certain, en effet, que l'inscription découverte à Épidaure, où Apellas relate sa guérison, donne les détails d'un traitement diététique et psychique où le charlatanisme théurgique a peu de part 6, et que nombre d'autres témoignages du même genre nous ont été conservés par les auteurs, sans en excepter le névropathe Aristide. Mais ce qu'il y a de raisonnable dans la médecine sacerdotale est précisément ce qu'elle a emprunté à la médecine séculière ; le seul élément utile qu'elle y ait ajouté est ce que nous appelons aujourd'hui la suggestion, méthode curative commune à tous les charlatanismes, même à ceux des sauvages les plus incultes, et qui ne peut être considérée comme scientifique dans son principe, bien qu'elle tende à le devenir de nos jours. En somme, l'histoire de la médecine grecque atteste, depuis la plus haute antiquité, la puissance bienfaisante du rationalisme, et si, depuis l'époque alexandrine, elle s'est de plus en plus altérée par un mélange de moyens magiques et théurgiques, cela tient précisément aux atteintes profondes que reçut le génie hellénique du fait de sa diffusion dans des pays et chez des peuples où le rationalisme scientifique n'existait pas. Il faut également tenir compte, depuis le Ive siècle, de l'influence du mystique chrétien 16. H. État civil et nationalité des médecins. On peut dire, d'une manière générale, que les médecins grecs étaient pour la plupart des hommes libres, exerçant souvent en pays étranger ou dans des cités autres que la leur ; mais que les médecins romains, sous la République et le Haut-Empire, étaient d'ordinaire des affranchis ou des esclaves, de nationalité ou d'origine hellénique". A Athènes, l'exercice de la médecine paraît avoir été, en principe, interdit aux esclaves t". Cependant les médecins libres avaient des esclaves, qualifiés eux-mêmes de médecins, qui leur servaient d'auxiliaires et qui donnaient leurs soins à d'autres esclaves" ; des esclaves publics paraissent avoir été chargés des mêmes fonctions dans l'officine entretenue par la cité. D'autre part, il y avait des esclaves privés, possédant des connaissances spéciales, qui étaient les médecins de leurs maîtres ; Diogène esclave disait à son maître Xéniadès : « Si j'étais médecin, tu serais bien obligé, bien que mon maître, de m'obéir'. » Qn esclave du philosophe Chrysippe, Aristogène de Cnide, servit de médecin à Antigone Gonatast5. Une curieuse inscription de Delphes fait connaître le cas d'un esclave, affranchi sous forme de vente à la divinité, qui s'oblige à collaborer encore pendant cinq ans avec son maître dans l'exercice de la profession médicale, en recevant de lui le vêtement et le vivre". En dehors des médecins ambulants, qui voyageaient avec leurs auxiliaires de ville en ville, il y avait, en Grèce, beaucoup de médecins établis ailleurs que dans leur cité d'origine : tels furent l'Acarnanien Événor à Athènes", le Mégalopolitain Melankomès à Delphes13, Onasilos de Kition à Idalion", le Syrien Artémidore à Andros 20. On semble avoir pensé que le médecin, comme le devin, a plus de prestige ailleurs que dans son pays ; telle est, du reste, la substance d'un logion attribué à Jésus-Christ qui a récemment été découvert en Égypte "l. Alors que les Grecs allaient souvent exercer dans les contrées voisines, on trouve, en Grèce, peu de médecins venus du dehors ; toutefois, dans une lettre supposée d'Anacharsis, il est question de médecins égyptiens accueillis avec bienveillance à Athènes". La renommée des MED 1670 MED apprenons de même à considérer l'école hippocratique comme une étape dans le long développement de la médecine rationnelle, non pas « comme une oasis à l'extrémité du désert », et nous renonçons à faire d'Hippocrate l'auteur d'une révolution scientifique dont il n'a jamais réclamé l'honneur'. Dans les poèmes homériques 2, il n'est pas question de médecine sacerdotale. Si l'on a recours à des sacrifices pour fléchir les dieux qui déchaînent les épidémies, à des incantations et à des paroles magiques, la médecine et, en particulier, la chirurgie paraissent déjà fort développées (CHIRURGIA) 3. Les médecins ne sont pas des prêtres. Les « deux bons médecins », i7T~ô âyaA«i t, Machaon et Podalire, sont les fils du prince de Trikka et d'Ithone, Asklépios, lui-même bon médecin (âp.ulxlnv ï ~Tr p) et élève du centaure Chiron ; il y a aussi des médecins professionnels très estimés c qui, dans l'Ode sont comptés parmi les S-gµloEpyoC0. Pæon lui-même, le médecin des dieux, emploie, pour panser leurs blessures ', les mêmes procédés que les médecins militaires des Grecs 3. On a constaté que chez les peuples primitifs, les Hottentots par exemple, l'habileté chirurgicale est souvent très développée, alors que la thérapeutique des maladies internes est dans l'enfance"; de même, dans la Grèce homérique, il y a déjà des chirurgiens habiles, tandis qu'on a recours à la théurgie pour conjurer les épidémies 10. C'est par exception que, dans Homère, une blessure est traitée par une incantation"; partout ailleurs, la chirurgie remplit son office ". Nous possédons peu d'informations pour l'époque comprise entre l'épopée homérique et Hippocrate ; cependant Daremberg a pu montrer que les témoignages épars des auteurs de cette période (Pindare, Eschyle, Sophocle, Euripide) attestent l'existence de la médecine naturelle à côté de la médecine théurgique 13. L'opinion vulgaire que nous avons rappelée au début de ce paragraphe se fonde surtout sur la confusion, dénoncée par Rosenbaumf4 et Daremberg f6, entre les Asclépiades et les prêtres d'Esculape. La légende même des Asclépiades n'autorise pas cette confusion10 Le maître d'Esculape, Chiron, est, comme son nom l'indique, un chirurgien"; c'est, en même temps, un connaisseur des vertus des simples13. Esculape pratique la médecine et reçoit même des honoraires. Les fils d'Esculape, l'un médecin, l'autre chirurgien, s'établissent dans le Péloponnèse, à Rhodes et à Cos'"; leurs enfants y constituent la classe des Asclépiades, où la science se transmettait de père en fils20, mais pouvait aussi, sous certaines conditions, être révélée à des étrangers, qui devenaient Asclépiades par adoption". Ces Asclépiades n'étaient pas des prêtres", bien qu'ayant un culte familial commun, et ne traitaient pas les malades dans les temples, mais à domicile ou dans leurs cliniques. On sait que le grand Hippocrate était un Asclépiade de Cos ; il y avait alors d'autres écoles médicales à Rhodes23, à Crotone 24, à Cyrène" et à Cnide 20 Enfin, dans les villes et aux cours des princes, on rencontre, avant Hippocrate, des médecins publics ou pensionnés qui n'étaient pas des prêtres d'Esculape, mais des laïques initiés à leur art par des médecins laïques comme eux, Une tradition suspecte veut qu'Hippocrate. ait dû son savoir aux stèles et aux ex-voto déposés par des malades guéris dans le temple d'Esculape à Cos, avec l'indication de la nature de leur mal et du traitement qui en avait eu raison" ; on ajoutait qu'Hippocrate, pour dissimuler son larcin, avait mis le feu au temple de Cos 23. Cette histoire absurde a sans doute été inventée par les prêtres d'Esculape, jaloux des Asclépiades et désireux de faire passer leur maître pour un plagiaire. Depuis que nous connaissons, par les fouilles d'Épidaure, les récits des cures miraculeuses faits par des malades guéris [INCORATIo), nous ne pouvons plus prendre au sérieux la légende qui attribue à ces relations puériles une influence quelconque sur la constitution de la science médicale. Enfin, la vaste collection des écrits hippocratiques est là pour attester l'ancienneté de la médecine laïque en Grèce. Nulle part, comme le remarquait Daremberg, les auteurs de cette collection ne se donnent comme les premiers qui aient défriché le champ de la médecine ; presque tous parlent d'une médecine bien antérieure et quelques-uns renvoient à des livres aujourd'hui perdus 29. « Hippocrate est né dans un pays et à un moment où la médecine intervient dans presque toutes les circonstances importantes de la vie publique et privée, où elle sert de terme de comparaison pour toutes sortes de préceptes moraux et de doctrines politiques.... Il est temps MED 1669 MED représente le combat, de Thésée contre le taureau de Marathon avec Médée comme spectatrice', un cratère de Madrid'. un vase de Meidias au Musée Britannique '. Il n'y a pas de raisons suffisantes pour reconnaître Médée, connue on l'a voulu, sur deux vases de l'Italie méridionale qui ont pour sujet la représentation des Enfers E. Dü fitul écu. MEI)I AS'l'INI [scitsI . MEDIC.%MENTCM, MEI)LCAMEN. 47pj.1xov. Ces noms ne s'appliquent pas seulement aux remèdes en usage dans la médecine, mais, par suite de l'habitude que prirent les médecins de ne plus préparer eux-mêmes et de demander au commerce, tout fabriqués, les produits pharmaceutiques qu'ils fournissaient aux_ malades [MEDILus], les mêmes noms se sont étendus, en dehors de la médecine, à toutes sortes de substances, drogues, mixtures, parfums servant aux soins du corps et à la toilette, à la teinture et aussi à la composition des poisons, philtres et breuvages magiques tLNGLENTA, T1xC