Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article MARMOR

MARMOR. RMpiapog. Marbre. Les anciens avaient beaucoup écrit sur les minéraux ; ce sujet, auquel a touché Théophraste', fut repris à l'époque alexandrine par les auteurs de traités sur les Pierres, tels que Sotakos et Sudines 2 ; il est vrai qu'ils semblent avoir étudié plus particulièrement les pierres précieuses; cependant il est possible qu'ils eussent consacré une section aux marbres proprement dits, si l'on en juge par le livre XXXVI de Pline l'Ancien, où sont résumés leurs travaux souvent mêlés de beaucoup de fables 3. Au vile siècle, Isidore de Séville a écrit un chapitre de Marnloribus d'après des sources antiques, parmi lesquelles il faut peut-être ranger les Prata de Suétone 4. Chez les Grecs, l'emploi du marbre dans la sculpture a commencé de très bonne heure. Suivant Pline, il daterait des premières Olympiades, c'est-à-dire de l'an 775 environ Les récentes découvertes de l'archéologie ont permis de déterminer avec plus d'ordre et de précision les origines de cette partie de la technique. Il est établi aujourd'hui que les marbres des Cyclades, notamment ceux de Paros et de Naxos, furent mis en oeuvre dès l'époque dite mycénienne pour fabriquer des idoles et des vases grossiers, que l'on taillait sur place et qu'on expédiait ensuite dans la Grèce continentale; on en a trouvé même à Troie. Ce ne sont là que des essais informes; mais ils ont duré plusieurs siècles et nous font pénétrer bien au delà de l'ère des Olympiades'. En revanche, Pline s'est trompé dans le calcul des dates quand il place au début du vine siècle, et dans file de Chios, les premiers sculpteurs qui aient laissé un nom 7. C'est en réalité à la fin du vile siècle que l'on a commencé à tailler dans le marbre de véritables oeuvres d'art, et la plus ancienne école, ou au moins une des plus anciennes, dont Pline ne parle pas, naquit au milieu des Cyclades, dans file de VI. Naxos, célèbre, presque à l'égal de Paros, sa voisine, par ses beaux marbres 8. L'architecture mit plus de temps à adopter cette matière°. Jusqu'à la fin du vl° siècle les monuments publics eux-mêmes furent toujours construits en tuf calcaire. A cette époque on commença « à tirer parti du marbre, tout au moins dans certaines parties de l'édifice, sur lesquelles se portait tout naturellement l'attention. Parmi les débris des temples que Pisistrate et ses fils avaient élevés sur l'Acropole d'Athènes, on trouve à l'état de fragments des cimaises et des larmiers, qui sont faits soit de marbre du Pentélique, soit d'un marbre à gros grain que fournissent Paros et Naxos. C'est aussi dans ce marbre des îles qu'ont été taillées des tuiles, qui ont été trouvées avec ces morceaux de corniche et qui ont dû former la couverture de ces mêmes édifices10 ». Après les guerres médiques commencent, à Athènes, les grands travaux de restauration et d'embellissement; c'est alors que pour la première fois on construisit des monuments publics en blocs de marbre et qu'on mit largement à contribution les carrières de l'Attique. Cependant une matière si coûteuse n'entrait point encore dans la décoration des demeures privées, dont l'extrême simplicité contrasta longtemps avec la puissance et la grandeur de la nation [naMUS]. Vers le temps d'Alexandre" on commença à faire cas des marbres de couleur, des marbres veinés et tachetés ; Ménandre, « très fidèle peintre du luxe », parlait de ce goût nouveau dans plusieurs passages de ses comédies 12. On les rechercha avec une curiosité toujours croissante après la conquête macédonienne, au lue et au ne siècle, lorsque l'Asie et l'Afrique mieux connues envoyèrent avec plus de facilité leurs richesses naturelles sur les marchés du monde hellénique. On peut considérer comme probable que les Alexandrins contribuèrent beaucoup à développer le trafic des marbres rares. Chez les Romains, nous en pouvons suivre les progrès pas à pas ; au temps du vieux Caton, quelques riches personnages possédaient déjà dans leurs habitations de la ville et de la campagne des pavements en marbre de Numidie importés par les Carthaginois et appelés pour cette raison « pavimenta poenica », mais aussi faisaient-ils scandale''; il faut aller jusqu'à l'an 1/4614, et même, suivant d'autres, jusqu'à l'an 103" pour voir le marbre entrer dans la construction ou la décoration des édifices publics. Encore est-il probable que les colonnes et autres pièces affectées à cet usage étaient des dépouilles de la Grèce, que des généraux romains transportèrent toutes taillées dans la capitale. Quand l'orateur Crassus, consul en 95, fit placer dans sa maison six colonnes en marbre de l'Hymette, ce fut un événement". Mais son exemple fut bientôt suivi et dépassé ; à la fin de 201 MAR 1596 MAR donnait le nom d'elenchi à celles qui étaient piriformes, celui de crotalia à celles qui, groupées par le bijoutier à l'aide de petites chainettes, imitaient en se heurtant le bruit des castagnettes pour l'oreille à laquelle elles étaient suspendues On en estimait aussi la couleur, et il semble que les perles les plus appréciées aient été celles qui avaient une blancheur parfaite 2. On savait les percer pour les suspendre en pendants d'oreilles ou les enfiler en chapelet comme grains de colliers ; le collier simple avait le nom de monile; celui qui était à double rangée (linea, linum, filum) de perles s'appelait dilinum ; celui qui avait trois rangs, était le trilinum 3. On embatait parfois les perles dans des alvéoles sur les parois des produits les plus précieux de la bijouterie; on les cousait sur les tissus. Les anciens savaient aussi les scier en deux parties pour enchâsser chaque hémisphère sur le métal. La perle était traitée comme une gemme, et Isidore de Séville la définit encore : prima candidarum gemmarum 4. Cicéron reproche à Verres d'avoir fait main basse en Sicile sur toutes les gemmes et sur toutes les perles 5. Jules César consacra à Vénus Genitrix une cuirasse constellée de perles de Bretagne Néron poussa la folie jusqu'à garnir d'uniones des lits qu'il emportait en voyage Sur les murs de sa maison dorée la nacre de perle (unionum conchis) et les pierres précieuses étaient partout mêlées à l'or 8. Lollia Paulina, femme de Caligula, était couverte de perles et d'émeraudes, parure évaluée à 40 millions de sesterces'. Les dames romaines avaient des perles sur leurs vêtements, à leurs colliers, à leurs épingles de cheveux, à leurs diadèmes, à leurs pendants d'oreilles et jusque sur leurs chaussures ; les courroies de leurs crepidae en étaient ornées ; ce luxe prit les proportions d'une passion désordonnée contre laquelle fulminent les moralistes 10. Les Perses, au temps de Julien l'Apostat, portaient, comme les matrones romaines, des colliers, des pendants d'oreilles et des bracelets enrichis de perles et de pierreries". Le mot margarita était employé hyperboliquement pour désigner tout ce qu'on avait de plus cher au monde, un enfant préféré par exemplef2. Sur la valeur des perles et ceux qui ne la savaient pas apprécier on connaît le mot proverbial et souvent cité de saint Mathieu" : Neque mittatis margaritas vestras ante portos. Il nous est parvenu un très grand nombre de bijoux romains dans l'agencement desquels entrent des perles : ce sont le plus souvent des colliers, des pendants d'oreilles, des ornements pour les cheveux. Il serait superflu d'en citer des exemples ; tous les grands musées en possèdent14 On décorait de perles jusqu'aux statues". La tiare des rois de Perse était ornée de multiples rangs de perlesf6 ; il commença à en être de même (lu diadème impérial à partir de Caracalla [DIADEMA, et fig. 2340]. Ce fut l'usage le plus ordinaire après Constantin; seulement, il est difficile de dire, d'après les effigies monétaires, si les globules dont le diadème impérial est orné sont de véritables perles ou des pierres précieuses : c'était probablement un agencement des unes et des autres. La même incertitude règne sur la nature de la décoration perlée de la tête et du buste de l'impératrice Theodora, sur les célèbres mosaïques de Saint-Vital de Ravenne 17. Dans les grandes maisons romaines, le soin du mobilier et de l'intérieur des appartements était confié à l'atriensis, intendant qui avait sous ses ordres un certain nombre d'esclaves inférieurs, au nombre desquels figurait le surveillant ad margarita, c'est-à-dire le gardien des perles et joyaux13 Le commerce des perles à Rome était si important qu'il formait la corporation des margaritarii. Les officinae margaritariorum étaient installées sur le Forum, dans le voisinage des tabernae argentariae ; il y en avait aussi sur la voie Sacrées'. D'ailleurs, le mot margaritarius ne désignait pas seulement les joailliers, marchands et monteurs de perles, il s'appliquait aussi aux pêcheurs et aux gardiens des joyaux et bijoux perlés20. E. BA11ELON.