Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article MANTUS

MANTUS. Au dire de Servius', les Étrusques désignaient ainsi un dieu analogue au Dis Pater des Latins [Dis PATEi, Fi e, 326, e5. ce. e'est-à-dire le souverain du monde infernal. On a plusieurs fois essayé de l'identifier avec tel oit tel des personnages mythologiques qui figurent sur les monuments funéraires [FeNDS, INMUj. Suivant O. ü9üller2, Mantus ne serait autre chose qu'un de ces démons affreux auxquels on attribue d'ordinaire le nom de Charon I tARON : un être difforme, grimaçant, quelquefois ailé, presque toujours armé soit d'une épée, soit d'un maillet, (pli entraîne le rnort vers les régions souterraines. Suivant Gerhard il faut distinguer parmi ces démons deux types, dont l'un porte une couronne et l'autre n'en porte pas: le démon couronné serait Mantus. Ces essais d'identification, d'ailleurs tout arbitraires, sont difficilement acceptables. Dans toutes ces figures de démons rien n'éveille l'idée de souveraineté qu'implique l'assimilation de Mantus à Dis Pater. Ce n'est pas là l'image d'un roi qui gouverne tout un monde et donne des ordres, mais l'image d'un agent qui les exécute, d'un génie psychopompe, d'un a conducteur de mânes"o. L'office est trop subalterne. Si l'on a tant de peine à reconnaître Mantus sur les monuments figurés, c'est que peut-être, en dépit du témoignage de Servius, il n'existait en Étrurie aucun dieu de ce nom. II est assez singulier que l'épigraphie étrusque, qui nous fait connaître tant de noms de divinités", n'ait conservé aucune trace d'un dieu aussi important. Cette épigraphie est presque exclusivement funéraire ; les monuments figurés qu'elle accompagne présentent une profusion de scènes empruntées a la mythologie infernale INPP,R1, r.TRUP.i ; on y rencontre des noms comme ceux de Charon', du démon l'unit ul( lia ', de Thésée captif aux enfers s. du géant à triple tête, Géryon 0. On y rencontre mène l'image du roi des morts, de l'Iadès grec (Eilaî, assis à côté de Perséphoné (Pher'sipnei), c'est-à-dire précisément l'image d'une divinité qui correspond à Pluton ou à Dis Pater. et qui devrait correspondre à Mantus 70. L'occasion ne manquait donc pas de placer le nom signalé par Servius. Comment se fait-il qu'on ne le voie nulle part? Au surplus, le texte de Servius, oit se trouve l'unique mention de Mantus, n'est pas de nature à inspirer une grande confiance. C'est un résumé de tous les dires contradictoires des grammairiens au sujet de l'origine de Mantoue, ville peuplée de races très différentes oh se mêlaient des Grecs, des Italiotes, des Étrusques, tous également intéressés às'attribuer un droit de prépondérance en faisant honneur de la fondation de la cité â un héros de leur race. Les uns tenaient pour Ocnus, qu'on (lisait soit fils ou frère d'Aulestès, soit fils du Tibre et de la prophétesse Manto, fille elle-même ou d'Hercule ou du devin thébain Tirésias. Les autres tenaient pour l'Étrusque Luchon, frère de Tyrrhénos, qui mait, disaiton, consacré la ville nouvelle à l'un des principaux dieux de sa religion'', Ces traditions ne méritent pas plus de crédit les unes que les autres. Pour qui connaît la fertilité d'invention des grammairiens antiques, leur manie de parailre toujours mieux informés que leurs confrères, leur assurance imperturbable devant les problèmes nvthologiques les plus inaccessibles 1", Mantus a bien l'air d'avoir été imaginé pour les besoins d'une discussion, afin de donner à Mantoue un fondateur d'origine étrusque bien authentique. Et peut-ètre le caractère infernal attribué à ce dieu imaginaire n'est-il que le résultat d'un rapport étymologique présumé entre Mantua et /ruines En somme, l'existence de Mantus nerepose que surhaffirmation d'un grammairien anonyme, plus ou moins postérieur à Virgile. par conséquent d'une époque oit la religion et la langue de l'Étrurie avaient depuis longtemps disparu. La garantie n'est pas suffisante L5. JULES MARTI'1.