Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article MANUBIAE

MANIIBIAE. I. Dans le langage courant, surtout à l'époque impériale, rnanubiae (ou rn0nibiae') n'était souvent qu'un synonyme de IRAEDA2, soit au sens propre de butin fait à la guerre, soit au sens figuré de proie ou rapine quelconque. Aulu-Gelle constate que non seulement l'opinion vulgaire ne faisait aucune différence entre ces deux mots, mais que même un contemporain renommé pour son grand savoir en affirmait l'identité de signification. Quant à lui, il estimait que chacun des MAN 1589 MAN viennes et des nappes devint très grand à partir d'IIadrien ; elles se couvrirent de bandes de couleur, de broderies et de brocarts'. La serviette restait, d'ailleurs, l'apanage des gens de la bonne société; le peuple n'en faisait pas usage2. Mettait-on une serviette devant soi, sur sa poitrine, quand on était à table? Un texte de Pline pourrait le faire croire ; mais je crois que le sens en est différent' et, d'ailleurs, aucun monument ne nous montre cette disposition. A Rome comme en Grèce, la serviette conserve un rôle plus général que chez nous : c'est un linteum, et l'on s'en sert, quand on en a besoin, comme de serviette ou de mouchoir [SODARIL'M]. Trimalcion au bain se fait essuyer, non pas avec des lintea, mais avec des pallia de laine très douce ; après s'être lavé les mains, il les essuie à la chevelure d'un esclave'. Sa Fig. 482.2. Serviette du femme, Fortunata, dans le ban Camillus. quet qui suit, prend le fichu qu'elle porte autour du cou pour essuyer ses mains Trimalcion lui-même a les épaules couvertes d'une Inappa à large bande de pourpre, dont les franges retombent de chaque côté « cf. la fig. 4823). L'amusante épi gramme de Martial sur Hermogénès « le voleur de linges »' nous montre la nature vague de tous ces termes, désignant des voiles et des étoffes de tout genre. C'est ainsi que mantek, serviette, a fini par devenir synonyme de nappa, nappe; que manteliunt ou mantilium, p.avr(afov etp.avl0aov s, a donné le mantil des diacres chrétiens'. Mais c'est surtout dans les cérémonies religieuses que la serviette apparaît comme un accessoire réglementaire et bien défini 1e, Ovide, décrivant les ustensiles du sacri VI. lice, nomme la serviette à longs poils, la patère de vin et la boite à encens " : ce sont, en effet, les ustensiles que l'on voit entre les mains des cale j! li, sortes d'enfants de choeur, qui assistaient le prêtre dans le sacrifice [na minus, SACRII'ICIt3I l. La ser viette estle pl us souvent placée surleur épaule gauche et pend en avant et en arrière (fig. 1053, 4822)'22, ou suspendue en cravate de chaque côté du cou12, ou bien attachée connue un mantelet et recouvrant les épaules (fig. 4823) 74 ; plus rarement elle est posée sur le bras gauche (fig. 41)'', Dans toutes ces figures, on peut se rendre compte de l'épaisseur du tissu et des franges qui ornent les extrémités. Sur un relief du Capitole on voit la serviette accrochée à une tige de suspension, avec onze autres emblèmes du culte romain (fig. 4824) IC On s'explique ainsi que, dans le monde chrétien, la serviette se soit introduite sous le couvert des usages religieux et qu'elle y ait pris une importance de plus en plus grande. Non seulement le diacre chrétien porte le mantele sur l'épaule gauche comme le camillus (fig. 4825)13, mais tout objet sacré est tenu avec los mains recouvertes d'une serviette 1B, et la nappe blanche, après avoir recouvert l'autel, s'étend sur la table de repas comme un emblème de pureté M. NTICA. Besace que l'on portait sur l'épaule, de telle façon qu'une des poches pendait par devant, l'autre par derrière'. Elle était d'ordinaire en cuir' et servait surtout à transporter en voyage des fardeaux et des provisions 3. Ceux qui faisaient la route à cheval pouvaient la placer derrière eux, en travers sur la croupe de leur monture '. La figure 4826 est tirée d'un bas-relief sculpté sur une urne cinéraire, en tuf, du Musée de Volterra ; on y voit deux esclaves chargés chacun d'une mantica, l'un précédant, 199 MAN 1580 MAN étoffes ayant une autre destination que la serviette'. La première mention précise nous est fournie par un fragment d'Aristophane où l'on dit à un esclave d'apporter l'eau pour les mains, sans oublier la serviette (,iTacz7eµïs ~ô ~etpôuaX 3V) 2. A partir de ce moment les textes ne laissent plus de prise au doute' ; mais ils sont en somme peu nombreux. On sait que d'ordinaire, après avoir mangé, les convives pétrissaient entre leurs doigts un peu de mie qui leur nettoyait les doigts et qu'ils jetaient par ferre aux chiens ; c'était là leur zetpérzxzuov ou Éxp.ayETov aENA, p. 1274] `. Notons que la serviette, appelée aussi 7zTCtp.µa, était faite de toile écrue (t3xé),lvcvl ou de tissu très fin (atvôovucéç)''. Nous voudrions sur les monuments en discerner la forme et les ornements ; mais il n'est pas facile, par suite de la confusion dont nous parlions plus haut, d'en trouver des exemples clairs. Partout, dans les scènes de bains, de toilettes ou de banquets, on voit des étoffes repliées et suspendues dans le champ ou tenues sur le bras par des personnages. Mais comment savoir s'il s'agit véritablement d'une serviette plutôt que d'une étoffe quelconque, d'une chlamyde ou d'une tunique? Les Grecs sont si accoutumés à se dévêtir, leurs ajustements sont si simples, que le vêtement enlevé du corps se confond absolument avec une étoffe quelconque. Je dirai plus: l'habitude de porter des tuniques et des manteaux flottants, dont les pans étaient continuellement retenus et maniés par les doigts, devait rendre moins nécessaire aux usages quotidiens de la vie l'emploi spécial d'une serviette. On avait naturellement sous la main le pan de son vêtement et l'on ne se faisait pas faute de s'en servir. Il est remarquable que, dans les scènes assez nombreuses qui représentent Euryclée lavant les pieds d'Ulysse (fig. 725), ou les premiers soins donnés aux petits enfants (fig. 241, 2608), ou le ),oo-rpov de la mariée, on ne trouve pas de serviette : c'est que les servantes se servent, pour essuyer, des pans flottants de leur vêtement. Au contraire, dans l'épisode chrétien du lavement des pieds, la serviette apparaitra très distincte Sans donc nier le moins du monde l'usage de la serviette dans le monde païen, il faut comprendre qu'elle est souvent représentée par toutes sortes de linges qui n'avaient pas cette destination spéciale. Si dans une scène de festin on voit des draperies accrochées aux parois', on en pourrait conclure que ce sont des serviettes ; mais il faut se souvenir que, dans un nombre considérable de scènes domestiques, les peintres ont indiqué des accessoires du même genre, draperies ou larges bandelettes [TAENIA], qui caractérisent simplement l'intérieur d'une habitation. Les scènes de bains elles-mêmes ne montrent rien de caractéristique à cet égard (voir les figures de BALNEDM) et, lorsque Vénus sort de l'eau, la pièce d'étoffe qu'on lui apporte est plutôt sa tunique ou son himation qu'une serviette 8. On se sert naturellement d'un linge pour envelopper draperie varie de forme et de nature. Sous cette réserve, on peut qualifier de,etpéu.axticz ou de mantelia les linges plus ou moins amples et ornés que l'on voit entre les mains de serviteurs apportant les plats à table [CGENA, fig. 1703], de servantes s'empressant autour d'une jeune femme ou de la déesse Aphrodite à sa toilette (fig. 1361 et 4820)10 ; ces larges bandelettes à franges font partie des accessoires de toilette les plus usités et certainement on a pu s'en servir comme de serviettes, en même temps que de ceintures [CixGC ments de tête [nIADi.s[A, tout cas, la serviette de table individuelle, telle que nous l'employons, parait étrangère à l'époque grecque: on se contentait d'une ablution rapide des mains, qu'on essuyait ensuite à la couverture du lit ou à la serviette tenue par l'esclave [ca:NA, p. 1274]. IL A Rome, l'usage des serviettes prit une extension plus considérable. Elles sont ordi.te nairement désignées par deux mots, mantelia et mappae, qui tendent à se confondre [cOENA, p. 1280]; en réalité, c'est le mantele jeté sur la table qui a fini par devenir la inappa, notre nappe moderne" [MAPPA]. Au début, c'est un simple linge, comme en Grèce, dont on se sert pour essuyer la table ou ses mains. « Prends un linge, dit un personnage de Plaute, et essuie-toi les mains » (linteam cape)12. Sous l'Empire, il fie' 4'2» laie est de règle d'apporter une serviette avec l'aiguière à laver et elle figure à côté de l'aenochoé, parmi les ustensiles et les mets de la salleà manger, sur une peinture de Pompéi (fig. 4822) ". Ces serviettes étaient ordinairement faites d'une étoffe épaisse, unie d'un côté, pelucheuse de l'autre [GAUSAPA] "°. On essuyait les tables avec ces serviettes, de couleur pourpre ou autre". Dans les banquets, l'amphitryon fournissait ce linge de table ; mais on prit l'habitude d'apporter chacun sa serviette 7f (nappa), afin d'y mettre les petits cadeaux que l'hôte faisait à ses convives [cOENA, p. 1280]. Le luxe des ser MAN 1579 MAN spirale et avant assez d'élasticité pour se prèter aux mouvements. Celui qui est représenté (fig. 4816, de très petit diamètre, fait partie de l'Acmerie Reale de Turin' ; il est terminé à ses deux extrémités par une tête de serpent, dont les yeux sont des rubis. L'art en est assez recherché pour (Ilion ne puisse confondre cet objet avec d'autres pièces d'armure ou d'ornement en spirale découvertes tant en Italie que dans les contrées du Nord et qui appartiennent à un âge plus primitif. Ni l'un ni l'autre des brassards ici figurés ne ressemble à celui qui a été décrit par Xénophon, puisqu'ils ne pouvaient défendre qu'une partie du bras. Le dernier ressemble à ceux qu'on voit sur les bas-reliefs de Pergame, parmi les amas d'armes que la sculpture y a représentées (fig. 4817 lesquelles sont en partie grecques, en partie barbares 2. On ne peut, il est vrai, dans la sculpture, distinguer si les brassards sont faits de métal ou de cuir. Un bas-relief d'un temps postérieur 3, où â des armes barbares sont ,mêlées des armes et des enseignes romaines, offre une image (fig. 18181 différente : c'est un avant-bras fait de lames ar %818. carde-ira,. ticulées, terminé par un gantelet ; une pièce rigide couvre le poignet. Il n'existe aucun indice de l'emploi d'armes pareilles chez les Romains. Chez eux, le haut du bras seul était protégé par les lanières doublées de métal attachées à l'échancrure de la cuirasse [LOHTCAI. Les archers portaient une manicaau bras gauche, que l'on peut supposer semblable au bracelet que les archers modernes attachent à leur avant-bras gauche pour éviter le coup de fouet produit par le tir de l'arc. Pour les manicae des gladiateurs, nous renvoyons à l'article GLADIATOI1. Les bestiaires [BESTIAHIT1 en portaient aussi quelquefois '. IV. On appelait encore manicae 3 les menottes ou anneaux attachés aux mains des prisonniers. On voit (fig. 48191 un barbare captif ainsi lié par une chaîne à l'extrémité de laquelle pend un de ces anneaux'. Sur une des faces de la base sculptée connue sous le nom de basis ou ara Gasoil 3, où est figuré l'épisode de Mars et Vénus surpris et enchaînés par Vul tain, la déesse est figurée avec une draine terminée par des menottes. V. Le mot maniea est employé par Lucain' comme synonyme de haipugo ounlanus ferrea pour signifier un grappin employé dans un combat naval. E. SacLw.