Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

AMBITUS

AMBITUS. -. I. Espace libre qu'un propriétaire était obligé de laisser autour de sa maison pour la séparer de celle du voisin I ; c'est le dernier vestige qui subsista dans la législation, de l'enceinte (4xo7, heretum) tracée par la religion, dans les temps primitifs, autour de chaque foyer et du domaine où ce foyer était enfermé. a Deux maisons ne doivent pas se toucher; le même mur ne peut pas être commun à deux maisons ; car alors l'enceinte sacrée des dieux domestiques aurait disparu. A Rome, la loi fixe à deux pieds et demi la largeur de l'espace libre qui doit toujours séparer deux maisons, et cet espace est consacré au « dieu de l'enceinte 2. o H. Démarches ou actes illicites tendant à obtenir les honneurs ou les magistratures. Ce nom vient s de l'usage où étaient les candidats de se promener au Champ de Mars ou sur le Forum pour solliciter les suffrages des citoyens, au temps de la république L'art de gagner les votes dut être de bonne heure réprimé par de nombreuses lois que la corruption rendit inefficaces. Dès l'année 322 de Rome ou 432 av. J.-C. Tite-Live nous apprend que les tribuns militaires L. Pinarius, Sp. Posthumitls et L. Furius exerçant l'autorité consulaire, une rogation [LEX] fut proposée par les tribuns senatus auctocitate, et bientôt transformée en loi pour interdire l'usage des robes blanches (togae candida), vètements distinctifs des candidats qui en ont pris leur nom ; il paraît que cette loi ne tarda pas à tomber en désuétude'. En 358 av. J,-C. sous le consulat de C. Fabius Amhurtus et de C. Manlius Proculus, le tribun du peuple C. Poetebus fit adopter un plébiscite, connu sous le nom de loi Poetelia de ambita, dont l'objet était d'interdire la sollicitation des suffrages dans les réunions publiques ou marchés (gui nundinos et conciliabula obire soliti erant comprimebantur) ; elle ne mit pas un terme aux abus, car le dictateur Moenius fut forcé en 314 av. J.-C. de poursuivre les nobles coalisés pour obtenir les magistratures' ; mais déjà la répression devenait difficile à cause du nombre des coupables : presque tous les patriciens avaient pu donner prise à l'accusation. On essaya d'une législation sévère, et, en 481 av. J,-C., une loi Cornelia Baebia réprima Lamblias, en ie frappant d'une incapacité de dix ans pour ce qui con. cerne les magistratures 9; elle fut suivie en 159 av. J, -C. d'une autre loi die ambitu i0 à laquelle Walter donne le nom de Cornelia, parce qu'elle fut portée sous le consulat de Cn, Cornelius Dolabella; quant à la loi précédente, Sigonius et Heineccius la nomment Aemilia Baebia, parce qu'elle aurait été portée en 82 av. J.-C. sous le consulat de Cn. Baebius et L. Aemilius Paulus ". Suivant Heinec Ann. XV, 43. Fustel. de Coulanges, La cité antique. p. 71 ; Ortolan, Hist. de la AMB 224 AMB citas ", la loi Aemilia Baebia aurait interdit les largesses des candidats 13 et la loi Cornelia Fulvia les aurait punies de l'exil en 159 av. J.-C. 5%. Malgré la loi Gabinia qui introduisit le vote secret en 139 av. J.-C., et la loi Maria, par laquelle Marius, pendant son second consulat en 119 ou 120, établit pour voter des passages étroits (pontes), afin de rendre leur liberté aux électeurs, en écartant les agents électoraux, les abus allaient toujours en grossissant 55. Il est certain que, dès la première moitié du septième siècle de Rome, on établit pour statuer sur le crime d'ambitus une commission permanente [QUAESTIO PERPETUA]. C'est ce que l'on peut conclure d'un passage de Cicéron f6, et du procès scandaleux que P. Rutilius et M. Scaurus s'intentèrent réciproquement, en 114 ou 115 av. J. -C., 639 ou 640 de Rome "AI paraît que, vers la même époque, on abrogea une loi Fable, de 66 av. J.-C., relative au nombre des sectatores, c'est-à-dire des agents ou compagnons dont les candidats pouvaient se faire assister 16. Il y a doute à l'égard d'une loi Aurelia de ambitu portée par le consul A. Cotta en 75 av. J.-C., ou par le préteur A. Cotta en 70. Puis le tribun Cornelius proposa, en 67, un plébiscite qui punissait les acheteurs des suffrages, et même les divisores, employés pour répartir l'argent entre les électeurs achetés 19. Mais le sénat pour prévenir l'adoption de ce projet, en fit proposer un autre, en 67 av. J.-C. par C. Calpurnius Pison, alors consul avec M. Acilius Glabrio. Le premier avait lui-même été accusé précédemment du crime d'ambitus 20. Cette loi fut votée et porta le nom d'Acilia Calpurnia; elle prononçait contre les coupables d'ambitus une peine pécuniaire et l'incapacité d'exercer une magistrature, ou de faire partie du sénat 2i ; en outre, elle assurait l'impunité au coupable d'ambitus qui en ferait condamner un autre pour le même délit ", peut-être faut-il admettre qu'elle punissait aussi les divisores 23. Elle fut bientôt appliquée aux consuls Autronius Paetlls et Cornelius Sylla Y1. Néanmoins, en présence des intrigues scandaleuses d'Antonins et de Catilina, le sénat sur le rapport de Cicéron, déclara par un sénatus-consulte la loi Calpurnia applicable aux cas où les candidats offriraient au public des repas et des jeux de gladiateurs, et s'entoureraient d'un cortége de gens soudoyés 45. Bientôt après, pendant le consulat de Cicéron, fut rendue sur sa proposition la loi Tullia, qui confirma ces décisions, en 691 de Rome ou 63 av. J.-C., et punit sévèrement les vendeurs de suffrages, et frappa d'un exil de dix ans les coupables d'ambition 48. Mais cette loi fut impunément violée par Pompée en faveur d'Afranius ", et le sénat ne put taire adopter une loi plus sévère, proposée par le tribun Aufidius Lurco en 693 de Rome ou 61 av. J.-C. 28. En 699 de Home ou 55 av. J.-C., fut portée la loi Licinia de sodalitiis, qui réprimait les associations ou coalitions élec torales f s0DALITIA], mais suivant Zumpt ce délit se rattacha plutôt à la violence [vls] qu'au crime d'ambitus. Enfin, en '702 de Home ou 52 av. J.-C., la loi Pompeia de vi et ambitu P9, fut destinée à réprimer les délits dè Milon et de ses complices, en instituant une procédure et une pénalité spéciales, contrairement à nos principes modernes en matière de rétroactivité, mais conformément aux idées des anciens qui confondaient la justice, la politique et l'administration, en les soumettant toutes à la souveraineté du peuple s'exerçant dans les comices ou dans les commissions déléguées S0. Cependant il paraît que la loi Pompcia de ambitu, dans son chef distinct de celui de vi, eut une destinée plus durable 31. Elle modifia dans un sens rigoureux la procédure et la pénalité 3=, et permit notamment de poursuivre les crimes d'ambition, accomplis dans les vingt années antérieures au troisième consulat de Pompée ; ce qui donna lieu à un grand nombre d'accusations, et notamment à celle de L. Scipion, beau-père du consul, qui viola pour lui sa propre loi 33. Mais elle eut d'autres conséquences politiques plus graves, et qui précipitèrent la chute de la République 3.6 Jules César ne réprima pas l'ambition par une loi, mais il la neutralisa en s'attribuant le choix de la moitié des candidats 35. Auguste qui, dans sa loi Judlciorum publicorum et privaforum, avait réorganisé la compétence et la procédure en matière civile et criminelle, rendit aussi plusieurs lois sur des crimes spéciaux, et notamment en 18 av. J.-C. une loi dite Julia de ambitu S8. Elle punissait aussi les parties qui visitaient leur juge; et peut-être aussi le juge qui visitait l'une d'elles 37. Suivant le jurisconsulte Modestinus dont le Digeste ne fait que reproduire un fragment, la peine aurait consisté en une amende ; Dion Cassius mentionne en outre une incapacité politique de cinq ans. Mais sous l'empire l'influence prédominante du prince dans les élections, laissait peu de place aux crimes d'ambition; bientôt les comices furent transférés par Tibère du Champ-de-Mars au Sénat 33, et l'ambitus ne se présenta plus que dans la sphère restreinte des élections aux charges municipales; un sénatus-consulte y appliqua la loi Julia avec une peine de cent aurei et l'infamie 39. Pour ceux qui prenaient à leurs gages un cortége de partisans soudoyés, ou même d'esclaves, on leur appliqua la déportation dans une île, comme coupables de violence publique. Sous le bas-empire, la loi Julia de ambitu prêta son none à la punition de diverses irrégularités dans la recherche des fonctions du palais ou de certaines charges publiques d0, notamment lorsqu'on les briguait itérativement, après les avoir gérées; les peines étaient la déportation et. la confiscation. G. HUMBERT.