Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article NAUCRARIA

NAUCRARIA. Le témoignage le plus ancien que nous ayons sur les naucraries est dû à IIérodote. Dans le récit qu'il fait de la conjuration de Cylon, l'historien déclare que la responsabilité du massacre des conjurés, immolés en violation de la foi jurée, doit retomber sur les prytanes des naucrares. Les partisans de Cylon s'étaient assis en suppliants aux pieds de la statue d'Athéna; les prytanes des naucrares gouvernaient alors Athènes ; ce sont eux qui relèvent les suppliants en leur assurant la vie sauve, et ce sont les Alcméonides qu'on accuse du massacre'. 11 ressort de ce témoignage que les prytanes des naucrares non seulement ont pris une part très active à cette affaire, mais aussi qu'ils occupaient dans l'État la place la plus importante. Or ceci est en contradiction avec une affirmation formelle de Thucydide2 racontant le même événement. Les partisans de Cylon sont assiégés dans l'Acropole par les Athéniens accourus en masse de la campagne ; comme le siège traîne en longueur, ils laissent aux archontes le soin de le terminer en leur donnant pleins pouvoirs : a alors les archontes géraient la plus grande partie des affaires publiques ». Il y a dans les paroles de Thucydide une telle insistance, un tel soin de préciser que bien des gens ont cru à une critique d'Hérodote, à une de ces critiques par sous-entendu, comme les auteurs anciens aimaient à en faire de leurs devanciers ou de leurs rivaux'. Mais, d'autre part, on avait trouvé divers témoignages qui semblaient apporter une confirmation certaine au dire d'Hérodote. La loi d'amnistie de Solon' comprenait trois catégories de con NAU -44NAI1 damnés : ceux qui avaient été jugés par l'Aréopage pour meurtre civil ; ceux qui avaient été jugés par les Éphètes pour meurtre politique; enfin ceux qui avaient été jugés par le tribunal du prytanée pour tyrannie. Quels sont les juges qui ont siégé à ce dernier tribunal? Le lieu et l'affaire qu'ils ont eu à juger les désignent clairement : au prytanée ont siégé les prytanes des naucrares, et le crime de tyrannie qu'ils ont eu à juger n'est autre que le coup de force de Cylon; ils ont combattu et vaincu la révolte ; ils ont ensuite jugé les coupables'. On savait encore que les colacrètes2, anciens magistrats d'Athènes, avaient administré deux sortes de fonds, les uns désignés sous le nom de 7cpuT«nEë«, les autres sous le nom de v«uxp«p;z i. Les 7CpuT«vE?2 étaient primitivement les dons qui étaient offerts aux rois comme hommage 3 ; on désigna, dans la suite, sous ce nom, l'argent que les plaideurs déposaient pour les frais de justice. Dans cette double gestion de fonds confiée jadis aux colacrètes °, on trouvait une preuve nouvelle du lien qui rattachait au prytanée les prytanes des naucrares [lioLAKRÈTAI;. On attribuait donc à ces prytanes une très haute situation dans le gouvernement. Le prytanée est le centre de la cité; les magistrats qui y siègent doivent être parmi les premiers magistrats de l'État. Ottfried Müller assimilait les prytanes des naucrares aux quatre rois des tribus, aux pu),og«a1XEic; il plaçait cette institution à l'époque la plus ancienne d'Athènes Schiimann voyait dans ces prytanes un collège formé par les présidents des quarantehuit chefs des naucraries6; il croyait que l'institution avait été établie peu de temps avant la tentative de Cylon. Duncker', au contraire, la reculait jusqu'en 683, au moment de l'établissement de l'archontat annuel ; Lange 8, jusqu'aux origines mêmes de l'État athénien. Pour Philippi' les prytanes des naucrares étaient les chefs des douze trittyes. Wecklein'o croyait, lui aussi, àl'ancienneté de l'institution; les prytanes auraient formé cet ancien conseil qui a d'abord siégé à côté du roi, ensuite à côté des archontes ; ce conseil avait un comité, un bureau analogue à ee que sera plus tard la pu) 7tpUT«vE,toua«. Frf nkel supposait que les prytanes, dont il est question dans la Politeia d'Aristote, à propos de la législation de Dracon, étaient les prytanes des naucrares : il leur attribuait un rôle important, surtout au point de vue financier; ils présidaient aussi les séances du conseil et de l'ecclesia". Jusqu'ici on acceptait le dire d'Hérodote, en s'efforçant de le faire concorder avec l'affirmation de Thucydide 12. C'est précisément contre Hérodote que des critiques très vives finirent par être formuléesf3. On a fait valoir contre lui d'abord l'autorité d'un historien comme Thucydide. Il se trouve de plus que ce témoignage si sérieux est confirmé par tout ce que nous savons de l'ancienne histoire d'Athènes. Les archontes ont succédé à la royauté; ils ont été, après eux, les maîtres de l'État : c'est autour de l'archontat, dit Aristote ", que se concentrait la lutte des partis. On ne peut nier aussi que la phrase d'Hérodote ne soit tendancieuse : « Les prytanes des naucrares ont tout fait, et ce sont les Alcméonides qu'on accuse. » On connaît les relations d'Hérodote avec Périclès, qui était un Alcméonide. Il n'est pas impossible qu'il ait voulu décharger cette famille du crime dont elle était accusée". Et ici encore ce que nous savons relativement aux conséquences du sacrilège cylonien concorde avec ce que dit Thucydide. L'historien affirme que les archontes ont tout fait; or, c'est un Alcméonide, Mégaclès, qui était alors archonte, peut-être archonte «ï,toxpd'nop f 6 ; et c'est sur lui, c'est sur sa famille que la voix publique dans Athènes et dans toute la Grèce faisait retomber la responsabilité du crime. A deux reprises, les Lacédémoniens avaient demandé l'exil de la famille maudite, voulant se débarrasser la première fois de Clisthène", la seconde fois de Périclès' 6. Ainsi, Hérodote est en désaccord avec Thucydide ; il est aussi en complète contradiction avec ce que nous savons de l'histoire de l'archontat, enfin avec ce cri de la conscience publique de toute la Grèce qui accusait du sacrilège la famille des Alcméonides. Quelle valeur faut-il donc attribuer au témoignage d'Hérodote sur les prytanes des naucrares? Aristote, dans la République des Athéniens, a mentionné à deux reprises les naucraries. La première fois, c'est en traitant de la législation de Solon; après avoir exposé la division des classes censitaires et la constitution de l'archontat, il dit : « Il y avait, comme auparavant, quatre tribus et quatre rois de tribus. Chaque tribu était divisée en trois trittyes, comprenant chacune douze naucraries. A la tête de chaque naucrarie était un magistrat, le naucrare ; il avait dans ses attributions la levée des contributions et les dépenses. Aussi lit-on, en plus d'un endroit, dans les lois de Solon qui ne sont plus en vigueur, que les fonds seront levés par les naucrares et aussi que les dépenses seront prises sur la caisse des naucrares". » La seconde mention faite par Aristote des naucraries se rapporte à la réforme de la constitution par Clisthène : « 11 institua aussi les démarques auxquels il donna les mêmes attributions qu'avaient auparavant les naucrares; il mit en effet les dèmes à la place des naucraries 20 » Avant la publication de l'ouvrage d'Aristote, nous connaissions en partie ces deux passages, grâce aux extraits qu'en avaient faits les lexicographes. Harpocration au mot v«uxpaptx«81 et le scoliaste d'Aristophane, au v. 37 des Nuées", rapportent le passage relatif à la réforme de Clisthène, en accompagnant cette citation de réflexions intéressantes. Harpocration oppose nettement Hérodote et Aristote : selon le premier, dit-il, les naucrares étaient autrefois ce que furent plus tard les archontes; Aristote, au contraire, les assimile simplement aux démarques. Le scoliaste d'Aristophane se demande si les naucrares NAU o NAU ont été institués par Solon ou s'ils existaient déjà avant lui. Pollux' dit que s les démarques s'appelaient autrefois naucrares : la naucrarie est la douzième partie de la tribu ; il y avait, dans chaque tribu, douze naucrares, quatre par trittye ; ils votaient dans les dèmes, les contributions et les dépenses ». Tout ceci dérive directement d'Aristote ; le renseignement qui suit ne vient pas de la Politeia, du moins telle que nous la fait connaître le papyrus du British Museum : « chaque naucrarie fournissait deux cavaliers et un vaisseau, c'est de ce vaisseau qu'elle a pris peut-être son nom ». Enfin Photius, au mot vxuxoap(a, rapproche les naucraries de la symmorie et du dème; il dit que Solon a nommé la naucrarie, EéÀ ovoç 0(.i oç ivoµ3axv-coç, comme l'affirme Aristote, et il cite, sur les naucraries, deux textes de loi qui ne sont pas dans la Politeia ; il transcrit ensuite le passage de la Politeia relatif à la réforme de Solon ; il parle enfin de la réforme de Clisthène, en donnant un détail nouveau : le nombre des naucraries aurait été porté de quarante-huit à cinquante, pour se conformer à la division des dix tribus qu'instituait Clisthène ; pour ce dernier passage, Photius se réfère non à Aristote, mais à Cleidémos. De ces grammairiens, Harpocration a eu seulement sous les yeux Hérodote et Aristote, qu'il oppose l'un à l'autre. Le scoliaste d'Aristophane ne donne qu'une référence, Aristote ; mais où a-t-il pris ce qu'il ajoute à la citation d'Aristote? A qui doit-il cette indication que les naucraries sont peut-être une création de Solon? Photius a eu certainement d'autres sources que la Politeia ; seul il connaît deux textes de loi de Solon sur les naucraries; où a-t-il pris ces textes? D'autre part, quand Photius rapporte, d'après Aristote, que Solon a nommé les naucraries, quel sens faut-il attribuer au mot bvoµ«vav'roç? Aristote a-t-il voulu dire que Solon a simplement mentionné dans ses lois les naucraries, ou bien qu'il leur a donné leur nom, ce qui équivaudrait à dire qu'il les a instituées? Quant à Pollux, il a sous les yeux le texte de la Politeia ; mais où a-t-il pris le renseignement si important relatif aux deux cavaliers et au vaisseau que devait fournir chaque naucrarie? Voilà ce que disent les textes. Ces textes sont courts, ils présentent souvent des différences, parfois des contradictions; tels qu'ils nous sont parvenus, ils sont faits à souhait pour provoquer les faiseurs de système. Nous aussi, nous en avons proposé un. Nous pensions que, à côté des anciennes divisions religieuses, la tribu et la phratrie, Solon avait placé des divisions purement administratives, la trittys et la naucrarie, divisions dont le nom n'a rien de religieux. Ce système avait été imaginé avant la découverte du livre d'Aristote, qui n'apporta aucun renseignement nouveau bien important ; la question restait stationnaire 2. Un élément nouveau, l'archéologie, y a été introduit. M. U. de Wilamowitz-Mollendorff, le premier, attira l'attention sur les peintures des vases du Dipylon 3, et émit l'opinion que les vaisseaux que certaines peintures représentaient étaient les vaisseaux des naucraries. La question fut traitée après lui par MM. Bruckner et Pernice'; mais c'est M. W. Helbiga qui a fait de tous ces documents une étude complète, qui a essayé de montrer quels ren seignemenis ils pouvaient fournir et enfin a construit un système. Les vases du Dipylon font régulièrement, partie du mobilier funéraire; ils étaient destinés plutôt au culte des morts qu'à l'usage des vivants. Les peintures qui les ornent peuvent se répartir, relativement aux sujets, en trois catégories : cérémonies funèbres, jeux agonistiqires, navires à éperon. M. Helhig part de cette idée qu'il y a toujours une relation étroite entre les sujets représentés sur ces vases et le genre de vie que menaient sur terre les personnages que ces représentations accompagnaient dans le tombeau. C'est le cas, en effet, pour une oenochoé qui, commel'apprend l'inscription qu'elle porte, avait été décernée comme prix au meilleur danseurs. M. Helbig conclut de ce fait que ces peintures avaient un caractère honorifique, qu'elles rappelaient un souvenir glorieux ou heureux; et, comme les représentations de navires sont nombreuses sur les vases du Dipylon, il considère comme un fait certain que ces représentations indiquent que le personnage enseveli avec ces vases était marin ; qu'ainsi le navire de guerre jouait un grand rôle dans la vie des Athéniens de cette époque, et que le service naval était regardé comme spécialement honorable. Or les vases du Dipylon sont antérieurs à la première moitié du vine siècle. Ils nous révèlent donc un fait nouveau important, car jusqu'ici on admettait que la marine athénienne avait pris son essor seulement à partir de l'an 483, grâce au génie politique de Thémistocle. Quant aux circonstances qui, trois siècles auparavant, avaient attiré un si grand intérêt sur le vaisseau de guerre, on ne peut guère en supposer d'autres que l'état de trouble et de faiblesse causé par l'invasion dorienne ; la piraterie a dû sévir alors sur presque toutes les côtes de la Grèce. Il ne faut pas voir dans ces vaisseaux des vases du Dipylon de véritables flottes ; c'étaient simplement des croisières pour défendre les côtes. Thucydide attribue aux Corinthiens l'initiative de la guerre contre la piraterie'. Après s'être enrichis parle commerce de terre, ils renforcèrent leur marine, à l'époque où les Hellènes commencèrent à naviguer davantage; ils acquirent des vaisseaux de guerre et les employèrent pour exterminer les pirates 3. La manière dont s'exprime Thucydide laisse à présumer que cette lutte contre les pirates avait lieu par l'action du gouvernement. On peut supposer la même chose des mesures prises par les Athéniens. Ces représentations si fréquentes qui glorifient le service sur les vaisseaux de guerre, rappelaient une institution publique, qui ne peut être que les naucraries. Pour prouver l'existence d'une flotte athénienne à une époque aussi ancienne, M. Helbig s'appuie sur les faits suivants : à la fin du vite siècle ou au commencement du les Athéniens sont en état de faire une expédition sur les côtes de la Troade et de disputer Sigée aux habitants de Mytilène; déjà bien avant Solon, ils participent aux amphictyonies de Délos et de Calaurie, ainsi qu'aux jeux isthmiques où ils ont la place d'honneur ; enfin la formation du mot vxéxpxpoç indique que l'obligation de fournir un vaisseau date de l'origine de l'institution ; le sens de la première syllabe montre certainement que le vaisseau jouait un grand rôle dans cette organisation; la formation de la seconde moitié du mot indique une phase très éloignée de celle de la langue attique littéraire'. Comment cette marine a-t-elle pu être organisée? Pourquoi les Athéniens ont-ils été amenés à constituer une marine de guerre? L'Attique primitivement a été morcelée en petites principautés. Agglomérées sur un territoire restreint, elles devaient nécessairement se paralyser les unes les autres et empêcher l'Attique de jouer un rôle politique. C'est probablement le souvenir de cette période de faiblesse qui a donné naissance au mythe de Minos, roi de Crète, vainqueur des Athéniens et leur imposant un tribut de sept jeunes garçons et de sept jeunes filles à livrer chaque année pour la nourriture du Minotaure. La dynastie qui résidait sur la roche d'Athéna étendit peu à peu sa suprématie sur tout le pays et réunit l'Attique en un seul État. Cette unification, qui fut probablement l'ai uvre de plusieurs générations de souverains, doit avoir été postérieure à l'invasion dorienne. En effet, les rois d'Athènes, Thésée, iénesthée ne prennent point part à la guerre de Troie, ou n'y jouent. qu'un rôle effacé. Si donc les naucraries, qui présupposent l'existence d'un État unifié, remontent à la première moitié du vine siècle, il est permis de mettre ces deux faits en relation l'un avec l'autre et de présumer que la division de l'Attique en quarante-huitnaucraries émanait du gouvernement même de l'État nouvellement fondé. Les conditions politiques dans lesquelles se trouvait l'Attique rendaient cette réforme nécessaire. Le particularisme local venait d'être étouffé, mais il était toujours dangereux; il pouvait se réveiller: il se réveilla même. Dans les troubles qui amenèrent la tyrannie de Pisistrate, les chefs des trois anciennes familles se trouvèrent à la tête de trois partis régionaux, des Pédiéens, des Paraliens et des DiacriensIl était donc logique de baser l'administration locale du jeune État unifié sur une institution tout à fait indépendante de l'ancien ordre des familles. Si l'on avait confié aux familles, Yfvs, et aux phratries l'administration des finances, de l'armée et de la marine, on pouvait craindre qu'elles n'usassent de ces droits que dans un intérêt, séparatiste. On voulut que les naucraries n'eussent aucun rapport avec cette ancienne organisation ; elles étaient des divisions purement administratives. L'idée qui présida à la réforme est celle qui inspira plus tard Clisthène quand il institua les dix tribus et les dèmes : fonder l'unité de l'I+'.tat. Les familles et les phratries ne furent pas supprimées; elles gardèrent leurs droits; les phratries, par exemple, remplirent, jusqu'à une époque très récente, une charge d'une certaine importance politique ; c'étaient elles qui jugeaient de la pureté de descendance et des droits de citoyens ; sur ce terrain le gouvernement n'osa pas rompre avec la tradition. Une fois l'État organisé, on a dè penser aussitôt à la défense nationale et tout d'abord à la protection des côtes menacées de tant de dangers. Les quarante-huit districts administratifs, nominés naucraries, furentchargés de fournir des vaisseaux de guerre dont la fonction principale était de repousser les corsaires. Ces navires ont livré des combats soit pour repousser l'ennemi, soit 6 NAU probablement aussi pour exercer des représailles, selon le droit des gens de cette époque. Ce sont ces combats que nous trouvons représentés sur les vases du Dipylon. Ces peintures prouvent que les Athéniens rendaient justice aux naucraries sur lesquelles reposait la nouvelle administration, et que la petite escadre fournie par ces districts leur inspirait un noble orgueil patriotique. Ces peintures sont un précieux document de la sagesse de l'auteur du cwolxlep.6ç; il fit preuve à la fois de talents politiques et de talents militaires; il s'efforça de mettre la vie et la propriété des citoyens à l'abri de tous les dangers intérieurs ou extérieurs qui pouvaient les menacer. D'autre part, ces peintures nous montrent, pour ainsi dire, les germes d'oit devait sortir un jour la grandeur d'Athènes ; déjà les Athéniens du vin° siècle étaient préparés à fonder la puissance de leur État sur la marine. On le voit, c'est presque toute l'histoire de l'Attique primitive que M. Ifelbig a ébauchée. Nous n'en sommes pas étonné; quand on touche aux naucraries, c'est la constitution de l'ancienne Athènes qu'on est peu à peu entrainé à faire entrer dans la question. Mais il est difficile de voir autre chose dans ce système qu'une série de possibilités présentées avec finesse, sans aucune preuve sérieuse'. L'histoire du développement de la marine athénienne est complètement laissée de côté. Il fallait expliquer avant tout comment les Athéniens ont pu, avant le milieu du vin' siècle, être en état de conduire des galères à deux rangs de rames [NAVis]. La force de l'argument que M. llelbig tire du nombre considérable des représentations de vaisseaux sur les vases du Dipylon, se trouve singulièrement affaiblie par le fait suivant. Les vaisseaux sont beaucoup moins nombreux sur les vases à figures noires ; enfin, ils sont rares sur les vases à figures rouges ; cependant ces derniers vases appartiennent à l'époque de la grandeur maritime d'Athènes, quand ses flottes couvrent les mers. Ainsi plus les Athéniens sont familiers avec les choses de la mer, moins ils paraissent éprouver le besoin d'en voir des images : ces objets n'ont plus le même intérêt pour eux à. On exagère de beaucoup la science maritime des Hellènes primitifs ; les régates n'ont jamais eu qu'une place des plus secondaires dans les concours. Peut-on alléguer les amphictyonies de Délos et de Calaurie? Parce qu'on envoie une vauç Gcmpfç, cela indique-t-il qu'on possède une flotte? Enfin la discussion établie par M. Helbig sur les cinq vases qu'il étudie prête à la critique ; les navires représentés ne seraient-ils pas phéniciens? L'explication de M. Helbig est pourtant présentée avec beaucoup d'habileté et de science; aussi plusieurs savants ont-ils admis l'existence d'une marine athénienne au vue siècle'. En somme, que savons-nous des naucraries? C'est une division territoriale' du pays dans un but administratif ; il y a quarante-huit de ces divisions; chacune doit fournir un vaisseau et deux cavaliers? ; chaque naucrarie a un chef, le naucrare ; ce magistrat est chargé d'assurer la levée des deux cavaliers et L'équi 7 NAU pement du vaisseau; il est sous les ordres du polémarque' ; il it aussi des attributions financières, lève les contributions et solde les dépenses la caisse des naucraries fournit des fonds aux colacrètes pour les théories allant à Delphes et aussi pour d'autres besoins 2; lors de la création des dames par Clisthène, les naucrares furent remplacés par les démarques auxquels ils sont souvent assimilés 3. Quant à l'origine de l'institution, elle reste encore obscure : les éléments nous font défaut pour décider la question; l'étymologie du mot n'est pas sùre, chacun l'explique selon les besoins de la cause qu'il soutient'. ALItERT MAP,TIH.