NAVALIA. Nrtépt«. On appelait vsddpt« en Grèce, navalia à Rome, les chantiers des constructions navales. Les Grecs se servaient de plusieurs vocables différents : ils nommaient v«ure-nytov l'atelier où l'on fabriquait et réparait les navires, vrw),xtov l'endroit où on les abritait dans l'intervalle de leurs traversées. Le terme de vuo'otov est plus général; il semble cependant qu'on l'ait employé de préférence avec le second sens : un vetbptov, selon la définition des lexicographes, est un lieu où l'on tire à sec les trières et où ensuite on les remet à flot'. Quel
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quefois le mot vcoiol(nv est presque synonyme de ),tirrly : Aisée était le vos(ptov, le port de Mégare 2 ; les Lacédémoniens avaient à Gythion leurs vetnpa, c'est-à-dire leur porta. Au mot voaiaotxoç, usité surtout au pluriel, on donnait, du moins à l'origine, une autre acception : les vowaatxat sont, comme l'indique l'étymologie, les demeures des navires, les cales sèches dans lesquelles, à l'intérieur du vraiotov, les trières viennent se remiser ; il arrivait néanmoins que les deux termes fussent pris indifféremment l'un pour l'autre'. Tous les grands ports du monde grec avaient leurs veoéata et leurs vco(uotxot. On connaît notamment par les auteurs ceux de Samos', de Corinthe', de Syracuse', d'Athènes Ces derniers, construits à l'époque de Périclès, avaient coûté 1000 talents 0; ruinés après la guerre du Péloponnèse et vendus par les Trente pour 3 talents10, ils furent restaurés à grands frais au iv° siècle et achevés sous l'administration de Lycurgue "
Sylla les brûla en 86, en même temps que l'arsenal, la célèbre skeuothèque de Philon''. Les inscriptions nous apprennent que cos ve6lota du Pirée au Ive siècle pouvaient contenir 372 vaisseaux : 196 à Zéa, 82 à Munychie, 94 au grand port ou Cantharos13; on sait que la flotte athénienne à cette époque ne dépassait pas le chiffre maximum de 400 vaisseaux". Démosthène, dans son discours sur Les Symniories, invitait ses concitoyens à construire dans les veo(pt« dix quartiers, un par tribu, capables d'abriter chacun trente navires". Graser en 1871 et la Société archéologique d'Athènes en 1885 ont fait des fouilles à Zéa et à Munychie : ici et là, perpendiculairement au mur polygonal qui encadrait le port, des murs parallèles s'avançaient vers la mer ; ils étaient séparés par des lits de maçonnerie qui s'inclinaient en pente douce, précédés de colonnes du côté du large et surmontés de toits; de véritables hangars enfermaient donc les navires 16. Des ruines analogues ont été retrouvées en Acarnanie à OEniadta f 7 et en Sicile à Syracuse f3. En Afrique les vro pta d'Alexandrie 10, d'Utique 20, de Carthage 21 présentaient la même disposition; ils étaient l'oeuvre aussi d'architectes grecs.
Au contraire des Grecs, les Romains à l'époque classique n'avaient qu'un seul mot pour désigner les chantiers des constructions navales. Le navale, au pluriel navalia, était le lieu où l'on construisait et réparait les vaisseaux, le lieu aussi où on les tirait à sec, subductae naves22, pour les mettre en réserve à leur retour au port. Cependant Servius fait mention d'un ancien terme qui s'appliquait spécialement à l'atelier de fabrication : l'expression tegere naves, que Virgile emploie, signifie proprement fabriquer des navires; les endroits où l'on se livrait à ce travail, en grec v«u7-i,yt«, étaient les textrina, comme le rappelle un vers d'Ennius; les nana
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lia répondaient aux vec;)otx'. Une inscription du ne siècle de l'ère chrétienne, trouvée à Ostie, rapporte que P. Lucie lins Gamala a restauré un navale de construction qu'avait bâti L. Coelius : navale a L. Coilo aedi/icatum extru[en]tibus. Mommsen suppose très vraisemblablement que, le mot textrinum étant tombé en désuétude, le mot navale prit le double sens de vzu7ciiytov et de veooptov, mais
qu'alors on distingua entre les navalia extruentibus navibus fada, chantiers de fabrication, et les navalia subducentibus navibus facta, remises où l'on abritait les navires désarmés Sous l'Empire, le terme de navale parait avoir pris, par une transformation dernière, le sens général d'atelier ; les navalia dont il est question sur des tuiles de Siscia on Pannonie sont des briqueteries
Vitruve donne quelques conseils sur la façon d'édifier les navalia dans les ports : ils doivent être orientés vers le nord, pour échapper à l'action destructive des insectes que fait éclore la chaleur du soleil ; par crainte des incendies, il faut éviter d'y employer le bois ; leurs dimensions seront proportionnées à la plus grande taille des vaisseaux qu'ils auront à recevoir `. Chaque navale renfermait, comme le ve:eSptoe des Grecs, des loges pour les navires, vseaotxot. Une peinture murale de Pompéi représente l'intérieur d'un port avec des vaisseaux au repos; sous une grande arche, analogue à celle d'un pont, on aperçoit les proues alignées faisant face à la pleine mer 5 ; nous avons peut-être là sous les yeux l'image des navalia d'une ville maritime de Campanie, Misène ou Pouzzoles. Ceux de Pouzzoles sont nommés par Pline l'Ancien 0. Ceux du portus Traiani d'Ostie sont figurés, semble-t-il, au revers de plusieurs monnaies de Trajan (fig. 5261) A l'époque impériale, par suite de l'ensablement du Tibre, de plus en plus inaccessible aux grands navires, par suite aussi des grands travaux de Claude et de Trajan, Ostie était devenue le vrai port de Rom-e'. Dès le temps de Strabon, les vaisseaux qui s'apprêtaient à remonter le Tibre s'arrêtaient à son embouchure pour s'y alléger ; ils débarquaient une partie de leur chargement que des chalands, caudicariae naves [CAUDICABII], conduisaient jusqu'à la capitale °. Il n'est donc pas surprenant qu'Ostie ait eu des navalia : l'inscription'de Gamala, sans parler des monnaies, en atteste l'existence. Mais ils ne datent pas, comme le prétend la légende, du règne d'Aneus Martius ni même du temps de la République f0. Les flottes romaines pouvaient bien stationner momentanément à l'entrée du fleuve, en face d'Ostie ", mais c'est à
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Rome même qu'elles eurent, jusqu'au début de l'Empire, leurs chantiers et leurs arsenaux.
Dans l'intérieur de la ville de Rome, sur la rive gauche du Tibre, existaient deux ports : l'emporium ou port de commerce [MERCATCRA], au pied de l'Aventin, etles navalia ou port militaire12. Ceux-ci étaient situés assez loin de l'emporium, en amont, dans le Champ de Mars, près du théâtre de Pompée, à peu près en face des prata Quinctia que Cincinnatus cultivait jadis sur la rive droite ". Une porte ou un arc de triomphe du Champ de Mars, la porta Savalis, qui se trouvait dans le voisinage, leur devait son nom14. Pour arriver à l'arsenal les vaisseaux qui remontaient le Tibre avaient à passer sous plusieurs ponts; ils le faisaient sans peine; leur faible largeur n'y mettait pas obstacle ; il suffisait qu'on abaissât les mâts en franchissant les arches. On ne sait ni jusqu'où s'étendaient les navalia, ni quand ils furent construits. Ils n'étaient pas encore bâtis au temps de Cincinnatus'". Ils sont mentionnés pour la première fois en 422 de Rome, 332 av. J.-C. : les Romains, après la conquête définitive du Latium, se firent livrer les navires longs des habitants d'Antium; les uns furent brûlés, à l'exception de leurs rostres que l'on plaça sur la tribune aux harangues; les autres furent conduits dans les navalia de Rome [CLAssis]16. C'est là aussi que l'on ramena, en 586-168, les vaisseaux pris à Persée". On y conservait également les vieux navires de la République: en 563-191, lors de la guerre contre Antiochus, le préteur M. Junius avait été chargé de réparer et d'armer tous ceux que renfermait l'arsenal, veteres noves quae ire navalibus erant'°. Les navalia tenaient lieu au besoin de prison : les otages livrés par les Carthaginois au début de la troisième guerre punique y furent retenus 'H. Enfin les bêtes envoyées d'Afrique pour les jeux de l'amphithéâtre avaient leurs cages au même endroit 20. Parmi les constructions du censeur Fulvius, en 575-179, Tite-Live cite un portique post navalia, auprès des navalia" . Au milieu du He siècle av. J.-C. l'architecte grec Hermodore les répara V2. Caton le Jeune, au retour de sa mission de Chypre, ne voulut pas descendre de son vaisseau avant de l'avoir conduit jusque-là". En 710-44, la foudre les frappa°°; restaurés sans doute aussitôt, ils restèrent en usage sous l'Empire, mais leur importance alla en diminuant à mesure que se développait le port d'Ostie; ils servaient surtout de magasin et de musée ; entre autres curiosités Procope y put voir le vaisseau d'Énée25.
Un fragment du plan de marbre contemporain de Septime-Sévère et de Caracalla nous montre sur la rive gauche du Tibre, entre l'Aventin et le Forum Boarium, un espace quadrangulaire entouré de murs de trois côtés, avec une porte en son milieu ; on y lit ces mots : NAVALEMFER, qui signifient peut-être navale infer(ius) 2i : cet édifice serait un second port militaire, placé entre l'arsenal principal
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d'amont, navale superius,etl'emporiuml. MAURICE BESNIER.