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NEGOTIORUM GESTIO. 11 y a gestion d'affaires,
dans le droit romain classique, toutes les fois qu'une personne (gestor, gérant d'affaires) agit dans l'intérêt du patrimoine d'une autre personne (dominos, géré, maître), sans en avoir été chargée, ni par cette dernière, ni par la loi Cette double précision exclut le mandat et la tutelle de la sphère de la negotiorum gestio. Celle-ci suppose une intervention spontanée dans les affaires d'autrui. Justinien la range parmi les sources d'obligations quasi ex contre/du . Elle a surtout pour but d'éviter un préjudice à quelqu'un qui ne peut défendre ses intérêts (indefensus, absent, incapable) en permettant à une extranea persona de le suppléer.
Le très ancien droit romain ne connaissait pas la negotioret ln gestio. Il y avait peu d'absences, faute de relations commerciales suivies et de guerres lointaines. La forte
constitution des gentes et des familles agnatiques assurait la conservation des biens familiaux qui se trouvaient aux mains d'incapables (tutelle ou curatelle légitime des impubères, fous, prodigues, qui n'était peut-être'qu'une reprise temporaire en toute propriété des biens familiaux par les agnats et les geltiles). Si par hasard un paterfamilias s'absentait, son fils' ou son esclave prenait en main ses intérêts. Rarement un simple ami avait à intervenir. Si cette intervention exceptionnelle se produisait, la situation ainsi créée se réglait à l'amiable, vu les rapports d'affection qui unissaient les parties. La situation changea à partir du vue siècle de Rome, avec les conquêtes lointaines et l'essor nouveau du commerce (surtout du commerce maritime). Les absences se multiplièrent ; les liens de la gentilité et de l'agnation se relâchèrent Il devint nécessaire de sauvegarder les intérêts de l'indefensus et ceux de l'administrateur bénévole de ses biens. Car l'indefensus n'avait pas d'action pour demander à l'administrateur compte de sa gestion ; ni l'administrateur d'action pour se faire rembourser des dépenses et libérer des dettes contractées dans l'intérêt d'autrui.
Le remède fut la création de deux actions negotiorum gestorum: l'action S. G. directe, donnée au gestor pour sanctionner ses créances contre le dominos; l'action S. G. contraria donnée au dominos pour sanctionner ses créances contre le gestor.
Développement historique. 1. Origine des actions negotiorum gestorum. Ont-elles été créées par le droit civil ou par le droit prétorien?
Les textes sont, en apparence au moins. contradictoires. Bon nombre de témoignages 3 rangent les actions N. G. parmi les judicia bonae fldei. Or, depuis Savigny, on admet que la division des actions en judicia bonae /idei et actions stricti j'unis ne se rapporte qu'aux actions civiles. D'où la conclusion : les actions _V. G. sont d'origine civile et leur formule originaire était in jus concepta'. Mais nous possédons une autre série de textes. Ulpien nous rapporte les termes mêmes de l'édit sur la matière : « Ait praetor : Si quis negotia alterius. sine quis negotia, quae cujusque cana is moritur fuer'int, yesserit : judicium eo nolnine daim. » D'ailleurs les ouvrages dont les fragments figurent au Litre du Digeste De negotiis gestis 8 sont presque exclusivement des commentaires de l'édit, ou des oeuvres embrassant à la fois le droit prétorien et le droit civil'. D'où la conclusion : les actions S. G. ont été créées par le préteur et ont eu d'abord une formule in factum concepta.
Comment concilier ces données contradictoires? Des systèmes nombreux ont vu le jour sur ce point 10. On ne retiendra ici que les trois plus caractéristiques ". -A. Les deux actions X. G. sont in jus et civiles'. Le préteur
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n'en a parlé que pour rappeler aux indefensi qu'il existe une action civile en leur faveur', ou peut-être pour étendre au cas d'une hérédité jacente l'action civile donnée pour le seul cas d'absence'. B. Les deux actions N. G. sont in factum et prétoriennes'. Le préteur n'a jamais introduit dans son édit aucune voie de droit reposant sur la même idée qu'une action civile et devant produire le même effet. Jamais il n'a promis non plus de délivrer, sous les conditions et dans les hypothèses mêmes prévues par le droit civil, l'action civile correspondante'' D'ailleurs il subsiste des traces de l'ancienne formule in factum. On doit regarder comme telles deux décisions « d'apparence tout à fait sporadique n que rapporte Ulpien au fr. 3 8 et 9 Dig. I I I , 5
-C. L'action N. G. directa est ancienne et civile. Cicéron, dans ses Topiques' , cite l'action N. G. directa dans une énumération d'actions qui sont toutes des judicia bonne /idei, in jus concepta ; en outre, tandis qu'il mentionne les actions contraires qui constituent les contreparties de ces actions, il omet l'action N. G. contraria. Donc il ignore encore cette dernière, qui a été créée postérieurement par le préteur. Les termes de l'édit cités plus haut ne se réfèrent en effet qu'à l'action N. G. contraria, car les mots judicium eo nomine dabo ne peuvent se rapporter grammaticalement qu'au sujet de la proposition si quis negotia alterius gesserit, donc au gestor1.
Il y a sans doute une part de vérité dans les deux derniers systèmes. Le texte des Topiques de Cicéron rend vraisemblable l'inexistence de l'action il'. G. contraria au début du ver siècle de Rome e. Mais il ne prouve point que l'action N. G. directa soit civile, car Cicéron com prend dans la même énumération des actions prétoriennes in bonum et aequum conceptae, comme l'est alors l'action rei uxoriae, et l'on peut précisément penser que l'action X. G. directa est une action prétorienne de ce genre. Cela offre d'autant plus de vraisemblance que Cicéron, dans les autres listes d'actions de bonne foi qu'il nous donne ne mentionne jamais l'action N. G. 10, Quant au texte de l'édit, on ne peut guère admettre qu'il vise uniquement l'action N. G. contraria. A ce compte, en effet, le préteur aurait dà employer une formule identique pour promet ire l'action funeraria, action très voisine de l'action N. G. contraria, par laquelle une personne qui a fait ensevelir un mort peut se faire rembourser ses dépenses par l'héritier. Or les termes de l'édit diffèrent sensiblement dans les deux cas "1. En réalité, rien n'établit les origines différentes des deux actions de gestion d'affaires. On doit penser qu'elles ont été créées toutes deux par le préteur, mais à des dates
différentes, l'action N. G. directa étant la plus ancienne. Leur formule, rédigée in factum, s'est doublée plus tard d'une formule in jus (comme en matière de commodat, de dépôt, de gage)"; d'actions in aequum et bonuni conceptae qu'elles étaient, elles sont devenues actions de bonne foi en passant dans le droit civil, selon un développement dont nous avons d'autres exemples.
II. Domaine originaire d'application de la negotiorum gestio. La N. G. a-t-elle une portée générale ou une portée. restreinte? et, dans ce dernier cas, à quelles affaires s'applique-t-elle?
On a remarqué" que les termes de l'édit sont généraux : « Si quis negotia alterius gesserit.... » L'édit prévoit donc, dit-on, tous les cas de gestion des affaires d'autrui, avec ou sans mission. La gestion d'affaires sanctionnée par le préteur peut avoir sa source dans une mission privée ou publique aussi bien que dans une entreprise spontanée du gestor. Le mandat, la tutelle ont pour sanctions communes les actions negotiorum gestorum. Plus tard seulement les actions mandati et tutelae se détachent des actions N. G., dont elles ne diffèrent originairement que parce qu'elles entraînent l'infamie. Cette théorie séduisante paraît contraire à l'enchaînement chronologique des faits. Nous savons que l'action N. G. directa seule existe au temps de Cicéron; encore n'est-elle pas fort ancienne, puisque c'est une action prétorienne, et que les actions prétoriennes ne peuvent remonter plus haut que la loi /Lbutia (entre 605 et 628)14. L'action N. G. directa a donc été créée au plus tôt dans le premier tiers du vile siècle, et l'action N. G. contraria ne l'était pas encore au début du vite° siècle. Or les deux actions de tutelle et de mandat existent comme actions in jus dès le milieu du vile siècle, époque où Q. Mucius Scaevola (cos. 659) les comprend dans une énumération d'actions de bonne foi rapportée par Cicéronet l'action directe de mandat existe dès 631, époque où le préteur Sex. Julius refuse de la donner contre les héritiers du mandataire 13. A quelle époque l'évolution alléguée aurait-elle donc pu se produire 17'? D'autre part, les raisons d'introduction des actions N. G. d'une part, mandati et tutelae de l'autre, ne sont pas les mêmes. Au cas de gestion d'affaires, l'obligation du gestor résulte du fait même de son immixtion dans les affaires d'autrui (ex re). Au cas de tutelle, il est vrai, il en est d'abord de même ; mais une époque vient où l'action tutelae, étendue utilitatis causa, sanctionne à partir de la délation de la tutelle la négligence du tuteur à entrer en fonctions (cessatio tutelae 13). Au cas de mandat, il y a un accord de volontés, et la différence des situations est soulignée par ce fait, qu'anciennementl'existence du consentement réciproque
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ne transforme pas la gestion d'affaires en mandat', et que la mort du dotninus, qui met fin au mandat, ne met pas fin à la gestion d'affaires '. En sens inverse, peu importe l'opposition du dominos : on accorde quand même l'action N. G. à celui qui a utilement géré. Julien le premier propose l'opinion contraire, qui dénie toute action à celui qui gère malgré l'opposition du dominos 3.
Nous conclurons que l'action N. G. ne s'est pas appliquée originairement à. tous les cas de gestion des affaires d'autrui mais seulement à certains cas de gestion entreprise spontanément. Ulpien nous dit que la gestion d'affaires s'est introduite pour sauvegarder les intérêts des absents', et les termes de l'édit nous montrent qu'on se préoccupait aussi des hérédités jacentes. Cela permet de penser que la N. G. s'étendait nécessairement à un patrimoine entier (à tous les biens d'un absent ou d'une hérédité) : il n'y avait alors que des N. G. universelles, et celui qui avait commencé de gérer devait faire tout ce qu'un vil' diligens aurait fait pour ses biens propres c : il devenait procurator omnium bonorum. Mais d'assez bonne heure la N. G. s'est spécialisée. Les textes disent formellement, comme pour repousser un système ayant autrefois prévalu, que le gestor qui veut se consacrer à une affaire unique n'est pas obligé de prendre
en mains d'autres affaires du dominos La représentation en justice a été la principale, sinon la plus ancienne' hypothèse de negotiorum gestio à titre particulier. Citons encore le fait de se porter caution pour autrui 9 et divers cas énumérés par Ulpien '° : les biens d'un absent vont être exécutés ; on va vendre l'objet qu'il a donné en gage ; il n'a pas réalisé une promesse qu'il avait faite, et la clause pénale va être encourue ; il va perdre un bien par l'effet d'un acte contraire au droit". Ces actes ont pour caractères communs d'être des actes juridiques (et tel est bien le sens du mot negotium) et des actes urgents : sans doute la N. G. n'était primitivement admise qu'au cas d'urgence. Avec le temps, elle
a subi une double extension : elle s'est appliquée même à de simples faits matériels (exemple : réparation de la chose d'autrui qui menace ruine)", et elle a pu prendre naissance en dehors de toute urgence 13.
La « negotiorum gestio» en droit classique. I, cléments de la negotiorum gestio. Il faut, pour qu'il y ait N. G., réunir un élément matériel (une res) à un élément intentionnel (un animus). L'élément matériel consiste en une immixtion dans les affaires d'autrui; la N. G. ne prend naissance qu'à partir de ce moment, ex re. Il faut d'ailleurs que les actes de gestion se réfèrent réellement au patrimoine d'un tiers, non à celui du gestor. Si celui-ci a fait sa propre affaire en croyant faire celle du tiers, il n'y a pas de N. G.". Cette règle entraîne de sérieuses difficultés au cas où les actes de gestion intéressent tout à la fois le gestor et le tiers ". Toutes les fois que le gestor ne peut séparer son intérêt de celui du tiers, la N. G. est exclue (par exemple au cas où un débiteur solidaire, reus promittendi, paie seul la dette commune, il n'a pas contre ses correi l'action N. G. pour se faire indernnisert5). L'élément intentionnel consiste dans l'intention de gérer l'affaire d'une autre personne (contenlylatio alterias'', animus aliena negotia gerendi) pour lui être utile (utiliter coeptum)'". L'exigence de cette intention entraîne plusieurs conséquences. Nous savons notamment que, si l'on gère malgré la défense du dominos, il n'y a pas de N. G. Il n'y en a pas non plus si l'on gère en croyant le faire dans son propre intérêt; par exemple le possesseur de bonne foi qui fait des constructions ou des plantations sur le terrain d'autrui n'a pas l'action N. G. pour se faire indemniser 19.
II. Obligations qui naissent de la negotiorum gestio. La N. G. engendre des obligations réciproques20 à la charge du gestor et du dominos. 1' Obligations du gestor, sanctionnées par l'action N. G. directa. Il doit mener à bien les affaires dont il s'est chargé, c'est-à-dire les achever et les gérer convenablement, faute de quoi il
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indemnisera le donzinus 1. Au temps de Labéon, i] ne répond en celte matière que de son dol 2. A l'époque classique, bien qu'administrateur gratuit, il répond même de sa faute légère'. Pourquoi cette extension de responsabilité? On dit parfois qu'en se chargeant des affaires d'un absent le gestor négligent a peut-être écarté un autre piston plus diligent'. Cette raison purement logique ne suffit pas à expliquer une évolution historique qui reste peu claire. 20 Obligations du dominas, sanctionnées par l'action .,V. G. contraria. Elles se ramènent toutes à une seule : libérer le gérant des obligations qu'il a assumées, et lui rembourser les dépenses qu'il a faites dans sa gestion. Le dominas doit libérer le gérant de toutes les obligations qu'il a utilement contractées et de toutes les dépenses qu'il a utilement faites, mais de celles-là seulement '. P. 1luvELlx.