Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article NEKYSIA

NEf4IEA (NÉuea, Ncp.eta.). 1. Jeux néméens, une des quatre grandes Pètes nationales de la Grèce. Suivant la tradition la plus généralement acceptée, les jeux néméens auraient été fondés par Adraste et ses compagnons, représentants héroïques de la race éolienne, au cours de l'expédition des Sept contre Thèbes. On racontait que les héros argiens parvenus dans la vallée de Némée et cherchant en vain un cours d'eau où leur armée pût se désaltérer, avaient rencontré llypsipylé, l'ancienne reine de Lemnos, portant dans ses bras le jeune Opheltès, fils de Lycurgue, roi et prêtre de Némée. Pour guider l'armée vers une source voisine, la malheureuse nourrice avait abandonné à terre l'enfant qui, pendant son absence, avait été tué par un serpent. C'est alors que les chefs argiens, voulant à la fois honorer la mémoire de l'enfant, dont ils avaient indirectement causé la mort, et adoucir la tristesse de ses parents, avaient, institué les jeux néméens ; en mémo temps Amphiaraos, voyant dans cette mort tragique un mauvais présage pour l'expédition entreprise par l'armée argienne, avait donné à l'enfant le nom d'Archémoros (celui qui conduit à la mort) 2. Le marbre de Paros fixe la date de cette fondation des jeux néméens par Adraste et ses compas gnons à la 957e année avant l'archontat de Diognétos (26i av. J.-C.), soit 1251 av. J.-C. `. Suivant d'autres, les jeux néméens auraient été institués par les chefs argiens soit en l'honneur de Pronax, père de Lycurgue', soit en l'honneur du frère d'Adraste'. D'autres encore voulaient qu'ils fussent antérieurs à l'expédition des Argiens contre Thèbes 6. Enfin, d'après une tradition plus importante, ils auraient été institués par IIéraklès, après sa victoire sur le lion de Némée'. Toutefois on admettait plus généralement qu'Iléraklès n'avait fait que restaurer les jeux établis primitivement en l'honneur d'Archémoros, et leur donner une solennité plus grande en les consacrant à Zeus'. Cette tradition est en accord avec l'histoire des autres grands jeux. Comme les jeux néméens, ceux-ci trouvent leur origine dans un â,d,v I7t'r4toc; ce n'est que beaucoup plus tard qu'ils acquièrent plus de solennité par leur consécration à une divinité'. En dehors de la première célébration des jeux à laquelle Adraste et ses compagnons avaient été vainqueurs aux différents concours institués par euxte, Pausanias parle d'une seconde célébration légendaire à laquelle auraient pris part les Épigones et où Ménalippos aurait été vainqueur à la course 11. Dans les temps historiques, l'existence des jeux néméens n'est pas attestée d'une manière formelle avant l'année 573. Il est fort probable cependant qu'ils avaient déjà avant cette date acquis une certaine importance. La loi de Solon qui attribuait une récompense de cinq cents drachmes à tout Athénien vainqueur aux jeux olympiques, de cent drachmes à tout vainqueur aux jeux isthmiques, spécifiait sans doute aussi les récompenses à attribuer aux Athéniens vainqueurs aux autres jeux et, parmi ceux-ci, aux vainqueurs aux jeux néméens 12. Quoi qu'il en soit, il est certain que la solennité des jeux prit une importance nouvelle à partir de l'année 573. Ils furent, à ce moment restaurés avec éclat 13, et firent revivre la mémoire de leur héros Adraste, dont le tyran de Sicyone, Clisthène, avait, par haine d'Argos, proscrit le culte dans ses )états ". La célébration de l'année 573 (ol. 51, I4; est la première célébration NEM -51 NEM véritablement historique des jeux néméens 1. Élevés au rang de fête panhellénique 2, ils furent désormais célébrés régulièrement tous les deux ans : ainsi fut établie l'ère des Néméades, période de deux ans comme celle des Isthmiades. Les jeux néméens avaient lieu au commencement de la seconde et de la quatrième année de chaque olympiade, en été, vers le mois de juillet 4. Quant aux jeux «néméens d'hiver n dont parle Pausanias et qui ont donné lieu à tant de discussions, il parait bien démontré aujourd'hui qu'ils ne furent institués qu'à l'époque d'Hadrien. Ils n'avaient d'ailleurs pas le caractère de fêtes panhelléniques : c'étaient des fêtes locales célébrées à Argos, tous les quatre ans, vers la fin du mois de décembre Les jeux néméens se célébraient dans la vallée de Némée, qui s'étend du sud au nord entre la vallée de Cléone et celle de Phlionte. Encaissée de toutes parts, elle est longue d'une lieue environ et large de deux kilomètres ; la petite rivière Néméa, qui l'arrose, y entretenait dans l'antiquité d'excellents pâturages'. Au milieu de cette vallée s'élevait le temple de Zeus Néméen entouré d'un bois sacré de cyprès 8. C'était un édifice périptère avec six colonnes de front et treize colonnes de côté'. On n'est pas d'accord sur la date qu'il faut assigner à sa construction, mais il ne paraît pas être antérieur à la fin du ve siècle 10. Il était déjà en ruines au temps de Pausanias et avait sans doute été détruit par un tremblement de terre. Aujourd'hui trois colonnes seulement restent debout ; quant au bois de cyprès, il a entièrement disparu En dehors du temple de Zeus, le sanctuaire de Némée renfermait un hippodrome et un stade pour les concours équestres ut gymniques, et un théâtre pour les concours musicaux. On voit encore les restes du stade et du théâtre; l'hippodrome a entièrement disparu 12. A proximité des ruines du temple de Zeus, on croit avoir retrouvé également l'emplacement du tombeau d'Opheltès dontparle Pausanias 13. Une inscription découverte près du même endroit permet de supposer, sans qu'on puisse l'affirmer de façon positive, que le sanctuaire de Némée renfermait, comme ceux de Delphes et d'Olympie, des trésors consacrés par les différentes cités grecques 1'°. La vallée de Némée faisant partie du territoire de Cléones, c'est, à cette ville qu'appartint d'abord la direction ou, pour mieux dire, l'agonothésie des jeux néméens. Au temps de Pindare c'étaient encore les Cléonéens qui présidaient à leur célébration '°. Ce n'est que vers l'année 460 que les Argiens, s'étant rendus maîtres du sanctuaire de Némée, s'emparèrent en même temps de la direction des jeux, qu'ils conservèrent d'une manière définitive 1e. Les Cléonéens cependant n'avaient pas entièrement renoncé à leurs antiques privilèges, puisqu'à la fin du me siècle nous voyons Aratos célébrer les jeux néméensà Cléones 17. Déjà à cette époque, le sanctuaire des jeux avait été définitivement transféré à Argos' 8. Les jeux néméens duraient plusieurs jours. Comme pour les autres jeux, la période des fêtes était une période de trêve sacrée, d'ixtytit(x 19. Les cérémonies religieuses, les sacrifices solennels en l'honneur de Zeus Néméen 20 formaient le préliminaire delafête, dont le principal attrait 'était les concours gymniques et hippiques : c'étaient à peu près les mêmes qu'à l'Isthme Lcir iov 21, bo~ty6ç22 bpéxoç '717 toç 23 b7t)yrdjv ôpd~oç a 7csbr17tu'(l.ii 26, 77u'(xo . gymniques, les concurrents étaient répartis en trois classes : les hommes faits («vbptç), les adolescents (â'(évEtot) et les enfants (7cailEç) [LuD1] 31. l.es concours musicaux, qui faisaient également partie du programme des jeux, n'y furent sans doute introduits qu'à l'époque hellénistique. Ils existaient déjà à la fin du me siècle. Plutarque 32 raconte que, quelque temps après la bataille de Mantinée, le général de la ligue achéenne, Philopoemen, s'étant rendu aux jeux néméens, pénétra dans le théâtre avec une escorte de jeunes guerriers, au moment oit se disputait le prix de musique et où le musicien Pylade 33 chantait sur la cithare les Perses de Timothée. Les textes et les inscriptions nous donnent le nom de plusieurs musiciens vainqueurs aux jeux néméens 32. Quant aux concours dramatiques, il est probable qu'ils ont existé à Némée, comme à l'Isthme. Il est inutile de XI, 15, 2; Inscr. gr. IV, 587, 589, 590, 892, 597, 602, 606; cf. Busolt. Lakeddm. XX VII, 30 ; XXXIII, 40; C. inscr. gr. III, s. n. 127, 129: IV, m 590 ; VII, ne 49; 56; IX, 87 ; Paus. 11. 4, 4; 8, 1. 26 I. gr. IV, 428 ; Pind. Cl. VII, 82 Isthm. VIII, 4: Bacchyl. XIII ; Paus. VI, 3, 4. 28 Pind. Ne.. Vll; Herod. VI, 92 ; 1X, 75; Anth. Pal. XIB, 19; Paus. 1, 29, 4; VI, 3, 3.-29 Pind. Nem. 1; Paus. I, 22, 6 ; VI, 1, 2. 30 Cf. Krause, Bell. Il, 2, p. 132-139. -31 Michel, Bec. in, 1. gr. IV, 591; Pollux, IV, 89-90; Athen. X, p. 415, 1, etc. NE M 52 NEM revenir ici sur le rôle important joué par le synode des artistes dionysiaques de l'Isthme et de Némée, la question ayant été exposée dans tous ses détails à l'ar Les jeux néméens attiraient la foule de tous les points de la Grèce. Les grandes cités y envoyaient des théores 2. Parmi les vainqueurs dont le nom nous a été conservé, on trouve surtout des Eginètes, des Athéniens, des Achéens, des Eléens et des Arcadiens' ; mais on voyait aussi à Némée nombre de concurrents venus de contrées plus lointaines". Les magistrats chargés de diriger les jeux étaient appelés comme à Olympie 11ELLANODII/A1; ils étaient douze'. En souvenir de l'origine funéraire que la légende attribuait aux jeux, ils portaient des habits de deuil'. C'est également ce caractère d'âywv énltiâ~pwÿ que possédaient primitivement les jeux néméens qui explique, suivant les uns, la nature de la récompense offerte aux vainqueurs: une couronne d'ache (aéntvov)' cette plante avait en effet un caractère de deuil'. Le scoliaste de Pindare raconte, d'autre part, que primitivement le prix offert était une couronne d'olivier et qu'on lui substitua seulement après les guerres médiques une couronne d'ache en souvenir des guerriers morts en combattant les Perses°. Une autre légende attribuait à Héraklès l'invention de la couronne d'ache offerte aux Néméoniques10. Elle était faite d'ache fraîche, tandis que celle qui était donnée aux vainqueurs aux jeux isthmiques était faite d'ache sèche ". Il semble qu'à une certaine époque la couronne d'ache fut remplacée par une couronne de chêne 12. Le témoignage des auteurs anciens permet de supposer qu'il était tenu des listes des vainqueurs aux jeux néméens, mais ces listes ont dû disparaître assez tôt Didyme ne parait plus avoir connu que celle des vainqueurs au stade '3 . Nous avons déjà dit que, dès le ln" siècle av. J--C., les jeux néméens avaient été transférés à Argos; ils durèrent sans doute jusqu'au jour oit le christianisme devint religion d'État dans tout l'empire 1". IL Les scolies de Pindare attestent l'existence de jeux néméens à Mégare" et à Aetna, en Sicile ". D'autre part, on trouve sur une médaille de Caracalla de la ville d'Anchialos, en Thrace, l'inscription NEMAlA, qui fait supposer qu'on y célébrait également des jeux à l'imitation des jeux néméens 17. CAMILLE GASPAR.