Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

NEREUS

NEREUS, NEREIIIES. -I. Néreus (Nrpeéç) est une des plus anciennes divinités de la théogonie hellénique. Selon Hésiode', il avait eu pour père Pontus, personnilicaLion de l'élément marin. Il était, de plus, le frère aîné de Thaumas, Phorkys, Kéto et Eurybia, noms transparents à travers lesquels il est facile de reconnaître la nier, ses prestiges, ses monstres, sa violence2. Et son nom même le désigne clairement, lui aussi, comme un dieu marin'. II n'est point fait mention de sa mère, dans la Théogonie d'lfésiode, mais les mythologues postérieurs nomment unanimement Gaea4. Par cette généalogie, Néreus est le contemporain de Cronos et des Titans, un dieu bien antérieur, par conséquent, à Poseidon. Fils d'un élément primitif qui n'est jamais parvenu à la dignité d'un dieu personnel et concret, Néreus luimême est une figure mythologique assez effacée. Il symbolise la mer, mais la mer sereine et bienfaisante aux hommes5. Ce n'est point toutefois par des mythes, comme chez la plupart des autres dieux, que s'est exprimé ce symbole. Il a trouvé ici sa traduction, ainsi qu'on le verra plus loin, dans les noms variés et pittoresques des Néréides. Les Néréides, dit la mythologie, sont filles de Néreus et de l'Océanide Doris ° : en langage non figuré, entendez qu'elles personnifient les aspects, les formes, les attributs de la mer bienfaisante. Et ainsi le rôle de Néreus s'est trouvé presque entièrement dépouillé de son contenuau profitde ses filles. N éreus apparaîtchez l lomère. Il y habite, dans les profondeurs de l'Océan, une grotte éti ncelante'. Les poètes postérieurs localisaient, d'une façon plus précise encore, son domicile dans la mer Égée'. Symbole de la mer souriante, Néreus est devenu tout NER 73 naturellement chez Hésiode un (lieu tout de bonté. « On célèbre le vieillard, parce qu'il est véridique et doux, qu'il n'oublie jamais les lois de l'équité et n'a que des pensées de justice et de douceur'. » Ce caractère moral fut respecté et développé encore parla poésie postérieure. C'est ainsi que Pindare, dans la IX'Pythique, fait honneur au vieillard marin de cette belle maxime « qu'il convient, au nom de la justice, de louer franchement même un ennemi, s'il accomplit de belles choses ». De même c'est comme divinité bienveillante et tutélaire que Néreus intervient dans quelques rares mythes 3. D'après une tradition, qui n'a, il est vrai, que des garants assez récents, c'était lui qui avait élevé l'enfance d'Aphrodite marine'. Lorsque, partant à la conquête des pommes Hespérides, Héraclès eut besoin, pour traverser l'Océan, de la coupe du soleil [HERACLES], il la reçut, selon Panyasis, des mains de Néreus'. Il semble bien, du reste, que Néreus ait joué, dans la légende d'Héraclès, le même rôle que Proteus dans l'Odyssée et Glaucos dans l'expédition des Argonautes. C'était lui encore qui avait indiqué, disait-on, au hérosla mystérieuse retraite des Hespérides. Héraclès surprend le dieu marin dans son sommeil; une lutte s'engage; malgré les transformations successives de Néreus en eau et en feu, Héraclès réussit enfin à s'en rendre maître et lui arrache le secret désiré Plusieurs vases peints retracent les péripéties de ce combat (fig. 5316) Dans cette fable Néreus nous apparait comme dieu prophète : pouvoir que lui attribuaient déjà implicitement certaines épithètes hésiodiques: â~suSrç,âariA7s,vr µepT 1ss. C'est lui aussi qui, aux Argonautes, consternés de la disparition d'Héraclès, prédit, par la bouche de son interprète (ê7co?IiT,;s) Glaucos, les destinées glorieuses du héros 0. Enfin, Horace, dans une de ses odes, lui fait prophétiser 1 Theog. 234 sq. Voir I3ruchmann, Epitheta deor. s. e, 2 V. 94 sq. ; ef.Schol. Ad h. 1. 3 Ce n'est guère que chez Virg. A en. II, 418, qu'il déchaîne la tempéle. -4 Luc. Tra,g. 87 ; Ael. Hist. anies. XIV, 28.-5 Athen. XI, 469 D. Ou, selon Pcisaudros,des mainsd'Okéanos (Ibid.).6 D'après Phérécyde, Fragm, hist. gr. éd. Müller, I, p. 78 ; Apoll. Bibi. 2, 5, 11, 4; Schol. Apoll. 11h. IV, 1396. 7Gerhard, Auserles. Vasenbild. pl. cxu. Sur un fragment de vase, au Louvre (Ana. d. Inst. 1878, tav. d'agg. E = Roscher Austin Le.xik. der gr. u. rOm, Alyth. art. source, p.245-6) on voit Héraclès dans la demeure de Néreus et prêt à mettre en pièces meubles et vaisselle, sans doute pour contraindre Néreus à révéler son secret, scène très probablement tirée d'un drame satirique. 8 Theog. 233, 235. Do mémo chez Pind. Pyth. III, 93 (z(lse).o;) et Bacchyl. Frg. 6 (éd. Kenyan). 9 Apoll. Rhod. 1, 1310. 10 1, 15, 5. -'t Virg. Sen. Il, 418; Orph. hymn. 23; Oppian. Bal. II, 36; Cyn, 1, 77. 12 Callimaque (Hymn. I, 40), Nonnus, et, chez les Latins, Tibulle, Ovide, emploient le mat nereus au sens métonymique de mer. 13 Il. XVIII, 141; 1, 538, 556; XX, 107; XXIV, 562; Od. XXIV, 58; Paus. 111, 21, 8; Gerhard, Auserl. Vasenb. III, 122, 123; Wien. Vorlegebl. 1889, pl. t. 14 Cornut. De nat. deor. 1, 23. -16 Hom. Od. V, 96. 16 Hom. Od. IV, 349, 3654, 438, 01, 542; XVII, 140. Il Furtwüngler, Broncefande nus Olymp. (Abh. d. Berl. Akad. 1879, 96); Id. VII. NCR la ruine de Troie1''. Nous verrons plus loin que cette faculté prophétique est aussi un attribut des Néréides. Ce n'est que chez les poètes latins, ou de la basse antiquité grecque, que Néreus est présenté comme le souverain de la mer". Ils en font une sorte de substitut, et parfois même un simple synonyme poétique de Poseidon Néreus est parfois appelé â),toç 7épmv, le Vieillard marin 13, soit que cette périphrase rappelle simplement un aspect de la mer, l'écume blanche des vagues'', soit que plutôt elle exprime l'idée d'une divinité très ancienne. Elle n'appartient pas, du reste, exclusivement à Néreus ; elle s'applique encore à Phorkys '°, Proteus1', Triton'' Glaucos16. Probablement c'est l'appellation collective des divinités marines, antérieures à la souveraineté de Poseidon, et détrônées par lui. Ce nom aurait appartenu originairement à Néreus, et sans doute aussi à son frère Phorkys. Il se serait, par la suite, propagé à d'autres dieux de la mer, plus récents (Triton), ou d'importation étrangère (Glaucos, Proteus). La plupart du temps Néreus est représenté dans l'art sous les traits d'un vieillard, à barbe et cheveux blancs 10, vêtu du chiton et de l'himation, tenant en main un bâton ou sceptre, quelquefois un trident". On rencontre, exceptionnellement, une autre représentation où la partie inférieure du corps est une longue queue de poisson, tandis que le buste est d'un homme'i. Ce type pisciforme est évidemment dérivé de celui des Tritons, dont il diffère à peine [TRrro] 22. II. Les Néréides (NrIpEioaç) 23 sont filles de Néreus et de l'Océanide Doris. La Théogonie fixe leur nombre à cinquante24,chiffrequiparlasuiterestatraditionnel'-'.Cependant quelques auteurs, plus récents, l'élevaient à cent". Il va de soi qu'un tel chiffre n'est que le signe arbitraire de la multitude, au même titre, par exemple, que les trois mille Océanides 27. Sur les noms des Néréides, la tradition s'accordait moins encore. A côté du catalogue hésiodique 28 nous trouvons en effet dans unepartie relativemen t récente de l'Iliade"5, chez Virgile30, chez Apollodore 31, chez IIygin 3', des catalogues ou fragments de catalogues, qui ne s'accordent entièrement, ni avec celui d'Hésiode, ni entre eux. Ajoutez à cela les noms isolés qu'on déchiffre parfois sur les peintures de vases représentant des Néréides 33. On arrive ainsi, d'après M. Weizsicker, à un total d'une centaine de noms s". Ces divergences nous montrent l'imagination grecque, créatrice de noms et d'êtres mythologiques, continuant son oeuvre bien après Hésiode. A une époque récente, certains mythographes répartirent l'ensemble des Néréides en deux grandes classes. Des cinquante nymphes, filles légitimes 129. 18 Voir art. ecaucos. 19 Seule fait exception à cet égard la coupe de Duris (Wien. Vorlegebl. scr. 7, pl. u = Roselier, O. 1. p. 247, fig. 5), où Néreus a la barbe et la chevelure noires. 20 Voir S. Reinach, Répertoire des ras. peints, à l'Index, 0. 1. 1, 9; 0. 7ahn, Arefs. Aufs. p. 64, n. 20; Stephani, Compte rendu pour l'année 1886, p. 91, n. 7. 22 Néreus apparaît maintes fois, comme figure accessoire, dans le combat, souvent représenté sur les vases, d'Héraclès avec Triton. Les monuments relatifs à cet épisode ont été rassemblés par Petersen, Ann. cl. Roscher, 0.1. art. ueane,.es. Il figure souvent aussi dans le combat de Thétis et de Péleus (S. Reinach, Rclpert. Il, p. 89, 91, 277). Voir Grif, Jahrh. d. arch. Inst. 1 (1886), p. 201 sq. 23 Forme poétique N5109tz; (Hom. Il. XVIII, 38, etc.) et, par contraction, N0tbSz; (Soph. 0. c. 719). 24 V. 264. 23 Aesch. Erg. 168; Eurip. Iph. Taur. 427; Hyg. Praef. Orph. hymn. 24; Ovid. Met. 13, 73G; 14, 566. 26 Plat. Crit. 116 E; Propert. IV, 6 (71, 68. 27 Hesiod. Theog. 361, 28 V. 240 sq. 29 XVIII, 39 sq. 33 Georq. IV, 336 sq. -31 1, 2, 7. 32 L. 1. -'33 Rosc)tor. 0. 1. art, xsastnss (par Weizsücker, p. 2t1). 35 Ibid. NER 7i -NER de Néreus et de Doris, ils distinguaient des Néréides bàtardes, fruits des amours passagères de Néreus avec d'autres femmes'. (Expédient naïf, inventé pour établir un apparent accord entre des traditions inconciliables. Nulle part peut-être le sentiment poétique de la nature n'apparaît d'une façon aussi transparente comme la source directe et inépuisable de la religion grecque. Les Néréides, en effet, sont la traduction, en langage mythologique, del'infinie variété des phénomènes et des aspects de la mer. Et la plupart de leurs noms sont tout proches encore du phénomène physique qu'elles personnifient. Ces noms peuvent se distribuer en plusieurs classes. Voici d'abord toute une catégorie d'épithètes, ou se reflètent la vie multiple de la mer, la couleur changeante de ses eaux, le gonflement pour ainsi dire vivant de ses vagues, leurs mouvements souples, leurs rumeurs: FŒ),-1-rem, celle qui est blanche comme le lait (allusion à la crête des vagues) 2 Paaux71, la verte ; Kuu.oo, la Vague`; l4°«géOv, 'lIsiorri, 'Axc7rr), celle qui vient battre 1 grève, les rochers, le rivage"; îtois , celle qui pénètre dans les grottes°; Nr,eca ou Nrica:r„ celle qui enveloppe les îles 7 ; Eéayôp-q, AEtxydv , celle qui murmure doucement'. Sous la forme d'une comparaison avec des chevaux fougueux, les épithètes suivantes expriment encore la course rapide des flots : `I r oO6 . `I7t77oVdv„ MEV(7T71ri9. Dans une seconde catégorie de noms se manifeste un vif sentiment de la beauté de la mer et de ses séductions : °Ayau-ii (rac, ÿyagxt, admirer)10 ; IIxclO~a, la toute divine]" ; Oaniyi, la florissantet' ; 'Eca~oé, l'aimable t a ; ME).(r. , la douce comme le miel". A la navigation, dont les nymphes de la mer, c'est-a-dire les flots personnifiés, sont les agents, se rapporte une série particulière d'épithètes IlsVrozdpclx, celle qui conduit les navires au delà de la mer 13; 'Gspousa, celle qui les porte 1 G ; IIpvoOoa, celle qui les pousse f 7 ; lN tég 7r1, celle qui les guide favorablement 18 ; Eau), celle qui leur procure le salut,'t; Eé)itglV-r„ celle qui les amène à bon port9°. Très voisines encore de cet ordre d'épithètes sont celles qui traduisent, d'une façon plus générale, la bienfaisance de 1a mer, les services qu'elle rend aux hommes : ii\tnreé, Ica, Eûôupr,21, Un autre groupe, plus abstrait, exprime la puissance de l'Océan, sa force réglée par le rythme du flux et du reflux, L' vx~ cv:r„ Eéxpév' 22; idée qui se répète encore dans les noms suivants, mais relevée et agrandie parla notion supérieure de loi, OEgtc70), Dliris2221, dernières épithètes expriment l'ordre régulier qui préside aux marées, en voici une autre qui semble rendre, au contraire, ce qu'il y a de capricieux et d'indisciplinable Alnaseas, Prg. 25 b dans Müller, l'co2sn. hist. gr. Ill, p. (ô4, 2 ]les. Theort. 250. La liste des noms. We zs,icker, L. 1. 3 V. 241; cf. (256), « celle qui règne sur les eaux vertes ; Hésiode appelle parfois lamer (Thang. 410). -I V. 266; les flots et les souffles des vents violents .22-3); cf. vase corinthien du Louvre, symbolise la perspective infinie des lols, 1'5),55,r '24) pu exprime le calme riant de a4 V. 246; cf. encore E70,,5 (259), celle qui est délicate comme l'agneau (Theocr. hl. Xi, 20). Pend-être cette épithète fait-elle allusion aux troupeaux qui paissent sur le rivage. 13 V. 256. 10 v'. 218. 17 ibid. Rac. 555, w0,S = pousser en avant (e). 18 V. 261. 18 V. 213. zo V. 246. On peut rattacher ù l'idée de la na, igalion l'épithète 2sn pui.,a (2:,7) = celle qui commande aux peuples (par allusion 01. Hari. I.e..2'4 V. 266,-28 Ibid. Littéralement celle qui a sa volonté propre,. Je ne paie coma, oir par quel I iais I coller arrive à var dans r, nom une allusion an dans cet élément; Aé'covd-g2', Rangeons enfin dans une dernière classe un certain nombre d'adjectifs, gui font allusion à la faculté prophétique, attribut commun de la plupart des divinités marines : Ilcovdr, Nc,p.Ep' ééé26, et peut-étrellpweugiluta'-Ici les Néréides nous appara issent tout à fait personnifiées. Le séjour ordinaire des Néréides est l'Océan, au fond duquel elles habitent en compagnie de leur père". Pindare les y représente assises sur de hauts trônes, toutes parées d'or, et tenant en main des fuseaux d'or'°. Sur une pyxis du British Museum nous voyons en effet sept d'entre elles, désignées par leurs noms, ainsi occupées à filer et à se parer10. Mais, souvent, délaissant les profondeurs marines, elles viennent se jouer à la surface. Un de leurs passe-temps favoris est; de danser en cha'ur sur les flots ou sur le bord du rivage'. Souvent aussi (c'est là, nous le verrons, un motif introduit par l'art du ive siècle), montées sur des Tritons ou sur des monstres marins, dauphins, hippocampes, centaures, elles parcourent la surface des flots, folâtrant avec des balles, des Iuiroirs, ou des tambourins". Les poètes célèbrent à l'envi leur grâce et leur beauté Dans l'art, comme dans la légende, les Néréides se présentent la plupart du temps en troupe. Rien de plus naturel, si on se rappelle qu'eIles personnifient la multitude des vagues marines. Quelques-unes seulement ont leur légende individuelle: Amphitrite, Psamathè, Galatée, Orithyie, Thétis. Par un insigne honneur, Amphitrite devint, comme on sait, l'épouse de Poséidon 3' et les noces de ces deux divinités sont un sujet maintes fois traité par la sculpture et la peinture" [xmnn Tilrrfrj. Psamathè eut une destinée moins heureuse; mariée à Éaque, elle fut changée en algue pour s'être refusée à son amour". On cornait le spirituel mythe de Galatée et Polyphème, la passion malheureuse du Cyclope pour la belle Néréide, éprise elle-même du jeune Acis °7. Quant à Orithyie 35, bien que dans la mythologie attique elle soit devenue la fille du roi d'Athènes Erechtheus, il ne parait pas douteux cependant que, primitivement, elle n'ait été une nymphe de la mer et l'histoire de son enlèvement par Borée n'est probablement que le symbole f'ivr,NTrl de la lutte du vent du nord contre les vagues dressées en montagnes (ivoos, montagne ; Viio, bondir). Entre toutes ses soeurs, Thétis, qui devint l'épouse de Pélée, est la plus belle et la plus célèbre h0 [rrrTiS, ACuILLi:LS(, Comme leur père, les Néréides sont des divinités bienfaisantes et secourables, Les navigateurs les invoquent pour obtenir une heureuse traversée'''. On leur offre des sacrifices, en communauté avec Poseidon et Amphitrite 4'. commerce. 2e V. 261, 263. 27 V. 249. Selon R'eleker, Ge. Gdtlerlehre, Ill, p. 69, cette épithète, do méme quo IIoo,-o (253), désignerait la nier, considérée comme élément. primitif du inonde; cf. 135o,o 3;. -28 noni. Il. XVIII, 38. 29 Nom. IV, 65; V, 7, 36. 30 Dumont et Chaplain, Ce'ois de la Gr. propre, I, p. 361 sq. p1. Ix. 31 liurip. Ion, 1076; Iph. Ail/. 1055; Iph. Taux. 426; Orph. hym1; Ovid. Met. 2, 1.2; Ifor. Od. HI, 28, 10; (limer. Hel. 13, 21. -32 Plat. Cric. 116 E; 31 gralosth. t'ztase 31. 221 Indication de ces noueux ils dans Roselier, L.1. p. 217-9. -3c Apollod. 3, 12, 6, 8; Antou. LM. 38; Isar. Hel. 3; Piud. tVem. V, 7 37 Voir dans Roselier, O. 1. art. cdr_drern cl, u .i ruexcs. 38 Orithyie ne figure point, comme Néréide, dans le catalogue dtlésiode, mais seulement clice Homère (ll. XVIII, 46) et (lçg. Prao/'. 3e Welekec, Nouu. gtiin. de l'hist. pl. u; Loschcke, /doveas n. Oreilh. ua liypselosk. Dorpal, 1886, 50 Lschdc rappelle la reine des cinquante Néréides (Fry. 317). il Soph. lhi1. 1170; lier. NER -75 -NER Ce sont elles qui, chez Apollonius de Rhodes, guident entre les écueils Charybde et Scylla la nef Argo 1. Mais surtout elles sont dos soeurs et des filles dévouées. On les voit, en particulier, assister Tirais dans toutes les phases de sa légende, prendre part à ses joies, à ses alarmes maternelles, à son deuil. Elles sont présentes, d'abord, à son mariage'. Lorsqu'aux cris d'Achille pleurant Patrocle, Thétis sort des flots, elles l'accompagnent''. Elles l'accompagnent aussi quand Thétis va demander à lléphaestos des armes nouvelles pour son fils et, ensuite, les rapporte du ciel'. Elles sont là encore quand la mère désolée vient au rivage troyen pleurer sur le cadavre de son fils 3. Enfin elles prennent part à l'apothéose finale du hérosaprès sa mort, à ce voyage triomphal vers file bienheureuse de Leukè, où il régnera désormais immortel". De même, les Néréides assistent toujours sur les vases au mariage de leur soeur Amphitrite avec Poseidon `. Sur d'autres, on les voit prêter secours à leur père Néreus dans sa lutte contre Héraclès s. Dans une seule occasion, sembleLU, les Néréides s'étaient montrées vindicatives et cruelles. Cassiépéia, reine d'Éthiopie, ayant prétendu publiquement Ies surpasser en beauté, elles se vengèrent sur sa fille, qui, d'après l'ordre d'un oracle, fut exposée sur un rocher, en proie à un monstre marins [esnxoamnA(. Un vase, qui nous montre la délivrance d'Androm('cle par Perseus, y fait assister les Néréides, sans doute réconciliées". Le culte des Néréides était répandu tout le long des côtes de la Méditerranée. On le rencontre notamment au cap Sépias en Thessalie" à Erythra.e en Béotie 12, à l'Isthme deCorinthe'', à Délos 1', à Lesbos'', à Corcyre". Pausanias signale même le culte de la Néréide Dot() à Gabala, ville de la côte de Syrie17. Les représentations des Néréides sont en nombre infini dans les ouvres de l'art grec, vases peints, terres cuites, fresques de Pompéi, marbres, bronzes, bijoux, monnaies, pierres gravées, sarcophages 1a. Les figures isolées sont assez rares. Les statues, qui nous sont parvenues en très petit nombre, ont primitivement fait partie d'un ensemble. Telles sont, par exemple, les deux Néréides, assises sur des chevaux, qui décoraient les acrotères d'angle de l'Aselépiéion d'Épidaure 16, Telles encore celles qui, autour du monument funéraire de Xanthos, glissent légèrement au ras des vagues, faisant flotter comme des voiles leurs amples manteaux, où le vent s'engouflre L0. D'autres statues, éparses dans nos musées, ont servi ,jadis de décoration à des bassins ou des fontaines''. Pour l'étude du type plastique des Néréides, aussi bien que pour celle des mythes où elles jouent un rôle, les vases peints restent la source principale. Sur les plus anciens, elles paraissent généralement à pied et complètement vêtues. Au ive siècle seulement, les artistes se hasardent à les dévêtir, mais partiellement et avec discrétion, laissant. entrevoir tantôt une épaule, tantôt la poitrine. Ce n'est qu'à l'époque alexandrine et romaine qu'elles étalent une complète nudité. Une 'envie de Seopas, mentionnée par Pline'', qui l'avait vue à Rome oit elle avait été transportée, semble avoir eu sur le développement du type des Néréides une décisive influence. C'était un groupe représentant Poseidon, Achille et Thétis, entourés du choeur des Néréides et des demi-dieux marins. De cette oeuvre célèbre dérivent, selon toute apparence, toutes ces piquantes représentations où les Néréides marient la grâce et la fragilité de leurs formes virginales à la robustesse demi-animale des monstres sur le dos desquels elles chevauchent. L'art figure les Néréides à peu près dans toutes les scènes où la fable leur attribue un rôle. Ici deux d'entre elles prennent part au combat de leur père et d'Héraclès, et s'efforcent, en se transformant, l'une en lion, 1'autre en panthère, d'effrayer le héros (fig. X346). Là elles assistent, en spectatrices émues et effrayées, à l'entreprise de Péleus contre leur soeur Thétis". Ailleurs elles forment cortège à leur soeur Amphitrite épousant 76 NEU Neptune '. Une peinture de la maison de Livie à Rome, d'autres de Pompéi et d 'Herculanum nous montrent, en regard du Cyclope dédaigné, Galatée qui se rit de sa misère'. Mais aucun motif n'a été plus souvent reproduit que celui qui représente les Néréides apportant dans leurs faibles mains les armes nouvelles forgées par Hephaestos pour Achille. Tantôt elles accompagnent Thétis venant consoler son fils dans sa tente; tantôt et le plus souvent elles s'avancent sur la mer, chevauchant des poissons, des hippocampes et d'autres animaux fantastiques (fig X317) 3. En dehors même des légendes oie les Néréides avaient leur place assignée, l'art grec, chaque fois qu'il a, par exemple, à figurer un voyage de divinités à travers la mer, se plaît à égayer et animer le paysage par un cortège bondissant de Néréides, montées sur des monstres marins. C'est ainsi qu'un beau vase nous montre ces nymphes escortant sur la mer de Crète Europe et le taureau ravisseur4. La conception des Néréides sous la forme de monstres marins est tout à fait exceptionnelle et particulière à l'art romain Les représentations de Néréides sont très fréquentes sur les sarcophages romains 6. Selon l'opinion la plus généralement adoptée, leur image rappellerait qu'après la mort elles guident les âmes des justes vers les Ires Bienheureuses. Et nous savons en effet qu'Arctinos, dans son Aethiopide, avait montré Achille défunt conduit triomphalement dans file de Leukè par un cortège de Néréides'. Une autre interprétation" a été proposée par M. J. Martha, qui identifie les Néréides antiques avec les Néraïdes (ou Anéraïdes) de la Grèce modernes, Celles-ci, de même que les Ondines de la mythologie germanique, apparaissent, dans un très grand nombre de légendes, comme des ravisseuses d'enfants et de jeunes gens : la représentation des Néréides sur les tombeaux pourrait donc être l'emblème ou d'un trépas prématuré, ou plus généralement de la brièveté de la vie humaine. O. NAVARRE.