Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article NIMBUS

NIMBUS, nimbe, auréole. Les anciens croyaient que les dieux vivaient dans les régions supérieures de l'atmosphère, au milieu d'un air plus pur et plus subtil que celui qui nous environne ici-lias; ils l'appelaient l'éther (Œ3O' p, aelhes'). Répandu aux extrêmes limites du monde, dans le voisinage des astres, il participait de leur nature ignée et baignait d'une Iumière éblouissante les corps qui peuplaient les espaces célestes. Les dieux, même quand ils quittaient leur séjour habituel, emportaient avec eux, tout autour de leur personne, comme une émanation de cette atmosphère resplendissante. Elle les accompagnait partout; c'était un de leurs attributs les plus essentiels ; il suffisait à. révéler leur présence sur la terre, oit il remplissait les humains d'admiration et de pieuse terreur'. Quelquefois aussi certaines divinités communiquaient pour un temps à des héros, qu'elles honoraient d'une faveur spéciale, ce signe distinct il' de leur puissance, quand elles voulaient les rendre plus augustes ou plus redoutables. Elles en gratifiaient même de simples mortels, sur lesquels elles avaient de grands desseins et qu'elles signalaient à la vénération publique 2. De là vint 1 idée d'attribuer le a nimbe „ à ces personnages marqués d'un caractère divin'. Il est probable qu'à l'origine on le concevait. comme une nuée lumineuse qui enveloppait leur corps tout entier, qui marchait avec lui et en suivait tous les mouvements. Mais un pareil attribut n'aurait pas toujours été facile à représenter sur les monuments de l'art; on le réduisit donc, par une convention devenue commune, à un cercle de vapeurs, brillantes comme la flamme, qui entourait seulement la tête du personnage. Ce nimbe affecte deux formes principales : tantôt c'est un simple disque, qui peut même n'être figuré que par un trait circulaire : c'est le nimbe propre mentdit; tantôt il apparaît comme une auréole de rayons diver gents ; parfois, il est vrai, les deux formes sont combinées avec plus ou moins de fantaisie. On a conjecturé d'une manière assez plausible que les représentations de la Lune avaient inspiré la première; celles du Soleil, la seconde [AURORA, LUNA, SOL]'. La figure 3318 représente, d'après un vase peinte, l'Aurore conduisant son char, précédé de Phosphoros, l'étoile du Matin, tous deux nimbés. Mais si Ies divinités sidérales ont, servi de prototype, il est bien certain, d'autre part, que toutes les autres ont reçu également cet attribut, même des divinités chtoniennes telles que Cérès, ou des divinités marines telles qu'Amphitrite. On conçoit que la statuaire la plupart du temps s'en accommodait mal ; certaines statues ont pu en être ornées dans 1 antiquité ; celles qui en ont conservé la trace sont assez rares e. Mais le nimbe devait être fréquent dans la peine NI1'I 85 Lure, si nous en jugeons par les exemples observés sur les fresques de Pompéi (fig. 5319)' ; on en peut relever un grand nombre aussi sur les lampes, les gemmes, les monnaies. La figure 5320 est tirée d'une mosaïque africaine, qui représente Diane au bain, surprise par Actéon 2. Sur les monuments qui comportent l'usage de la cou leur, le nimbe est le plus souvent jaune, blanc ou rouge ; mais quelquefois aussi il est peint en bleu ; on ne voit pas, du reste, qu'à ces différences correspondent des intentions symboliques 3. Stépbani a dressé un catalogue raisonné des monuments de tout genre où apparaît le nimbe `; ce qui en ressort clairement c'est que cet attribut, tel que nous l'avons défini, n'a pas été adopté par les artistes avant le Ive siècle. Comme les Grecs, beaucoup de peuples de l'Orient croyaient que la divinité se manifestait au milieu d'une lumière d'un éclat surnaturel; il est donc possible que leurs idées, répandues dans le monde hellénique, aient contribué à multiplier les images nimbées. Elles deviennent très communes sous l'Empire. A partir de Néron, l'empereur lui-même a quelquefois sur les monnaies la tête entourée d'un nimbe, signe de son caractère sacré 6, comme on peut le voir dans les figures 53210 et 5322', où sont représentés Antonin et NIT Valentinien II en costume militaire avec le halurdalnelltum. D'autres pièces offrent l'image du phénix nimbé : il est grave au revers de monnaies de Trajan"; sur tin grand bronze de Faustine la mère, l'Éternité le porte dans sa main droite 9. C'est une abstraction personnifiée, qui représente sous une forme symbolique l'immortalité assurée au chef de l'Empire. Le nimbe est resté en usage pendant plusieurs siècles, avec la même signification, sur les monnaies des empereurs d'Orient10. On le rencontre assez souvent autour des images des divinités étrangères, telles que les divinités égyptiennes ou syriennes, dont les adorateurs, devenus nombreux depuis Alexandre dans le monde occidental, associaient à des mythes solaires et cosmogoniques l'idée de la résurrection de l'âme ; delà vient que le nimbe est assez commun sur les gemmes de basse époque, où on a multiplié les symboles mystiques. Enfin, dans les peintures qui ornent les manuscrits des auteurs anciens tels qu'Homère ou Virgile, le nimbe est attribué non seulement aux grands dieux de l'Olympe, mais encore à des divinités locales, qui personnifient des fleuves, des montagnes ou des villes, et même aux héros de l'ouvrage, tels qu'Énée ou Didon. Ces peintures sont l'ouvre soit des derniers temps de l'antiquité, soit même du moyen âge; mais on tend de plus en plus à admettre qu'elles reproduisent des archétypes d'une date bien antérieure[[. De l'auréole à rayons procède la couronne radiée, posée sur la tête et ceignant le front [CORONA, fig. 2006]. Il n'est pas douteux qu'elle avait à l'origine le même sens ; elle est devenue un des insignes les plus ordinaires de la dignité impériale f2. G. LAFAYE. Nimbus est aussi le nom d'un bandeau porté sur le front par les femmes 13. -C'est encore celui d'un vase percé de trous comme un arrosoir 44.