Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article NUCES

NUCES (Kci ux). -Les noix, dans l'antiquité, servaient de jouet aux enfants ; elles étaient pour eux ce que sont les billes pour les nôtres, si bien qu'on les considérait comme un des principaux attributs de leur âge ; on disait en manière de proverbe « quitter les noix, noces retinquere », pour dire « sortir de l'enfance ». Horace peint un jeune Romain, passionné pour ces sortes d'amusements, qu'on voyait en tous lieux porter des noix dans un pan de sa tunique 2. Auguste jouait aux noix avec des enfants 3. Les Grecs en avaient probablement donné l'exemple aux Romains, et avant eux inventé les diverses formes du jeu'. Ovide les a décrites dans son poème sur le Aoper°. Il n'en énumère pas moins de sept. 1° Le joueur debout devait fendre d'un seul coup, sans l'écraser, la noix placée à terre. D' En se penchant, il devait viser successivement les noix de l'adversaire 3° On posait à terre trois noix les unes contre les autres; il fallait en lancer une quatrième avec assez MTC d'adresse et de légèreté pour qu'elle restât en équilibre sur le tas : le tout devait former une petite pyramide, ou, comme on disait, un château ; c'était le ludus castellorum'. On voit ce jeu représenté dans la figure 5337 d'après un bas-relief qui orne un sarcophage i;rorlvé à Ostie'. A gauche sont réunis cinq petits garcons, dont un accroupi pose des noix à terre devant lui ; un de ses compagnons assis en face se prépare à lancer la sienne. A droite est engagée une autre partie ; on distingue très nettement les castella ; un des enfants, tenant dans un pan de sa tunique les noix qui lui restent, pleure parce qu'il a perdu. Entre les deux groupes, des joueurs, qui ont eu ensemble une contestation, semblent se menacer 7. Le jeu des castella, parait-il, est encore en usage en Italie 10. 4° Le joueur faisait rouler sa noix du haut d'une planchette posée en plan incliné; elle devait toucher celle de l'adversaire pour que la partie fût gagnée, ou bien elle restait sur le terrain jusqu'à ce qu'un autre plus heureux emportât le toutil. Un marbre de Rome (fig. 5338) 12 nous montre de la façon la plus claire des enfants occupés à ce jeu, quoique peut-être ils y emploient des pommes, et non des noix, substitution qui était du reste ordinaire dans tous les jeux du mène genre. Notre tapette a de grandes analogies avec celui-ci, 5° 01a jouait les noix à pair ou impair [PAR IMPAR] ou bien encore le joueur faisait deviner à son adversaire le nombre exact de châtaignes ou de noix qu'il tenait renfermées dans sa nain [POSINDA] 1. 6° On tracait sur le sol avec de la craie NUC 116 NUM un delta majuscule, A, divisé par un certain nombre de raies parallèles. Il s'agissait de lancer sa noix de telle sorte qu'elle franchît les raies sans sortir du delta ; le gagnant était celui qui en avait franchi le plus ; les autres recevaient autant de noix qu'ils avaient franchi de raies'. Ce jeu, certainement inventé par les Grecs, présente des rapports avec d'autres jeux de marelle, particulièrement avec celui qu'ils appelaient à cette différence près que dans u.tXaa la figure était un cercle ; on y jouait avec des noix aussi bien qu'avec des osselets 2. 7o On plaçait un vase ou on creusait un trou à une certaine distance du joueur ; il devait lancer sa noix assez habilement pour 1'y loger C'est notre jeu de la fossette ou du pot. Les Grecs appelaient le pot (létuvoç. Il n'y a probablement pas de différence entre ce jeu et celui de Lorca, ainsi nommé parce qu'il fallait viser le goulot étroit d'un vase (iipn, orca) disposé de manière à servir de but'. On voit moins bien s'il était identique aussi à la Tpôax, qui se jouait principalement avec des osselets [TALUS:; la Tpd7ra, ou « conversion », pourrait avoir été analogue à la bloquette et devrait être alors considérée comme une variété du jeu précédent'. II n'est point de jeu si innocent qui ne puisse devenir dangereux quand il fournit prétexte à des paris et qu'on y engage de l'argent. Les jeux de noix, comme les autres, prenaient quelquefois cette forme, et alors ils tombaient sous le coup des lois spéciales publiées à plusieurs reprises pour réglementer la matière [ALFA]. Elles étaient suspendues de plein droit pendant la durée des Saturnales, du 17 au 23 décembre [SATURNALIA] ; on voyait chaque année, quand revenaient ces fêtes, beaucoup de grandes personnes, usant de la permission, se livrer au jeu des noix, non sans avoir intéressé la partie, comme on peut le supposer. Les noix rentraient aussi parmi les cadeaux, qu'il était d'usage d'échanger entre parents et amis à l'occasion des Saturnales (nuces Saturnalitiae) il s'en distribuait alors de grandes quantités. Mais il n'y a pas apparence que le jeu des noix fût interdit pendant le reste de l'année à ceux qui respectaient les prescriptions légales, et surtout aux enfants. Les noix comptaient au nombre des friandises les plus usuelles ; dans les cérémonies du mariage, chez les Romains, lorsque l'époux conduisait sa femme au domicile conjugal, il jetait des noix aux enfants assemblés sur le passage de la noce, comme aujourd'hui on leur jette des dragées [MATRIMONIUM]. Dans l'antiquité même on a attribué à cette coutume un sens symbolique qu'elle n'a peut-être jamais eu'. Il est probable que c'était simplement une libéralité, qui avait peur but d'associer tous les assistants à la joie de la famille, car on jetait aussi des noix aux enfants dans les anniversaires de naissance ; c'est ainsi que nous voyons un habitant d'une ville d'Italie donner une somme pour que le sien soit célébré chaque année par une distribution de ce genre 3. Chez les Grecs le nouvel époux offrait à sa femme, au moment où elle entrait pour la première fois dans sa demeure, une collation composée de gâteaux, de figues, de dattes et de noix, coutume que l'on pratiquait encore à l'égard des esclaves récemment achetés, lorsqu'on les amenait du marché auprès du foyer domestique; les distributions de bienvenue s'appelaient xaTayéa'xs-ra'. Il est possible cependant qu'en raison même des idées d'heureux présage qu'éveillaient ces coutumes, les noix, comme on l'a pensé, aient paru propres à détourner les influences malignes et servi quelquefois d'amulettes aux gens superstitieux. Par là s'explique peut-être qu'on ait trouvé dans un tombeau, près de Rome, trois noix en terre cuite, percées à leur partie supérieure d'un trou de suspension ; elles ont été par conséquent portées par le défunt, comme d'autres objets recueillis dans la même sépulture, et dont l'usage prophylactique n'est pas Appareils faits pour réduire à l'immobilité un homme condamné ou un animal dont les mouvements sont dangereux. L'instrument de supplice s'appelait chez les Grecs x~ pwv 1 et aussi x'Ae oç ou xa),toç ; quelquefois on disait simplement ;uaov ou UXa 2, les bois. En effet, il était formé de bois assemblés de façon, dit le scoliaste d'Aristophane 3, à peser sur la nuque du condamné, ainsi tenu courbé sans pouvoir se redresser jamais. A cette description, on reconnaîtra le xicpwv sur un vase peint du Musée du Louvre 4, où sont figurés des prisonniers : tous les deux ont la tête introduite dans un bâti de bois quadrangulaire; l'un est plié en avant; il ne peut que tendre la main par derrière pour saisir un pain qu'une femme lui apporte, l'autre est couché sur le dos (fig. 5339). Un autre nom donné par le scoliaste comme synonyme de xé fwv, x),otôç, signifie proprement un collier de force' ; il désignerait donc plutôt un carcan en bois, semblable à la cangue des Chinois, percé de trous par où passaient la tête, les NUM 117 NUM mains et quelquefois les pieds du supplicié. Et, en effet, il y en avait de tels' ; et aussi des entraves, xa),to(, ive ox .xY 2, faites pour les pieds seulement. C'est encore du grec ((i6Eta) que vient le mot latin boiae, nom du même carcan de bois ou de fer, qui fut aussi en usage chez lesRomains3. On le voit représenté dans un bronze du cabinet de la Bibliothèque nationale (fig. 5340) 4. Plaute ' appelle plaisamment columbar ce pilori dont les ouvertures avaient quelque ressemblance avec celles d'un colombier. Le comique, dans un passage où il énumère les châtiments qui menacent des esclaves coupables nomme encore les compedes : c'étaient les fers qu'on leur mettait aux pieds [corans], les pedicae', qui paraissent en être une variété ayant quelque chose sans doute d'un piège à prendre les bêtes fauves [PLDICA]; puis le nervus, qui est encore une sorte d'entrave, laquelle ne se confond pas avec les précédentes. On a donné à tort ce nom exclusivement aux ceps où les pieds seuls étaient engagés ; les auteurs en divers endroits les distinguent, en les nommant l'un après l'autre, comme Plaute 3 dans son énumération ; il dit ailleurs en propres termes 9 que le nervus était porté sur le cou. Il est vrai que le nervus, quoique différant des compedes, servait également à enserrer les pieds. C'était une pièce de bois 1° ou de fer, percée à des intervalles réguliers de trous où s'emboîtaient les pieds des captifs. On a trouvé à Pompéi, dans la caserne des Gladiateurs, un de ces engins consistant en une longue barre de fer, munie de pitons dans lesquels glissait une seconde barre mobile, après que les pieds avaient pris leur place (fig. 5341)". Le nervus fut un moyen de torture souvent employé contre les chrétiens. On s'en servait pour écarteler, en éloignant les pieds graduellement. Eusèbe parles' de martyrs écartelés ainsi jusqu'au quatrième ou au cinquième trou. Plaute, dans le passage cité, nomme encore les numellae que Nonus Marcellus range parmi les instruments de supplice, et d'après lui, c'était un carcan de bois 18. D'après d'autres auteurs, les numellae étaient employées pour maîtriser les mouvements des grands quadrupèdes, particulièrement quand ils devaient recevoir les soins d'un vétérinaire14. Columelle recommande de les combiner avec une sorte de « travail » de maréchal où le corps de l'animal était attaché entre deux brancards ; en avant étaient les numellae, cadre de bois ou harnais de cuir, dans lequel la tête était prise; puis on faisait descendre sur le col des barres qui l'assujettissaient. E. SAGLIO.