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OMP[JALOS (éN.tvaadç, lat, ulnbilicus, umbo). Bosse ronde, centrale, d'un bouclier ', d'un timon de char 2 ; iatit 8aÀcaryç °. Ce vers indique déjà la conception d'un centre sacré, d'un nombril du monde qu'on situa plus tard à Delphes. Sur l'emplacement où surgira le temple d'Apollon, deux aigles, que Zeus avait lancés des extrémités du monde, fixent, en se rencontrant, le centre de la terre, et une pierre sacrée, l'omphalos delphique, marque l'endroit précis de leur réunion. La légende du centre de la terre, inventée par les prêtres delphiques °, a été acceptée par les grands poètes du ve siècle, Pindare et les tragiques'. Cependant aucun de ces poètes ne nous raconte la légende des deux aigles de Zeus, que des auteurs récents nous ont transmise 8, Strabon et Pausanias se réclament bien de Pindare, é v eilr, 'rtvt, mais l'ode en question n'a pas été conservée. D'autre part, Plutarque cite deux vers d'hpiménide, relatifs à la légende de l'omphalos, centre de la terre ; malheureusement, ce personnage est lui-même légendaire. Nous allons voir que le mythe officiel, prôné par la théologie delphique, accepté par la Grèce entière dès le début du ve siècle, n'avait pu étouffer une tradition plus vraie, et bien plus ancienne.En effet, Varron° et Hésychius10 rappellent que l'omphalos était la tombe de Python, du serpent monstrueux qu'Apollon avait tué. On sait que Gaia fut la première divinité de Delphes", et son serviteur terrible, le démon à corps de serpent, a donné son nom au sanctuaire le plus ancien f2, comme au dieu même qui le tue et qui détrône sa maîtresse, Apollon Pythien, et à sa prêtresse, la Pythie t3 [APOLLO, DRACO].
C'est donc le dieu vainqueur qui s'installe dans le sanctuaire de son prédécesseur, en y gardant le tombeau du vaincu, comme une relique précieuset4. Toute la théologie delphique, si subtile et si puissante, n'a pu déraciner le culte immémorial d'une divinité plus ancienne. Et le culte du tombeau, du mort héroïsé, est précisément le plus ancien et le plus populaire en Grèce [HEROS]. Les tombes à coupole de l'époque mycénienne en témoignent; et c'est en rapprochant le nom de 9r1aaupof, que Pausanias leur donne, des paroles de Varron
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citées plus haut et d'un passage d'Aristote, qu'on avait conclu que lomphalos de Delphes pourrait être un petit édifice à coupole. dais les tbesauri dont parle Varron ne sont que des tirelires ovotdes d'argile s ; et les monuments s'allient aux auteurs pour prouver que 1 orphales de Delphes était une pierre, de forme ovoïde et de grandeur moyenne (2 à /i pieds de hauteur). Or, les autels dédiés aux héros sont de forme et de grandeur similaires ', et ce ne sont, en vérité, que des rnxéot, les tertres funéraires de la Grèce d'alors. fi suffit de citer une amphore athénienne ', qui montre l'égorgement de Polyxène au tombeau d'Achille, et une autre amphore de la même fabrique, ou les Grecs et les Troyens combattent autour d'un tertre pareil, qui porte l'inscription
E. Ces deux tombeaux-autels sont décorés dun damier diapré qui imite la couverture de stuc peint (a=-'Sxwir.a) recouvrant le (tibia. y-i•I,, le tertre de terre ''. Sur un autre vase attique 8, un grand serpent se dresse à côté du tombeau blanc. Miss Harrison, dans deux études remarquables °, a fort bien relevé toutes ces circonstances, pour en conclure que l'omphalos delphique était le :bi.çoç de Python. Elle a publié deux vases athéniens à figures noires, de la fin du vie siècle 10, qui nous donnent aussi des tertres, décorés de deux serpents et d'une biche, évidemment peints sur le anrrxcop.a. L'un des régéot est surmonté d'une base carrée portant une pierre ovoïde, les deux autres d'un aigle qui tient dans ses griffes un lièvre ou un serpent". Tout en acceptant pleinement le fond des idées qu'expose Miss Harrison, je crois qu'on devra les modifier. Une pierre, à elle seule, n'est pas un re)a soc. Or, i'omphalos delphique était considéré comme le rvortos du Python : les témoignages sont formels sur ce point. Donc, cette pierre sacrée n'était qu'une partie, la seule partie visible du tombeau souterrain 12 son couronnement ovoïde, tel que nous venons de le voir sur un lécythe attique, tel qu'il apparaît comme couverture des grands tumulus archaïques t3, en Asie, depuis le deuxième millénaire av. J.-C.'", en Etrurie depuis le vni siècle'°. Les formes en sont variées, mais elles représentent toutes la même conception religieuse : cônes ou pyramide:, ocrj/haloi ou uhal'oi, ce sont toujours des symboles divins L RGoi LuThei, 1, ,EPYL(A], des fétiches qu'on vénérait en Grèce comme en Orient 10, Sur des monnaies grecques (fig. 7b7)17 et phéniciennes 18, on voit des
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pierres coniques ou ovoïdes (fig. 502, 741) placées dans un sanctuaire ou entourées d'une balustrade. A Delphes même, on gardait, dans l'enceinte du tombeau de Néoptolème, ou plutôt de Pyrrhos contigué au temple d'Apollon 26, une pierre de grandeur moyenne qu'on oignait d'huile tous les jours et qu'on enveloppait, pendant chaque fête, de laine brut,". Cétait la pierre que Rhéa avait offerte, selon le mythe connu défia dHésiode V2, à Kronos qui voulait dévorer Zeus : trompé par ce stratagème, le père vorace cracha la pierre que Zeus lui-même plaça à Pythc (Delphes). La laine dont on l'enveloppait devait imiter, selon les prêtres, les langes dont Rhéa l'avait couverte pour tromper son mari 23, En vérité, ce n'est qu'un très ancien fétiche qu'on oignait et habillait. Miss Harrison rappelle fort à propos une pierre donnée par Phébus à Hélénos, et qui rendait des oracles dès qu'en la lavait, l'habillait de fins vêtements, la berçait comme un enfant". Elle rapproche ce btïo7 aéôants, cette pierre parlante, de l'omphalos que certains auteurs faisaient dériver d Paus(, voix divine, oracle tondent si]. Sans nous arrêter à cette étymologie qui semble douteuse", nous admettrons une étroite parenté entre la pierre de Kronos et l'omphalos, qui était, lui aussi, entouré de bandelettes 26. Tel nous le voyons sur la plupart des monuments, et surtout sur le document le plus officiel du culte,
le beau sta,tère amphictyonique (fig. 5401) qui porte Apollon citharède assis sur l'omphalos : le bétyle de l'ancien dieu sert de trope au vainqueur.
L'omphalos était placé dans l'adyton du temple, à côté de la statue d'or d'Apollon. C'est ce que prouvent
Euripide 28 et Strabon L0, et une inscription récemment publiée 30 qui cite, parmi les travaux du temple, apôcraet, ô rpo'ooû èy.ya)Lov, 47av Tb 7707, rbv ôN.haév, confiés à l'en
trepreneur Sion, dont le nom se retrouve sur quelques blocs de l'adyton. D'après le vocabulaire technique de l'architecture grecque, 7cpéaoaat, doit être un portique placé devant fin mur. il senzhle donc que l'autel, l'omphalos et la statue du dieu aient été abrités par une sorte d'édicule à colonnes, comme t'image d'Athéna dans l'Erechtheion 11. Dans une inscription très importante,
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un palmier indique parfois que la scène se passe dehors. Môme remarque à faire sur les scènes de l'expiation, et celles de l'assassinat de Néoptolème par Oreste et un Delphien (fig. 5405) '. On y voit le temple au fond, la Pythie à côté d'un grand trépied, Apollon assis sous un palmier qui abrite un second trépied, plus petit; enfin, au premier plan,
Néoptolème blessé, agenouillé sur l'autel, tandis qu'un jeune homme l'attaque de gauche ; Oreste se cache derrière I'omphaIos , placé à côté de l'autel, comme l'était l'exemplaire trouvé dans les fouilles françaises. La base de l'omphalos, avec son calice de feuilles, se retrouve sur quelques autres vases.
D'ailleurs , celte pierre sacrée apparaît aussi dans des réunions de divinités 2 : le plus bel exemplaire repré sente Apollon et
Dionysos se donnant la main au-dessus de l'omphalos 3. On le voit entre Apollon et Héraklès qui se disputent le trépied (fig. 376). Apollon a même cédé son omphalos à d'autres divinités. Nous y voyons assises Léto et
Thémis a et même Hygieia a. Dionysos' et surtout Asklepios s empruntent à leur frère sa pierre sacrée; et dans une série de monnaies de l'époque romaines qui montrent l'omphalos entouré d'un serpent, on peut voir plutôt la puissance médicale d'Apollon,frère d'Asklépios, qu'un souvenir du vieux Python peu probable à cette époque récente ".
Toutefois, Apollon reste toujours le vrai traître de l'omphalos. Il y est assis, en citharède, comme sur le statère amphictyonique, sur plusieurs monnaies '1; il trône majestueusement, les pieds sur la pierre sacrée devenue son tabouret, dans une composition plastique du Ive siècle". Il est assis sur l'omphalos, en sa qualité d'Ix'r,eMtoç, Parc etles flèches dans les mains, sur une série de monnaies et de reliefs réunis par
M. Wace '3, qui y
ajoute une jolie statuette d'Alexandrie. Dans ce type d'A
est comme le blason de la dynastie séleucide (fig. 5406) 13 M. Wace semble reconnaître avec raison une fameuse statue du patron d'Antioche, dressée peut-être à l'endroit de la ville qui s'appelait Q ôupfÀtç tG
c'est-à-dire sur une
place centrale. De même, un endroit à Phlius était appelé l'omphalos du Péloponnèse"; et l'umbilicus tirais Romae, sur le forum 18, n'est qu'un descendant lointain de l'ancien fétiche, plus vieux encore que le culte d'Apollon'2. G. KAxo.