Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article OSTIARIUM

OSTRALiINDA(ècsopax yix) adz'. lcxhciv, jouer au jeu de l'ia'cpxxov. Ce jeu, pratiqué chez les Grecs au moins depuis le ve siècle av J.-C. , ressemble beaucoup à notre jeu de pile ou face. On s'y servait d'un ostrako,,i, c'està-dire d'une coquille ou d'un tesson [os'aAFoN', coquille blanche d'un côté, noire de l'autre, noircie souvent avec de Ia, poix' ; le côté noir s'appelait « la nuit », le blanc s'appelait « le jour ». La bande des joueurs se partageait en deux camps séparés par une ligne tracée sur le sol et chaque camp adoptait une couleur, l'un le noir, J'autre le blanc. Puis un des joueurs se plaçait au milieu, sur la ligne de séparation, et jetait en l'air l'ostr'akon en criantt: « Nuit, jour °. » (vii;, ,oa-tpc). Le camp dont la couleur avait le dessus se lançait aussitôt à la poursuite de l'autre. Le joueur qui se laissait prendre devenait un âne (wgs; le vainqueur montait sur son dos et le rame- Os'I' nait prisonnier au camp'. En somme, le jeu était une sorte de partie de barres, où les rôles étaient assignés par le sort. Mais la coquille a pu remplir le même office préliminaire dans beaucoup d'autres jeux. comme chez nous pile ou face et la courte paille. On disait proverbialement : faire une chose en un tour d'estralcon (ôe-roxzou ra trcpo'~r, parxaioo.i) pour dire en un tour de main et au petit bonheur. GroaGes LAFAYr. sentence d'exil portée par le peuple, au moyen d'un oQ~pax( orv, É;oarpxxetv). Le vote lui-même s'appelait ôaipaxoLOOfa'. L'ostracisme fut institué dans Athènes par Clisthène. Aristote, en exposant les réformes que ce législateur introduisit dans la constitution de Solon, cite l'ostracisme comme une de celles qui avaient particulièrement un caractère démocratique'. 11 ajoute que, deux ans après Marathon, le peuple, ayant pris confiance par suite de la victoire, appliqua pour la première fois la loi sur l'ostracisme, qui avait été faite par défiance contre les gens puissants ; en effet, Pisistrate avait établi sa tyrannie parce qu'il était démagogue et chef militaire. Le premier qui fut frappé était un de ses parents, Hipparque, fils de Charmos, du dème de Collytos ; c'est surtout à cause de lui que Clisthène avait porté cette loi, car il désirait l'expulserEn effet, les Athéniens, mettant en pratique l'humanité naturelle au peuple', avaient laissé demeurer dans la ville tous ceux des amis des tyrans qui ne s'étaient pas compromis dans les troubles ; Hipparque était leur directeur et leur chef, e L'année suivante, sous l'archontat de Télésinos, Mégaclés, fils d'Hippocrate 4, du dème d'Alopécé, fut ostracisé. Ainsi, pendant trois ans, ils bannirent les amis des tyrans, amis à cause desquels la loi avait été établie ;.mais après cela, la quatrième année, on commença à exiler tout citoyen des autres partis qui paraissait trop puissant. Le premier frappé, en dehors du parti de la tyrannie, fut Xanthippe, fils d'Arriphron. u A la fin de ce même chapitre, Aristote mentionne l'exil d'Aristide en 482, puis il dit : « Sous l'archontat d'Hypsichidès, au moment de l'invasion de Xerxès, ils rappelèrent tous ceux qui avaient été frappés d'ostracisme, et ils décidèrent qu'à l'avenir les bannis devaient habiter en dehors de Géreste et de Scyllée sous peine de l'atimie absolue. » Voilà tout ce qu'Aristote, dans la République des Athéniens, dit sur l'histoire de l'ostracisme. Tous ces faits nous étaient d'ailleurs connus , mais nous en ignorions l'enchaînement et la date. On remarquera l'insistance avec laquelle Aristote rappelle que 1'ostra 259 cisme était dirigé par Clisthène contre les amis des tyrans, Ainsi la loi est appliquée la première fois, vingt ans après qu'elle a été portées, en 488; et pendant trois ans, elle frappe coup sur coup les partisans ou Ics parents des Pisistratides : Hipparque. fils de Charmos; en 487 ; Mégaclés, fils d'Hippocrate 6, en 486; nous ne connaissons pas le nom de l'ami des Pisisiratides qui fut banni en 486. Hipparque était parent de Pisistrate. Quant à Mégaclés, il appartenait lui aussi à cette branche de la famille des Alcméonides qui était du parti des tyrans; i1 était le neveu de Clisthène. Bien plus une tradition, qu'on nepeutfacilementnégliger,rapportequ'un autre Mégaclès, qui serait fils de Clisthène, aurait été victime de la loi portée par son père''. Xanthippe, banni en 484, appartenait à ce parti modéré de l'aristocratie qui voulait une entente avec la démocratie. Avec lui l'ostracisme prend une signification nouvelle : il devient une sorte de loi des suspects contre tous ceux qui paraissent prendre dans l'État une situation trop élevée. Les motifs de l'exil d'Aristide ne sont pas suffisamment connus 3 ; on peut dire cependant que, cette fois encore, une application nouvelle fut faite de la loi : l'ostracisme devient une arme politique; le parti qui dispose de la majorité cherche à désorganiser le parti opposé, en envoyant soin chef en exil. L'adversaire politique d'Aristide était, on le sait, Thémistocle. N'y eut-il pas d'ostracisme dans l'année qui précède et dans l'année qui suit l'exil d'Aristide, en 483 et en 481? Pour cette dernière date, la chose est probable ; l'approche de l'invasion perse avait ramené la paix et l'union dans la cité. On fit plus : on rappela les bannis. Aristide, rentré la veille même de la bataille de Salamine, reprend tout de suite la situation élevée qu'il avait dans l'État : il commande le lendemain les hoplites athéniens ; l'année suivante, à Platées, tout le contingent athénien est sous ses ordres. Après l'exil d'Aristide, l'ostracisme semble avoir perdu de sa force première, du moins autant que nous pouvons le conjecturer d'après Ies maigres renseignements que nous avons sur l'histoire intérieure d'Athènes à cette époque. La loi de Clisthène devient de plus en plus une mesure d'exception, qui n'est appliquée qu'à des intervalles de plus en plus éloignés. Vers 474, cest le rival d'Aristide, Thémistocle, qui prend la route de l'exil. Le chef de ses ennemis fut le père de Périclès, Xanthippe, le banni de l'an 484; Aristide resta neutre En 461, Cimon, fils de Miltiade, est banni à la suite de la fâcheuse intervention d'Athènes en faveur de Sparte, menacée par la révolte des Hilotes après le grand tremblement de terret', Il faut attendre ensuite près de vingt ans pour --O'1' OST 260 .-OST trouver une nouvelle application de la loi : c'est le moment de la grande lutte entre Périclès et Thucydide, fils de Mélésias; en 443, le peuple décide la question et envoie ce dernier en exil'. Nous n'avons plus à mentionner que l'ostracisme de Damon 1 dont la date est inconnue, et celui d'Hyperbolos en 418 ou 417. Ce dernier personnage fut victime de 1a rivalité d'Alcibiade et de Nicias. Ces deux rivaux, au moment de tenter l'un contre l'autre les chances d'un cote d'ostracisme, se coalisèrent et firent tomber surie démagogue la colère populaire'. Le peuple dégoûté laissa désormais inactive une arme dont la force s'était définitivement épuisée. Si nous faisons le compte des ostracismes que nous venons d'énumérer, nous arrivons à un total de dix pour toute la période on la loi a été mise à exécution, c'est-à-dire pendant soixante-dix ans, de 488 à 418 ou 41ï. D'autres voles d'ostracisme sont encore mentionnés, mais sans preuves suffisantes Nous avons vu, par exemple, que le neveu de Clisthène et peut-être son fils avaient été exilés. Cela ne paraissait pas suffisant à certains auteurs ; ils rapportent que le législateur luimême avait été la première victime de sa loi ; Clisthène fut en effet banni, mais non à la suite d'un vote d'ostracisme °. Comment fonctionnait la loi d'ostracisme? Un fait est à retenir, c'est qu'aucun des écrivains qui ont vécu pendant qu'elle était encore appliquée n'en a parlé avec détail ; comiques, orateurs (Andocide), historiens, ne le mentionnent qu'en passant, incidemment; Hérodote rappelle l'exil d' Aristide pour s'indigner contre l'injustice des Athéniens', Thucydide, trop fidèle au plan rigide qu'il a adopté de ne traiter que de la guerre et des événements qui s'y rattachent directement, ne parle de l'ostracisme d'IIyperbofos que sept ou huit ans après l'événement, à l'occasion de la mort du personnage. Nous ne connaissons l'ostracisme que par des auteurs qui vivaient longtemps après que l'institution avait cessé de fonctionner. Aussi les renseignements qu'ils nous ont transmis sont-ils insuffisants et contradictoires. Dès les premiers pas, nous sommes arrêtés et embarrassés. Aristote «lit que dans la sixième prytan_3, les prytanes mettent aux voix la question de savoir s'il y a lieu ou non de procéder à une ostracophorie. Mais Philochoros 6, dans un passage que Photius nous a conservé, s'exprime ainsi : « Avant la huitième prytanie, le peuple émet un vote préalable s'il lui semble bon de procéder à une ostracophorie 10 ; lorsque cela semblait bon, l'agora était fermé par des barrières 1l ; on ménageait dix entrées par lesquelles ils allaient, chacun selon sa tribu, déposer leur ogtrakon en le tenant renversé''; les neuf archontes et le Conseil présidaient ; on comptait ensuite pour savoir celui qui avait contre lui le plus de suffrages et en nombre au moins égal à 6000; le citoyen ainsi désigné avait dix jours pour régler ses affaires; il devait ensuite quitter la ville pour dix ans (plus tard ce fut cinq ans en jouissant de ses revenus. » Il y a accord entre Aristote et Philochoros sur un point important, le vote préalable ; mais comment expliquer que l'un place ce vote dans la sixième prytanie, l'autre avant la huitième? On a essayé de concilier les deux témoignages. On a dit d'abord que, dans les années intercalaires, le vote préalable pouvait tomber dans la septième prytanie'. D'autres savants15 ont pensé que, si le peuple, dans la séance de la sixième prytanie, admettait la proposition, le vote définitif avait lieu, plus de deux mois après, dans la huitième prytanie: quelques savants enfin ont cru que, si le vote préalable était affirmatif, on fixait aussitôt un jour pour l'ostracophorie 16. On est étonné qu'Aristote s'en soit tenu, sur la question du fonctionnement de l'ostracisme, à cette simple mention du vote préalable. On pourrait croire que, dans la partie aujourd'hui perdue de la Politeia, il était revenu sur le sujet pour compléter ses renseignements. Cela n'est pas probable. Les grammairiens nous ont conservé, plus ou moins complets, tous les passages de la Politeia relatifs à l'ostracisme. S'il y avait eu dans l'ouvrage l'explication que nous cherchons, ils l'auraient transcrite. Aristote décrit la constitution athénienne telle qu'elle fonctionnait de son temps. Nous devons supposer qu'encore à cette époque, tous les ans, pendant la sixième prytanie, on mettait aux voix la question de savoir s'il y aurait une ostracophorie. La réponse était toujours négative. Aristote s'en est tenu là; il ne s'est préoccupé en rien du vote définitif, auquel on ne procédait plus depuis longtemps. Sommes-nous en état de trancher aujourd'hui la question? Il nous semble que ce qui ressort des deux témoignages d'Aristote et de Philochoros rapprochés, c'est que la date du vote définitif dépendait de la date du vote préalable. Si l'un avait lieu au début de la sixième prytanie 17, l'autre pouvait être fixé à un des derniers jours de cette prytanie ; sinon, c'était à un jour quelconque de la septième, mais avant la huitième. Un intervalle relativement un peu long devait séparer les deux votes. Une fois l'ostracophorie votée par l'ecclesia, il fallait faire proclamer cette décision dans tous les dèmes de l'Attique, en indiquant le jour fixé pour l'opération ; il fallait aussi laisser un certain délai aux citoyens des dèmes éloignés pour préparer le voyage. Une autre question non moins embarrassante concerne le nombre de suffrages nécessaires pour que l'ostracophorie aboutisse à l'ostracisme. Ici encore nous sommes en présence de deux affirmations contradictoires. Nous avons vu que,d'après Philochoros ",ilfallaitfi 000 suffrages OST exprimés sur le même nom, pour que le vote fût valable. Mais Plutarque, décrivant lui aussi l'ostracophorie, dit qu'une fois le scrutin fermé, les archontes comptaient tous les ostral e ; si leur nombre était inférieur à 6000, le vote était nul. L'explication de Philochoros est confirmée par Pollux par le scoliaste d'Aristophane2 ; elle est acceptée par Boeckh 3, Grote Perrot Valeton 6. L'opinion contraire est partagée par Lugebil 7, Schdmanns, Gilbert°, Thumsert0, Holm", Beloch12 Busolt", Un grave argument en faveur de cette dernière explication est fourni par le rapprochement avec deux lois qui, comme l'ostracisme, sont des lois (le privilège, vop.ot .:T' àvôof, la loi relative à la réhabilitation des citoyens frappés d'alimie et la loi relative à l'octroi du droit de cité. Pour que ces deux lois fussent appliquées, il semble bien que la condition exigée était qu'il y eût 6000 suffrages exprimés''. Il y a encore d'autres points obscurs dans la question. Fallait-il un pr'obouleuma du Conseil invitant les prytanes à proposer le vote préalable dans l'assemblée, xup:y, de la sixième prytanie ? Y avait il une délibération dans cette assemblée? C'est probable'. Quant à la matière choisie pour inscrire le vote, il n'y aplus d'incertitude aujourd'hui. L'ostrakon n'est pas une coquille d'huître, mais un morceau de poterie, testa [osTRASoiN]. Nous possédons aujourd'hui quatre ostraka ayant servi à des votes d'octracismes : L Tesson circulaire (fig. 5415), pris sur un vase à fond noir; les lettres sont incisées en rond de l'intérieur à l'extérieur ; trouvé sur l'Acropole à l'est du Parthénon 16 : Msrix),é.: ['I7nno I x0-coq : 'AloaesxiOi, 2. Tesson fait d'un vase à figures noires 'OSTRAKON, fig. 5'Lf7,; lettres gravées nettement; trouvé à l'est du Parthénon, parmi des débris de monu ments détruits par les Perses '7: Xeâ.vlr'xog 'App4povog. 3. Tesson fait du pied d'un lécythe, trouvé en 1891 4. Tesson noir (fig. 5446) trouvé au nord-ouest de l'Aréo page 19 Osp.tc®ox),i 111pExppioç. L'ostracisme a été une des institutions les plus importantes d'Athènes, mais nous ignorons en grande partie OST et son fonctionnement et son histoire; et rien ne montre mieux combien notre connaissance de la vie politique de la, cité athénienne est limitée et fragmentaire. Tous les ans. pendant la sixième prytanie, c'est-à-dire au mois de janvier, les prytanes posaient au peuple la question de savoir s'il voulait procéder à une ostracophorie; il semble qu'il y avait sur ce point une délibération. Si la réponse du peuple est négative, la question ne peut plus être posée que l'année suivante, à la même époque. Si la réponse est affirmative, tout le corps électoral de 1 Attique est convoqué à une grande consultation populaire qui a pour objet d'envoyer en exil un des hommes politiques les plus importants de l'État, le chef d'un des partis qui se disputent le pouvoir. Ce second vote a lieu un certain temps après le premier, soit à la fin de le sixième prytanie, soit pendant la septième, en tout cas avant la huitième. Le vote a lieu sur l'agora, sous la présidence des archontes et du conseil. Des dispositions particulières sont prises pour assurer le bon ordre et la loyauté du vote. Le scrutin est secret. Chaque citoyen inscrit son vote sur un tesson de poterie. Un nombre de 6000 suffrages sur le même nom, ou au moins un nombre de 6000 votants est exigé. L'affluence devait toujours être considérable. Les paysans accouraient de la campagne. En temps ordinaire, ils ne se dérangeaient pas facilement; ils laissaient à l'habitant de la ville le soin de régler la marche des affaires. Cette fois, l'occasion leur était fournie de montrer s'ils étaient satisfaits, d'indiquer la direction qu'ils entendaient donner àla politique du pays. C'est là pour nous l'importance historique de l'ostracisme. Des dix ou onze consultations que nous connaissons pendant les soixantedix ans où la loi a été appliquée, se dégagent deux grands faits : l'ostracisme a une politique constante ; cette politique est en parfaite concordance avec la politique de l'ecclesia, c'est-à-dire que le peuple des campagnes, chaque fois qu'il a été appelé à manifester ses opinions, a ratifié la politique pratiquée pat' le peuple de la ville, une politique toute démocratique, Si, à présent, nous cherchons à juger l'institution, nous ne pouvons nous empêcher de reconnaitre qu'elle relève non de la justice, mais de la raison d'État. La garantie la plus précieuse de tout accusé, le droit de défense, lui est refusée. C'était bien là l'intention de Clisthène. Quand il institua l'ostracisme, on venait d'échapper à la tyrannie. Clisthène voulut empêcher le retour d'une semblable aventure. Le peuple avait été la dupe d'un aristocrate qui l'avait flatté, qui s'était fait démagogue et avait pu ainsi obtenir qu'on lui confiât le pouvoir militaire. C'est parce qu'il était démagogue et stratège que Pisistrate avait réussi 20. Clisthène dirigea son arme contre tout aristocrate qui essaierait de l'imi ter ; il voulut que le peuple pût l'envoyer en exil sans enquête, sans jugement, simplement parce qu'il était jugé dangereux pour la liberté. Une mesure si exceptionnelle, pour avoir des résultats pratiques, devait être rigoureusement réglée. De quelles garanties le législateur entoura-t-il cette loi d'exception? OST --262 --os'r I.° Le droit d'initiative est supprimé ici : nul n'a le droit de proposer une ostraeophorie ; la question se pose d'elle-même devant l'assemblée du peuple: un certain jour de l'année, et ce jour-làseulement, le peuple décide s'il y a lieu de procéder à une ostracophorie; En cas de réponse affirmative, ii a Ce qu'on peut appeler une période de recueillement entre ce vote préalable et te vote définitif ; 3' Le vote est secret , -é' Un nombre considérable de votants est exigé; 5' Il ne peut y avoir, chaque fois, qu'un seul citoyen frappé. Il faut ajouter que l'ostracisme n'est pas une peine : il se distingue nettement du bannissement, yogi' ; c'est, en quelque sorte, une mesure de police ; le banni conserve ses biens ; il est toujours sous la protection des lois athéniennes, 11 y avait là des garanties sérieuses, un effort pour limiter la portée de la loi, pour la soustraire au caprice populaire, un désir de régler et d'atténuer l'arbitraire qui font honneur à l'esprit politique de Clisthène. Niais ce furent là des restrictions impuissantes. L'ostracisme portait en naissant des germes qui se développèrent de bonne heure. Il était par essence une arme politique mise entre les mains du peuple pour se défendre des tyrans ; il était destiné à devenir un moyen qui permettrait au peuple de satisfaire ses penchants d'envie, vice naturel des démocraties , enfin il devait devenir une arme entre les mains des partis, menaçant toujours le chef politique qui pouvait craindre d'être mis en minorité, Tous les hommes politiques importants de la première moitié du ve siècle ont été frappés par l'ostracisme. Dans la seconde moitié du siècle, l'ostracisme est moins souvent appliqué, mais jamais il n'a inspiré autant de crainte ; les comiques ont toujours cette menace à la bouche contre les hommes qu'ils attaquent. L'impression qui se dégage des Vies de Périclès, d'Alcibiade et surtout de Nicias par Plutarque, c'est que tous ces hommes d'État ont vécu sous un régime de terreur. Il semble qu'à l'époque de Démosthène les conditions dexistence, pour les hommes politiques, sont devenues meilleures. Assurément, la justice de l'Héliée était bien souvent partiale, passionnée, aveugle; mais elle était une justice régulière ; elle assurait au moins à l'accusé cette liberté de la défense, que la pratique de la vie publique avait appris aux Athéniens à considérer comme sacrée. C'est, en effet, l'habitude de siéger dans les tribunaux qui montra au peuple que ces tribunaux avaient l'autorité suffisante pour réprimer toute tentative de tyrannie, qui leur fit sentir de plus en plus ce qu'il y avait d'irrégulier et d'arbitraire dans cette sentence de l'ostracophorie qui n'était entourée d'aucune des garanties ordinaires. L'influence que prit Athènes dans le monde grec après les guerres Médiques, a fait que ses institutions ont été souvent imitées, surtout par les États démocratiques, Nous trouvons l'ostracisme, à l'exemple d'Athènes, à Argos, Milet, Mégare ; à Syracuse, il prenait le noua de asyOus-tc.o„ parce que le vote s"incri-ait sur des feuilles de figuier', tet-acsr M:tarrv, ©STI£etkiOiX i Oq-aaxov p). Ce mot désigne propre ment une coquille et, par analogie, tout objet convexe, comme des fragments de vase, et plus particulièrement de vases en terre. La vaisselle de terre en général finit même par prendre ce nom; de là le mot in'rpaxsvs 2, qui signifie potier et qui est ancien dans la langue grecque. De bonne heure les débris de poterie en terre ont été employés comme une matière propre à recevoir l'écriture et qui avait l'avantage de ne rien coûter. Les textes y étaient tracés, soit à la pointe, soit à l'encre 3, On est convenu aujourd'hui de réserver le nom d'ostrakon aux fragments de vase qui ont ainsi servi à porter de l'écriture, le vase une fois brisé 4. On en distingue les fragments provenant des vases décorés d'inscriptions; mais cette distinction, la langue grecque ne la faisait pas, C'est dans le sens oit l'emploie la langue archéologique que nous prendrons ici le mot ostraïcon Quand Clisthène introduisit l'ostracisme à Athènes [oSTRAKISMOS], on devait depuis longtemps user de tessons comme de matériel à écrire, et de même dans le reste du monde grecs ; cependant les plus anciens ostraka grecs qui nous soient parvenus sont précisément quatre bulletins dont on s'était servi à l'occasion d'un vote de ce genre Le nom du personnage que l'électeur veut exiler, son patronymique, son démotique sont gravés à la pointe sur un morceau de pot cassé (fig. 54447). Il faut donc rejeter l'idée ancienne, que les votes étaient inscrits sur des tablettes de terre cuite préparées à cet effet', Mais on a pu émettre l'hypothèse que les tessons ainsi employés provenaient de vases ayant servi à des usages religieux et intentionnellement brisés' Si aux quatre ostraka dont nous venons de parler on ajoute une petite plaquette en terre cuite d'époque beaucoup plus tardive, et trouvée à OST 2f;3 -OTH Mégare', on aura, pensons-nous, la liste complète des monuments de ce genre provenant de Grèce. 1l Men est pas moins certain que l'usage des ostraka était répandu dans tout le monde classique ; pour l'époque hellénistique, il nous est attesté par des textes précis, tels que l'anecdote sur le philosophe Cléanthe, rapportée par Diogène Laerte2. On a trouvé quelques ostraka latins, en Tunisie : ils datent du ve siècle de notre ère'. Mais partout ailleurs qu'en 'Égypte les trouvailles de ce genre sont exceptionnelles. L'Égypte, au contraire, a fourni et fournit encore des milliers d'ostralea à nos collections. L'habitude d'écrire sur des débris de poterie est ancienne dans la vallée du Nil ; on y trouve des tessons inscrits dès l'époque du Nouvel Empire"; mais les Égyptiens paraissent avoir préféré les plaques de pierres calcaires, plus étendues, et où les caractères hiératiques pouvaient plus aisément s'étaler°. ti partir du règne des Ptoiémées 7, l'usage des tessons inscrits se répand ; il est en pleine vigueur dans l'administration égyptienne du tale siècle av. J.-C. jusqu'à la fin du m' siècle de notre ère, et si, à partir de ce moment, qui coïncide, on l'a remarqué'', avec l'époque des changements apportés dans l'administration par Dioclétien, il parait se restreindre, il faut dire pourtant que ni les fonctionnaires, ni surtout les particuliers ne l'ont complètement abandonné : on trouve des ostraka jusqu'au v1° siècle ap. J.-C.''. Sur les ostraka égyptiens, les textes sont généralement tracés à l'encrei0 ;ce sont des poteries courantes de toutes sortes qui ont fourni leurs débris, en particulier des cruches à vin ; par suite, la face concave (verso)`' est souvent enduite de poix. Ce fait illustre ce que Pollux nous dit d'un jeu pour lequel on se servait de fragments de poteries de ce genre 'oSTRAKSxDA 12. 11 semble qu'on ait employé ce matériel à écrire plus volontiers en Thébaïde que dans la Basse-Egypte et dans le Fayoum, pays plus riches et où le papyrus était plus abondant". Wilcken a résumé l'histoire des découvertes d'ostraka depuis le temps où l'architecte Gan'' trouvait les premiers connus à Dakkéh, 1 ancienne Pselcis, en Nubie, jusqu'au jour (1900) où par sa propre publication d'un recueil de 1624 textes de ce genre, il faisait lui-même entrer ces recherches dans une voie nouvelle. Depuis, des ostralta n'ont cessé d'être vendue aux . gyptologues et collectionneurs, particulièrement à Louqsor; d'autres ont été trouvés dans des fouilles méthodiques dirigées par des archéologues, notamment par Grehfell et Hunt, au Fayoum" et à Behnéshè (Oxyrhynchos)'°. Les documents que l'on rencontre sur les ostraka peuvent être répartis en trois ou quatre grandes catégories : J° les textes littéraires, tant classiques que chrétiens. Ce sont souvent des devoirs d'écolier ", souvent aussi des amulettes", et aussi des copies faites pour leur usage particulier par des lettrés trop pauvres 19. )P Les textes administratifs : c'est de beaucoup la classe la plus nombreuse; elle comprend surtout des quittances d'impôts, en argent et en nature, données par le banquier ou caissier royal (zpanal ^tyo) ou par le sitologue (administrateur des greniers publics, 9'r,raup(d), soit au percepteur de l'impôt (fermier ou agent de l'État), soit au contribuable'''. Il y a aussi des quittances d'une autre sorte : par exemple, les ostraka de Pselcis (Dakkéh) sont pour la plupart des reçus de prestations en nature donnés par des soldats à leur optio 21. On peut ranger à côté des reçus d'impôt les attestations de corvées accomplies V2. Les ostraka de Sedment-el-Lebel et certains ostraka du Fayoum forment un groupe à part et pour lequel une explication reste à trouver ; ils sont relatifs à des transports de blé". 3° Les textes d'ordre privé, lettres, contrats, quittances, comptes". 4° Les textes magiques et astrologiques''. P. Jeccc r. OTHONÉ ('09wr1), -Matière textile végétale', qui parait être le lin !-Lt'1UM7 filé très fin, et le tissu qui en est fait; par la suite, ce terme s'appliqua à tous les tissus fins et légers, qu'ils fussent ou non de lin 2. Il signifia d'abord OuS 261 -OXI principalement ceux à l'usage des femmes ', par exemple le voile blanc dont s'enveloppe Hélène 2, les étoffes que tissent les servantes d'Alcinoos 3 ; bien plus tard on le voit encore spécifier des objets de lingerie très fins ('cwv ),E7CTas) offerts à une courtisane'. Il désigna aussi les vêtements blancs portés par des hommes 6 ; ceux dont on devait être revêtu quand on allait consulter l'oracle de Trophonios 6 et chez les Romains, sous l'Empire, des mouchoirs [oeAnIcMl, qui devinrent chez les chrétiens un insigne que portaient les diacres pendant les offices 7; puis toutes sortes de tentures ou de rideaux, comme le voile qui isolait la vestale lorsqu'elle était fustigée par le pontifex maximus On se servit encore de ce terme en parlant de la voile d'un vaisseau °. D'ailleurs pour les tentures10 etles voiles de navires on employa aussi i dvtov " terme qui souvent, outre sa signification de tissu en général12, désignait des bandages 13, des chiffons 14 et des vêtements légers 15. L'ouvrier qui tissait ces étoffes était appelé èOovonotdç 16; pour apprêter les tissus et leur donner du lustre, l'huile fut employée de bonne heure ' ; on fit aussi usage d'une substance minérale tirée d'Egypte, que l'on croit être une sorte de stéatite ; c'était une pierre blanche, tendre et facile à délayer, appelée a(Boç aépoyOoç ou (,.dpo oç et action dans le droit attique est attestée par les lexicographes, et notamment par un texte d'Ilarpocration que nous avons précédemment cité [KARpouDIKÈ] et dont nous avons donné la traduction [Exonimu DIKÈ]. Le rôle de cette action dans la procédure est intimement lié à celui que l'on peut attribuer aux autres actions mentionnées par les mêmes textes, les actions reviendrons pas sur les explications que nous avons données à propos de ces différentes actions et sur les divers systèmes proposés à. leur égard. Si, comme cela paraît vraisemblable, la Stxil oêo((aç n'est point relative à la procédure de revendication et ne constitue qu'une voie d'exécution, il faut chercher ailleurs l'action correspondant à la rei vindicatio et fournissant le moyen de faire reconnaître son droit de propriété sur une chose litigieuse. L'action réelle, dans le droit attique, n'a pas de nom spécial, comme en droit romain, mais elle s'intente dans une forme spéciale, celle de la StaStxaa(a. Cette forme n'est point particulière, du reste, à l'action en revendication proprement dite, ni même à l'action réelle, d'une manière générale [DIADIIASIA]. La Staôtxaa(x a dû jouer le rôle de la rei vindicatio lorsque le litige portait sur la pleine propriété d'une chose, ou de l'action con fessoria lorsqu'il avait pour objet un simple démembrement de la propriété, une servitude. C'est vraisemblablement dans la forme d'une diadicasie qu'ont dû se juger les procès à l'occasion desquels ont été prononcés certains plaidoyers 7topt oix(xç ou irept yalp(ou de Lysias, d'lsée ou d'Hypéride, que nous ne possédons plus`. Sans revenir sur ce que nous avons dit de la Stxitxaa(a, nous observerons que, dans cette procédure, la preuve que chacune des parties est obligée de faire ne tend point à dénier absolument à l'adversaire tout droit à la possession de la chose litigieuse. Il s'agit seulement d'une question de propriété relative, c'est-à-dire de voir quelle est celle des deux parties qui produit les meilleurs titres à la possession de la chose, è' 3 rcooar,xet p.â?,Xov, suivant l'expression des lexicographes 2. Ce caractère relatif des conclusions présentées par les parties justifie la qualification de « procès de priorité » que l'on a donnée aux diadicasies 3. Le juge examine donc les titres contradictoires allégués par les plaideurs et il adjuge la chose litigieuse à celui dont les titres lui paraissent supérieurs à ceux de son adversaire ''. L. BEAucHE'r. noms de vases, qui, quoiqu'on les ait parfois confondus, différaient de forme et d'emploi. L'oasis, pareille àl'ACETABuLCM latin, est une petite saucière à vinaigre (ii oç), d'argile dans les familles modestes, de métal chez les riches ' C'était aussi une mesure égale à une kotylè de Kléonai 2. L'oxybaphon, dont le nom dérive de la forme même du vase 3, était une petite coupe à fond plat : les passages des poètes comiques réunis par Athénée 4 le prouvent. On se servait aussi d'oxybppha dans le jeu du cottabe Nous connaissons donc à peu près la forme de l'oxybaphon. Quant aux inscriptions tracées à la pointe sous le pied de quelques cratères,, Letronne a démontré magistralement que ces inscriptions 5 ne se rapportent point aux vases mêmes sur lesquels on les lit, mais qu'elles étaient des notes de fabrique tracées sur des pieds de vase avant qu'ils ne fussent employés. Il convient donc d'écarter définitivement de la nomenclature céramique ce nom d'oxybaphon, appliqué aux cratères campaniformes 6. Quant à l'oxis, que ces mêmes inscriptions distinguent nettement de l'oxybaphon, nous pouvons supposerqu'elle était munie d'un bec, comme nos saucières 7, mais nous en ignorons la forme précise. G. (TARO. PAE m-268 PAE que si le péan « s'écrit maintenant en l'honneur de tous les dieux »', primitivement et essentiellement il est consacré à Apollon et c'est dans les fêtes de ce dieu qu'il se manifeste avec le plus d'éclat ; il y forme parfois le point culminant de la cérémonie, C'est probablement parmi les Doriens de Crète que le péan d'Apollon se constitua à l'état de chant défini et proprement cultuel; mais les péans crétois sont aussi célèbres que peu connus 3.Le nom de Thalétas symbolise leur introduction dans le Péloponnèse. Vers la même époque, ils pénétrèrent dans le culte delphique. L'hymne homérique à Apollon nous montre le dieu vainqueur, après le banquet sacrificiel, prenant la tête d'une procession solennelle qu'il dirige vers le sanctuaire delphique ; pendant qu'Apollon lui-même fait vibrer la phorminx, ses prêtres crétois suivent d'un pas rythmé (-GavovTEÇ) et chantent le péan'. C'est le tableau fidèle d'un péan prosodiaque delphique ; Apollonios de Rhodes nous décrit de même un péan chanté de pied ferme, où Orphée, comme cithariste, tient la place d'Apollon'. Une fois introduit à Delphes, le péan y occupe un rang d'honneur. Pendant les neuf mois de l'année (du commencement du printemps à l'entrée de l'hiver) consacrés à Apollon, c'est lui qui accompagnait tous les sacrifices ' ; après quoi il s'effaçait devant Dionysos et le dithyrambe. Il est donc fort probable que toutes les grandes fêtes delphiques (Théophanies, Théoxénies, Septerion, Pythies, Sotéries), quelle qu'en fût la périodicité, faisaient au péan solennel sa part, mais nous sommes étonnamment mal renseignés à cet égard. Nous ignorons même quand et comment le péan était chanté aux jeux pythiques 7. Nous savons qu'il l'était aux Théoxénies, et, du moins au IIe siècle, par un choeur de jeunes garçons 8, qui l'exécutaient de pied ferme. Le seul péan delphique apollinien qui nous soit parvenu 9, celui d'Aristonoos de Corinthe, gravé sur marbre dans le trésor des Athéniens i0, est l'oeuvre d'un poète de second ordre, qui paraît l'avoir composé pour la fête du Septerion". Mais de plus grands génies avaient jadis mis leurs talents au service du sanctuaire deiphique ou avaient été sollicités de le faire. Le péan du vieux Tynnichos de Chalcis, cette « trouvaille des Muses », resta longtemps au répertoire". Invité à le remplacer par une oeuvre plus moderne, Eschyle se récusa, craignant la comparaison avec « la vieille statue ». Pindare fut moins timide, et nous possédons quelques débris de son péan delphique 13. Dans d'autres sanctuaires d'Apollon, le péan est expressément mentionné comme partie intégrante des fêtes ; nommons celui de Délos, où le péan était chanté par des femmes ", et celui de Thèbes (Apollon Isménios) où il l'était par des éphèbes "S. A Mégare, la fête du printemps comportait de joyeux péans en l'honneur du dieu qui avait sauvé la ville des mains des Mèdes 18. A Lacédémone, le chant du péan, exécuté par des nobles des premières familles, sous la direction d'un yopo7rotiç, marquait l'apogée des Hyacinthies et attirait les curieux des villes voisines". A la fête des Gymnopédies, c'étaient des éphèbes nus qui chantaient les vieux péans de Dionysodote (et peut-être de Thalétas) en l'honneur des guerriers tombés à Thyréa 18, Ces exemples, auxquels on peut ajouter les péans chantés à Rome, dans le temple d'Apollon Palatin, à l'occasion des jeux séculaires 19, sont les seuls où le nom de péan soit expressément prononcé20 ; mais nul doute que beaucoup d'autres fêtes et sanctuaires apolliniques ne comportassent également l'exécution de ce chant traditionnel. Le caractère proprement apollinien du péan se manifeste notamment par le fait que, dans la plupart des péans dédiés à d'autres dieux ou demi-dieux, le poète s'arrange pour faire une place à Apollon, pour l'associer en quelque sorte à la divinité qui usurpe momentanément sa place. Si l'on peut admettre l'existence de quelques péans détiens spécialement chantés à Artémis par des jeunes filles", dans des cas plus nombreux le frère et la soeur étaient invoqués conjointement". On attribuait à Socrate un péan commençant par le vers : ®7;)u' A7ro),Âov ya.fOE 051 Apiert, itsiiE x),EEosoi21. Achille avait probablement sa place dans le péan de Timothée à Hélios 2x, et certainement de celui d'lsyllos d'Épidaure à Asclépios, qui est intitulé par l'auteur luimême « un péan à Apollon et à Asclépios 2J ». Le péan deiphique à Dionysos associe le culte des deux divinités. Asclépios, héros guérisseur thessalien, qui a remplacé le vieux Péon, est de tous les dieux, après Apollon, qu'on lui donna pour père, celui dont le culte a plus d'affinité avec le péan. A Athènes, par exemple, où le culte d'Asclépios fut introduit vers 460, une journée entière, à la veille des grandes Dionysies, le 8 Elaphébolion, lui était consacrée" et remplie par le chant des péans. Celui qu'avait écrit Sophocle était resté classique et s'exécutait encore du temps de Philostrate 27. D'autres péans, chantés sans doute à la même occasion, soit à Asclépios, soit à ses parèdres Hygie et Télesphore, oeuvres de poètes d'époques et de mérites divers, se sont conservés gravés sur des pierres de l'Asclépieion 29 ; il y en avait de célèbres, comme celui d'Ariphron de Sicyone2° que paraît avoir plagié Licymnios 30, et celui dont un second exemplaire ME i+7atsv. La plupart se rattachent aux verbes naû«r et ecafan Deux sont plus originales. Selon Marque ', Latone, quand son fils est aux prises avec le dragon, lui crie !E rire, c'est-à-dire « frappe, enfant! » Selon Baunack2, irprratév Ou plutôt iERatâv serait une corruption de tF ri' atéFova, « va vers le guérisseur! » Plus ordinairement on considère le cri hiprcittsv comme une invocation au dieu Palan ou Ilxiiim v qui figure encore chez Homère en qualité de dieu médecin, ancêtre des médecins mortels, et tout à fait distinct d'Apollon 3. Toutefois il n'est pas impossible que ce dieu lui-même doive son existence à une décomposition populaire du cri i rrcatâv en i-q IIxtiv le dieu, ou plutôt Apollon qui lui succède, est quelquefois appelé 'lrirrat'pwV 4, et l'on peut comparer la déesse « Alala fille de Polémos » ' qui n'est qu'une personnification du cri de guerre 'AA«Aé.. A l'appui de cette thèse, on pourrait encore rappeler que les Thraces avaient un chant de guerre analogue au rrvts'uag.dç des Grecs et qu'on appelait Ttxavtre6ç parce qu'on croyait y entendre le cri titti«v6; or rien ne prouve que ce fût l'invocation d'un « dieu Titan ». Quoi qu'il en soit, il est certain qu'à l'époque classique le souvenir du vieux dieu Péon s'est complètement effacé, au moins du chant du péan. C'est désormais Apollon qui est le dieu guérisseur ; le nom Péan est souvent un de ses surnoms ou synonymes, avec un sens d'ailleurs plus étendu que celui de médecin divin. D'autres dieux ou héros bénéficient plus ou moins largement de cette épithète : Asclépios, Dionysos, Zeus, Hélios, Athéna Hs'o,vta, l'an, et, par voie de conséquence, le chant du péan s'adresse désormais en première ligne à Apollon, en seconde ligne aux autres êtres célestes invoqués sous le nom de Péan. II. Le péan est essentiellement une invocation rythmée et solennelle à Apollon ou à un autre dieu rài,E;x«xcç afin de détourner la peste, la maladie ou d'autres fléaux'. De cette signification centrale on peut, avec Fairbanks, dériver tous les autres emplois du péan. Le chant deprécatoire devient facilement un chant propitiatoire qui appellera le secours du dieu avant tonie entreprise militaire et spécialement avant le combat. D'autre part, dans les fêtes régulières ou occasionnelles, i1 jouera le rôle d'un hymne de joie et de remerciement en l'honneur du dieu sauveur; à ce titre il trouve son emploi naturel dans les réjouissances qui célèbrent la victoire et dans les libations qui accompagnent le banquet. Si large et si variée qi'e soit ainsi la sphère du péan, ce n'est que par un abus de langage qu'on a fini par le confondre avec le chant religieux ou même lyrique en général, avec l'hymne in genere [lieaacs1 3. Cette confusion a été favorisée par los poètes; ils ont transporté le refrain caractéristique du péan à la fin de beaucoup de prières lyriques, accompagnant ou non des sacrifices et des libations, qui n'ont pas réellement le caractère péanique. Les confusions du péan avec telle variété bien déterminée du chant lyrique ne sont pas moins fréquentes et ont été relevées dès l'antiquité par les critiques compétents. Ainsi le péan se distingue de P: ,E l'hymne proprement dit par son refrain et par son affectation préférée à Apollon ; de l'h yporchéme, comme lui apollinien, par le caractère de ses rythmes et de sa danse 9 [HYPOReuEMA] ; du nome eitharodique, avec lequel le confond Strabon'0, par sa destination an chant choral. Quant au prosodion ou chant processionnel, il n'est, pas possible de tracer entre lui et le péan une démarcation bien tranchée. Le prosodion se définit, en effet, non par son style, mais par son mode d'exécution, confié à un choeur en marche; si l'ode chantée par le choeur a les caractères spéciaux d'un péan, notamment la relation avec Apollon et le refrain, elle peut indifféremment être considérée comme un péan ou comme un prosodion, et volontiers on la désigne sous le nom de r r èv rrpoaolisxdç. A. L'emploi déprécatoire ou « averruncatoire (zrcoepdreatoç) du péan, qui, nous l'avons dit, semble être son emploi primitif, n'apparaît pas souvent dans les textes; il est, en général, confondu dans les autres aspects du péan cultuel. On peut cependant citer des morceaux poétiques où le péan figure avec ce caractère. Les Achéens, après avoir rendu Chryséis, apaisent Apollon, qui leur a envoyé la peste, en lui chantant, après le banquet du sacrifice, un beau péan pendant toute la journée" ; Thèbes, frappée de la peste, fait également retentir l'air de ses péansi2. L'histoire connaît aussi des traits de ce genre. Le Crétois Thalétas, célèbre comme auteur de péans, fut appelé à Lacédémone pour faire cesser une peste et il y réussit « à l'aide de la musique'3 », c'està-dire sans doute par le chant, solennel d'un péan. Encore au Ive siècle, une maladie extatique s'étant abattue sur les femmes de Locres et de Rhégium, l'oracle de Delphes consulté ordonna de chanter pendant soixante jours des péans printaniers i, et provoqua ainsi une abondante floraison de péanographes en Italie '. Dans ces deux derniers cas il semble bien que la croyance populaire attribuai au péan lui-même, abstraction faite du dieu invoqué, une action directe et magique sur le fléau : il rentrerait ainsi dans la catégorie des incantamenta, et l'on songe aux g.€Ar; 7rxtGvta qui servaient, dit-on, â Pythagore pour guérir ses amis malades'', B. À cet emploi en quelque sorte thérapeutique du péan se rattache son emploi préventif ou « dépuratif », attesté dans l'école pythagoricienne. Au printemps, raconte Jamblique, sans doute d'après Aristoxène, le maître faisait asseoir en cercle ceux de ses disciples qui savaient chanter; un joueur de lyre se tenait au milieu, et, aux sons de son instrument, on exécutait des péans qui provoquaient dans l'âme une disposition salutaire, une purgation morale (xé0apntç)t6. Selon un autre récit, Pythagore commençait sa journée en chantant des péans de Thalétas, s'accompagnant aux sons de la lyre ". C. Le dieu qui envoie la santé ou la maladie est aussi celui de qui dépend le succès des expéditions militaires. Aussi voit-on les Grecs entonner le péan au départ des arméesRB et des flottes t9. Dans le tableau si saisissant que trace Thucydide du départ de l'expédition de Sicile 90. le chant du péan s'intercale entre la prière solennelle PAF --267 PAF récitée à l'unisson par tous les équipages et les libations aux dieux; ensuite on met à la voile, Au chant du départ se rattache le chant du combat ou plutôt de l'attaque : le combat n'est-il pas l'entreprise, ipyov, par excellence ? Ce péan de combat, spécialement désigné sous le nom de rratavtap.dç, était rattaché par la légende au culte de Delphes : les hommes du Parnasse ou les nymphes coryeie nues avaient encouragé ainsi Apollon dans son duel contre le serpent Python; plus tard l'oracle, consulté par les Athéniens en lutte avec les Amazones, leur avait prescrit d'invoquer le secours d'ApoIon en chantant le péan 2. Cependant cet usage parait encore inconnu au temps d'Homère, où les Achéens vont au combat en silence 3. II faut donc peutêtre y voir une innovation dorienne, quoique des chants tout analogues se rencontrassent chez divers peuples barbares `. Les péans des nations doriennes étaient si semblables que, pendant le siège de Syracuse, les Athéniens prirent parfois pour le chant d'attaque ennemi le 7cxtxvt•ap+.dç de leurs propres alliés doriens 5. Le péan lacédémonien, appelé aêêxr-ptoç 7rxtiv, offrait cependant certaines particularités qui ont été étudiées ailleurs [EMBATPRION]. Xénophon nous a laissé d'intéressants détails sur l'emploi du péan dans Ies batailles du ive siècle. Il sert à fortifier les courages des soldats, à frapper de terreur l'ennemi, mais il peut aussi servir à l'avertir et compromettre le succès d'une surprise. Le moment précis du chant du péan, c'est celui où, la libation terminée, les victimes (apô:ytx) ont donné des signes favorables ; alors le général entonne (i;âpyat) le péan, et les soldats joignent leurs voix à la sienne (uuooirriyoitat C'est le signal de l'attaque, mais le signal seulement, car on est encore de pied ferme ; ensuite on court à l'ennemi en poussant le cri de guerre proprement dit, iàiXao ou «Axai 6 ; quelquefois le choc est si brusque qu'il n'y a pas le temps de chanter le péan. II résulte de là que c'est par une confusion entre le chant d'attaque et le cri de guerre qu'un scoliaste a pu prétendre que le péan de combat invoquait Enyalios ; en réalité il s'adressait à Apollon, et, quoique souvent accompagné de la trompette a, avait bien le caractère d'un hymne grave et religieux, c'était plutôt Ein Teste Bing que la Marseillaise, Dans les batailles navales les choses se passaient de même ' : c'est à propos de celle de Salamine qu'Eschyle nous a laissé la description la plus grandiose et la plus impressionnante du péan de combat 10, L'usage et le nom du péan militaire persistèrent jusqu'à la fin de l'antiquité, mais, avec la décadence de l'éducation musicale, il perdit peu à peu sa belle tenue mélodique et rythmique; 1 iigvoç s'effaça devant le x€Aaloç, la prière dégénéra en clameur. D. Comme le péan d'attaque, le péan de victoire la légende au combat d'Apollon contre le dragon : c'est le dieu lui-même qui l'entonne après son triomphe sur le monstre 12, Les moments où intervient ce chant sont très variés. il peut cela ter sur le champ de bataille 1M-même à l'instant où se décide la victoire 13, ou lorsqu'on érige le trophée 1'; il peut retentir pendant que l'armée victorieuse retourne à son camp15, ainsi le prescrit Achille aux Myrmidons après la mort d'Hector' 6 ; ou quand elle s'achemine vers la ville 17, aux sons de la flûte ; dans ce cas, il a nécessairement le caractère d'un péan prosodiaque. Si la bataille a lieu sous les murs mêmes de la cité, les défenseurs restés sur les remparts saluent par le péan la victoire des leurs 13. D'autres fois le péan de victoire est retardé jusqu'au jour des réjouissances qui célèbrent le triomphe dans la cité victorieuse. Après Salamine, un choeur d'éphèbes nus chanta ainsi le péan dans Athènes, conduit par le jeune Sophocle qui jouait de la lyre "; après Aegos Potamos, les villes d'Asie consacrèrent de même la gloire de Lysandre; nous avons conservé quelquesvers d'un péan chanté à cette occasion, et leur ryt hure anapestique indique un péan processionnel 2Q. D'autres fois l'iambe et le dactyle se mêlaient ou alternaient; la preuve en est que la partie du nome pythique qui imitait le chant de victoire d'Apollon s'appelait (x[Leoç xxi lirxuàoç `°'. Un beau choeur des Guipes 22 peut nous donner une idée des poèmes de ce genre. Ce qui y domine, c'est moins le remerciement (uµvoç evyxpta'rz~ptoç) L3 que la joie, l'exaltation du triomphe. L'usage et le nom du péan de victoire se sont perpétués jusqu'aux temps chrétiens 24. Ill. -D'une manière générale, toute stéphanéphorie, tout sacrifice, toute libation, occasionnels ou réguliers, peuvent être accompagnés d'un péan qui assure l'efficacité du rite, ti€ItEc epoç 'rxtiv 2d Chez Aristophane, la plupart des prieres joyeuses se terminent par l'exclamation devenue banale, ;x',te 7c2tâv26. Les exceptions ne font ici que confirmer la règle. C'est ainsi que le péan, en raison de son allure joyeuse, est incompatible avec les cérémonies funèbres; aussi est-il exclu des premiers jours des cinthies, qui ont un caractère de deuil 27. D'autres fois le motif de l'interdiction nous échappe, par exemple, dans la vieille inscription thasienne qui défend de chanter le péan aux Nymphes et à Apollon Nymphégète 2@. De bonne heure, l'usage d'invoquer par le péan des dieux et des héros variés a dû s'introduire En Arcadie, les fils de famille apprennent à chanter dès l'enfance les hymnes et a les péans en l'honneur des héros et dieux indigènes IS'-s. En Ionie, d'après le vieux règlement des i,,oA;tot de Milet 3e, au cours de la procession annuelle, les confrères chantent le péan d'abord devant une statue d'Hécate placée aux portes de la ville, ensuite à la prairie, après cela devant les Nymphes, etc. Il est peu probable que tous ces péans s'adressassent à Apollon. Les grammairiens attestent d'ailleurs que le recueil des Péans de Pindare contenait des odes adressées à tous les dieux 31.11 n'en est pas moins vrai, comme le dit Proelus, PAC .-_ 265 -ePAE