Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article PATRONUS

le nom, chez les Romains, du chef de famille considéré dans ses rapports avec ses affranchis et ses clients. Les droits et les devoirs qui les liaient ont été exposés Il reste à expliquer ioi ce qu'était le pat poilus comme défenseur en justice. 1. Nora. A l'origine, le client et l'étranger devaient être représentés en justice, au civil, par leur protecteur naturel, le patina us; celui-ci resta le défenseur et le conseiller juridique des clients devenus citoyens de droit complet. Il n'y a donc pas eu, pendant longtemps, de distinction, au civil, entre le patronus et l'advoratus' [ADVOCATOS . Au criminel, la défense est née surtout probablement du droit reconnu dans la pratique à tout citoyen d'intervenir devant les comices en faveur de l'accusé ; le défenseur a pris aussi alors par analogie le titre de patronus. Les parties pouvaient toujours devant tous les tribunaux se défendre elles-mêmes, soit seules, soit en se faisant assister d'avocats'; et il eu fut ainsi jusqu'à la fin de l'Empire; mais la défense personnelle devint de plus en plus rare par suite de la complication du droit et on prit l'habitude de recourir aux avocats même pour les plus petites causes, ainsi même pour rendre compte de sa conduite devant le censeur Pendant longtemps les patron j, avocats plaidants (oratores), furent en même temps jurisconsultes ; il suffit de citer Caton l'Ancien et son fils. Publius Rutilius Rufus, Q. Mucius Sca'vola, C. Aquilins Gallus, Servius Sulpicius Rnfus '. Mais les luttes -politiques de la fin de la République amenèrent naturellement la séparation plus ou moins complète de la science du droit et de l'éloquence du barreau et la création, à côté des patrons orateurs, de la classe nouvelle des advocati, plus ou moins jurisperiti. L'adreeatus eut pour mission de recueillir les documents, de préparer la défense, d'assister de ses conseils juridiques la partie et le défenseur, quand celui-ci connaissait mal la question de droit'. Asconius indique nettement la distinction entre le patronus et l'adencatus ° ; et de nombreux textes prouvent bien l'existence de ces deux classes à la fin de la République'. L'adencatus pouvait simplement aussi prêter son autorité morale Dès le début de l'Empire la fin des luttes politiques amena une transformation de l'éloquence ,judiciaire qui redevint professionnelle ; la distinction des patrons et des avocats disparut naturellement et l'avocat en général prit le' nom technique d'advocatus 9, sans faire disparaître entièrement celui de patina us °. D'autre part, les jurisconsultes formèrent une classe de plus en plus distincte (. 2L'R1scuaSuL'rrl et ne s'adonnèrent que rarement au barreau 1l ; plusieurs avocats se firent cependant professeurs de droit à la tin de leur carrière Y2. i.e manque de connaissances juridiques obligeait les avocats à se faire assister de jurisconsultes de second ordre, assez dédaigneusement traités, peu payés, appelés praganatici (71).I.ay1.J.aTtxol), leguleii, fbrmularii Les noms qui désignent l'avocat sont, outre advo PAT 3h6 PAT calas causidicue qui a souvent un sens péjoratif 2, ()raton toyatus 4, causarum aclor' quelquefoisjul'isperitus , scholasticus dans les textes grecs et au Bas Lmpire L'avocat, défenseur ou accusateur, est distinct du co[Jnilor et du procurator; c'est seulement au BasEmpire qu'il peut représenter comme procureur les gens de haute condition, spectabiles, illustres, qui ne comparaissent plus personnellement 6. 11 est admis devant tous les tribunaux, sauf devant les tribunaux de famille et c militaires°. Au civil il est présent aussi bien in jure qu'in j e ' ' 10. IU.se charge de toute la défense, conseils antérieurs, ;-tes à accomplir, plaidoiries ; mais la présentation des pièces (instrumenta, libelli) est l'office propre des tebelliones 1 '. Instruire un avocat d'une affaire se dit causam docere, se la faire exposer, causant (liscere f2. Pendant longtemps la profession d'avocat n'a eu que des devoirs et des traditions sans règlements ' '. Les premières conditions apparaissent dans latex Acilia repetundarum, on le patronus de l'accusateur et l'accusé ne doivent pas être les clients l'un de l'autre 14. 2. Fonctions. Tout citoyen, même affranchi, peut être avocat (postularei5), même, en règle générale, pendant qu'il exerce une magistrature ou s'il est sénateur, peut-être dès l'âge de seize ans révolus sous la Républiqueen tout cas de dix-huit ans révolus sous l'Empire 16. L'édit du préteur interdit la plaidoirie aux sourds Inais pas aux aveugles) 19, aux infâmes 20, aux femmes, depuis une date un peu postérieure à 18 ap. J.-C., sauf pour elles-mêmes 21; en outre, sous l'Empire, l'autorisation du magistrat devient peu à peu nécessaire ; il peut prononcer des suspensions plus ou moins longues contre un avocat". Le Sénat acquiert le même droit pour sa barre 23 ; pendant quelque temps les centumvirs n'admettent à plaider devant eux que sur la présentation d'un consulaire 2'r. Sous la République, la désignation d'office n'est pas en usage à Rome 22, ; elle devient fréquente sous l'Empire, par voie de tirage au sort; plus tard, une loi de Valentinien et de Valens ordonnera de répartir équitablement les avocats entre les deux parties et l'avocat ne pourra refuser une cause sous peine d'interdiction 26 La toge, abandonnée par les simples citoyens, reste le costume officiel des avocats, togati, sauf dans les procès criminels où ils peuvent se vêtir en brun, comme l'ac cusé2i. L'avocat va à l'audience. entouré de clients"-"; souvent, dans les procès politiques, de délégués des provinces et des villes ou de personnes influentes 29; pendant les débats il est assis sur un siège 30 (subsellia), entouré d'un ou de plusieurs secrétaires et de conseillers juridiques, soit des advorali de la première période, soit plus tard des p10 pinot ici des monitores 32; il parle généralement debout 33, quelquefois assisté d'un souffleur ''° (monitor posticus). Il n'entre pas dans notre plan de parler des plaidoyers eux-mêmes, tantôt composés à l'avance et débités, récités ou lus, tantôt improvisés sur des notes plus ou moins étendues, ornés, surtout après la chute de l'éloquence politique. de citations érudites, de digressions souvent fort longues 3a, salués d'applaudissements souvent payés '30. Pendant longtemps l'avocat a joui d'une liberté de parole illimitée, pouvant lancer impunément les attaques de toutes sortes, les railleries et méme les diffamations contre les adversaires, les témoins et même les magistrats ; niais dès l'Empire cette liberté subit des restrictions considérables: l'avocat doit respecter les juges, l'autorité impériale; un rescrit de 368 lui interdira les injures inutiles à l'égard des adversaires 37. Les plaidoyers importants sont recueillis au moyen de procédés sténographiques par les notarii, anttcarii, scribae,e..xceptores,amanuenses [xoTARII, SCRIRAEJ, publiés après avoir été revus, corrigés, souvent considérablement changés 38 ; des copies en circulent dans les provinces 39. Il n'y eut d'abord dans chaque affaire qu'un seul avocat ''° ; puis, surtout au criminel, plusieurs qui se partageaient la tâche selon leurs aptitudes, jusqu'à six et même douze''; c'était un abus ; la loi de Pompée le réprima provisoirement et Cicéron parla seul pour Milon une loi Julia réduisit le nombre des avocats, nous ne savons dans quelle mesure 4Y; sous l'Empire ils sont souvent encore plusieurs pour une affaire'"Dans les procès civils privés, c'est le juge qui fixe la durée des plaidoiries 4G, calculée d'abord d'après le cours du soleil, ensuite au moyen de la clepsydre Il Dans les procès criminels, pendant longtemps il n'y eut pas de règlements sur ce point 47; devant les comices, cependant, le magistrat pouvait peut-être fixer une durée" ; l'intempérance des avocats amena l'établissement de limites légales qui apparaissent dans la législation de Sylla et restèrent en PAT au Bas-Empire. L'édit de preliis de Dioclétien, de 301, accorde à l'avocat 250 deniers pour la pastulatio, 1 000 pour la cognitio 20. On sait quel a été l'éclat de l'éloquence judiciaire à Rome sous la République, quelle a été la passion de la foule pour les luttes de l'audience combien la vie politique et le barreau ont été étroitement liés. C'est surtout au barreau que l'orateur pouvait acquérir de la gloire, et s'ouvrir les magistratures 22. Les grands avocats étaient pour la plupart des boulines d'ltat et les procès criminels étaient le plus souvent des procès politiques. Dans cette période la moralité professionnelle laisse déjà beaucoup à désirer; les avocats essaient souvent d'intimider les juges. de les acheter 23, d'obscurcir les affaires 24 ; ils plaident souvent le pour et le contre -;, acceptent toutes les affaires qui peuvent servir leurs ambiliens politiques 26. Sous l'Empire, la fin des luttes politiques écarte naturellement du barreau une partie de la jeunesse sénatoriale; il attire en revanche les jeunes gens de l'ordre équestre 17 et favorise l'accès des fonctions impériales administratives 28. Les bons avocats sont toujours très courus, très honorés 29, acquièrent de grosses fortunes 3'; mais dans son ensemble l'ordre parait avoir plutôt perdu que gagné en considération. Les avocats ont une assez mauvaise réputation 3t ; on leur reproche de ne savoir que s'insulter, vociférer à la barre 32 d'accepter toutes les causes, de se livrer à toutes sortes de trafics 33. De fait, la loi doit réprimer leurs prévarications [PBAEVAR1CATIO , leur interdire d'acheter des droits litigieux, de se faire remettre ou promettre partie de la chose en litige, de faire aucun pacte illégal avec leurs clients". Sous la République, les avocats se consacrent surtout à la défense; le rôle d'accusateur est mal vu de l'opinion publique et abandonné aux jeunes gens 31. Sous l'Empire, les plus grands avocats se déshonorent parla délation°fiDevant les tribunaux criminels, l'accusateur n'a régulièrement d'aides (patroni, advocati) que dans deux cas : quand c'est une femme ou un mineur quand il s'agit de repetundae; dans ce dernier cas ils peuvent être fournis d'office soit dans la duaestio, soit devant le Sénat [3uvmCIAPURLICA,p.655] ; dans la lexAcilla repetundaruol, les potroni, citoyens romains, ne doivent pas être parents de l'accusé, ni appartenir aux mêmes confréries que lui, ni l'avoir comme client ou comme patron 33 Il. Bas-EMPngr. Le barreau est alors partout constitué en corporations et assimilé à une militia où on arrive de rang en rang jusqu'au titre de ',Minus. L'aspi PAT 357 vigueur au-début de l'Empire', hais en comportant beaucoup d'exceptions ; la loi d'exception de Pompée pour l'an 52 av. J.-C. donnait deux heures à l'accusation, trois heures à la défense 2; à l'époque de Trajan, pour les procès de repetundae devantle Sénat, l'accusation avait six heures et la défense neuf; dans une affaire du même genre on accorde cinq heures à un des accusateurs 3 ; la loi de la colonie Julia Genetiva donne quatre heures à l'accusateur principal, deux à chacun des accusateurs secondaires. à l'accusé une fois et demie plus 4; cette proportion entre l'accusation et la défense parait avoir été générale 6 ; devant le tribunal impérial les plaidoiries duraient très longtemps 0. Les défenseurs, comme les accusateurs, devaient se partager le nombre d'heures accordé'. Plus tard et au Bas-Empire, c'est le tribunal qui fixe arbitrairement la durée des plaidoiries, généralement très longues 8. A l'origine les plaidoiries des patrons pour leurs clients furent sans doute gratuites; mais de bonne heure les avocats durent exiger des honoraires excessifs ° , puisque la loi Cineia de drnis et muneribus, de 20-4 av. J.-C.10, leur interdit de demander aucune rémuné ration. Elle autorisait probablement une actio per condictionem pour la restitution d'honoraires non dus et interdisait aux avocats de réclamer en justice l'exécution des promesses. Mais elle ne fut pas appliquée sérieusement", et de plus elle n'avait pas pu interdire les libéralités testamentaires. Cicéron se glorifiait d'en avoir recueilli pour plus de vingt millions de sesterces 12. A la fin de la République, sauf quelques rares exceptions t3, la plaidoirie était devenue un véritable trafic, la source d'énormes fortunes. Auguste essaya (le remettre en vigueur la loi Cincia, et un sénatus-consulte établit contre les délinquants la restitution du quadruple. Claude fit fixer le maximum des honoraires à 10000 sesterces, chiffre au-dessus duquel était admise la plainte en repetundae' `. Sous Néron, le Sénat, supprima d'abord tout honoraire, puis revint à la loi de Claude 17; dans ces limites les avocats pouvaient faire valoir leur droit en justice, mais seulement après le jugement définitif; les plaideurs devaient affirmer par serment qu'ils n'avaient rien donné, rien promis, rien fait promettre aux avocats avant le jugement 76. Ce tarif, encore en vigueur à l'époque d'tJlpien 17, était raisonnable 'a ; à défaut de convention, les honoraires étaient taxés par le magistrat selon le litige, le talent de l'avocat, les usages et l'importance du lieu i9; et ces règles paraissent encore subsister PAT ®358 PAT Tant doit justifier de quatre années d'études de droit, de cinq sous Justinien, soit à Rome, soit à Béryte; subir un examen spécial ; être, au moins depuis 468 en Orient, chrétien orthodoxe ; avoir l'autorisation du magistrat ou de l'empereur, trouver une place libre'. Chaque barreau comprend un nombre fixe de statuti et des supernumerarii ; au ve siècle, il y a cent cinquante statuti auprès (les préfets du prétoire d'Orient et d'Illyrie, cent cinquante, puis quatre-vingts auprès des préfets de Rome et de Constantinople, cinquante à Alexandrie, auprès du préfet d'Égypte et du duc d'Égypte; quarante auprès du comte d'Orient, trente auprès du gouverneur de Syrie; un nombre variable, seize ou davantage, plus tard quatre seulement auprès des gouverneurs de provinces d'Occident 2. Les autres avocats peuvent plaider devant les tribunaux inférieurs. Ils sont assujettis à de nombreuses obligations, ne peuvent, au moins sous Justin et Justinien, s'absenter plus de cinq ans avec congé, plus de deux ans sans congé, à Constantinople plus de trois ans, ont comme chef et comme juge ordinaire le magistrat du siège qui peut leur infliger des amendes, Ies suspendre, les destituer En revanche, ils ont un certain nombre de privilèges : leurs gains sont assimilés au peculium castrense, leurs fils admis au tableau avant les surnuméraires 4; dans les barreaux importants des préfets du prétoire, de Rome et de Constantinople, du comte d'Orient, quise recrutent soit parmi les jeunes clarissimes, entrés ainsi dans la vie publique, soit parmi les anciens avocats des gouverneurs, soit parmi les fils de curiales qui veulent ainsi échapper à la curie et même dans les barreaux secondaires des gouverneurs a, ils fournissent dans l'ordre du tableau les avocats du fisc [ADVOCATUS rrscll, sont exemptés de certains munera extraordinaires, souvent de la curie pour eux et leurs descendants, obtiennent à leur retraite différents titres honorifiques, titres de comtes, de vicaires, peuvent être nominés à des fonctions impériales 7.L'abaissement des connaissances juridiques a amené de nouveau la fusion des carrières de jurisconsulte et d'avocat; des avocats figurentdans des commissionslégislatives,demandent des consultations à l'empereur 0• Malgré les reproches qu'on continue à leur adresser, ils jouissent d'une assez grande considération 9, L'avocat plaidant est souvent en même temps factor et le procurator de son client '0. III. DROIT MUNICIPAL. En dehors de Rome, le représentant nommé par les décurions, probablement sur la présentation des magistrats ", pour soutenir un procès au nom de la ville, n'exerce pas une magistrature, mais un simple munus temporaire. Il porte les différents noms de patronus causarum f2, advocatus rei publicae, ou populi, ou coloniae 13, clef ensor eivitatis, ou rei publicae, ou coloniae, ou publicus, ou gentis 10, defensor suivi du nom de la villeie, actor publicus, ou municipii, actor tout court 16, en Orient syndicus. Tous ces termes sont synonymes et nous renvoyons pour cette