Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article PERIOIKOI

PERIOIIROI (IIEp(otxot). Les périèques sont, dans cer tains pays de Grèce, les habitants des localités placées sous la dépendance de la capitale. Ils forment une classe qui jouit des droits civils à peu près sans restriction, mais qui n'a de droits politiques que dans les limites de l'administration communale. C'est dans le Péloponnèse, à la suite de l'invasion dorienne, que l'institution s'est le plus répandue. La Laconie en présente l'exemple le plus célèbre. Sur l'origine des périèques en Laconie l'opinion des anciens est restée en faveur ; les envahisseurs doriens, après avoir obtenu l'égalité des droits, auraient gardé pour eux la région centrale, celle de Sparte ; l'ancienne population, de race achéenne, aurait été reléguée aux extrémités du pays et réduite à une condition inférieure '. S'il est vrai que la distinction entre Spartiates et périèques n'eut pas nécessairement pour cause une différence de races 2, si, a priori, elle peut provenir de la forte organisation que sut se donner Sparte et de la situation prédominante qu'elle s'assura parmi les Doriens, en fait, on a prouvé par certaines particularités des 50 PER 394 PER dialectes usités chez les périèques qu'ils étaient bien les descendants de la race vaincue Quoi qu'il en soit, la Laconie comprenait le territoire des citoyens, concentré dans la vallée moyenne de l'Eurotas (7co),ttmxr y«ipx), et la périphérie abandonnée aux périèques (7eptotxis) 2. Aux débuts de l'institution, les périèques occupaient : à l'est, la zone montagneuse du Parnon ; à l'ouest, le Taygète et la péninsule terminée par le cap Ténare; au sud, la côte du golfe de Laconie. La conquête ajouta aux périèques indigènes les Arcadiens de la Skiritis, les Ioniens dorisés de la Cynurie, avec les habitants du littoral jusqu'au cap Malée, y compris Cythère 3, enfin, en Messénie, les bourgades maritimes et quelques villes de l'intérieur, telles que Thouria et Aithaia5. Au total, le pays périèque avait une superficie considérable, mais une population clairsemée Les périèques étaient placés bien au-dessus des hilotes: ils possédaient les droits civils. A cet égard, ils étaient les égaux des Spartiates. Leurs lots de terre étaient transmissibles suivant les mêmes règles Peut-être même que les périèques avaient une liberté d'aliénation immobilière que la constitution déniait aux Spartiates Mais la propriété foncière n'avait pas pour eux la même importance. Les Spartiates, maîtres de la 7coavrtxil ydpu, avaient encore réservé à l'État les bonnes terres de la 7capotx(ç, pour y constituer un domaine de la couronne et y tailler des concessions aux étrangers privilégiés 10. Le reste du sol ne valait pas grand'chose7l, et les périèques ne disposaient pas d'hilotes pour l'exploiter 42. Ceux qui vivaient de l'agriculture n'étaient que des paysans pauvres ; les autres tiraient leur subsistance des mines, de l'industrie et du commerce, de la pêche et de la navigation 13. Du moins ils étaient tous des hommes Iibres, admis aux jeux olympiques ". Au point de vue politique, les périèques étaient sujets des Spartiates. Ils comptaient cependant comme Lacédémoniens ''. Leurs bourgades, au nombre d'une centaine, étaient des ieéaatç 16, des communes, mais dont l'autonomie n'allait pas jusqu'à la souveraineté. Tsocrate les compare aux dèmes de l'Attique ". Il est d'autant plus difficile de définir leur condition, qu'elle n'était peut-être pas la même partout 18. Elles étaient surveillées de près. Sparte envoyait en Laconie vingt harmostes 19. Celui de Cythère, mentionné par une inscription, est appelé par Thucydide KuirpoS(x71ç 20 : il exerçait donc une juridiction de droit commun. Quant aux affaires graves, au moins celles d'un caractère politique, elles se réglaient à Sparte même et par les voies sommaires : Isocrate pouvait attribuer aux éphores le pouvoir d'envoyer les périèques à la mort sans jugement 21. Le vasselage des périèques avait aussi sa marque fiscale : ils payaient un tribut d'un taux élevé, le « tribut royal » 2a Avant tout, ils devaient l'impôt du sang. De temps immémorial '3, Sparte comptait à la guerre sur ses périèques presque autant que sur ses citoyens 24. Mais elle faisait de grandes différences entre eux : les périèques ne pouvaient pas arriver aux grades supérieurs ; ils n'avaient droit qu'à un hilote 25, au lieu de sept 26 ; leur mobilisation suivait celle des Spartiates, toujours placés sur le pied de guerre 27. Dès l'époque des guerres médiques, ils étaient employés comme hoplites, peut-être dans des corps spéciaux. Déjà leur contingent était considérable : à Platées, les dix mille hoplites de Pausanias se partageaient également en Spartiates et en périèques 23 A mesure que diminua la population spartiate et que s'étendit le champ des opérations militaires, on augmenta la proportion des périèques et on les expédia de préférence dans les pays lointains 29 : à Sphactérie, sur 292 hoplites faits prisonniers, 120 étaient Spartiates, 172 périèques 30 ; à Leuctres, les quatre morai de Cléombrote comptaient 700 Spartiates sur un effectif d'au moins 2000 hommes et perdirent avec 400 Spartiates environ 600 périèques n Les Skirites, qu'on distinguait des autres périèques pour les choses de l'armée 32 furent longtemps affectés à la garde de nuit n; ils conservèrent le privilège d'occuper l'aile gauche sur le champ de bataille et d'être désignés pour les postes les plus dangereux 35. C'est aussi aux périèques de la côte que Sparte demandait le personnel de sa narine. De là vient qu'un périèque puisse être nommé chef de la flotte " ou envoyé en mission pour évaluer les ressources maritimes d'une ville 3'. Jusqu'au milieu du ve siècle, les périèques se résignèrent à leur sort, parce que la puissance de Sparte semblait inattaquable, Ainsi, en 464, après le tremblement de terre qui ébranla l'État lui-même, il n'y eut que deux villes périèques de Messénie pour faire défection 38. Mais pendant la guerre du Péloponèse le régime d'inégalité systématique et de surveillance soupçonneuse, que rendait encore plus odieux le caractère anguleux et raide des Spartiates, devint insupportable. Les périèques ne furent plus retenus dans une fidélité douteuse que par la crainte. On voulait leur faire « des âmes d'esclaves » 39; comme des esclaves, ils étaient prêts à la révolte. Ils conspirèrent avec Kinadon ".Ils ne manquèrent pas l'occasion fournie par le désastre de Leuctres ". Cléoménès eut beau compléter le nombre des citoyens avec l'élite des périèques 42. Quand Flamininus combattit le tyran Nabis, les bourgades de Laconie se montrèrent favorables aux Romains et furent rattachées par eux à la PER 395 -PER ligue achéenne '. Enfin, elles formèrent une confédération à part sous le nom de xowôv tiw AaxESatuovtmv : Ce Argos, elle aussi, avait, au-dessus de ses GYMNàsIOI, ses périèques 4. Ils s'appelaient encore Ornéates, probablement parce qu'Ornéai fut la première localité réduite à cette condition 5. Peut-être Mycènes et Tirynthe subirentelles un pareil sort 5. En tout cas, ce fut relui de tous les bourgs disséminés dans l'Argolide, tels que Mideia Hysiai etc. ; ce fut celui de la Cynurie, au temps où les Argiens étendirent leurs conquêtes jusqu'au cap Malée . La victoire de Sparte brisa la domination d'Argos : la Cynurie fut perdue pour elle 10 ; des périèques qui lui restaient une partie reçut le droit de cité ", le plus grand nombre fit peut-être cause commune avec les esclaves révoltés '2. Pendant les guerres médiques, Tirynthe et Mycènes étaient indépendantes tandis qu'Argos restait neutre, elles se déclarèrent contre les barbares 12. Mais Argos reconstitua son empire, détruisit ces deux villes, qui avaient résisté et dans celles qui se soumirent, de Cléonai à Hysiai, ramena les habitants au rang de périèques 17. Dans les documents officiels, ces périèques reçoivent le titre d'alliés 'S. Maîtres de leur territoire, ils jouissaient de l'autonomie communale et restaient fidèles à leur vieux dialecte 17. Mais ils reconnaissaient la souveraineté de la capitale et lui fournissaient des contingents militaires 18, Cornme les citoyens de Sparte la Creuse, les gens de l'Élide Creuse eurent leur 7eeplotxùU 16. Ce fut la Pisatide, à laquelle s'ajoutèrent la Triphylie et l'Acroreia. Les Eléens fondèrent ouvertement leur domination sur le droit de la guerre : Ies 7rEototxdcç 7edÀEtç étaient pour eux des Ë tÀViiIEç redàutç 90. Par exception, ils recouraient à une politique d'achat : ils acquirent le territoire d'Epeion pour trente talents 21. En général, ce furent des maîtres très durs. Vivant dans des villages 22, ils ne laissèrent pas subsister de villes dans le pays conquis. En 570, une révolte des périèques amena leur expulsion, surtout dans la Pisatide 23 Vers l'époque où les Éléens se créèrent une capitale (472), ils procédèrent à la destruction systématique des villes périèques dans la Triphylie 24 et en forcèrent la population soit à se disperser dans des hameaux 25, soit à contribuer au succès de leur syncecisme 26. Ce qui restait de périèques forma une classe de paysans 27, propriétaires 28 ou fermiers de l'État 2J, ayant leurs magistrats 30, mais privés de toute indépendance. On en voit qui sont soumis au service militaire ". D'autres ne gardent la jouissance de leurs terres qu'à charge de payer tribut : les Lépréates, par exemple, apportent un talent par an à Zeus Olympien 32, Aussi les périèques furent-ils toujours à l'affût d'une occasion bonne pour secouer le joug 33. La guerre du Péloponnèse permit aux Lacédémoniens de répondre à l'appel de Lépréon 3'P. La fin de cette guerre leur laissa le loisir de rendre l'autonomie à l'Acroreia et à la plus grande partie de la Triphylie et de la Pisatide 35. Après Leuctres, les Eléens refusèrent d'adhérer au traité d'Antalcidas, qui stipulait l'autonomie de toutes les cités, grandes ou petites 36, et se mirent en devoir de reprendre leurs périèques u ; ceux-ci trouvèrent désormais des défenseurs chez les Arcadiens 3R Ainsi, la politique de l'Élide fut constamment dominée par la question des périèques. Passons en Hellade. On peut avec une certaine vraisemblance reconnaître des périèques, bien que nos documents ne prononcent pas le mot, dans les Percothariens et les Mysachéens de la Locride u. Autour des Thessaliens, établis sur le Pénée et commandant aux pénestes [RELOTAE, p. 70], était disposé un cercle de peuples sujets, 'rit xéxày €9vx ûxcixoa46 : au nord, les Perrhèbes '°' ; à l'est, les Magnètes u ; au sud, les Achéens Phthiotes43. De leur ancienne indépendance ces périèques 44 avaient conservé, avec l'autonomie communale, une représentation particulière à l'amphïctionie de Delphes 45 et le droit de battre monnaie56. Mais, s'ils portaient le nom d'alliés dans le protocole officiel', le peuple dominant négociait sans les consulter 48. On exigeait d'eux un impôt de guerre 49 et un contingent de cavaliers, d'hoplites, mais surtout de peltastes G0. Cette subordination ne cessa qu'au temps de la conquête macédonienne 51 et de l'intervention romaine 52. L'accord n'est pas fait sur les périèques de Crète. On admet généralement qu'ils formaient une classe spéciale entre les citoyens et les serfs, et, depuis la découverte des lois de Gortyne, on les range parmi les â,cE-eatcot : tel est BLICA, p. 1564; GORTYNIORUM LEGES, p. 1633-1634] 53. Mais les auteurs du Recueil des inscriptions juridiques 'it ont soutenu que les périèques de Crète sont des serfs et les ont identifiés aux yotx€cç de Gortyne. Effectivement, les Foix€Eç ne peuvent être que des ây x~tùc«t, et Hésychius voit dans les ârpauiarat des périèques; de plus, Aristote rapproche continuellement les périèques crétois des hilotes et des pénestes 56, en les qualifiant même d'esclaves 57 ; enfin, un auteur d'antiquités crétoises, Dosiadas, nous donne sur la capitation payée par les esclaves un renseignement identique à celui que donne Aristote sur la taxe des périèquesY6. Nous ne croyons donc pas qu'il y ait en Crète des périèques comme ceux du Péloponnèse ou de la Thessalie, et nous renvoyons à ce qui a été dit sur les Fotx€e,ç dans l'article GORTYNIORUM LEGES, p. 1633-1634. PER --396 --PER Par contre, dans les colonies grecques, si les indigènes furent souvent réduits à l'état de serfs [IIELOTAE, p. 70j, ils semblent d'autres fois avoir occupé une meilleure situation, avec ou sans le nom de périèques. Cyrène eut des périèques libyens, avant que le réformateur Démonax les fondît dans une tribu de citoyens avec les colons originaires de Théra 1. Syracuse avait dû imposer une condition analogue aux Sicules dont elle percevait les redevances Il est plus difficile de rien affirmer pour les quatre peuplades soumises dans la banlieue de Sybaris et les vingt-cinq villes de son territoire 3. G. GLOTZ.