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PERSECS. -I. Le mythe de Persée parait déjà dans les poèmes homériques et hésiodiques. L'Iliade en parle à propos de généalogie' ; la Théogonie et le Bouclier d'Hèraclés décrivent la scène de la Méduse decapitée et celle du héros poursuivi par les Gorgones 'GORGONES, p. 1616i. L'art, comme la poésie, traita de bonne heure les motifs fournis par la vieille légende : le coffre de Kypsélos représentait la fuite de Persée 3. Cependant la poésie c_vcligt!e ne nous a pas laissé trace, d'une Perséide. :e premier récit d'ensemble que nous avons est de Phéré.cyde, et les lacunes en sont cemblées par Apollodore.
La première partie du mythe est "acoii tôt, en termes presque identiques par les deux auteurs` derisios, fils d'Alias, roi d'Argos, n'avait eu de sa femme E-urydikè qu'une tille, Danaé. Il alla consulter l'oracle. Il lui fut répondu qu'il n'aurait pas d'enfant mâle, mais que de sa fille naitrait un fils qui le tuerait. Rentré chez lui, Acrisios veut à tout prix empêcher sa fille de devenir mère : il fait aménager sous terre une chambre lamée d'airain,
enferme Danaé avec sa nourrice et fait faire bonne
garde. Mais Zeus, épris de la belle captive, se change en une pluie d'or, qui pénètre par le toit de la prison jusqu'au sein de la vierge De cette union naquit Persée. Il avait trois ou quatre ans, quand, un jour, Acrisios entendit sortir de terre nue voix d'enfant. Il fait exhumer la coupable et l'amène avec son enfant à l'autel de Zeus Herkeios. Sans témoins, il lui demande qui est le père. « Zeus », répond-elle. Acrisios n'en croit rien. Il la fait placer, elle et l'enfant, dans un coffre, qui est jeté à la mer. Le cercueil flot taret est porté vers file de Sériphos' Là pêchait d'aventure Dietys, frère du roi Polydectès. Il prend le coffre dans ses filets, l'ouvre et en retire la mère et l'enfant encore en vie. II les emmène chez lui, il les traite en parents. Jeune homme, Persée porta ombrage au roi Polydectès. Celui-ci s'était épris de Danaé. Pour satisfaire sa passion, il résolut d'éloigner Persée, Il annonce son mariage avec Ili'ppodameia, fille d'OEnomaos, et convoque tous ceux qui, de par la coutume, lui doivent des présents en cette circonstance. Persée promet tout ce qu'on lui demandera, fût-ce la tête de la Gorgone. Polydectès le prend au mot et retient sa mère comme otage. La carrière héroïque de Persée va commencer. Il lui faut d'abord conquérir la calotte d'Iladès ("A'Gsç xuvi)), les sandales ailées et la besace (x: ri,,ctç) que détiennent les Nymphes ; mais on ne peut les obtenir que par l'entremise des Grées'. Les vierges monstrueuses, filles de Phorkys et soeurs des Gorgones, n'ont qu'un oeil et qu'une dent, dont elles se servent à tour de rôle. Au moment précis où l'une les passe à l'autre, Persée s'en empare. A leurs cris, à leurs supplications ii répond qu'il leur rendra ce qu'il a pris si elles le mènent chez les Nymphes. Grâce aux Nymphes, il a désormais des ailes aux pieds, une besace à l'épaule et sur la tète une coiffure qui rend invisible (fig. 5578) 6. Hermès, de plus, lui remet une faucille de diamant, la harpe 2. Le voila en état d'aller chercher la Gorgone. Il vole sur l'Océan. II surprend les Gorgones endormies GCP.GONES, p. 1616'. Athéna lui recommande de détourner les yeux pour ne pas rester pétrifié sur place et guide son bras en le faisant regarder dans le miroir d'un bouclier poli. Le héros approche et coupe la tète à Méduse Du cou ensanglanté s'élancent Pégase et Chrysaor (fig 3635). Sans tarder, le héros met l'horrible trophée dans sa besace et ,'enfuit. Vainement Sthénô et Luryalè s'éveillentet s'élancent à sa poursuite" : la calotte merveilleuse le dérobe à tous les regards.
ici Apollodore 12 place un épisode célèbre qui manque dans les fragments de Phérécyde, celui d'Andromède sauvée par Persée (ANDBOFIEDAI. Le héros passait en Éthiopie, quand il aperçut la vierge exposée sur le rivage. Liée sur une roche, elle attendait le monstre marin qui,
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pour verger les Néréides offensées par sa a F,re Cassiépeia, devait la dévorer. Il en devient amoureux. Il promet à Aèpheus de tuer le monstre si la jeune fille arrachée à. la mort lui est donnée en mariage. Le pacte est conclu par serment. Persée attaque le monstre, le tue et délivre Andromède 1 dais Phineus, frère de lèpheus, complote, sa perte, parce qu'il s'était fait promettre le premier la main de sa nièce. Persée, prévenu, découvre la tète de Méduse aux yeux des conjurés et les change tous en pierres'.
A partir de ce moment, nous avons de nouveau le récit conforme des deux mythographes 3. De retour à Sériphos, Persée trouve sa mère réfugiée avec Dictes au pied des autels et craignant tout de Polvdectès Il entre au palais où le roi a réuni ses fidèles et leur montre la tête de la Gorgone : ils restent tous pétrifiés dans l'attitude ou ils ont été surpris 3. Alors il fait Dictes roi de' Sériphos, Il donne les sandales, la besace et le chapeau à Hermès, qui les
rend aux Nymphes. Il offre la tête de la Gorgone à Athèna, qui la place au milieu de son bouclier. Puis, avec les Cyclopes, Danaè et Andromède, il s'enilrar=que pour Argos. Acrisios, par peur de l'oracle, s'était enfui à Larisa, chez les Pélasges de Thessalie. Persée va l'y rejoindre. Il se fait reconnaître par son grandpère et lui persuade de revenir avec lui à
Argos. Mais le hasard veut qu'avant leur départ le roi de Larisa, Teutainias, fasse célébrer des jeux funèbres en mémoire de son père. Persée y prend part Son disque tombe sur le pied d'Acrisios et fait au vi=eillard une blessure dont il meurt. L'oracle est accompli'. Persée ensevelit son grand-père hors de la ville, et sur la tombe les gens du pays élèvent un héroon. Mais, c'est une loi inflexible, le meurtrier n'hérite pas de sa victime : Persée reugirzfit de rentrer dans Argos et de recueillir une succession qui ne lui revient plus.. Il se rend à Tirynthe chez Mégapenthès, fils de Proitos et neveu d'Acrisios il lui propose un échange, royaume contre royaume '. Ainsi fut fait °. Maitre de Tirynthe,. Persée fortifie Mideia et Mycènes. Il eut sept enfants d'Andromède. Le pren-iier, Perses, né en Orient et laissé chez K_epheus, passa pour ancêtre des rois perses. Les autres naquirent à Mycènes : ce sont Alcaios, Sthénélos, Hèleios, Mcstor, Plectryon et une fille, Oorgophonè 10, Par Plectryon, Persée fut le bisaïeul d'Ileraclès,
i Parmi les innombrables variantes et additions dont s'agrémenta le mythe de Persée, quelques-unes sont à citer. Le personnage de Proitos, frère d'Acrisios, a pris une certaine importance : il séduit Danaè, à la, place de Zeus, et lutte contre Acrisios; il périt, pétrifié par Persée, et sa mort est vengée par son fils Mégapenttlès 11
D'après Hygin 12 le roi Polvdectès épouse Danaè, recueillie parle pêcheur Dictais, et fait élever Persée dans le temple d'Athènè. Quand Acrisios l'apprend, il veut reprendre sa fille et son petit-fils : Polvdectès implore en leur faveur, opère une réconciliation et meurt. Dans les jeux funèbres célébrés en son honneur., Persée lance un disque qui, emporté par le vent, frappe Acrisios à la tête et le tue. Le grand-père est enterré à Sériphos ; le petit-fils va régner dans Argos. --Les traditions de l'Argolide et celles de Delphes parlèrent d'un combat oit Persée donna la mort it, Dionysos ls r, ri '' , p. 6091. ---La littérature, alexandrine des Métamorphoses , dont s'inspira Ovide, imagina la lutte de 1 ersée avec Atlas [A'rr,AS, p. à`-'6j.
Il. L'exégèse naturiste a trouvé en Pl'rsee lin de ses su
jets favoris tj On
semblait d'autant plus autorisé à reconnaitre dans ces '.ventures héroïques les péripéties d'un mythe solaire, que l'astronomie donna place de bonne heure parmi les constella
tions de la voie lactée à Persée et à Cassiopée, et leur adjoignit Céphée et fie Dragon, Andromède et Pégase 11. Même les auteurs qui n'admettaient pas volontiers les arguments tirés de la lutte contre la Gorgone ou contre lemonstrerna
Pin croyaient cependant ne pouvoir interpréter le :•;,e
,lci'cnrantsui b'5 hou, dl as i'lu'enreeot,rantê I.' ~tls théorie 13. Mais l'exposition dans h' coffre est une è preuve communément attribuée aux fondateurs de cités, aux ancêtres divinisés : elle s'explique par la pratique, si fréquente dans les sociétés primitives, de l'ordalie 16.
C'est précisément sous l'aspect d'un héros national qu'apparait, une fois dégagée. des détails qui l'obscurcissent, la figure de Persée (et voilà pourquoi sa légende
eu plus de succès que son culte). D'oit vient-il? Le 1 mirage oriental » a fait voir son point de départ en PalestineMais l'épisode d'Andromède n'est pas toute la légende de tPersée il n'en fait même point partie intégrante à l'origine et, d'ailleurs, n'a rien de spécifiquement sémitique 10. On a aussi cherché la patrie des
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Abantides et, par suite, de Persée en Thrace '. Mais, à supposer que la harpe soit une arme thrace (car l'hypothèse d'une étymologie hébraïque 2 reste douteuse), elle n'a pas de tout temps passé pour l'arme de Persée : l'art, se conformant aux données de la légende et de la littérature, l'a représenté jusqu'au :ce siècle muni d'une épée 3. Quant à la xuv'é„ elle n'est pas particulière à la Thrace i GALLA, p. Iii'29 et s.]. En réalité, le fils de Danaè est le représentant idéalisé de la race danaënne. Tous les hauts faits qu'en tout lieu célèbrent les légendes lui ont été attribués par cette race tôt ou tard. Né d'un sang divin, il esL aimé des dieux et ressemble à l'un d'eux, au rapide et jeune Hermès 4. Il a plus ou moins affaire aux fées bonnes ou mauvaises qui jouent un si grand rôle dans les sociétés primitives, les Néréides et les Grées ; il détruit les monstres de la terre et de la mer, Méduse et le Kètos; tous les dons qui rendent invincible, il les possède, capable de se dérober aux regards, de fendre l'espace avec des ailes, de pétrifier ses ennemis. Il tient de sa mère le nom d'Eurymédon, celui dont la domination s'étend au
loin 6.
Le berceau de la Iégende a certainement été l'Argolide. Argos, patrie du héros, de ses aïeux et de ses descendants, conservait pieusement son culte 6. Elle retrouvait son souvenir dans le souterrain de sa mère, dans la tombe de sa fille Gorgophonè, dans les monuments élevés à ses victimes, à la Ménade Choreia, aux "A ),tan, Bacchantes guerrières, à la tête de Méduse Bien avant dans l'époque impériale, les monnaies d'Argos représentaient Danaè et Persée vainqueur 8. Mycènes se vantait d'avoir été fondée par lui à l'aide des Cyclopes qu'il avaitamenés de Sériphes : on expliquait le nom de la ville par la garde de son épée (N.éx-rlç) ou par le mugissement des Gorgones (µGx-1pat)76; on racontait que l'arbre appelé aepoe(a avait été planté à Mycènes par les mains du héros". En tout cas, dans les ruines de la vieille cité une fontaine portait le nom de IIEpaEta 12 ; le héros avait sa chapelle sur la route d'Argos 13, et son image était douée de vertus prophétiques tout comme celle d'Héra 14. Persée passait pour avoir le premier sacrifié au Zeus du mont Apesas et s'être élancé de ce sommet dans les airs''. II étai) tenu pour l'inventeur du disque dans le pays de Némée 1e. Il avait fondé Mideia ; il avait régné à Tirynthe'e. II était représenté sur le trône d'Asclépios à Épidaure". Bref, c'est bien son domaine que défendait Persée, quand il se battait avec Dionysos et jetait le corps de son adversaire dans le lac de Lerne 90.
Primitivement localisée en Argolide, la légende se répandit dans le Péloponnèse : à trois fils de Persée elle fait épouser trois filles de Pélops 21 ; à sa fille Gorgo
phone elle donne successivement pour mari Périérès, roi de Messénie, et Oibalos, roi de Sparte 22 ; elle fait d'Heleios le fondateur d'Hélos 23. De bonne heure les Tégéates mettent leur roi Kèpheus en relation avec Persée par l'intermédiaire de leur Athéna 24. Persée figure sur le coffre consacré à Olympie par Kypsélos de Corinthe 20. A l'arrivée des Doriens, le héros danaën était si universellement honoré, que les nouveaux venus durent rattacher leur Héraclès à sa lignée : on y parvint en recourant à la fille d'Electryon, Alcmène, et au fils d'Alcaios, Amphitryon. Cette fusion mythologique était chère à Sparte : célébrée sur les bas-reliefs en bronze que Gitiadas sculpta pour le temple d'Athéna Chalkioikos26, elle est rappelée longtemps après par un décret en l'honneur d'un âi96.[0voç
Comme les Achéens du Péloponnèse, les Achéens Phthiotides eurent en Persée un héros national qu'ils firent connaître à leurs voisins. Il se peut que la Larisa où Persée tue Acrisios soit à l'origine l'acropole d'Argos, appelée de ce nom et en partie consacrée à une Athéna 'Axp(«2S, ou bien la Larisa Crémastè de la Phthiotide, et non pas la Larisa de la Pélasgiotide. Mais la légende s'était propagée dans la vallée du Pénée avant l'arrivée des Thessaliens. Tandis que les Béotiens l'emportaient avec eux dans le pays auquel ils donnèrent leur nom 29, les peuples immigrés l'adoptaient à leur tour. Ainsi s'explique qu'on ait fait d'Acrisios le fondateur de Larisa 30, de Polydectès et de Dictys les fils de Magnés
que Larisa Crémastè ait volontiers battu monnaie au type de Persée 32 et que l'autre Larisa ait précieusement conservé l'hérôon d'Acrisios 33. Ainsi s'explique aussi qu'une version ait représenté la poursuite de Persée par les Gorgones comme aboutissant à l'invention de la flûte par Athéna en Béotie3«, mais surtout qu'il y ait eu un type béotien de Méduse et que ce type ait été une imitation féminine des Centaures thessaliens (fig. 5579) S5
A proximité d'Argos, avec des maîtres d'origine magnète, file de Sériphos tenait une grande place dans la légende de Persée : elle lui voua un culte avec une ferveur singulière 36 et propagea son nom aux environs, à Gyaros 37, à Mélos 3B. Elle ne manqua pas de le figurer sur ses monnaies 39. Il joua toujours un grand rôle dans le folk-lore des Sériphiens : on disait que les grenouilles de l'île étaient muettes parce que Persée les avait fait taire avant de marcher contre les Gorgones i0 ; on ne mangeait pas de « cigale marine » et l'on portait le deuil de ce crustacé en cas de mort accidentelle, parce qu'il avait servi de jouet à Persée enfant 41.
L'Attique n'avait, semble-t-il, aucune raison d'adopter le mythe achéen. Mais un de ses dèmes, celui des IIEpp(Sa1,
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avait pour héros éponyme Hsppe'ç, qui était l'objet d'un culte Or, d'après les inscriptions des vases 2, Persée s'appelait en dialecte attique Ilepedç, c'est-à-dire Ileppe'ç, au lieu de IIepaedç. Les deux personnages furent confondus. Il est assez vraisemblable que, pour faire bon accueil à l'étranger, Athènes attendit de faire alliance avec Argos contre Sparte en 461 3 C'est le moment où Myron sculpta son Persée qui fut placé sur l'Acropole d'Athènes et dont une réplique fut envoyée aux Argiens 4; où l'on peignit dans la Pinacothèque un Persée apportant la tête de Méduse au roi de Sériphos pour le pétrifier 5; où les potiers athéniens représentèrent Athèna s'interposant avec un calme majestueux entre le héros argien et sa terrible ennemie (fig. 5580) 6. Peut-être aussi est-ce le moment où Persée reçut des Athéniens une enceinte sacrée avec un autel des dieux sauveurs, Dictys et Clyménè
D'Europe la légende de Persée passa de bonne heure en Asie à la suite des migrations argiennes. Elle trouva dans les îles des stations intermédiaires : Sériphos eut pour pendant Rhodes 8, et dans le voisinage de Rhodes Astypalaia ° rappelle Gyaros et Mélos. Avant le milieu du vue siècle, Persée était adoré à Milet et chez les Argiens de l'Hexapolis, puisque les mercenaires cariens au service de Psammétik élevèrent en Égypte, entre 663 et 645, le « mur milésien» avec la « tour de Persée 10 », assurant au héros une longue popularité sur les bords du Nil ". De Milet, le mythe argien gagna la colonie milésienne de Cyzique". De l'Hexapolis, il se répandit le long de la côte méridionale jusqu'à Cypre, où une variante semble avoir fait accompagner le héros d'un chien 13. Il prit une forme particulière chez les Lyciens, avec le symbole du lion ailé Il s'établit solidement en Cilicie. Tarse, qui voyait en Persée son fondateur o.tlObç xxl 75xTpâ(oç, montrait imprimée sur le sol la trace de ses pas (Txpad;) 10. Iotapè16, Anemourion", Mopsus 18 étaient fières de marquer ses étapes. Les gens d'Aigeai prouvaient leur parenté avec les Argiens en rappelant dans un décret que
Persée, en marche contre les Gorgones, arriva en Cilicie, région extrême de l'Asie du côté de l'Orient'° ». A l'exemple de toutes ces villes, Carallia en Isaurie 20, fconium 21, Laodicée la Brûlée 22 et Coropissos 23 en Lycaonie, Tyana en Cappadoce2f prirent Persée pour type monétaire. Iconium le considérait comme son second fondateur, expliquant son nom par l'image de la Gorgone 2s
Parvenu avec les Doriens de l'Hexapolis au fond de la Cilicie et jusqu'en Égypte, Persée aborda aussi sur la côte intermédiaire des Philistins. Là fit fortune l'épisode d'Andromède'''. La vierge sauvée du monstre par
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le héros invincible, cette aventure est trop répandue dans le folk-lore pour être spéciale aux Grecs et même pour s'être primitivement, inséparablement, exclusivement incorporée àla légende de Persée. Elle s'y introduisit par juxtaposition à une époque relativement récente, mais avant le vie siècle : la céramique corinthienne s'inspirait déjà de ce motif, mais représentait Persée non encore pourvu de la harpè et jetant des pierres au monstre (fig. 5584) 2". Or, d'Ioppè à Ascalon, la tradition indigène parlait de victimes humaines offertes à la déesse-poisson Atargatis, par exemple, de Jonas, livré à la baleine 28, et tout près devait naître le Persée chrétien, saint Georges de Lydda 29. Dans ce nouveau séjour la légende grecque subit sur le tard d'assez profondes modifications. Le lieu de l'action n'est plus l'Éthiopie (Ailtd7cri) , mais lopè ('Idiri) ; la mère d'Andromède, Cassiépeia, prend ellemême ce nom d'Iopè ; enfin, la vierge est offerte en expiation, non plus aux Néréides, mais à une Aphroditè, substituée à l'Atargatis syrienne3o
Avant de l'amener en Syrie, Milet et l'Hexapolis avaient fait connaître Persée sur les bords de l'Euphrate et du Tigre. Le pays d'Andromède, le pays régi par Kèpheus, fut appelé Kèphénie : on l'identifia à la Chaldée, puis à la Perse. La paronymie de Persée et des Perses donnait beau jeu aux fabricateurs de légendes et de généalogies. On raconta que Persée avait allumé en Perse le feu sacré des mages. On imagina un fils de Persée, Persès, qui fut roi des Kèphéniens après la mort de Kèpheus et leur laissa son nom. On inventa un fils de Persès, Achaiménès, ainsi appelé en l'honneur de la patrie de son aïeul et qui devint la souche des Achéménides 31 Au temps des guerres médiques, toutes ces légendes étaient suffisamment répandues en Orient pour que Xerxès ait pu envoyer aux Argiens un héraut chargé de leur demander leur neutralité en souvenir d'une origine commune 3-. C'étaient évidemment les Grecs de l'Asie Mineure englobés dans l'empire perse qui avaient forgé un mythe aussi favorable à leur cause, et les Perses l'avaient accueilli avec bienveillance par politique. Dès lors, tous les souverains qui, après la conquête d'Alexandre, cherchèrent à rattacher leur dynastie à celle des Achéménides choisirent Persée pour patron et pour ancêtre : le héros achéen personnifia la fusion de la civilisation hellénique et de la civilisation orientale. Les rois de Macédoine se firent représenter sur leurs monnaies avec des ailerons aux tempes", et Philippe V, qui prit pour attributs le casque ailé et la harpè", s'empressa, quand il eut un fils de l'Argienne
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Polycratia', de l'appeler Persée. A plus forte raison, les Séleucides eurent-ils les mêmes prétentions. Les médailles d'Antioehus Il Théos et de son fils Antiochus Hiérax furent, donc frappées au même type'', et Antioche, qui s'éleva autour d'un temple fondé par Persée et reconstruit par Séleucos 3, mal qua ses monnaies du Gorgoneion °. En Bithynie, les ailerons de Prusias II', en Cappadoce, le Pégase d'Ariaraihe I:I e témoignent de préoccupations semblables. Depuis la fin du ive siècle, les villes asiatiques, entre autres Iconium, Tarse, Aigeai, reprenaient à l'envi le travail mythologique qu'avaient ébauché au vue et au v1 siècle les colonies grecques. Leurs compétitions sont attestées par la numismatique jusqu'aux derniers temps de l'empire romain, non pas seulement en Lycie, en Lycaonie, en Isaurie, en Cilicie, mais encore en Lydie et en Galatie Dans le Pont on revendiqua avec une ardeur consciente le double héritage de la Grèce et de la Perse. Mithridate III Philopator Philadelphe 4 et surtout Mithridate iV Eupator ou te Grandf0 eurent des médailles au type de Persée. La sculpture stylisa Mithridate lui-même en Persée ou individualisa Persée à l'image de Mithridate", Politique ou flatterie, toutes les villes du royaume suivirent l'exemple 12.
A l'autre extrémité du monde hellénique, la légende de Persée gagna la Sicile avec les Doriens. On s'en inspirait dès le vie siècle pour orner le temple de Sélinonte 13 (fig. 58I). Elle pénétra en Étrurie, fournissant des motifs aux artistes : un miroir et deux scarabées portent gravé le nom de Pherseii. Connu de bonne heure chez les Romains °, Persée devait être revendiqué par eux. Dans la légende italienne, il a pour père Picus ia ; il aborde avec sa mère Danaé sur la côte du Latium, à Aidée, et fonde la famille d'oh sortira Turnus ".
Avec la tête de Gorgone, si fréquemment employée comme amulette, l'image de Persée, dompteur de monstres, avait puissance de talisman. De là vient qu'elle est sculptée sur plusieurs sarcophages, de Cypre aux régions du Danube, depuis le ve siècle jusqu'à l'époque romainefh Fort avant dans la période byzantine, et même dans les pays occidentaux à l'époque moderne, on attribue à cette image le don de détourner les influences malignes. Une sardoine de l'Ermitage représente Persée volant dans les airs, la main droite armée de la harpé, la gauche tendant la tête de Méduse elle porte
au revers l'inscription (PT rEI I1O Ar'PÂ )Il]EPCFYC CE a fats, Ô goutte; Persée te poursuit ,, D'après des traités cabalistiques les pierres où est gravée pareille figure sont souveraines contre la foudre, la tempête et toutes les attaques des démons e6.
III. --• Le mythe de Persée fut largement exploité au théâtre. L'année où Eschyle donna, les Sept contre Thèbes (167), un poète nommé Aristias donna un Per
Eschyle, lui-même composa deux tragédies intitulées les Phorkides et Polydectès e. De Sophocle nous connaissons par les titres, par quelques fragments et par une peinture de vase 23, un A crisios, une Andromède, des Larisseens et une Danaê24. Euripide suivit la tradition à sa façon, avec une Danaé", un D'ictys" et cette Andromède dont le pathétique devait exciter la verve d'Aristophane" et dont on a pu reconstituer le plan °6. Toutes ces pièces furent continuellement imitées par les Alexandrins et les Latins (Livius Andronicus, Ennius, Affins"). Persée devint même un héros comique dans les S'érip/aiens de Cratinos
L'art archaïque a traité de préférence les épisodes qui mettaient Persée en présence des Gorgones [GoacONES]. Le motif favori fut long
temps la poursuite du vainqueur par les soeurs de Méduse égorgée (fig. 3635). Déjà le poète hésiodique décrivait cette scène, ciselée sur le bouclier d'Héraclès 33, et Euripide la reproduira sur le bouclier
chute 32e Elle était égal lementreprésentée sur le coffre de Kypsélos 3". Les fouilles de Thermos ont récemment
amené au jour des métopes en terre cuite peinte, hautes d'environ 59 centimètres, qui décorèrent un temple en bois vers le milieu du vie siècle : sur l'une d'elles (fig. 5579) S4 on voit Persée fuyant vêtu d'un justaucorps collant, coiffé de la ,soir', chaussé de brodequins ailés et portant sous lé bras droit une énorme tête de Gorgone, dont la partie inférieure, la partie laide, disparait dans la kibisi.s. Ce menu_
il semble bien qu'il ne le soit sur aucun monument antérieur au sarcophage de Golgos. Les peintres des vases à figures rouges ont varié tant qu'ils ont pu la. scène de la poursuite10.
La décollation de Méduse avait
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ment mérite d'être rangé parmi ceux qui figurent cette scène de la façon la plus curieuse, avec le sarcophage de (lolgos 1'hérôon de Gjte'ihasehi-Trysa', la plaque en terre cuite estampée de Mélos'. La céramique aimait les files symétriques de personnages à gestes violemment expressifs : le su
jet s'y prêtait admirablement . Nombreux sont Ies vases à figures noires qui le représentent 4. Par
mi les plus , _nt , anciens et
les plus ca
ractéristiques se trouvent un lécythe du Cabinet des Médailles (fig. '5580)' et un grand cratère du Louvre s On n'y voit pas encore, et l'observation s'applique en général aux peintures du même âge, le cheval Pégase s'échapper du cou de Méduse, Cet important détail
apparait sur un vase attique du Musée de Berlin [concoses, fig. 36351 ". Quant à Chrysaor, à moins que ce ne soit lui le jeune homme placé entre les deux Gorgones sur une phiale rhodienne du British Museum e, ce qui est peu vraisemblable, il n'est figuré que sur quelques vases à figures rouges d'une époque assez basses, et
été représentée par llatho-clés de Magnésie sur le trône d'Amyel é e s et par Thrase mi dè.s sur le trône d'Asclèpios e Epidaure ii. Nous pouvons nous faire une idée de ces oeuvres par la métope si connue de Sélinonte (fig. 558111' par un cylindre cypriote 13, par un trépied de bronze''' et, par quelques poteries àa figures noires 15. Un philos béotien déjà mentionné donne à Méduse la forme d'une Centauresse 16 (fig. 5582). A la fin du ve siècle, la scène fut représentée sur une peinture dont le souvenir même s'est perdu, mais dont la composition se retrouve sur nombre
d'oeuvres postérieures 'i. De cette période datent certains vases à figures rouges ".
Les autres sujets ont été traités plus rarement par Part archaïque, Gitiadas avait sculpté pour le temple d'Athèna Chalkioikos à Sparte des Nymphes offrant à Persée la auv-71 et les talonnièrecra. C'est à peu près le sujet d'une amphore elralcidienne à figures noires reproduite plus haut (fig. 5578)"0. Un autre vase a figures noires, dont un fragment a été trouvé sur
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l'Acropole d'Athènes t, représentait probablement l'arrivée de Persée à Sériphos devant Polydectès. Ce sujet était peint sur un tableau de la Pinacothèque à la même Acropole 2 et sculpté sur une colonne d'un temple à Cyzique'; il futassez fréquemment traité sur les poteries à figures rouges'. Enfin certains vases à figures noires représentent le combat de Persée contre les Ménades
Sans renoncer aux motifs légués par l'art archaïque, l'art classique en imagina de nouveaux. On représenta les préparatifs de la lutte contre la Gorgone, Persée surprenant les Grées 6 ou s'attachant des ailes '. Avant la fin du ve siècle, on montra le héros se glissant auprès de Méduse endormie 8. Les Athéniens ne se bornèrent pas à amplifier le rôle protecteur d'Athèna envers Persée poursuivi par les Gorgones ; ils inventèrent toutes sortes de sujets pour faire une plus grande place à leur déesse dans la légende exotique : Athèna remet la harpè à Persée 9 ; elle prend sa place dans le combat contre la Gorgone 10 ; elle l'exhorte à fuir"; elle reçoit de lui la
tête de Méduse 12. elle lui fait voir cette tête réflétée dans l'eau (fig. 5583) u. Des scènes où Persée pétrifiait ses ennemis on détacha le personnage principal, pour le figurer tendant la tête de Méduse et détournant les yeux, mouvement qui devait mettre en valeur la force du héros et sa gràce. De grands artistes fournirent des modèles. Un auteur ancien attribue à Pythagoras de Rhégion une statue de Persée avec des ailes t4. On est généralement d'accord aujôurd'hui pour admettre qu'il y a là une confusion entre Pythagoras et Myron". Myron, en effet, sculpta un Persée après la décapitation de Méduse1°.
Cette statue, que Pausanias vit encore sur l'Acropole d'Athènes, nous est connue par deux répliques en marbre, à savoir une tête du British Museum77 et une tête de Rome". Pour identifier ces têtes 10, on n'a qu'à en rapprocher la monnaie frappée au ve siècle par Cyzique 20 et un vase attique de la même époque". Quant à rapporter aux têtes le torse Valentini2L, c'est une hypothèse très contestable. Nous rie pouvons pas dire dans quelle attitude Parrhasios peignit Persée sur un tableau où il le plaçait en compagnie de Méléagre et d'Héraclès 23. Mais il n'est pas impossible, comme le voudrait M. SvoronosL4, que la grande statue en bronze retirée de la mer près de Cérigotto ait été, dans le style de Lysippe, un Persée tenant de la main droite la tête de la Gorgone26. En tout cas, les représentations de Persée entouré de ses insignes et tendant son trophée se multiplièrent sur les peintures murales et les peintures de vases, sur les miroirs, particulièrement sur les statues et les statuettes, les gemmes et les médailles 26. Quand les Mithridates essayèrent de nationaliser dans le Pont la légende de Persée, un artiste de grand talent sculpta pour leur capitale Amisos une statue dont la tête a été retrouvée dans les ruines de la ville 21. Par tous les détails, par le chapeau de cuir souple terminé en cache-nuque, par la chevelure ébouriffée en boucles sur le front, surtout par une beauté à la fois idéale et bien individuelle, cette tête rappelle les monnaies de Mithridate Eupator ; elle appartenait probablement à un groupe sculptural qui servit de modèle aux monnaies du Pont et qui figurait le héros nu tenant d'une main la harpè, de l'autre la tête de Méduse, et se dressant au-dessus du corps décapité.
L'art classique tira grand parti de ces épisodes pathétiques, l'exposition de Persée enfant et la délivrance d'Andromède. La mise en coffre de Danaè et de son fils est représentée sur plusieurs vases à figures rouges [ARCA, fig. 453] 2s. La scène du sauvetage et du débarquement à Sériphos, qui inspira le peintre Artémon 29 et qui ne fut pas négligée par la céramique grecque 30, fut reproduite avec prédilection par la peinture murale en Italie". Déjà les vieux peintres de vases s'étaient essayés à montrer Persée secourant Andromède contre le monstre marin, et sur une amphore de Caeré à figures noires (fig. 5584) 32 le héros est aidé par la vierge qui lui passe les armes dont il se sert, des pierres. Les peintres à figures rouges préfèrent, en général, se placer au moment dramatique où Andromède est menée à la mort ou
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l'attend attachée sur le rivage, et les gestes des personnages, leurs costumes, font aisément reconnaître une scène de tragédie'. Les plus anciennes de ces Andromèdes sont liées à, un pieu sur la grève H fallu) que les machinistes, au théâ
tre d'Athènes, fussent capables de faire voler Persée par les airs, ce qui n'arriva qu'ah temps d'Euripide, pour qu'on ait songé à montrer Andromède clouée sur un rocher. C'est ainsi qu'elle apparaît sur deu x vases de Berlin (voir fig. 5583)', sur un assez bon nombre de peintures pompéiennes', sur des terres cuites attiques et italiennes
sur des reliefs gallo-romains °; c'est ainsi qu'elle apparaissait sur plusieurs
tableaux perdus, mais décrits dans les documents littéraires La galanterie qui" s'introduisit sur le tard dans la société gréco-romaine fournit aux artistes un motif nouveau : d'un beau geste, mais aisément fade, Persée tend la main ou le
bras à Andromède pour l'aider à descendre de sa roche. Le chef-d'oeuvre du genre est le fameux bas-relief du Musée du Capitole
323; 8. La statue de Hanovre, qui lui ressemble, est loin de le valoir et a subi d'assez fortes restaurations s. On a fait un large emploi du sujet dans la peinture murale, la glyptique et le
monnayage 10. Un Fig motif non moins
exploité, trop souvent avec plus d'afféterie que de grâce, est celui de Persée et Andromède contemplant la tête de Méduse dans le miroir d'un bouclier luisant ou d'une eau transparente".
La manière de traiter les attributs et les armes de Persée n'a pas été fixée immuablement dans l'art antique. Le poète qui décrivait le bouclier d'Hèraclès, une oeuvre
chalcidienne sous les yeux, nous montre le héros avec les
sandales à ailettes, la besace, la xu's . c'est-à-dire avec
les objets qu'il reçoit des Nymphes dans le récit de Phé
récyde et sur notre amphore de Chalcis (fig. 5578), et de plus avec une épée, c'està-dire avec l'arme qu'il porte sur cette même amphore. Cependant, sur les monuments les plus anciens, les chaussures ailées ne sont pas l'ordinaire : elles semblent propres aux artistes chalcidiens, qui en faisaient, d'ailleurs, l'attribut des guerriers rapides à la course. Il ne faut pas les confondre avec le retroussis des bottines hautes, qui n'est pas non sslus spécial -ersée
[ENDROMIS, p. 616j. Ce
n'est que sur les plus récents des vases à figures noires que les artistes athéniens munirent d'ailettes les pieds d'Hermès et de Persée. La coiffure d'Hadès 12 fut longtemps un pétase ou un pilas quelconque. Vers l'époque
où se répandit l'usage de donner à Persée des chaussures ailées, on voulut exprimer la propriété magique de sa coiffure : on y ajouta des ailes, toujours comme à celle d'Hermès. En même temps, on se plaisait parfois à remplacer le pétase ou le piios traditionnel par le bon
net thrace jGALEA, p. 1430 j, bonnet, en peau, à. écailles, le plus souvent a pointe, plus rarement avec un pan retombant sur la nuque, Pour harmoniser la pointe du bonnet thrace avec les ailes, on la changeait en une tête d'aigle43. Enfin, en Asie, Persée prit le bonnet phrygien, qu'il emporta en Europe, ou ceignit la mitre à fanons pendants t4. La kibisis a tantôt la forme d'une besace, quelquefois énorme, surtout sur les monuments archaïques, tantôt la forme d'une corbeille. Les sculpteurs de
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la belle époque renoncèrent à la représenter : ils placèrent la belle tète de Méduse dans 1a main même de Persée'. L'art, archaique e toujours armé Persée du glaive. Ce n'est quai ve siècle qu'on jugea préférable de lui faire couper la tête à Méduse avec la harpe, qu'on figura comme un coutelas à forme courbe, connue une faucille ordinaire ou même comme une scie de jardinier IFALX, p. 9701. Au Ive siècle, le glaive et 1a faucille furent combinés dans la forme de harpe quise voit sur notre figure 2dïti.i. On fut fort embarrassé pour représenter la lutte contre le monstre marin : tout d'abord Persée le tue à coups de pierres; plus fard il le perce de sa lance ou le taillade avec sa harpe ; enfin il le pétrifie avec le Gorgoneion 2. GOSIAVC. Gcove
PERSONA, ffasvoearav 1. Masque scénique, L'origine
du masque scénique ne parait pas douteuse. C'est un perfectionnement des mascarades qui, de tout temps, avaient été en usage dans les fêtes rustiques de Dionysos. On s'enluminait la face avec la lie du vin nouveau2. On se façonnait de grandes barbes avec des feuilles 3 : plusieurs pierres gravées nous montrent un Silène ainsi affublé d'une barbe végétale (fig. bb86''). Même postérieurement à l'époque classique, nous trouvons encore cette coutume chez les phallophores de la Grande Grèce : ils se voilaient le visage au moyen de touffes de serpolet surmontées de feuilles d'acanthe
Quant, au masque proprement dit, nous le voyons, à partir d'une certaine époque., s'introduire, lui aussi, dans le culte : c'est ainsi que, dans certaines cérémonies, le prêtre portait un masque représentant les traits de la divinité qu'il servait'. De même, c'était l'usagé dès le temps de Démosthène, de ne prendre part aux processions dionysiaques que le visage masqué
Et cette pratique persistait encore au temps de Plutarque'. De tous ces faits, il résulte à l'évidence que le masque scénique n'est point une r tion réfléchie de quelqu'un des anciens poètes, mais .n très vieux rite du culte dionysiaque doit le drame h. et que le conservatisme religieux e seul maintenu, en dépit de ses inconvénients, pendant alefi, siècles. La s giaification primitive de ce rite parait avoir été double. Dans le dithyrambe, qui mettait en scène Dionysos lui-même et son divin cortège, le masque avait sans doute pour but de transformer et d'idéaliser les physionomies, trop connues et trop tami
fières, des figurants. Dans le Minos phallique, au contraire, olé les paysans échangeaient force quolibets et injures, le dégtaisement n'était, ce semble, quune précaution pour dissimuler l'identité du farceur 9. Quoi qu'il en soit, le toas;lue s'est introduit dans les trois formes du draine grec,tragédie 1', drame satyrique", comédie '2.
Ce fut Thespis qui imagina les masques à l'image de la physionomie humaine : ils étaient en simple toile blanche, sans peinture. Antérieurement, il s'était servi, dit-on, de la lie de vin, des feuilles de pourpier, du blanc de céruse". Le masque tragique se perfectionna rapidement dans la génération suivante. La part de Choerilos dans ces progrès est attestée ; mais on ne nous dit pas en quoi elle consista". Celle de Phrynichos paraît avoir été plus importante : on lui attribue l'introduction des masques de femmes ". Peut-être convient-il cependant d'en reporter l'honneur à Thespis. On a signalé le parti pris avec lequel ce poète, employant d'abord la céruse, puis la toile, semble avoir recherché la couleur blanche 16 Or, c'est vers le même temps que le peintre Eumarès d'Athènes, s'emparant d'une très ancienne convention de la peinture égyptienne, eut l'idée de colorier uniformément en blanc les chairs féminines : nouveauté qui eut un vif succès, comme en témoignent les peintures de vases. Il est fort probable que Thespis tira parti de cette convention pour le théâtre, et que de la lie de vin il fit le signe des visages mâles, de la céruse, puis de la toile blanche celui des visages féminins. Quoi qu'il en soit, la blancheur du teint resta toujours, par la suite, la caractéristique des masques de femmes. Malgré toute cette série d'efforts et de perfectionnements, Eschyle passait dans l'antiquité pour le vrai créateur du masque tragique ; 'e persoatr e repertor iresr.Itylus », dit Horace
C'est qu'en s'avisant d'appliquer la polychromie aux masques, il avait apporté une amélioration capitale t8. Le masque tragique servit, sans doute, de premier modèle pour les masques satyrique et comique. Mais nous n'avons aucun détail sur l'histoire de ceux-ci. Et, en ce qui concerne particulièrement le masque comique, Aristote déclare qu'on nen tonnait pas l'inventeur u
La carcasse du masque scénique était faite, semblec, il, de chiffons ,stuqués, assembles dans un croule 20. Sur cette espèce de carton-pâte on étendait un crépi de plétre21. Les détails du visage, teint, lèvres, sourcils étaient rendus par des couleurs appropriées". Par sa forme, le masque scénique des Grecs rappelle le casque
visière du moyen âge; il mouvrait non seulement la face, mais la tete jusqu'à l'occiput et quelquefois l'enve
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loppait entièrement (fig. 5587, 5590) '.11 était pourvu d'une perruque, et, si le sexe et l'âge du personnage le comportaient, d'une barbe postiche. Pour le mettre, on l'enfonçait de haut en bas, à la façon d'un casque, et on
l'assujettissait au moyen
d'une mentonnière; d'au
tres cordons servaient à le
suspendre ou à le porter
(fig. 5587)2, Dans les mo
ments de repos, il pouvait
se rejeter en arrière sur
le sommet de la tête (fig.
2028, 3854) a L'acteur
mettait en dessous une
calotte de feutre (liû,(sisv),
formant tampon, pour
protéger le crâne Une Sue tragique. Ouverture, souvent déme
surée, livrait passage à la
voix Les dents, sauf exception n'étaient: pas indiquées. Quant aux cavités ménagées pour la vue, elles étaient fort étroites, car la peinture indiquait le blanc de JJ'mil et même l'iris 7. Enfin les masques tragiques
avaient une particularité curieuse, l'êyxac. On appelait ainsi, dit Pollux, « la partie supérieure du masque qui se dresse en forme de lambda (A) », C'est, comme le montrent un très grand nombre de monuments, un agrandissement conventionnel du front, le plus souvent dissimulé sous Fig. 5588. Masque tragique. la perruque. Le but de 1'oneos
parait avoir été, d'une part, de rétablir les proportions normales du corps, faussées par la matelassure artificielle du torse et par les hauts cothurnes, et probablement aussi de prêter aux figures tragiques un aspect plus imposant 9. Cet accessoire atteint
parfois des proportions démesurées (fig. 3852), mais sa hauteur est très variable ( fig. 5588, 5589 Il ne se rencontre que dans les masques tragiques cependant quelques--uns même de ceux-ci n 'on ont pas ",
+_-42e1 était l'aspect du masgaàe scénique a l'époque classique"? Sur cette période, qui est de beaucoup pour nous la plus intéressante, nous n'avons, il faut l'avouer, aucune information précise. Pour nous faire une idée, même approximative, du masque classique, il nous faut doue procéder indirectement, c`est-à-dire rechercher de quelle façon
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la peinture et la sculpture contemporaines représentaient les figures humaines et divines. Or, jusqu'au delà de 470 av. J.-C., on peut dire que l'art plastique des Grecs, si habile déjà à traduire les attitudes et les mouvements, est resté impuissant à mettre sur la physionomie le reflet de l'âme, Il ne connait encore qu'no' moyen d'expression, le sourire, un sourire tout conventionnel, qui traduit uniquement la vie physique. Voyez, par exemple, cette riche série de statues féminines retrouvées il y a vingt ans sur l'acropole d'Athènes, et qui sont contemporaines des débuts d'Eschyie : toutes sourient'', Sur les frontons d'Égine, qui datent du même temps, il en est de même. Tous les guerriers sourient, même ceux qui, terrassés, agonisent". Un autre trait original de la, sculpture de ce temps, c'est la polychromie. « En règle générale, la chevelure et les lèvres des statues étaient revêtues d'un ton rouge. Un trait noir soulignait l'are des sourcils et le bord des paupières ; ia. pupille était noire et entourée d'un cercle rouge figurant l'iris'^. » Des figures pavement souriantes, rehaussées par une polychromie conventionnelle, voilà donc, sans doute, l'aspect des masques tragiques, inventés vers 4484 par Eschyle '0. Mais la fabrication des masques de théâtre profita naturellement des progrès de la plastique. Or on sait avec quelle rapidité ces progrès, à partir de 475 environ, se précipitent, Sur les frontons d'Olympie, postérieurs de quinze à vingt ans à ceux d'Égine 1', le sourire a complètement disparu. Sans recourir à l'artifice, le sculpteur sait maintenant faire apparaitre la vie morale sur un visage calme il sait traduire, par exemple, l'attention'', la curiosité 4e Même il s'essaie déjà à rendre lai passion et la douleur. Essais encore timides et bien gauches, il est vrai, Voici Pirithoos, qui s'élance au secours de sa femme Déidamie, attaquée par un Centaure : à l'exception d'un pli horizontal au front, qui indique la colère, tout le reste de son visage reste impassible20, Voici encore un jeune Lapithe, qu'un Centaure mord cruellement au bras : à peine la placidité de sa physionomie est-elle altérée par un pli horizontal au front, par la saillie des lèvres, par un trait oblique qui part de !aile du nez'', Nous arrivons ainsi àt lépoque 3e Phidias. Mais dans l'meuvie de Phidias luimême, oh il ne saurait plus et9 e question d'inhabileté et d mpuissance 22. la sérénité des figures reste la même; elle est donc voulue, préméditée. Elle est l'application d'un principe esthétique, qui régit alors tout l'art grec, et qui consiste 2e sacrifier délibérément l'expression à. la pureté et à la beauté idéales des lignes, De ce rapide résumé on peut dégager, je crois, une notion assez nette du développement et des progrès du masque scénique entre 480-4430. bous avons dit quel était, vraisemblable,
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ment, l'aspect, bien naïf encore, des premiers masques employés par Eschyle, à ses débuts. Mais très différent déjà était, sans doute, celui des masques de l'Orestie, sa dernière trilogie, jouée en 458. Les marbres d'Olympie, d'où le sourire archaïque a disparu, mais où la vie morale affleure à peine encore, peuvent sans doute nous en donner quelque idée. Puis débutent presque simultanément Sophocle (458) et Euripide (455). Leur maturité accompagne ou suit de près celle de Phidias. Alors que l'influence de l'école de Phidias s'est propagée à tous les arts industriels', peut-on croire que la fabrication des masques soit, seule, restée stationnaire et figée dans l'archaïsme ? Rien de plus invraisemblable, surtout si l'on songe que les humbles fabricants de masques, les axauoreoio(, avaient pour conseillers naturels et pour guides les poètes, évidemment attentifs à tous les progrès de la technique. Comment supposer, en particulier, que Sophocle, qui sut utiliser pour Ies décors de théâtre le perfectionnement de la peinture 2, soit resté indifférent à celui de la sculpture ? Pour nous représenter les masques tragiques de Sophocle et d'Euripide, c'est donc aux idéales figures, aux types supérieurs d'humanité, qui peuplent les frontons du Parthénon, qu'il nous faut penser. Des lèvres entr'ouvertes (juste assez pour laisser à la voix un libre passage), un ou deux plis sur le front et entre les sourcils, quelques touches de couleur accentuant le modelé, voilà sans doute, dans ces figures majestueuses et sereines, tout ce qui était donné à la traduction des affections de l'âme'.
Tout autre est la physionomie des masques que nous connaissons. C'est qu'après Phidias, une révolution coinmence dans l'art grec : Praxitèle, Scopas, et surtout les écoles hellénistiques y introduisent un goût, chaque jour croissant, d'expression réaliste et pathétique. C'est de cette inspiration nouvelle que dérivent tous ces masques, alexandrins et romains, dont les reproductions nombreuses nous sont parvenues. Ainsi s'expliquent leurs sourcils contractés, leurs rides profondes, leurs paupières dilatées, leurs bouches béantes, et, pour tout dire d'un mot, leur expressive laideur. Ces masques ont été décrits en détail par Pollux, dans trois chapitres de son Ono
71Ep't 7cp. xwµtxûv 6 Malheureusement ces descriptions
sont fort sèches, pleines de lacunes, souvent obscures'. Le vestiaire scénique, inventorié par Pollux, comprend 76 masques, dont 28 appartiennent à la tragédie, 4 au drame satyrique, 44 à la comédie 8.
Les masques tragiques (fig. 5587 à 5590 et 5601, voy. aussi 3850-3853,3869).Pollux compte d'abord six masques tragiques de vieillards (yipov-rEç). Le plus âgé s'appelle b ;up(aç, le rasé : « il a les cheveux blancs et appliqués sur l'oncos, la barbe rasée à fleur de peau, et les joues longues ». Du fait qu'il existait un verbe 7eptauoûcOat (sans doute forgé par les comiques), qui signifiait être rasé', on a conclu, non sans vraisemblance, que ce masque était celui du vieux Priam. Tout, en effet, dans le signalement
donné par Pollux, s'accorde avec cette identification. La barbe rase du personnage exprime le deuil. Ses joues émaciées traduisent à la fois la vieillesse et la souffrance. 11 a les cheveux plaqués sur l'oncos, à la manière des vieillards qui ramènent sur le devant de la tète les rares mèches qui leur restent. Enfin l'oncos vise à donner à cette figure la majesté qui sied à un roi. Vient ensuite, par rang d'âge, l'homme blanc (b ),cuxdç). Il a la barbe et les cheveux gris, le teint blanc, les sourcils saillants, des boucles autour de la tête, la barbe courte, l'oncos petit. C'est, semble-t-il, le masque de tous les héros âgés d'une soixantaine
d'années (fig. 5590) 1°. Je l'attribuerais vo lontiers , par exemple , au grand prêtre dans Oedipe Roi, au vieux Cadmos dans les Bacchantes, à Pélée dans
Andromaque. L'homme mêlé de blanc (b anas2072d)toç) présente le même type que le précédent, mais il est plus jeune. Sa barbe et ses cheveux, naturellement noirs, commencent à grisonner : ce qui permet de lui porter quarante à cinquante ans. Son teint est un peu pâle (uawypoç), sans doute par l'effet de la souffrance. C'est à peu près sous cet aspect que Sophocle nous décrit Oedipe Roi 11. A tous les rôles tragiques d'hommes, au-dessus de quarante ans, les trois masques dont il vient d'être question devaient suffire ; car les trois suivants, bien que Pollux les range parmi les yÉpovTEç 12, représentent en réalité l'âge mûr. L'homme brun (b p.É),zç âvsp) est, d'après sa description, un héros d'une quarantaine d'années au plus. Son teint brun (p,É)`aç), sa barbe et ses cheveux crépus symbolisent la force virile. Il a un haut oncos. L'air rude (Tpayuç) de son visage donne à penser que ce masque était destiné à des rôles antipathiques, tels que ceux de tyran. Exemples : Créon, Égisthe. Puis viennent deux autres masques : l'homme blond (b ;avObç vs p), et l'homme plus blond (b ryav®dTEpoç). Les boucles blondes et le teint frais (E(Iypwç) du premier sont des attributs de la jeunesse et de la beauté. On peut donc prêter à ce personnage vingt-cinq à trente ans. C'est le masque de tous les héros à la fleur de l'âge : Ulysse et Teucer dans Ajax, Admète dans Alcestc,.Jason dans it[édée, Achille dans Iphigénie à Aulis. Le second masque ne se distingue guère du premier que par sa pâleur (57rwypo;) « qui décèle la maladie» : on peut songer, par exemple, à Ajax atteint de fureur. --Nous arrivons au groupe des jeunes gens (vEav(axoi). Il y en a huit. Leur trait commun, où il entre une part de convention, c'est d'être imberbes 93. Voici d'abord le .1zxyyp7eroç, le jeune homme arrivé à son complet développement,
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propre à tout 1. C'est le plus âgé des adolescents; imberbe, teint frais et un peu brun, chevelure brune et épaisse. Comme l'indique son nom, c'est le masque-type des éphèbes. Toutefois ce type juvénile admet, à l'occasion, plusieurs variétés. Le crépu (b ouaoç) est blond, il a un haut oncos, les cheveux crépus, les sourcils redressés, l'aspect hautain ((iaoaupdç) 2. C'est le portrait de ces jeunes héros, ardents et fiers, comme Néoptolème, Hippolyte, Achille (à Scyros). Le quasi-crépu (b cépou),oç) ne diffère du précédent que par un air plus jeune. En regard de ce type mâle, voici un type tout opposé : c'est le délicat (b rta),dç), blond aussi, mais avec des boucles, au teint blanc, à l'air riant (patôpdç) 3. Ce masque, observe Pollux, « sied à un dieu ou à un bel éphèbe ». Les traits que prête Euripide au jeune Dionysos dans les Bacchantes concordent en effet de tout point avec cette description. Le sordide (b 7etvapdç) semble être un jeune héros, tombé dans le malheur et la misère 3 : il a le teint livide, les yeux baissés, une chevelure blonde mal entretenue. Tel est aussi le signalement du S_=6rEpoç 7ctvap6ç, sauf qu'il est plus jeune et plus mince. Exemples, peut-être : Télèphe, Bellérophon 6, Le pille (b wypdç) a les chairs flétries, des cheveux quasi-blonds et pendants, et le teint maladif. « Ce masque convient à un fantôme ou à un blessé ». Exemple entre autres, l'ombre du jeune Polydoros dans les Bacchantes. Enfin le quasi-pole (b rrépwypoç), pareil pour tout le reste au 1-t.. 'prir'toç, a un teint pâle, qui trahit la maladie ou la passion amoureuse. Tels sont Oreste malade (dans l'Oreste d'Euripide), et Hémon amoureux dans l'Antigone. Les femmes (yuvaixeç) sont au nombre de huit. Deux sont vieilles. La première, en âge comme en dignité, est la roazà xati3.x.op.oç, la femme chenue à la chevelure pendante; elle a un oncos de hauteur moyenne et le teint pâle 7. Exemple : Aethra dans les Suppliantes d'Euripide. La vieille femme libre ('7b £),EUEpov ypiâtov) a les cheveux gris, un oncos petit, ses cheveux ne descendent pas au delà des épaules (sans doute, parce qu'ils ont été taillés en signe de deuil) 8 ; elle laisse deviner la souffrance. Exemple : la vieille Hécube, dans les Troyennes. Aux jeunes femmes ou jeunes filles appartiennent les cinq masques suivants. Chose remarquable, et où se trahit l'essence pathétique de la tragédie grecque, tous ces masques féminins expriment, ou la souffrance, ou le deuil. Chez la xs'réxopeeç wxpx, la femme pêle aux cheveux pendants, la douleur morale est rendue par la pâleur, par la tristesse du regard, par le désordre de la chevelure. Tel était, semblet-il, le masque d'Ino, cette héroïne infortunée dont Aristophane, dans les Guêpes, a raillé le teint e jaune » (ea'.4tvoç) 9. Autres exemples : Alceste, Phèdre. Dans les quatre masques qui suivent (rl pr.Eedxoupoç wyp tÔ la femme pâle tonsurée; pzEadxoupos cpdamatioç = la femme nouvellement tonsurée ; -r xouptpa,oç rapeévoç = la jeune seconde jeune fille aux cheveux rasés), la chevelure est taillée, en signe de deuil (selon des formes différentes), et la pâleur exprime la souffrance, sauf chez la introxoucdç
VIE,
cpdrsyaroç, dont l'infortune, encore trop récente, n'a pas altéré le teint. Une épigramme de l'Anthologie nous apprend que l'un de ces masques, celui de la xwptproç capeévoç, était porté à la fois par Antigone et par Électre". Enfin un dernier masque, la xdp-q ou fillette, représente une toute jeune fille, par exemple l'une des Danaïdes-Reste le groupe des serviteurs (eEpricovroç), au nombre de six. Un trait propre à ces masques, c'est la coiffure, On sait que, dans la vie réelle, les cheveux longs étaient interdits aux esclaves 12. En conséquence, les masques serviles des deux sexes portent, dans la tragédie, la chevelure coupée court, ou dissimulée sous un bonnet de peau (rrtp(xpavov), ou du moins ramassée sur le sommet de la tête. Une autre particularité des masques d'esclaves, c'est le réalisme. Réalisme bien discret encore, et, qui se borne à indiquer par quelques traits de physionomie l'origine barbare de ces personnages. Voici d'abord trou; masques de serviteurs mâles, correspondant aux trois âges essentiels de la vie. L'homme vêtu de peau (b Stcptnpfaç) est un vieillard à la barbe et aux cheveux gris ; au lieu d'oncos, il porte une calotte de peau ; il a le front haut, le teint un peu pâle, le nez et les yeux renfrognés (-rpaydç, axuepwcdç). On reconnaît là le pédagogue, à la fois dévoué et grondeur [PAEDAGOCL'S]. L'homme à la barbe en pointe (b acprivocàywv) est, au contraire, dans la fleur de l'âge ; il a un oncos haut et large, les cheveux blonds, l'air rude (rpayuç), le teint rouge. C'est un messager. Il y a un autre messager, plus jeune : c'est l'homme camus (b «vârs;p.oç), rouge de teint également, les cheveux relevés sur le sommet de la tête, imberbe. Les servantes sont aussi au nombre de trois. La vieille esclave (.nb oixEr,xbv ypzôtov) porte un bonnet de peau d'agneau, au lieu d'oncos, et elle a les chairs ridées. Un peu moins âgée est l'esclave tonsurée (7;b oixrruabv pa.Eadxoupov), dont les cheveux commencent à grisonner ; elle a un oncos bas et le teint un peu pâle. Plus jeune encore est la femme vêtue de peau ;
Tous les masques dont il vient d'être question sont des masques de caractères. Chacun d'eux représente, non un individu, mais un type. L'homme rasé (b ,up(aç), par exemple, n'était pas seulement, comme nous l'avons dit, le masque du vieux Priam; c'était, en même temps, celui de tous les personnages qui lui ressemblaient par l'âge, par la condition sociale, par l'état d'âme. De même, nous avons vu qu'un témoignage ancien attribue à la fois à Antigone et à Électre le masque de la xoupps.oç cape€voç. Mais il faut ajouter que toute héroïne en deuil, de même rang et de même âge, y avait également droit. Il est clair, toutefois, que cette classification des masques n'a pu se faire que par degrés et lentement. Peut-être, dès la seconde moitié du ve siècle, était-elle arrêtée déjà dans ses grandes lignes; mais elle n'a sûrement atteint son état définitif qu'à l'époque alexandrine, Du reste, tout en restreignant de plus en plus le nombre des masques individuels, la tragédie grecque n'a jamais pu s'en passer complètement. Pollux en énumère un assez
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grand nombre (S.acesznie 7bprti,iz) e, qui peuvent se
répartir en trois classes 2 ô la Dieux ou héros pourvus d'attributs distinctifs. Exemples les cornes de cerf d'Actéon (cf, les cornes de génisse d'Io dans Prométhee) 3, les yeux multiples d'Argus, les yeux aveugles de Phineus de Tirésias, d'GEdipe. Nous ne savons quel attribut indiquait chez Euripide la métamorphose d'Hippe, en cheval e, quel autre caractérisait le Minotaure 5. Dans ce groupe, on peut nommer encore les Danaïdes d'Eschyle qui, â titre d'Égyptiennes, avaient la peau basanée
(vEïkdaplitl eaepEnv) s, et surtout ses Euménides Vieilles,
le visage décharné, la chevelure entremêlée de serpents, les yeux pleins de sang, la peau entièrement noire 8; tout, dans leurs masques, avait été combiné en vue d'un effet d'épouvante et d'horreur, 2e Divinités personnifiant la nature sous ses divers aspects : Centaures, Tritons. Géants, Muses, Heures, Nymphes, Pieiades, Fleuves, Montagnes, etc. 30 Monstres et asbtractions personnifiées Dikè, Thanatos (dans Alceste), Lyssa (Héraclès furieux), Hybris, l'Inde, une Ville, Peitho, la Ruse, l'ivresse, la Haine, etc. C'est à cette catégorie qu'appartiennent Ris et Cratos9, dans Prométhée.
Les masques satyriques. Sur les masques satyriques Pollux est très bref1e. Il en nomme quatre seulement le Satyre chenu (E xupat 7geÀtog), le Satyre barbu (E. pavotiev), avec lequel il y a lieu, sans doute, d'identifier le Exiproç 7cvppoy€vetoç, du Satyre s barbe rousse, mentionné dans une épigramme de Dioscoride ie, le Satyre imberbe (E. yiviios), et le p''ère Silène
(EaG't,-sBe uznrro5). Les noie
Satyres ne diffèrent entre
eux, selon Poilus, que par
les signes de l'âge. Ils ont
en effet, sur les monu
ments, le même type, for
tement accusé : profil bes
tial, nez camard, creilles
droites et pointues de chè
vre, chevelure inculte et
ébouriffée en merles (fig.
1426, 3854"), Ce type de
Satyres est le plus ancien
dans l'art grec ! CAT rail. 4a;i-e, dès le ire siècle, s'introduit, probablement sous l'influence de Praxitèle 'L un type nouveau, où l'expression bestiale est fort atténuée ; à peine quelques signes discrets rappellent-ils la nature serai-animale de ces êtres bondissants. Ce modèle idéalisé a-t-il pénétré au théâtre? On l'a supposé" cependant le vase célèbre de Ruvo (4,1426), qui représente les apprêts d'une représentation satyrique, nous montre encore des Satyres du type archaïque. Quant au Père Silène (fig, 1426), c'est lui-même un Satyre, mais plus =é". Son masque,
d'accord avec sa personne velue sisTSJo, p. 2191, est, selon Pollux, d'aspect plus bestial que celui doses fils 10 sur les monuments où on croit trouver le souvenir du drame saty rique, il a, au contraire, un visage plus noble (fi g. 5591) 97. il porte une barbe longue et flottante, et il est fait mention dans le Cyclope de sa têtechauvet2. Pollux ne dit rien des personnages héroïques qui jouent souvent un rôle dans le drame satyrique, tels qu'Ulysse dans le Cyclope, et Héraclés dans beaucoup de pièces perdues. Le vase de Ruvo (fig. 1426), où l'on voit Héraclès et un autre héros en compagnie de Satyres, semble prouver que ces personnages y gardaient les mêmes masques que dans la tragédie t9.
Les masques dans la comédie ancienne 20. -On peut, répartir en trois groupes l'ensemble des masques de
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la comédie ancienne personnages fictifs, portraits, créations fantastiques 2'. Les personnages d'Aristophane étant, pour la plupart, de purs fantoches, leurs masques avaient, naturellement, le même caractère de joyeuse extravagance. « Les masques de la comédie ancienne, déclare Pollux, étaient faits de manière à provoquer le rire. e On peut s'en former une idée par les fig. 5592, 5593 et 3856-57 22, \'isages contractés et grimaçants, bouches énormes, expression à la fois sensuelle et madrée, tel est le signalement commun non seulement des hommes, mais des femmes âgées. Seules font exception les jeunes femmes. Sur les monuments rassemblés par M. Kôrte, elles rie semblent point masquées, tant leur masque imite fidèlement, et sans caricature, le visage humain n. Nul doute qu'il n'en fût ainsi réellement, au théâtre, Comme preuve complémentaire de ce fait, on peut citer la description donnée par Aristophane lui-même, dans les TJaesinophoriaeuses, du masque féminin dont il avait, par moquerie, affublé le bel Agathon , a beau, blanc, délicat, rasé de frais, aimable â, voir il 24. A côté de ces personnages inventés, les poètes de la comédie ancienne ont souvent mis en scène aussi leurs contemporains
poètes, philosophes, généraux, savants, hommes d'Étaie'.
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En ce cas, le masque reproduisait les traits de l'individu, « de ,manière, dit Platonios, qu'on le reconnût, avant même que l'acteur eût ouvert la bouche' s. Nous avons a ce sujet un témoignage précis d'Aristophane, dans les Chevaliers : le poète s'y plaint, par la bouche de l'un de ses personnages, quaucun des ex eoo rit n'ait osé représenter au naturel le visage du démagogue Cléon '. Par contre, le masque de Socrate, dans les muées, était un portrait ressemblant 3. Toutefois il faut s'entendre : de tels portraits étaient évidemment moins des copies fidèles que des « charges n, Ainsi celui du bel Agathon était, comme on l'a dit, un visage de femme, au teint blanc, et sans barbe, qui parodiait les gràces efféminées de ce personnage t. Enfin beaucoup de masques étaient des combinaisons, en dehors de toute réalité. Le choeur des Nuées, par exemple, étalait des nez extravagants a. Dans les A.charniens, l'ambassadeur Perse, « l'OEil du Roi s, justifiait ce titre par un oeil unique et énorme, qui lui mangeait tout le visage Mais c'est surtout dans les Oiseaux que l'imagination d'Aristophane s'était donné libre carriere : Evelpide montrait une tete d'oie, Pisétaeros une tête de merle'. Les vingt-quatre personnages du choeur, qui figuraient autant de volatiles différents, étaient affublés de becs géants et de cretes prodigieuses s.
Les masques dans la comédie nouvelle -La comédie moyenne hérita intégralement des masques grotesques de l'ancienne. Ils ne furent définitivement rejetés que par la comédie nouvelle, vers 350 Chose remarquable, celle-ci n'y substitua pas toutefois des modèles beaucoup plus beaux ni plus humains. Le grammairien Platonios décrit « les sourcils énormes des masques de, Ménandre, leurs bouches distorses, leur aspect hors nature 90 s. Et nombre de monuments figurés attestent encore la rigoureuse exactitude de cette description (voir aussi fig. 3861-62). Entre les masques d'Aristophane et ceux de Ménandre signalons, cependant, une différence capitale. Tandis que dans les premiers l'outrance n'était qu'un moyen de comique, dans les seconds elle devient, avant tout, un moyen d'expression, un artifice pour faire apparaître le caractère sur les visages.
Pollux mentionne d'abord neuf masques de vieillards". Mais, ici encore, ce terme doit etre pris en un sens tout spécial ; il désigne tous les personnages au-dessus de vingt ans. C'est une figure bien connue que celle du ,n per,: ,:«,enoç, type de ces pères, débonnaires et généreux, qui excusent, parfois favorisent les équipées des fils (sentis miles). Exemple ; Micion dans les Adelphes'9. Le second père (b Ésepo~ x x»ce;), antithèse du précédent, est le type des pères avaricieux et durs (serres austeri) , tel, le frère de Micion, Déméa. Les masques de ces deux personnages reflétaient leurs caractères. Cheveux coupés court, mine souriante, sourcils calmes, regards un peu abaissés, voilà l'aspect du premier.
L'autre a l'air bourru, les joues maigres, les yeux ardents, la barbe fournie, le teint bilieux, les cheveux roux, les oreilles déformées i3. Mais la plupart des pères ne sont pas ainsi figés dans un sentiment; exclusif; ils alternent, dans le cours d'une même pièce, de l'iudul
gence a la rigueur. C'était pour ceux-là qu'avait été imaginé le masque appelé le vieillard principal (u 7iycuàs rpeuàé'cnc). Il était à double expression : tandis que le sourcil droit, relevé, marquait la colère, le gauche, bien horizontal, exprimait une humeur calme L'acteur avait soin de toujours se présenter de profil, de façon à montrer tour à tour le côté qui s'accordait avec l'humeur du moment''. 11 est plus malaisé d'identifier les cinq masques suivants : le vieillard tc longue barbe
+ite , ainsi appelés du nom de leur inventeur u, l'homme lt la barbe en pointe (ô ueppoltddy«sv), et le Auzogvtoitoy, créé sans doute par un certain Lycomédès 'a. C'est dans ce groupe qu'il nous faudrait; je crois, chercher l'oncle grondeur (palruus objur'gator) un des personnages traditionnels de la comédie nouvelle. Dans le Tycomedéios je reconnaîtrais volontiers aussi le sycophante impudens9e, qui figure dans le Pseudolus et le Trinum
de Plaute: chevelure crépue, longue barbe, un des sourcils relevés, air d'intrigue, tel est le portrait qu'en
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fait Pollux. Enfin, voici, pour en finir avec le groupe des yipavTeç, une figure apparentée de très près à la précédente, mais plus répugnante encore; c'est le prostitueur (b 7opvoéooexdt). Semblable en tout le reste au Lycomédéios, il a, de plus, la bouche grimaçante, les sourcils contractés, la tête chauve. Exemple : Labrax, dans le Rudens de Plaute 1. Les jeunes gens sont au nombre de onze. Dans ce groupe se présentent d'abord quatre masques, qui personnifient les fils de famille. Comme dans la tragédie, nous trouvons en tête le nd.yypvnTO;, masque type du jeune premier. Le teint légèrement coloré, un air de santé, quelques rides au front, sourcils relevés : c'est l'éphèbe grec dans sa beauté robuste et fière 2. Un peu plus jeune est l'adolescent brun (b p.€nus veuv(sxoç) : ses sourcils baissés semblent indiquer qu'il est le représentant des jeunes gens rangés (juvenes severi). Par contre, l'adolescent frisé (b oûaog vravévxcu) serait le type des jeunes gens débauchés (juvenes luxuriosi) : beau, le teint un peu coloré, les sourcils relevés, une seule ride au front. Le cadet des fils de famille est l'rxabç veao(axoç, le délicat ; élevé dans le luxe et la mollesse, il a le teint blanc d'une femme. Exemple : dans les Bacchides de Plaute, le jeune Pistoclérus, à peine émancipé du joug de son pédagogue. Quant aux autres o z'ttaxot, ce sont tous des personnages typiques. souvent rencontrés chez Plaute ou chez Térence. Le rustre (b «ypotxog) a le teint basané, de grosses lèvres, le nez camus, les cheveux en stép/tanè. Le capitan est brun de poil et de peau, et sa chevelure flotte en crinière: c'est de cette particularité qu'il tire son nom, b €n(arteTOç 3. Un autre soldat fanfaron (b né-rEpos i v(cetaTnç) ne diffère du
précédent que par son air plus délicat et ses cheveux blonds. L'écornifleur, type si répandu dans la société antique [PARASITUS], se présente en triple exemplaire : le flatteur (b xéac4), le parasite (b napclattnç), le Sicilien (b Ltx.Eatxéç). Teint brun, nez aquilin, mine florissante 4,
tel est le signalement commun des deux premiers ; mais le parasite a les oreilles plus déformées (par les coups qu'il a revus) et le visage plus souriant, tandis que le flatteur relève d'un air plus méchant ses sourcils. Le masque du Sicilien n'est pas décrit: son nom rappelle seulement que c'est en Sicile que le personnage du parasite avait été pour la première fois mis sur la scène
[PARAS1TUS] (fig. 5595 5). Au milieu de ces trois bons
apôtres, Pollux mentionne leur dupe ordinaire, le riche étrangers : chevelure grisonnante, barbe rasée, manteau garni d'une bande de pourpre (eûné.pucpoç) Son masque, je ne sais pour quelle raison, s'appelle b eixovtné; a. En tête des sept masques de serviteurs mâles parait le iréxicoç: c'est un vieillard, aux cheveux gris, que sa coiffure désigne comme un affranchi ". Puis vient le groupe compact des esclaves, parfois honnêtes et dévoués, plus ordinairement fourbes et complices des fils débauchés (callidi, currentes, agiles servi). Ce sont : le serviteur principat (b éiyeiiaâv Oepâsrwv), c'est-à-dire celui qui joue les premiers rôles de serviteur (fig. 5598) ; le serviteur principal aux cheveux en crinière (b isdnctaTO; ~yt)uéo), qui est la doublure du précédent; le chevelu en bas (b m1-mi vpty(uç) 10; le serviteur crépu (b eues Oepânwv). Le réa
lisme, que nous avons déjà noté dans les masques serviles de la tragédie, s'accuse ici bien davantage encore. Les esclaves qui viennent d'être nommés ont, tous les quatre, les cheveux roux (nappés) ; les trois premiers ont, de plus, les sourcils relevés ; le troisième est à demi chauve (âvacpaaavT(aç) ; le quatrième a les yeux divergents (Stn'pocpoç) 11. Enfin, dans ce groupe, accordons une mention spéciale au cuisinier (giyEipos) en raison de l'importance reconnue de son art 42. Au temps de Ménandre, il existait deux écoles de cuisine, l'école indigène, représentée par le Maeson (b iLoz(awv ®epâawv), et l'école exotique, figurée par le Tettix (b OEpânwv TÉTTt) 13 Le premier de ces masques est chauve et roux ; le second est brun, à demi chauve, et a les yeux louches.
Restent dix-sept masques de femmes que Pollux énumère à l'aventure, sans distinction de l'âge, de la condition sociale, de la profession. Apportons dans cette confusion un peu d'ordre. Parmi les femmes de condition libre, voici d'abord la grosse vieille (;l nayeta ypaüg);
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elle a de larges rides dans sa chair rebondie, et une petite ténie entoure ses cheveux. D'après la physiognomique ancienne, l'embonpoint dénotait une bonne nature : ce qui nous autorise peut-être à identifier ce masque avec la mater indulgens'. Dans deux autres masques, très peu différents l'un de l'autre, qu'on appelait la bavarde (7l ),sit-rtxil) et la crépue (l one,), je crois reconnaître les épouses (matronae, uxores , uxores dotatae). L'épithète irrévérencieuse appliquée à la première peut d'abord surprendre : mais qu'on se rappelle les plaintes incessantes des maris de comédie sur l'humeur querelleuse, la curiosité, l'intarissable caquet de leurs femmes 2. La vierge (il x6pr,) est le masque de 1' « amoureuse » ou « jeune première ». A la vérité, les jeunes filles libres ne paraissent que très rarement, comme telles, sur la scène grecque : les moeurs s'y opposaient. Mais, en revanche, aucune situation n'y est plus commune que celle de la jeune fille ravie en bas âge à ses parents, réduite par suite à l'état d'esclave ou de courtisane, et dont la condition libre sera reconnue au dénouement.
Tel est le cas de la plupart des « amoureuses », chez Plaute comme chez Térence'. A côté de la vierge, Pollux cite la fausse vierge, en deux exemplaires (i] 4etuioxdpr~ , 11 ÉTipa tzts oxdpr). Quel sera le sens de ce mot ? Probablement, il désigne ces jeunes filles, fort nombreuses également dans la comédie, qui avaient été victimes d'un viol au milieu du désordre d'une fête de nuit n. La fausse vierge était reconnaissable à la pâleur de son teint, à ses cheveux noués sur le som
l'aspect d'une jeune mariées.
Exemples : Pamphila dans les Adelphes de Térence, l'héroïne du même nom dans l'Eunuque, Philoména dans l'Hécyre 6. Nous arrivons maintenant aux courtisanes, dont le rôle, au théâtre, prime de beaucoup celui des honnêtes femmes. La vieille femme maigre, appelée aussi la louve (-iii yptr.Stov icirvôv, ),uxa(vlov),
avec son visage allongé, ses rides fines et serrées, son teint blanc presque blême, et ses yeux louches, est, si je ne me trompe, le type de la proxénète (laena)'. La
bavarde grisonnante (' a7rapTo7rdatoç )tExTtx' ), un peu
moins âgée que la précédente, est, dit Pollux, une courtisane qui a cessé son métier 6La concubine 7roÀÀax'il) est également une courtisane en retraite, mais qui a su se faire épouser Voici, ensuite, le troupeau des courtisanes en exercice (meretrices malae, procaces, meretr iculae) : la courtisane mûre (Tb'E),Etov ÉTatptxdv), à la /leur de l'dge (Tb ùpaïov pTatp(Swv), dorée (~ Stâ~ puaoç iTa(pa),
ainsi appelée à cause des bijoux qui chargent sa tête, au bandeau ( zp.tTpoç ËTs(px) dont le front est ceint d'un ban deau multicolore, et la courtisane appelée Tb )iap.7r'iltov en raison de sa coiffure en pointe, semblable à une mèche en flamme 90 [COMA, fig. 1821, 18221. Nommons enfin, pour terminer, trois masques de servantes. La plus âgée est la vieille ménagère (Tb oixoupiv ypaSwv)" ; elle est camarde, et n'a plus que deux molaires à chaque mâchoire. C'est, je pense, le masque de la vieille intendante Staphyla, dans l'Aululaire". Une autre esclave, appelée Ïeçz 7xEp(xoupoç, était, comme l'indique son nom, la menine (en latin delicata) de sa maîtresse f3. Enfin il y avait un masque spécial pour les servantes de courtisanes : c'est celui de la servante aux cheveux lissés (Tb rapn4' n-rov 8Epairatv(atov), reconnaissable à son nez camard.
Sur les masques usités dans l'hilarotragédie de la Grande Grèce, voir l'article PHLYAKES.
Le masque scénique avait des inconvénients manifestes. Le plus grave peut-être, c'était l'absolue rigidité qu'il imposait aux visages. Pour prendre un exemple, qu'on se représente dans les Perses l'étrange attitude d'Atossa, pendant les quarante et un vers où le messager décrit le désastre de Xerxès 14. Alors que, de nos jours, le visage mobile de l'actrice traduirait tout un tumulte d'émotions, Atossa, au contraire, gardait nécessairement une physionomie impassible. Plus choquante encore, peut-être, était cette fixité des traits dans les scènes où un personnage passait subitement, sous les yeux du public, d'un pôle à l'autre du sentiment, du calme à la. douleur, à la colère, à la démence. Le cas d'Etéocle, dans les Sept, est très frappant f s. Nous y voyons ce héros, organisant d'abord avec un parfait sang-froid la défense de Thèbes. Soudain sa raison semble s'égarer, il s'échappe en invectives furieuses ; c'est que le nom de Polynice a été prononcé. Mais aucune altération du visage ne correspondait à cette modification morale. On pourrait multiplier à l'infini les exemples 16. Que les anciens aient pu tolérer un tel désaccord entre les physionomies et les sentiments, c'est ce que nous avons peine à concevoir. Rappelons-nous toutefois nos théâtres de marionnettes : par l'effet de l'accoutumance, ou, plus simplement peutêtre, parce que c'est là une convention obligatoire du genre, la monotonie des visages ne nous y choque pas,
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Du reste, le théàtre ancien pouvait, en une certaine mesura, remédier à ce défaut : 1° Par les substitutions de masques, au cours d'une même pièce. Dans Œdipe toi, par exemple, Œdipe, convaincu enfin de l'horrible vérité, revient sur la scène, les yeux crevés et ruisselants de sang. Il y avait là, nécessairement, un changement de masque. Les paroles émues du messager, annonçant sa venue, les exclamations d'horreur que pousse le choeur ne permettent pas d'en douter'. De même il faut en admettre un dans 1 Iïélene d'Euripide : car cette héroïne, qu'on a vue d'abord parée d'une abondante chevelure blonde, reparaît ensuite, les cheveux coupés en signe de deuil 2, Mais ce procédé était-il déjà en usage au temps d'Eschyle ? Le fait est douteux. Du moins n'en trouvonsnous aucun exemple certain dans les pièces subsistantes 3. 2° Par les masques à expression double. Pollux en cite un remarquable exemple. Dans le Thomyris de Sophocle 4, le masque du chanteur thrace n'avait pas les deux yeux pareils: l'un était de couleur glauque, l'autre noir. Avant d'être frappé de cécité par les Muses, fhamyris ne laissait voir que son mil sain ; tout de suite après, il faisait volte-face, et les spectateurs avaient devant eux un aveugle Dans la comédie nous connaissons également deux de ces masques doubles : l'1tYep.wv tptoâér fç, décrit plus haut, qui avait un sourcil débonnaire et l'autre courroucé ', et le Lycontédéios, qui avait a l'un des deux sourcils relevé » A côté de ces inconvénients, le masque scénique avait cependant quelques avantages pratiques. D'abord, en l'absence d'actrices, il fournissait aux hommes le moyen de ,jouer, sans invraisemblance physique, les rôles féminins. Secondement, il permettait aux acteurs (on sait que le règlement n'en attribuait que trois à chaque poète (RISTRJOj) de remplir chacun plusieurs rôles. Enfin, on peut admettre également que, dans des théàtres immenses et en plein air, le grossissement artificiel des traits et le renforcement de la voix, obtenus à l'aide du masque n'aient pas été sans utilité. Mais ce sont là, malgré tout, des avantages secondaires, et tirés après coup d'une contrainte imposée. Une preuve péremptoire que le masque n'était pas, quoi qu'on en ait dit a, une nécessité matérielle du théâtre grec, c'est que ie théâtre latin, dont les conditions pratiques étaient à peu près les mêmes, s'en est longtemps passé f0.
La fabrication des masques (eaeus aboi) était un art original, ayant ses moyens d'expression particuliers, en grande partie conventionnels. L'ensemble de ces signes formait une sorte de symbolique fort curieuse, dont on peut reconstituer les lois principales. Dans la distinction des sexes, c'est, comme de juste, la barbe qui joue le premier rôle. Mais beaucoup de masques masculins sont imberbes : ce qui fait qu'il est souvent à peu près impossible de déterminer le sexe des masques. Dans ce cas, en effet, il n'y a pas d'autre trait distinctif que le teint. Les hommes, habitués, en Grèce, à vivre presque toujours
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dehors, ont le visage halé (p.€naç) par le plein air, le soleil, la palestre. La peau blanche (Xeuxdç) des femmes rappelle, au contraire, leur existence recluse dans le gynécée. Le signe principal des âges, c'est, chez les femmes, la couleur de la chevelure. Chez les hommes, la présence, l'absence et la couleur de la barbe sont autant d'indices complémentaires. Le blanc (me),te;) et le gris (7rcaprorro3~ioç) sont, naturellement, réservés aux vieillards u, C'est le brun foncé (fe.Dias), nuance la plus commune dans les pays méridionaux, qui caractérise l'âge mûr : il est, en même temps, un symbole de force physique et morale. Le blond doré (a,06;), teinte fort appréciée en Grèce, et qui passait pour un trait de beauté, est le privilège des jeunes gens des deux sexes. Quant aux cheveux roux (icupp6;), c'est une couleur très mal famée, et qui ne se rencontre guère que dans les masques d'esclaves. Pour révéler la condition sociale, il suffisait parfois d'un détail de parure. La courtisane se distingue, à première vue, de la femme honnête par l'or et les bijoux qui chargent sa chevelure. Les procureuses ceignent leur tête d'un bandeau de pourpre. Le capitan est affublé d'une énorme
perruque, qui, à chaque mouvement qu'il fait, s'agite terriblement sur sa tête. D'autres fois, c'est la profession même qui imprime sa marque sur le visage. Le messager, toujours en course, se reconnaît à sa
coloration animée. Le para~ietg~t -sr
site a les oreilles defor-it
horions qu'il reçoit journel
lement 12. Mais le plus difficile était de faire transparaître l'âme sur le masque. Les conventions, auxquelles recouraient pour cela les axeuolrotoi, se ramènent à trois principales. L'une consistait, étant donné un état d'âme, à en outrer démesurément les signes physiques. Voici, par exemple, l'alye)es(v Oepiascv (fig. 5600)''. Le sentiment que l'artiste avait à rendre, c'est la colère. II a commencé par relever les arcades sourcilières, détail conforme à la nature 14, sauf l'exagération du rendu. Mais il ne s'en est pas tenu là. Propageant ce mouvement de proche en proche, il a successivement tiré de bas en haut les extrémités des plis frontaux, l'angle externe des yeux, les ailes du nez, les coins de la bouche. Même procédé de grossissement, mais en sens contraire dans le masque
tragique de la xa2 clxo1.1.0ç dypse (fig. 5601) 15. Ici il s'agis
sait de traduire la tristesse. II convenait donc d'abaisser
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la ligne des sourcils Mais, en outre, l'artiste a fait tomber parallèlement les coins des yeux, les narines, et les commissures des lèvres, décuplant par cet artifice l'expression douloureuse de cette physionomie. Autre convention : empruntant à l'observation populaire certaines associations plus ou moins justifiées, entre le physique et le moral, on les érigeait en lois Pourquoi, par exemple, donne-t-on aux esclaves de comédie un teint roux et des cheveux roux ? C'est que, selon la physiognomique ancienne, « les roux sont fourbes ; type, le renard' ». Et pourquoi les parasites ont-ils, au théâtre, le front poli et sans rides ? Signe de flatterie: « voyez comme le chien a la peau du front unie, lorsqu'il caresse 12. La forme du nez n'est pas, non plus, indifférente. Un nez recourbé en bec d'aigle (exr:ypuaoç) est signe d'effronterie ; type, le corbeau. Exemples : le parasite, le flatteur, l'•ie
Llroatp.oç), c'est un indice ordinaire de lubricité ; type, le cerf "°. Cette forme de nez se rencontre, en particulier, chez le paysan, chez certaines servantes de courtisanes, chez tous Ies satyres 1. Enfin la pâleur trahit la douleur physique ou le souci : c'est le teint ordinaire des amoureux Reste un dernier procédé. En fixant sur le masque certains aspects fugitifs de la physionomie humaine, on les transforme, du coup, en signes permanents du caractère. Le plissement du front, par exemple, est marque de réflexion et de sérieux ; c'est pour cela qu'au théâtre les jeunes gens de bonnes moeurs portent d'ordinaire au moins une ride On pourrait s'étonner que ces mêmes adolescents aient les sourcils relevés: c'est symbole d'assurance et de fierté t0 juvéniles. Mais de ces qualités à l'effronterie il n'y a qu'un pas : les sourcils plus relevés encore ont, en effet, cette signification dans les masques d'esclaves et de parasites "
II. A Rome. -De même qu'en Grèce, le masque scénique, à Rome, se rattache, par ses origines, Ô. la religion 12. Dans les fêtes d'automne en l'honneur de Tellus et de Sylvain, les paysans italiens se divertissaient, la face barbouillée de minium ou affublée d'un masque d'écorce, à faire échange d'injures et de quolibets grossiers. Ces farces champêtres s'appelaient jeux fescenninsf3.
De la combinaison des quolibets fescennins avec les danses étrusques naquit (364 av. J,-C.) la satura, première ébauche d'un genre dramatique indigène ". Bien que, sur ce point, nous n'ayons aucun renseignement, il ne parait pas douteux que, comme ceux de la farce fescennine et de l'atellane f 3, les acteurs improvisés de la satura ne jouassent masqués. En ce qui concerne l'atellane, on a vu [ATELLANAE FABOLAE] fle que les personnages
qu'elle mettait en scène étaient des fi gares typiques, ayant chacune leur masque traditionnel et invariable.
En 240 av. J.-C., L. Andronicus importa chez les Romains le drame grec. De cette époque datent, e IroA se, les premières troupes d'acteurs professionnels. Nous avons dit ailleurs [HI5TRlo, p. 226] pour quelles raisons le masque leur fut longtemps interdit, et par quels artifices ils s'efforçaient d'y suppléer. La date de l'adoption défin itive du masque tragique, à Rome, est fixée d'une façon assez précise par un texte de Cicéron, qui l'attribue à
Roscius (entre 104-94 av. J.-C.)P7. Toutefois il est, vrai
semblable que plusieurs essais, plus ou moins durables, avaient déjà été tentés précédemment.Festus, notamment, parle d'une pièce de Naevius, jouée avec des masques (personata fabula quaerdam Naevi ,rscribitur) 1e, Que, par précaution et pour assurer à ses interprètes l'anonymat, ce poète, si virulent contre l'aristocratie ait songé à introduire sur la scène latine le nnasque grec, l'hypothèse n'a rien que de plausible. En ce qui regarde la comédie, la question est plus obscure encore. On admet généralement que le masque fut adopté simultanément dans les deux genres dramatiques. Mais il faut, pour cela, rejeter le témoignage formel et plusieurs fois répété de Donat1°, selon lequel les pièces de Térence
auraient déjà été jouées avec des masques [ErsTRio,p. 2'2,712". Quoi qu'il en soit, plusieurs faits prouvent, du
moins, que le public romain ne se familiarisa que lentement, et non sans résistance, avec cet accessoire 2â.
Sur les masques usités dans la tragédie romaine, nous avons peu d'informations directes. Nul doute, cependant, qu'ils ne fussent la copie exacte de ceux qu'employait le théâtre grec, à la même époque (fig. 3864). Ceux que nous montrent les monuments sont des visages surhue mains et extraordinairement pathétiques, à la bouche béante, aux sourcils saillants, aux yeux hagards. C ne anecdote, souvent citée, traduit bien l'impression étrange que produisaient ces masques, même dans l'antiquité, sur des spectateurs inexpérimentés. Au temps de Néron, une troupe de tragédiens ambulants poussa ses tournées jusqu'en Bétique. Maïs lorsqu'elle y voulut donner une représentation, le seul aspect des masques glaça de stupeur ce public inculte, et, quand les acteurs commencèrent à déclamer, il fut pris de panique et s'enfuit F2
Quant aux masques de la comédie latine, c'étaient, naturellement, ceux de son modèle, la comédie nouvelle des Grecs (fig. 3863-3865). Nous y retrouvons eu cotai; t tous les caractères énumérés plus haut : pères sé-.
ou indulgents, jeunes gens rangés ou dissipés, ep■..•:': -. acariâtres, mères complaisantes, jeunes filles, cour
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tisanes, prostitueurs, parasites, capitans, esclaves fourbes, etc.'. Tous ces personnages, on les reconnaît sur les miniatures qui illustrent certains manuscrits de Térence «fig. 3866-3867). Trop grossières pour qu'on en puisse tirer aucun renseignement précis, ces peintures donnent lieu cependant à une observation intéressante. Un certain nombre de masques s'y distinguent, à première vue, des autres en ce que l'ouverture de la bouche n'a rien d'anormal et, par suite, n'altère point la régularité des traits : or ces masques appartiennent, presque sans exception, à des jeunes femmes et à des jeunes hommes I1 est probable que, sur ce point, les miniatures reproduisent fidèlement la réalité.
Ajoutons enfin, d'après Donat, qu'à une très basse époque (Ive siècle ap. J.-C.) les rôles féminins, dans les pièces de Térence, furent confiés, au moins exceptionnellement, à des femmes 4. On doit évidemment admettre que, dans ces représentations, acteurs et actrices jouaient sans masques.
Le seul genre dramatique des Latins où les acteurs jouassent à visage découvert était le mime [mus].
Au contraire, le masque était d'usage constant dans
PERSONA.-Ce mot reçoit, dans la langue juridique des Romains, des acceptions diverses. Il désigne : 1° un individu déterminé, par exemple, dans les expressions
personae cohaerens 1; 2° le rôle qu'une partie joue dans un procès ou dans un acte juridique; on dit, par
d'un homme : à ce point de vue, les hommes sont libres ou esclaves, ingénus ou affranchis, citoyens Romains, Latins ou Pérégrins, sui juris ou alieni juris 5 ; 4° un être capable d'être le sujet actif ou passif d'un droit. C'est, en général, un être humain, une personne naturelle; c'est aussi parfois un être qui n'a qu'une existence intellectuelle, une personne juridique, comme le peuple romain, une cité, un collège : personae vice funflitur °. L'hérédité jacente elle-même est, à certains égards, traitée comme une personne. Cette quatrième acception du mot persona 7 n'apparaît guère avant le Ile siècle de notre ère. C'est une des plus importantes et la seule dont on s'occupera ici. On trouvera l'exposé de la condition juridique des personnes aux mots cives,
Anciennement les citoyens Romains sui juris étaient seuls capables d'être le sujet actif ou passif d'un droit. Ils avaient la capacité juridique, alors même qu'en fait, ils étaient dans l'impossibilité de l'exercer à cause de leur àge (impubères), de leur sexe (femmes pubères), de la perte de la raison (fous), ou de la faiblesse de leur caractère (prodigues) ; ou bien, depuis la loi Plaetoria, lorsqu'étant pubères, mineurs de vingt-cinq ans, ils avaient demandé un curateur. Les membres de la famille, les esclaves et les personnes assimilées (in mancipio), les étrangers étaient incapables. Mais leur incapacité fut de bonne heure atténuée par divers expédients; elle fut ensuite écartée partiellement, sous l'Empire, dans une mesure plus ou moins large suivant la qualité des personnes.
personnalité commence à la naissance, pourvu que l'enfant naisse vivant et viable 8, et qu'il ait forme humaine 3. Par exception, l'enfant simplement conçu est, en général, considéré comme étant déjà nét0; toutefois, en matière de succession, cette exception ne peut être invoquée que dans l'intérêt de l'enfant 1t.
La personnalité finit au moment de la mort ou de la capitis deminutio. Cette règle comporte deux exceptions : P lorsqu'une hérédité est jacente, la personnalité du défunt subsite jusqu'à l'adition d'hérédité' 2; 2° d'après l'édit du Préteur, les créanciers d'une personne qui a subi une capitis deminutio minima peuvent agir contre leur débiteur, comme si la capitis deminutio n'avait pas eu lieu''. Le bénéfice de cette exception a été étendu aux créanciers d'un débiteur qui a subi une capitis
peuvent emprunter la capacité du chef de leur famille, lorsqu'il s'agit de prendre part à un acte d'acquisition'. Cette atténuation a été admise dans. l'intérêt du chef de la famille : elle facilite son administration en permettant à son fils ou à son esclave de le remplacer dans les actes qui exigent la présence des parties. Mais s'il s'agit d'un acte juridique susceptible de l'obliger, cette faculté leur est refusée, à moins qu'ils n'aient reçu l'ordre de leur chef. Il en est autrement pour les délits commis par un fils de famille ou par un esclave : le chef de famille doit ou bien indemniser la victime ou faire l'abandon noxal de son fils ou de son esclave [NOxALIS ACTIO, p. 112].
2° Les membres de la famille peuvent obtenir de leur
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chef la concession d'un pécule avec la liberté de l'administrer'. Ils deviennent alors, dans une certaine mesure, des sujets de droit; ils n'ont pas besoin d'emprunter la personnalité de leur maître. En principe, ils sont autorisés à faire tous les actes qui ne portent pas atteinte directement au droit du chef de la famille : faire une vente, un prêt, un paiement, une novation, un pacte de remise, constituer une dot ou une hypothèque [PECULIUMI.
III. Atténuation apportée à l'incapacité des étrangers. Des traités internationaux ont concédé aux Latins et à certains pérégrins des droits plus ou moins étendus : le commercium, le conubium [t. I, 2, p. 1406 et 1446], la
IV. Capacité restreinte attribuée, sous l'Empire, aux fils et aux filles de famille, aux femmes mariées, aux esclaves, aux personnes in mancipio, aux pérégrins, aux personnes juridiques.
1° Fils de famille. a. Les fils de famille ont la capacité de s'obliger par contrat. Cette innovation est une conséquence d'un changement introduit dans la conception de l'obligation Anciennement l'obligé devait ses services au créancier faute de paiement à l'échéance ; le fils ne pouvait enlever à son père le bénéfice de son travail, même pour un temps limité.
Aux derniers siècles de la République, l'obligé engage seulement sa foi; cela ne porte pas atteinte au droit du père ; aussi a-t-on admis, à cette époque, que le fils de famille s'oblige aussi valablement qu'un chef de famille. Une seule exception est faite par le sénatusconsulte Macédonien, qui défend au fils de famille d'emprunter de l'argent [MUTUUM, t. III, 2, p. 2132].
L'obligation, contractée par le fils de famille, ne confère pas au créancier un droit aussi efficace que lorsqu'il traite avec un chef de famille : le fils n'a pas de patrimoine; le créancier non payé ne pourra saisir ses biens que lorsque le fils sera devenu sui juris. Ce droit est d'ailleurs soumis à des restrictions :le fils de famille qui s'abstient de l'hérédité paternelle, qui a été émancipé ou exhérédé, peut obtenir du Préteur, après enquête, le bénéfice de compétence S'il est mineur de vingt-cinq ans et qu'on ait abusé de son inexpérience, il peut demander au Préteur l'in integrum restitutio 6.
b. Le fils de famille est capable d'ester en justice comme défendeur B.
c. En matière de délits, il peut agir en justice au nom de son père, lorsque celui-ci n'est pas en état d'agir luimême et qu'il y a urgence Lorsque son père est empêché, il peut aussi agir en son propre nuln, pour réclamer un dépôt ou un commodat ou pour demander réparation d'un dommage donnant lieu à l'interdit quod vi aut clam 8. En cas d'injure, le fils peut agir en justice par cela seul que le père s'abstient de venger l'outrage qui lui a été fait 9. Il peut même, malgré
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l'opposition de son père 10, intenter l'accusation d'adultère contre sa femme. En matière civile, le fils peut attaquer un testament comme inofficieux, car ici le droit lui appartient en propre; son père ne pourrait exercer ce droit qu'avec son assentiment9l
d. Le consentement du fils est devenu une condition nécessaire pour la formation de son mariage 12, pour son émancipation f3, pour le mariage de son fils ou pour l'adoption d'un enfant qui sera réputé son fils 14. Il a la manus sur sa femme; il a le droit de la répudier''.
e. Le fils de famille a le devoir de doter sa fille, bien qu'il ne puisse le faire qu'avec des valeurs fournies par son père16. Il doit aussi défendre ses enfants en justice, en cas d'absence de son père".
f. Le fils de famille militaire a une capacité plus étendue. On lui a accordé successivement le droit de disposer par testament de ce qu'il a acquis au service 18, de l'hérédité que sa femme lui a laissée par testament 19, puis de tous les biens acquis à l'occasion du service", le droit d'affranchir les esclaves compris dans son pécule militaire 21, en conservant sur eux les droits de patronat22. Depuis la fin du 11e siècle de notre ère, on le considère comme un paterfamilias relativement à son pécule 23 [PECULIUM CASTRENSE]. Il peut donc aliéner entre vifs24, emprunter de l'argente', devenir créancier ou débiteur de son père20, accepter une hérédité qui lui est déférée en vue de son pécule'-'.
g. Au Bas-Empire, les constitutions impériales attribuèrent une capacité analogue aux fils de famille investis d'une charge de cour, aux avocats, aux fonctionnaires impériaux, en général, aux clercs Ils furent traités comme propriétaires des biens acquis dans l'exercice de
Ii. Depuis Constantin, le fils de famille non militaire a la nue propriété de ses biens adventices23 [ru:m.1cm
2° Fille de famille. L'incapacité des filles de famille a subsisté aussi longtemps que la tutelle des femmes29. On ne pouvait leur reconnaître la capacité de s'obliger par contrat, alors que les femmes sui juris ne pouvaient contracter sans l'auctorilas de leur tuteur30, II en était encore ainsi au temps de Dioclétien31. Au Bas-Empire, les femmes sont capables de contracter, sauf dans le cas prévu par le sénatusconsulte Velleien a2.
Dans quelques cas exceptionnels, dès l'époque classique, on permet à la fille de famille, soit d'agir en justice pour réclamer sa dot, soit de constituer un cognitor pour demander réparation d'une injure, mais il faut que son père soit absent, ou de moeurs suspectes".
3° F'emme mariée. Elle a le droit de répudier son mari, même si elle est sous sa manus 34. A l'inverse, elle peut revendiquer la liberté de son mari, lorsqu'il passe pour esclave, s'il n'y a ni ascendant, ni descendant,
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ni cognat pour intenter l'action'. Depuis la loi Julia de aduLerié", le consentement de la femme est nécessaire pour l' liénaiion du fond-; dotal par le mari LLEX ail IA ,i e,iitali, t. 1££, 2 1149j; il est également nécessaire 1,u,Ir l'exercice de l'action en restitution de la dot, à moins que la dot ne soit réceptico'.
4° Esclave. --La. capacité juridique d'un esclave varie ,ot qu'il appartient à un particulier ou à l'État, ou gest sans maître.
a. D'esclave d'un particulier a, sous l'Empire, le droit d'ester en justice contre son maître pour obtenir la liberté, ::oit lorsqu'elle lui a été donnée par fidéicommis ', soit lorsqu'il a remis de l'argent â quelqu'un pour l'acheter et l'affranchir il peut également accuser son maître d'avoir supprimé un testament qui lui donne la Iiberté, d'avoir fabriqué de la fausse monnaie ou d'avoir
fraudé i'annone II peul. aussi, avec l'assentiment de son maître, devenir membre d'un collège funéraire (rosis, t. Ii, 2, p. 1403, n, 28). L'esclave est tenu d'une obligation naturelle, s'il contracte avec son maître ; ou s'il contracte avec un tiers et qu'il soit ensuite affranchi
b, L'esclave public peut disposer par testament de la moitié de son pécule ''.
c. L'esclave sans maître (servite poenae) n'a que la capacité de recevoir à titre d'aliments '.
5' Personne in mancipio. Cette personne est en principe assimilée à un esclave Irais si son maître abuse de son pouvoir, elle peut exercer contre lui l'action d'injure i0_L'esciave n'aquela faculté d' adresseruneplainte au préfet de la ville ou au gouverneur de la province " [Mi mcui t, , p. 1565p
(o Pérejniats. Aux deux premiers siècles de l'Empire, les pérégrins jouissent d'une capacité juridique très étendue. C'est une conséquence de l'introduction par la jurisprudence de la notion du jus gealtiam titis, 1, p.734j. Les jurisconsultes classiques ont conçu l'idée d'un droit distinct du jus civile et accessible à tous les hommes libres. Les pérégrins peuvent, en conséquence, contracter, acquérir la possession, la propriété par tradition ou par occupation, ester i. Justice ou se faire représenter. Ils
peuvent re.cevoin é , i de mort par fidéicommis ou ra "omis t'e ;
Lerson2 -s fit titres.-On donne ce nom à certains plunires t7 personnes tIrrnés pour atteindre un but politique, religieux ou social : le peuple romain. les colonies, les cités de droit latin, les vici, se"tf,/ates, les collèges (universilates
.:a''» sont des personnes juridiques. Les ires pour leur formation ont été indiquées . 1. 2, p. 11921. Ces groupes sont
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assimilés à une personne réelle '7. De là trois conséquences: 1° La personne juridique a une existence distincte de celle des individus qui la composent 1d 2° Les membres du groupe n'ont aucun droit sur les biens qui lui appartiennent, et ne sont pas tenus de ses dettes le. 3° Si une personne juridique doit agir en justice, son représentant n'est pas considéré comme agissant au nom des membres qui la composent '0.
Les personnes juridiques sont capables d'avoir des droits patrimoniaux : elles peuvent posséder, acquérir la propriété, une servitude 2I. Mais, sauf le peuple romain, elles n'ont les droits de succession qu'à titre exceptionnel les cités ont obtenu sous l'Empire (édit de Nerva, sénatusconsulte d'Hadrien 2') la capacité de recevoir des
legs, des fidéicommis (sénatusconsulte Apronien) elles
ne peuvent, à moins d'un privilège être instituées héritières que par leurs affranchis a3 De même les collèges ne peuvent recueillir une hérédité que par une faveur spéciale °°, mais un sénatusconsulte du temps de Marc-Aurèle leur a permis de recevoir un legs on un fidéicommis, d'affranchir un esclave 27.
Au me siècle de notre ère, sous l'influence de coutumes provinciales, on a attribué la personnalité juridique à certains dieux r' dont le patrimoine servait à subvenir à l'entretien des temples. Cette nouvelle classe de personnes juridiques a reçu, au Bas-Empire, une large extension. On les appelle des fondations ; ce sont des masses de biens affectés à un but pieux ou charitable
églises, monastères, hôpitaux, hospices, orphelinats. Ces personnes juridiques ont une capacité de droit plus étendue que les autres : elles peuvent 'être instituées héritières. Eu. Cu0.
PERTICA. -I. Kâii. . -Perche, ordinairement en bambou, roseau, bois de châtaignier' ou de saule', dont on se servait pour gauler les noix les olives 'L )OLLA, fig. 5385] pour battre le grain et le séparer de la paille ' ; pour échalasser les ceps de vigne ou soutenir les treilles 6.
II. "2lxalva. Aiguillon de bouvier 7 AEIATHLM, hg. 430 et 432; CoLOx1A, fig. 17231.
III. Kz? sgoç, xxxlvx. Très ancienne mesure de longueur de l'antique numération décimale ; elle égale dix pieds', et vaut le dixième d'un plèthre ou le centième d'un mille. D'après M. Hultsch, les Grecs devraient l'èxxt',a ou xst,a'aux légendaires Pélasges et aux habitants primitifs de la Thessalie. En réalité, c'est le ganeli biblique, le nanti ussgro-chaldéen '0
Cette mesure fut moins employée, à l'époque classique, comme subdivision du stade ou du mille que pour évaluer les superficies ou les surfaces ; la pertica guadrata formait un carré de dix pieds de côté ou cent pieds car
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rés ; c'est l'étendue du scrupule, la plus petite des mesures agraires ; mais cette valeur géométrique, elle la perdit sous l'Empire, pour devenir, en quelque sorte, une espèce d'unité de rendement. Comme la valeur d'un champ dépend moins de ses dimensions en long ou eu large que de la qualité du terrain, et que le revenu ainsi que l'impôt direct [ANNONARIAE SPECTES] sont déterminés par le nombre moyen de boisseaux récoltés, la perche désigna des surfaces agraires ayant non seulement 100 pieds carrés, mais encore 144, ou bien 225, voire même 289 pieds carrés, mais rendant toutes la même quantité moyenne de grains i.
IV. Synonyme de decempeda (xâ),auoç xavdv) ; instrument de mesure, règle, longue de dix pieds [PRS], dont se servaient les arpenteurs-géomètres les architectesvérificateurs et les soldats chargés d'asseoir les camps [CASTRA, p9551 ou de lotir les colonies militaires 4',coLONIA, IV]. Tandis que les poètes latins emploient le mot pertica pour faire allusion aux spoliations des triumvirs les fondateurs de colonies et leurs descendants regardent la perche comme un glorieux symbole et en font graver l'image sur les monnaies qu'ils frappent(fig.5602'. AL. Sosl.IN DORIGNY. programme de la plupart des fêtes grecques il y avait place pour une 7tavvuxiç, ou veillée sacrée'. Aux Panathénées, par exemple, la procession solennelle, qui commençait à l'aube, était précédée d'une veillée, sur l'Acropole, dans laquelle des choeurs de jeunes filles exécutaient des danses, en poussant des lamentations rituelles (iAo),ti(µara) I. Aux Éleusinies, au contraire, la veillée faisait suite à la procession. Partie d'Athènes dès l'aube, celle-ci ne parvenait à Éleusis que dans la nuit. Cette nuit-là, et, probablement aussi, les trois suivantes que les initiés passaient à Éleusis, prenaient le caractère de ecavvuyiln [RLEUSINIA]'. Les Thesmophories, célébrées exclusivement par les femmes mariées, comprenaient également plusieurs nuits sacrées, en particulier celle qu'on nommait mr,v(a [THEsMopHoiiiA] 4. Aux Anthestéries, c'est aussi pendant la nuit et au milieu d'une affluence joyeuse et bruyante, qu'avait lieu le mariage mystique de la femme de l'archonte-roi avec l'idole de Dionysos 6 [ntorvsrA, p, 235 sq.]. Les textes mentionnent encore des veillées sacrées dans les cultes de Dionysos de la déesse thrace Rendis au Pirée 7, de Poseidon au cap Ténare dé la Mère des Dieux à Thèbes' et à Cyzique 10, etc.,Presque partout ces fêtes de nuit avaient le même caractère licencieux :
l'exaltation religieuse, la complicité des ténèbres, le rapprochement, si exceptionnel en Grèce, des deux sexes donnèrent lieu plus d'une fois à des désordres et à des scandales". Il est à remarquer, en particulier, que c'est presque toujours dans l'une de ces veillées qu'a été commis l'attentat qui forme le noeud de tant de comédies grecques 12. Une loi portée à Thèbes par Diagondas abolissait, comme contraires aux bonnes moeurs, toutes les cérémonies nocturnes où se rencontraient les deux sexes ", Les veillées sacrées tenaient une bien plus grande place encore dans toutes ces religions orientales, qui, dès le ve siècle, envahirent la Grèce, dans celles de Cotytto, de Sabazios, d'Adonis, d'Aphrodite Paphienne, de Cybèle, d'lsodaetès''`, etc. Sur les rites nocturnes du culte de Sabazios, nous devons à Démosthène 15 et à Clément d'Alexandrie to quelques renseignements qui expliquent que ces pratiques aient excité, à Athènes, l'indignation. Une comédie perdue d'Aristophane était une attaque en règle contre Sabazios, et, d'une façon générale, contre les divinités nouvelles et leurs veillées nocturnes (noues deas et in his colendis nocturnas pervigilationes) : à la fin de la pièce, le poète les montrait bannies de la cité'
L'État essaya, en effet, d'éteindre par la violence ces superstitions. La prêtresse Ninos fut même mise à mort. Mais bientôt l'oracle, consulté, arrêta ces rigueurs 18 La persécution n'eut pas plus de succès contre les autres superstitions étrangères, Dans toutes, le nombre des adeptes des deux sexes paraît avoir été considérable ".
Les fêtes de nuit (pervigilium, vigiliae), inconnues dans le culte primitif et indigène des Romains, s'y introduisirent avec les religions grecques et orientales. L'acte principal des cérémonies en l'honneur de BONA DEA était une pannychis grecque, où les femmes seules avaient part, mais qui dégénéra souvent en orgies 20, On se rappelle également les désordres dont fut l'occasion à Rome le culte nocturne de Bacchus, importé de Grande-Grèce et d'Étrur-ie [BACCHANALIA]. Le culte d'Isis, pratiqué aussi la nuit, et surtout par les femmes, ne donnait pas lieu à de moindres scandales 2i [rois]. Enfin des pervigilia sont mentionnés dans maints autres cultes étrangers, importés à Rome, dans ceux de Cérès, d'Adonis, de Sabazios, etc. 22, A plue sieurs reprises, des mesures de répression furent tentées contre ces cérémonies nocturnes. Mais ce fut en vain. Leur vogue, particulièrement auprès des femmes, ne t que s'accroître de plus en plus sous l'Empire 25. 0 NAVARRE,