Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article PHOBOS

PHOBOS (clioéoy), La personnification de la peur se rencontre en Grèce aussi bien dans la littérature que dans les cultes populaires. Pour Homère, Phobos est le fils, le compagnon et le cocher d'Arès ', et les textes, depuis Hésiode' jusqu'à Nonnos lui conservent cette qualité. L'art parait l'avoir consacrée également. C'est du moins ce que permet de supposer une peinture de vase à figures noires où, à côté d'Arès combattant Héraclès sur le corps de Kyknos, on voit, sur son char, son cocher Phobos, désigné par une inscription La religion populaire a connu, elle aussi, une personnification de Phobos. Les philosophes ne voulaient pas faire de lui un dieu', mais le peuple lui rendait un culte qui a laissé des traces sur les points les plus divers de la Grèce. Une inscription archaïque de Sélinonte, datant du milieu du ve siècle av. J.-C., nous montre Phobos invoqué en même temps que Zeus, Héraclès, Apollon, Poseidon et les Dioscures G. A Sparte, un petit sanctuaire lui était consacré '. A Athènes, on rapportait que Thésée, avant de combattre les Amazones, avait sacrifié à Phobos s. Alexandre fait de même avant la bataille d'Arbèles 9 : au milieu de la nuit, accompagné seulement d'un devin, il accomplit devant sa tente des cérémonies mystérieuses en son honneur. On voit qu'à cette époque Phobos est déjà bien près du rôle qu'il jouera plus tard dans les livres de magie où l'a signalé M. A. Dieterich. Les dieux de la religion populaire deviennent des démons aux époques de décadence. C'est ce que nous montre aussi une amulette de pierre noire 40, qui porte fIPOCACMONAK6 OBOTC = ro1y ôx((a.ovn(ç) xai caôéouç. Suivant les pays et les époques, l'aspect de ce Phobos populaire a probablement varié beaucoup. Sur le coffre P HO --439 P I-10 de ltypsélos, il apparaissait avec une tête de fion, en épisème du bouclier d'Agamemnon', et Milchhoefer' a cru retrouver un souvenir de cette image sur une curieuse amphore du Louvre 3. Quoi qu'il en soit, il semble résulter de ses recherches ainsi que de celles de MM. Furtwà,ngler et Studniczka 1 qu'on peut reconnaître Phobos à l'origine du type de la Gorgone barbue [GoRGoNEsj. On a voulu le retrouver aussi dans les têtes barbues à chevelure hérissée, placées sur les supports de certains réchauds de terre cuite, où elles semblent servir d'apotropaion '. Enfin sur deux lampes de terre cuite du Musée d'AthènesPhobos désigné expressément par I'inscription t¢OBOC, est représenté sous la forme d'un ours. Cu. Mu:un. PHOIi7I[n01 NOMOi haricot vd(s,ot), On désignait à Athènes sous ce nom générique toutes les lois relatives à l'homicide (ydvoç). Les historiens et les orateurs grecs s'accordent pour nous présenter Dracon comme l'auteur de ces lois', et, suivant Plutarque 2, Solon, lorsqu'il procéda à la réforme de la législation, les aurait intégralement maintenues 3, Malgré ces affirmations, il n'est pas douteux qu'une certaine part doit être attribuée à Solon dans la rédaction des yovtxot v6got. En voici des preuves: 1° Andocide rapporte la loi qui autorise et encourage le meurtre du tyran ; il désigne Solon comme son auteur'. 2° Démosthène nous a conservé dans son discours contre Macartatos , la loi qui prescrit les premières mesures à prendre lorsqu'un homicide vient d'être constaté; et, cette loi, il l'attribue implicitement à Solon, de même que plusieurs autres par lui invoquées dans le même plaidoyer '. De plus, cette loi mentionne les Démarques, et on s'accorde généralement à reconnaître que ce fut Solon qui institua ces magistrats 7. Enfin Pollux' nous dit que le mot sE4rtd')rjr0ç a été employé exceptionnellement par Démosthène 9 et par Solon 10, Or, ce mot ne se rencontrant que dans le discours it et dans la loi qui nous occupent, c'est vraisemblablement à nos passages que l'auteur de I'Onoinasticon a fait allusion, regardant lui aussi la loi comme l'ouvre de Solon. Et cependant, Démosthène, dans un autre de ses discours, faisant allusion à cette même loi, la désigne sous le nom de argot arC olp xovroç 3° La loi qui accorde l'impunité au mari lorsqu'il s'est lait justice à lui-même et a tué l'amant de sa femme, loi rapportée par Lysias 13 et par Démosthène 11, est indiquée par Pausanias 15 comme oeuvre de Dracon, par Plutarque 1" comme appartenant à la législation de Solon. 4° La loi qui permettait de tuer l'homicide que l'on rencontrait sur le territoire de l'Attique, et qui est relatée par Démosthène ", est attribuée par lui, comme toutes les autres yovtxot 00)2.0), à Dracon 13. Et, cependant, il y a des raisons pour la rapporter à la législation de Solon. 11 y est fait mention des u.ove.ç, qui, de l'aveu de tous les auteurs, furent établis par Solon [Axovus]. De plus, Suidas 19 présente le mot exceptionnel àao€va comme ayant été employé par Solon. Or ce mot se rencontre précisément dans notre loi. Enfin, Démosthène rapporte la loi qui donne (compétence à l'Aréopage pour le crime d'homicide 2°, Or, nous trouvons dans Plutarque cette remarque que Dracon, dans ses lois sur l'homicide, mentionne toujours les Ephètes et ne parle jamais de l'Aréopage '1. Ce n'est donc pas lui qui a rédigé cette vovtxtç vô,u.oç. Ces contradictions apparentes peuvent être aisément expliquées. Il suffit d'admettre que Solon, tout en conservant aussi entièrement que possible les yovtxol vOgol de Dracon, en modifia quelques expressions, soit pour les rendre plus claires et plus intelligibles, soit pour les mettre en harmonie avec des institutions nouvelles. Ce qui est vrai, ce qui justifie l'affirmation d'Antiphon que nul n'a jamais osé toucher aux lois de Dracon '2 sur le meurtre, c'est que l'esprit de ces lois a été maintenu, malgré les changements qui ont été apportés à leur rédaction, qu'elles ont gardé a l'aspect vénérable d'un très ancien monument as n, E. CAILLEMER.