Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article PHONOS

PHONOS (ldvoç). En Grèce, comme dans tous les pays où le développement historique du droit criminel a pu être étudié, l'homicide commis par un membre d'une famille sur un membre d'une autre famille est, à l'origine, considéré, non pas, ainsi que de nos jours comme un crime dont la société doit assumer la répression, mais bien comme une offense à la famille de la victime, et c'est pour tous les membres de la famille outragée un droit et un devoir de venger cette offense, On ne distingue pas si l'homicide a été volontaire ou involontaire, si l'auteur du fait est un homme dans la force de l'âge ou un adolescent, s'il y a ou s'il n'y a pas quelque circonstance atténuante. Le sang d'un membre de la famille a été versé ; rien ne peut réparer le mal, si ce n'est un nouvel homicide. Pour échapper à la vengeance de la famille offensée, le meurtrier n'a d'autre. ressource que de s'exiler de son pays. fi peut espérer que ses ennemis le laisseront tranquillement errer en pays étranger, où la vie sera pour lui malaisée. Son exit profitera d'ailleurs aux membres de son ydvoç. Tant qu'il sera à proximité des parents de sa victime, ses propres parents seront exposés à des représailles. Son départ les déchargera de leur responsabilité. La vengeance apparaît aux anciens comme une obligation absolue. Le parent qui laisse impuni le meurtre de son parent se couvre d'un opprobre qui rejaillira sur ses enfants. L'ombre de la victime poursuit non seulement l'étranger qui lui a donné la mort, mais aussi le parent PHO 440 PHO qui ne cherche pas à immoler le meurtrier. La femme elle-même, si elle est trop faible pour venger ses parents, doit exciter ceux qui l'entourent à frapper impitoyablement. Parents et alliés, tous les membres du yévoç s'associent pour maltraiter celui qui a fait du mal à leur parent, et, comme, de son côté, l'homicide sera, le plus souvent, soutenu et défendu par sa famille, une véritable guerre de familles désolera tout un pays. Tel est le droit primitif: il y a eu une victime, if faut qu'il y ait une autre victime. Avec le temps et l'adoucissement des moeurs, un progrès est réalisé. La famille offensée, au lieu de poursuivre impitoyablement le meurtrier, transigera avec lui et sa famille. Elle renoncera à son droit de vengeance ; elle permettra à l'exilé de rentrer dans sa patrie. Il y aura alors ce qu'on appelait l'e.Sealç, une sorte de traité de paix conclu entre l'offenseur qui demande grâce et la famille offensée qui veut bien pardonner. Mais, le plus souvent, la réconciliation ne sera pas gratuite ; elle n'aura lieu que moyennant une compensation. Le meurtrier, au prix de sacrifices pécuniaires, échappera à la douloureuse perspective de la mort ou tout au moins de l'exil; ses parents, qui sont solidaires de sa faute, lui fourniront les moyens de la racheter en se donnant à eux-mêmes la sécurité pour l'avenir. La renonciation au droit de vengeance aura donc lieu, grâce au paiement d'une Ttolvo ou composition, dans laquelle on peut voir tout à la fois le prix du sang versé et la rançon du meurtrier. Cette nom n'est pas tarifée à l'avance avec un soin minutieux, comme elle le sera plus tard dans les lois germaniques; elle varie naturellement suivant l'importance des familles et leur richesse ; mais elle est toujours relativement assez élevée. Quand l'homicide a été commis, non pas sur une personne étrangère au y€voç, mais sur un membre de la famille à laquelle appartient le meurtrier, le coupable est alors justiciable du tribunal domestique. Le droit de vie et de mort appartient au père de famille, et ses proches veillent à ce qu'il ne laisse pas impunies les fautes les plus graves. Mais ils hésitent souvent à verser le sang de leur parent; ils se bornent au bannissement du coupable, rompant ainsi, par son expulsion, les liens qui le rattachaient au ysvoç. La situation du meurtrier sera alors pire que celle du meurtrier étranger à la famille ; car il sera tout à fait isolé. Ses auxiliaires naturels, ses parents, devenus ses ennemis, ne seront pour lui d'aucun secours contre les attaques du dehors, et, comme il sera sans ressources, il ne pourra pas, à l'aide d'une composition, apaiser ceux qu'il a offensés'. Lorsque, sous diverses influences politiques ou religieuses, l'État se superposa aux yivv), le régime que nous venons d'exposer fut notablement modifié. Le meurtre ne pouvait plus être regardé, dans les relations interfamiliales, comme un fait dépendant exclusivement du yvoç ; il devint un délit social, justiciable des tribunaux institués par l'État. Mais la famille de la victime garda le droit d'intervenir seule dans la poursuite du meurtrier ; on l'autorisa même à paralyser l'action en transigeant avec le coupable. Ce ne fut plus l'idée de vengeance privée qui domina ; elle disparut presque entièrement pour faire place à une répression organisée. Le meurtre involontaire ou excusable ne fut plus assimilé au meurtre volontaire. Ce dernier seul était un danger pour l'ordre social et devait être puni par l'État; l'autre ne donnait lieu qu'à une sorte de purification religieuse de la souillure qu'il avait causée. Le principe de la personnalité des fautes fut proclamé et les parents du meurtrier cessèrent d'être responsables de son méfait. La fortune de la famille ne fut plus compromise par le crime d'un de ses membres. Au vite siècle, en 621 (olympiade 39, 4), Dracon fut chargé de codifier les lois sur le meurtre, et il le fit en tenant compte de la substitution, qui s'était graduellement opérée, de l'État à la famille, du jugement par la société à la vengeance privée. Les dispositions qu'il édicta, si sévères qu'elles fussent, échappèrent à l'abrogation par Solon de la plus grande partie de l'oeuvre de son devancier. « Solon, nous dit Aristote, donna à Athènes une constitution et des lois nouvelles ; on cessa d'appliquer la législation de Dracon ; mais les povlxoi v6N.ot furent laissées en vigueur' [PxoNi{ol NoMOl]. Deux siècles plus tard, sous l'archontat de Dioclès, en 409/408 (olympiade 92, 4), elles étaient toujours obligatoires. Un décret du sénat et du peuple ordonna aux commissaires chargés de la transcription des lois de publier à nouveau, sur une stèle de marbre, la loi de Dracon sur le meurtre (-rôv ~pâxovtioç vdp.ov, Tbv xcepi ,rod 9dvou). Cette stèle, à laquelle les orateurs du Ive siècle se réfèrent si souvent, est arrivée jusqu'à nous, mutilée, mais parfaitement reconnaissable Solon, tout en maintenant dans leurs dispositions essentielles les lois de Dracon sur l'homicide, accordat-il au premier venu des citoyens, To,, (iov),o n6vco, le droit de demander la punition du meurtrier, ou bien respecta-t-il l'antique privilège pour les proches parents de la victime, soit d'intenter des poursuites, soit de transiger? La question est malaisée à résoudre et très controversée, parce que les textes sont contradictoires ou obscurs. Pollux met en première ligne, parmi les actions publiques, l'action publique pour meurtre, la tpdvou ypxpr y, et l'on ne peut pas écarter son témoignage en le traitant de glose sans autorité. Les renseignements conservés par ce grammairien ont été puisés aux meilleures sources, les découvertes les plus récentes le démontrent de plus en plus. Aurait-il d'ailleurs été raisonnable, dans une société bien organisée comme celle d'Athènes, de laisser impuni le meurtre d'une personne, parce qu'elle n'aurait pas eu de parents jusqu'au degré de cousin issu de germain? Et, si l'impunité semble inadmissible, à qui aurait-on donné le droit d'agir exceptionnellement? Mais, d'un autre côté, l'institution par Solon d'une véritable pdvou ypacpvl, la concession à tous les citoyens du droit d'intenter une action d'homicide, pouvait-elle se concilier avec le principe même de la loi de Dracon? Lorsque les plus proches des parents du défunt étaient d'accord pour pardonner ou pour transiger, les parents plus éloignés n'avaient pas le droit de poursuivre le meurtrier devant les tribunaux. Le premier venu aurait donc été mieux traité que beaucoup de membres de la famille, si on lui eût accordé le droit que l'on refusait à ces derniers! Au temps des orateurs, deux siècles et demi après PHO /441 -PHO Solon, l'accusateur est, comme au temps de Dracon, obligé d'indiquer son degré de parenté avec la victime, et de confirmer par un serment solennel sa déclaration. Les exégètes, ou interprètes du droit divin et des lois religieuses, le disent expressément à un client de Démosthène qui voudrait faire punir les meurtriers de sa vieille nourrice : « La loi ne t'autorise pas à intenter une action devant l'archonte-roi ; car cette femme, tu le reconnais toi-même, n'est ni ta parente, ni ton esclave. Or les lois portent que la poursuite appartient au parent ou au maître. » L'examen des lois de Dracon inscrites sur la stèle confirma la consultation des exégètes, et le malheureux, si avide qu'il fût de vengeance, se tint en repos. Il ajoute : « C'est, en effet, aux parents, jusqu'au degré de fils de cousins germains, que la loi donne le droit de poursuite ; la formule du serment indique même expressément à quel degré le poursuivant est parent, même au cas où la victime est un esclave. Ces personnes sont les seules qui puissent exercer des poursuites. Or cette femme n'avait avec moi aucun lieu de parenté. Elle avait été ma nourrice ; mais elle n'était pas à mon service. Elle avait été affranchie par mon père; elle s'était mise en ménage et s'était même mariée.... Je me bornai à purifier ma maison en faisant les expiations nécessaires. Le reste, la poursuite des meurtriers, ne me regardait pas'. » En fait, dans beaucoup de cas, on pouvait arriver à la répression du meurtre par d'autres voies. Certains homicides donnaient certainement ouverture à l'E!cmy y Ea(a et cette procédure permettait d'atteindre un coupable que la loi de Dracon aurait laissé impuni 2. Dracon se borna-t-il à intervenir entre les familles'? Alla-t-il plus loin? S'immisça-t-il dans les affaires intérieures de chaque famille pour punir les crimes commis par un parent sur un parent'? Il est très vraisemblable que la juridiction de la famille ne fut pas notablement modifiée par Dracon et que le chef de famille garda le droit de juger et de punir sa femme, ses enfants, ses esclaves. Ainsi s'expliquent aisément beaucoup de singularités qui ont étonné les historiens. Solon défendit au père de vendre ses enfants; mais il mit une restriction à la défense. Le père fut autorisé à vendre sa fille lorsqu'elle était convaincue d'une faute contre les meurs ; le droit fut même étendu par analogie du père au frère xiipnç de sa soeur. On s'est récrié contre la barbarie d'une telle loi. Il est, au contraire, permis de voir en elle une consolidation du droit antérieur. Avant Solon, le chef de famille, en vertu de sa magistrature domestique, pouvait ou bien mettre à mort la coupable, ou bien la chasser de sa maison et la vendre comme esclave. Si Solon, en formulant une règle sans réserve, avait défendu dans tous les cas la vente des enfants, il eût enlevé à la fille coupable le bénéfice de la dernière alternative : la seule peine restée applicable eût été la mort. On peut de la même manière justifier les contradictions qu'offrent les textes relativement à l'avortement et au meurtre des esclaves. En principe, l'avortement était punissable; nous croyons l'avoir établi [AMBLOSEOS GRAPRÈ]. Mais il ne l'était pas lorsque l'auteur du fait était le chef de famille. Comment le père, investi du droit de vie et de mort sur un enfant nouveau-né, aurait-il été VII. puni pour avoir fait disparaitre par des manoeuvres abortives un enfant simplement concu3? Même observation pour le meurtre de l'esclave. Si le meurtrier de l'esclave est son maître, il n'y a pas d'accusation possible; il sera uniquement question de purifications religieuses. Mais, lorsque l'homicide aura été commis sur l'esclave d'autrui, le meurtrier pourra être poursuivi par le maître de la victime et il sera jugé dans le Palladion. Lorsque l'excommunication religieuse eut beaucoup perdu de son prestige, les Athéniens ne purent pas se dissimuler que les crimes commis dans l'intérieur de la famille resteraient souvent impunis. Pouvait-on laisser intacte l'ancienne législation, tolérer que les faits les plus odieux fussent acceptés et pardonnés par des proches insouciants ou peu scrupuleux'? Nul étranger n'ayant le droit de poursuivre l'auteur d'un meurtre commis par un parent sur son parent, un parricide, un fratricide avaient chance d'échapper à toute répression. Et cela précisément à l'époque où l'opinion publique commençait à se montrer sévère même pour les crimes légendaires qui pendant des siècles ne l'avaient pas révoltée. Eschyle n'osait déjà plus mettre Oreste sur la scène sans chercher à atténuer son forfait par les explications les plus étranges. « Ce n'est pas la mère qui donne véritablement la vie à l'enfant; le vrai générateur est le père; la mère n'est que l'enveloppe du germe nouveau-né, son abri, sa nourrice s e, et ainsi de suite jusqu'à des affirmations insensées. L'épithète de parricide ou de matricide, n«Tpmaotmç, .1.r!Tp«aolaç, était une des expressions particulièrement injurieuses, dont il était absolument défendu de se servir en tous temps, en tous lieux et à l'égard de toutes personnes' [APORRHETA]. Et le fait lui-même n'aurait pas été puni ! Il ne parut pas impossible de concilier les lois de Dracon toujours en vigueur avec ce qu'exigeait la justice. Les Athéniens eurent recours à un expédient. Tout citoyen fut autorisé à agir, non pas contre le meurtrier par une ,56vou ypcu'ei, mais bien contre le membre de la famille qui, ayant, lui, le droit de punir le meurtrier, s'abstenait de le faire. Une action publique d'impiété, l'aaEéaLacq ypacpn, fut accordée au premier venu, 'r iouaoµÉn1e, pour poursuivre devant les tribunaux ordinaires le parent qui continuait à vivre avec son parent gravement suspect d'avoir commis un homicide dans sa famille, et notamment le parricide ou le fratricide. Et c'est là ce qui explique pourquoi, ni dans la législation de Solon, ni dans les codes plus récents, on ne trouve pas de lois spéciales contre le parricide. Les anciens s'étonnaient du silence gardé par le grand législateur du vie siècle sur un acte si pervers et ils en donnaient une explication bien différente. « On demandait un jour à Solon pourquoi il n'avait pas établi de peine contre le parricide. « J'ai pensé, répondit-il, que personne ne s'en « rendrait coupable. Pourquoi statuer contre un attentat « jusqu'alors sans exemple? Le défendre pourrait en ins« pirer l'idée e.. » Solon n'ignorait pas qu'il y avait à Athènes des parricides; mais il laissait à la famille le soin de les punir. C'est un acte d'audacieuse perversité que les parents doivent réprimer. La société n'a pas à intervenir directement. Si cependant les parents manquent à leur devoir, une action publique va être donnée contre eux et elle pèsera de tout son poids sur l'homicide, 56 P110 142 Put) bien qu il ne soit pas personnellement en scène. Que deviendra, en effet, le coupable, si son parent est condamné pour ao'oir uegligé de le punir? Un discours de Démosthène nous fournit, pour le ive siècle, la preuve de ce que nous avancons. Un certain Diodore était soupeonné de parricide. Ce ne fut pas contre lui qu'une action fut Intentée par un de ses ennemis, Androtion. Cc dernier mit en mouvement 1 âcsèeOe(xç 'os'' contre un frère du défunt qui continuait de vivre avec le fils suspect. Diodore sentait bien que c'était lui qui était réellement en cause et que, si son oncle succombait, ce serait lui qui serait véritablement condamné. « Personne au monde n'eût consenti à me donner un asile... Je n'aurais plus trouvé un ami, un hôte qui acceptât de vivre avec moi.... Aucune ville n'aurait accordé un refuge à un homme indirectement reconnu coupable d'un si détestable forfait'. » li n'y avait donc pas, en fait, un grave inconvénient social dans le silence des lois criminelles sur le meurtre commis dans la famille. Les parents, pour n'être pas exposés à l'action d'impiété, refusaient de vivre avec l'homme souillé d'un pareil crime. Ils excommuniaient le coupable et le forcaient à s'éloigner pour toujours de l'Attique'. A l'époque classique, le tribunal compétent pour juger les actions tendant à la répression du meurtre volontaire ou prémédité était l'Aréopage. Nous ne reviendrons pas ici sur les questions relatives à la compétence où à la procédure que nous avons traitées [ARÔOPASCS]. Lorsqu'il était constaté que le meurtre avait été involontaire (iiidvoç xoécisç), la compétence appartenaitauxÉph ides ,i:murai!, et ils jugeaient dans le Palladion. Si l'accusé tuait reconnu coupable, Il était condamné au bannissement et, devait aussitôt sortir de l'Attique. Mais cet homicide malgré lui était, au fond, comme le dit Démosthène', digne de beaucoup de clémence et d'humanité. Lin ne confisquait pas ses biens ; il en demeurait propriétaite et en conservait même l'administration (oixr~elç)5. De plus, en offrant une composition à la famille de la victime, il pouvait. probablement au bout d'un an d'exil', obtenir de rentrer dans l'Attique. Pour la validité de cette transaction (x(ioeiç), la loi de Dracon distinguait trois cas. 1° Y a-t-il un père, ou un frère, ou des fils, c'est à eux que la composition devra être offerte. Il faudra, pour qu'elle soit acceptée, le consentement de tous , l'opposition d'un seul suffira pour mettre obstacle à I aDo ,ç. à° A défaut de ces parents très rapprochés, le droit passait aux collatéraux évtieç vErptd'rgro, C'est à-dire aux parents qui se rattachaient à la victime par son père ou son aïeul, pas a ceux qui s'y rattachaient seulement par son bisaïeul'. Ici encore, l'unanimité des parents dont le titre était bien établi, notamment par une prestation de serment, était requise. d° Quand il n'y avait pas de parents au degré indiqué, la transaction était conclue avec dix membres de la phratrie de la victime, choisis par les Ëphètes parmi les meilleurs de l'association 6. Ces dix up«zepEç étaient considérés comme les représentants de la famille [I'HRATRUA,p. 444j. La rentrée clans l'Attique avait lieu suivant un rite déterminé. Des sacrifices étaient offerts, des purifications avaient lieu pour désarmer la colère des dieux et apaiser les mànes de la victime'. Le meurtre que l'accusé avouait, mais qu'il prétendait autorisé par les lois (xx'cx tio iç véN.ouç) 10, celui que nos anciens auteurs appelaient licite, et que les rhéteurs grecs, sinon les orateurs'", qualifiaient de ?dvoç ôxasoç, rentrait, comme le meurtre involontaire, dans le compétence des lsphètes; mais ces magistrats siégeaient alors dans le Delphinion. Les excuses absolutoires, qui permettaient de n'infliger aucune peine à l'accusé, étaient assez nombreuses à Athènes. Le meurtre était excusable lorsque, dans des, jeux publics, un des lutteurs donnait involontairement la mort à son adversaire ; lorsque, dans des exercices militaires ou dans un véritable combat, un soldat tuait accidentellement un de ses camarades. Dans ces deux cas, le meurtrier n'était pas obligé, comme en cas de vdvoç xoun(oç, de sortir de l'Attique ia ; une simple purification religieuse suffisait'° Dans d'autres cas, non seulement le meurtre avoué n'était pas punissable, mais encore la purification pour le sang versé n'était pas nécessaire. Des personnes scrupuleuses s'y soumettaient quelquefois r ; maisl'indignité de la victime n'avait pas paru exiger cette pénitence. Nous citerons comme exemples d'abord le meurtre commis en légitime défense; la loi de Dracon autorisait à tuer le voleur que l'on surprenait en flagrant délit de soustraction et qui faisait résistance''. Il était permis au mari de tuer le séducteur de sa femme surpris en flagrant délit d'adultère; au concubin de tuer le séducteur de sa concubine, au moins lorsqu'elle était de condition libre. Le père pouvait également mettre à mort l'amant de sa fille ; le frère, l'amant de sa soeur ; le fils, l'amant de sa mère. Enfin il n'y avait aucun crime à tuer les personnes mises hors la loi : les citoyens convaincus ou quo l'on pouvait convaincre de trahison, ou de tentatives de renversement de la constitution, ou d'établissement de la tyrannie. Cette énumération est déjà longue. Faut-il l'allonger encore en disant que « la mort d'un malade, causée involontairement par son médecin " », était un dvo; ô(xatoç ? Le médecin aurait donc été traduit devant les lphètes ! La vérité n'est-elle pas qu'il échappait à toute action judiciaire? La loi, dit Antiphon, l'exempte de toute poursuite : b vdtr,oç no3,éEt «û-dl» 17, et Platon exprime la même pensée : ii n'y a en lui aucune Le meurtre d'un métèque, d'un étranger ou d'un esclave, n'était pas impuni à Athènes; mais, comme ces personnes ne faisaient partie de la cité qu'à un titre inférieur ou même lui étaient complètement étrangères, la loi ne les avait pas mises sur un pied d'égalité absolue avec les citoyens. Elle ne distinguait plus, comme elle le faisait, lorsqu'il s'agissait de ces derniers, entre le meurtre volontaire et le meurtre involontaire; le meur PI~O a3 PH-10 trier était toujours jugé dans le Palladion. L'A9rvateov 7roÀtTEa d'Aristote a confirmé sur ce point ce que nous savions déjà par le scoliaste d'Eschine' : « S'agit-il du meurtre d'un esclave, d'un métèque ou d'un étranger, l'affaire est portée devant le Palladion 2. » L'Aréopage n'était donc pas compétent comme il l'était en cas de meurtre volontaire d'un citoyen. De cette juridiction donnée au Palladion pour tout, homicide sur un non-citoyen découlait une conséquence importante. Le meurtrier volontaire d'un métèque, d'un étranger ou d'un esclave n'était pas exposé à la peine capitale que l'Aréopage avait le droit et le devoir de prononcer contre le meurtrier volontaire d'un citoyen. Il ne semble pas, en effet, que les juges du Palladion aient eu la faculté de condamner à mort. Le meurtrier n'était puni que du bannissement. L'un des Lexica Segueriana La différence que nous venons de signaler avait-elle pour les métèques et pour les étrangers cet inconvénient que leur sécurité personnelle était moins assurée'? Sans aller jusqu'à dire, avec un député de notre Chambre introuvable, que l'écart entre la peine de mort et celle de la déportation se réduit à bien peu de chose on a prétendu que la perspective de l'exil, pour un citoyen, n'était guère moins intimidante que la menace d'une comparution devant l'Aréopage. Les Athéniens reconnaissaient eux-mêmes que leur Code pénal ne mettait pas sur un pied d'égalité, au point de vue du meurtre, les citoyens et les étrangers, puisque dans des décrets par lesquels ils essayaient de récompenser les étrangers qui leur avaient rendu des services, ils inséraient cette clause : « Le meurtre commis sur sa personne sera puni de la même manière que le meurtre commis sur un Athénien n Notons, en passant, que, toutes les tpovtxai i(xat étant, sans aucune exception, de la compétence de l'archonteroi, le polémarque, qui avait régulièrement dans sa juridiction les affaires concernant les étrangers et les métèques, restait étranger à la répression du meurtre d'une de ces personnes. Une quatrième juridiction pour l'homicide se trouvait à Phréattys (iv tlipcz'r o6), dans la presqu'île du Pirée, sur le bord de la mer, à proximité du port Zéa (iv Z,4) s. Elle avait été instituée pour un cas exceptionnel. Un citoyen, qui avait dû s'exiler de l'Attique à la suite d'un meurtre involontaire et qui n'avait pas encore obtenu l'a'lôsatç des parents de sa victime, était accusé de s'être rendu coupable à l'étranger d'un autre meurtre, mais volontaire. Poursuivi à raison de ce crime, il ne voulait pas rester sous le poids de l'accusation et demandait à être jugé. N'ayant pas le droit de mettre le pied sur le sol de l'Attique, il venait se placer sur un navire, près du littoral, sans avoir aucun moyen pour débarquer, mais assez près de ses juges pour entendre l'accusation et pour leur exposer ses moyens de défense. Pendant longtemps, ce furent les lphètes qui jugèrent dans le clipEzTTI)ç ; mais, au Ive siècle ils avaient fait place à des Iléliastes siégeant sous la présidence de l'archonte-roi '. Si l'accusé était reconnu coupable, il subissait, conformément à la loi, la peine du meurtre volontaire. S'il était acquitté, il n'avait plus rien à craindre de ce chef; mais il devait retourner en exil jusqu'à l'expiation du premier meurtre par lui commis " Mention doit être faite, en dernier lieu, du tribunal qui jugeait dans le Prytaneion Lorsque la mort d'un homme avait été causée par un animal ou par un objet inanimé, par exemple par la chute d'une pierre ou d'une poutre, ou même lorsqu'on ne connaissait pas l'auteur de l'homicide et que l'on avait seulement à sa portée les instruments qui avaient servi à commettre le crime, on ouvrait une procédure plutôt, religieuse que judiciaire [DIPOLEIA]. Les animaux et les choses irresponsables étaient, en vertu d'une décision des Phylobasileis, siégeant dans le Prytaneion, sous la présidence de l'archonte-roi, transportés hors des limites de l'Attique. Il est vraisemblable, toutefois, que l'animal homicide était préalablement mis à mort et que c'était seulement son cadavre qui était jeté au delà des frontières". Dans le rapide exposé que nous venons de faire des i ovtxai Uxat, nous avons dit que les juges qui siégeaient dans le Palladion, le Delphinion et à Phréattys, étaient les I phètesprésidésparl'archonte-roi.Celan'esty rai toutefois que pour les temps antérieurs à la fin du ve siècle avant notre ère. Dès le commencement du Ive siècle, probablement sous l'influence des réformes d'Euklide, le jugement des actions de meurtre passa des hphètes aux Iléliastes. [DIkASTAI, HELIARs . Les Sept cents juges, qui, vers l'an 400, statuèrent dans le Palladion sur la wâvou i?xr, intentée contre Cratinos 13, étaient certainement des Fléliastes el, non pas des Ephètes. Ce fut également devant des Iléliastes siégeant dans le Delphinion que fut prononcé le discours de Lysias sur le meurtre d'Eratosthène 1`. Il est probable que les Éphètes furent également remplacés à Phréattys par des Iléliastes, à la même époque où les PHYLOBASILEIS les remplacèrent dans le Prytaneion. Mais le changement de juges n'eut pas pour conséquence le changement de l'ancienne procédure des wovtxa.i stxat. Cette procédure était encore en vigueur, au temps de Démosthène, dans les cinq tribunaux, rt 7z€'r7'E 13ixm-r-ripi'ciÇ 1", institués pour juger les affaires de meurtre I". Une des particularités les plus notables de la procédure des liovtxai ôtxat était que ces ô(xat devaient être jugées en plein air, à ciel découvert, Ev û7ca(Bpcp". On n'avait pas voulu que les juges fussent enfermés avec un homme dont les mains avaient été souillées par un homicide ; on n'avait pas voulu non plus que l'accusateur se trouvait sous le même toit que le meurtrier. Aussi ne devrait-on pas dire que les juges siégeaient dans le Palladion, le Delphinion, le Prytaneion, puisqu'ils ne se tenaient pas dans ces édifices. P. serait plus exact, plus conforme à la réalité, de dire, comme le font habituellement les orateurs, que le tribunal siégeait près du Palladionfe, près du PHR -.-414__ PHR Delphinion près du Prytaneion 2, bd. Ilaa),aô(;,, É~l