Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

PHRATRIA

PIIRATRIA. Dans la plupart des Mats grecs, dès les origines, la phratrie a été une des principales divisions du corps social, entre le yenos et la tribu. Le mot ppuTpla désigne une union de frères et de descendants d'un même ancêtre' ; la phratrie a donc été primitivement un prolongement du yenos, une confrérie surtout religieuse; puis elle est devenue un groupe artificiel qui a compris un certain nombre de familles anciennes ou nouvelles, une division de la population. Dans l'épopée homérique, les soldats sont déjà rangés par tribus et par phratries'. Ensuite nos renseignements les plus anciens s'appliquent à Athènes. On connait par Aristote la tradition qui attribuait à Thésée la répartition des habitants en 4 tribus, 12 phratries ou trittyes, 360 yévet 10800 ysvv'r,xat 3. Ces chiffres sont artificiels, sans valeur, sauf pour les tribus ; La phratrie n'est pas la trittye ; nous ignorons, d'autre part, si au début les phratries comprenaient exclusivement les Eupatrides ou aussi les deux autres classes des Laboureurs et des Démiurges ; la première hypothèse est la plus vraisemblable ; les noms que nous connaissons des phratries sont de formation patronymique et indiquent une origine gentilice; mais, plus tard, la loi de Dracon sur le meurtre z paraît indiquer qu'à cette époque les deux classes inférieures font partie des phratries, car pour transiger avec le meurtrier, à son retour d'exil, et faire la paix avec lui, à défaut des parents autorisés, les éphètes choisissent dix membres de la phratrie de la victime üptas vô)v, probablement parmi les nobles [EPIIETAI, Nous ignorons quels sont alors les rapports des nobles et des non nobles dans les phratries; il se peut que les non nobles y aient formé déjà des thiases et des orgéons [EUPATRIDES, p. 855]. Nous ne savons pas non plus si les phratries reçurent de nouveaux membres sous Solon. La réforme de Clisthène en 508 ne modifia pas le nombre des phratries 6 ; mais pour y diminuer l'importance des 'tvv Tai, elle y fit entrer les nouveaux citoyens répartis en groupes analogues aux yév-il, en thiases et en orgéons 6 ; elles les mit en rapport avec les dèmes : quoique les membres d'un dème ne soient pas tous de la même phra trie', et que les membres d'une phratrie puissent être dispersés en plusieurs tribus et dans les trois parties d'une tribu, la phratrie se compose cependant en grande partie des membres du même dème a. Le culte de Zeus Ierkeios et d'Apollon Patroos, jusque-là réservé aux Eupatrides °, fut ouvert à tous les citoyens et devint la condition du droit de cité 10 ; ces dieux devinrent les dieux protecteurs des phratries et Zeus Herkeios apparaît dans leurs cultes à côté de leurs dieux propres, Athéna Phratria, Zeus Phratrios " et aussi Dionysos Nlélanaigis 12. On connait peu de noms de phratries 13. Outre les cultes généraux, chaque phratrie a ses cultes particuliers 10, son prêtre, (Epoéç, qui est surtout le prêtre de Zeus Phratrios 15, son chef annuel 'eparpixpyoc, cppa'rptaoimv, qui dirige les assemblées, a.yopaf, tenues dans le local dit cppcl'rptov, fait graver les décrets, loue les biens fonciers de la phratrie, reçoit les fermages 16. Chaque phratrie comprend, en général, des familles nobles et des familles non nobles qui forment des thiases 11 et des orgéons. La phratrie sert surtout au contrôle de l'état civil et du droit de cité. L'inscription sur la phratrie des Démotionides, combinée avec les autres textes, indique la procédure et les attributions suivantes : 1° A l'occasion de son mariage, le nouveau marié offre à la phratrie la gantélia, qui ne prouve peutêtre pas l'introduction de la femme dans la phratrie de l'époux, mais qui, en tout cas, est une preuve de la formation du mariage [MATRIMONIUM, p. 1642]. 2° Le nouveauné mâle est d'abord présenté un peu après sa naissance au génos ou au thiase ; dans certaines familles, ainsi chez les Ceryces, le serment du père que l'enfant est légitime, issu d'un mariage légitime et de parents citoyens 1a, est suffisant 19 ; dans d'autres familles il y a plus de liberté d'appréciation 20. Immédiatement ensuite L1, sauf empêchement, a lieu la première présentation à la phratrie, d'après des règles générales fixées par l'État et des règlements particuliers de diverses phratries '2, au troisième jour des Apaturies, au jour xoupoôittc'-3. L'introducteur offre sur l'autel principal de la phratrie le premier sacrifice, le moins important, uoiov' ; il fournit des bêtes, moutons ou chèvres, des gâteaux, du vin (oivtan pta) et une somme d'argent; tous les phratores touchent une part 2.; ; cette cérémonie n'est pas une simple présentation ; le père prête le serment20; il peut y avoir opposition, PUR 445 refus du sacrifice', car les enfants qui ne remplissent pas les conditions légales, même issus de citoyens et de citoyennes, ne peuvent pas être introduits sans fraude dans les phratries 2 La deuxième présentation a lieu pour les garçons, à la même fête, probablement à l'âge de la puberté, au début des seize ans ; le sacrifice est le xoopeïov, ainsi appelé de l'offrande des cheveux 3 ; dans la plupart des phratries4 il est lié à l'examen final, à la 3; txaa(« ; l'examen n'a lieu qu'un an après chez les Démotionides où le phratriarque dresse et affiche en deux endroits la liste des candidats, d'abord cinq jours avant les Dorpia, sans doute le premier jour des Apaturies puis, d'après un second règlement, un an avant. La procédure de l'examen n'est bien connue que pour les Démotionides : la légitimité du fils est d'abord attestée par trois témoins pris dans le thiase de l'introducteur ou, s'il ne peut les fournir, dans la phratrie 6 ; puis le vote de première instance est émis, au scrutin secret, devant tous les phratores, dans un premier règlement par l'oïxoç des Décéléiens qui est soit un thiase formé à l'imitation d'un génos, soit plutôt les gens du dème de Décélie, dans un second règlement par les thiasotes de l'impétrant. Dans le premier règlement, s'il y a appel de l'exclusion, le jugement de l'oïxoç est soutenu devant tous les phratores par cinq de ses délégués assermentés (auvilyopot), et la confirmation par les phratores entraîne contre l'exclu une amende de 1000 drachmes. Dans le second règlement, si les phratores ne confirment pas l'acceptation en seconde instance, une amende frappe ceux des thiasotes qui l'ont votée; si l'impétrant exclu triomphe en appel, il est admis ; s'il échoue, il paie une amende de 100 drachmes. Tout particulier peut sans doute s'opposer à l'introduction en retirant la victime de l'autel, mais en encourant une certaine responsabilité, probablement une poursuite judiciaire 7. Après l'admission il y a l'inscription par le phratriarque sur le registre de la phratrie, xo(vov ou pp«Taptxbv ypaµ~aza ov 8. 3° Le fils adoptif doit aussi être introduit d'abord dans le génos ou le thiase de l'adoptant, puis le plus tôt possible, par exemple à la fête des Thargélies, dans la phratrie, de la manière déjà décrite [AnoPTIO] 3. 4° La fille nouveau-née paraît aussi avoir été introduite dans la phratrie du père, d'abord au premier âge par le sacrifice vuiov, puis une seconde fois plus tard par l'offrande d'une espèce particulière de gainélia 10. Outre l'examen annuel, il y a souvent, pour réprimer les nombreuses fraudes ", des revisions extraordinaires qui amènent des radiations de noms 12, et problablement aussi des poursuites [xENIAS GRAPHE] intentées par les phratores. Les nouveaux citoyens s'inscrivent dans une tribu, un dème et une phratrie, d'abord à leur choix, puis, vers le milieu du Ive siècle, dans certains de ces groupes déter 1 Is. 8,19 20 ; 6, 21, 25-27 (plus tard il y a une transaction d'ordre privé quo es phratores acceptent irrégulièrement). 2 Erreur de Schaefer, Phil. Anzeig. 1887, p. 403 sur Dem. 40, 11. 3 Poli. 8, 107. L'étymologie xripoç donnée par Schol. Aristoph. Ban. 798, est fausse. 4 Is. 6, 22; 7, 15; Dem. 43, 13, 82. 5 Hesyoh. L. c; Plat. Tim. 21 B. 6 Dans la plupart des phratries c'est le père qui prête le serment (Suid. s. e. pl sopc;; ls. 7, 1G; 8, 19; Dem. 57, 54; Andoc. 1, 127), souvent appuyé par des témoignages (Dem. 57, 54). 7 Dem. 43, 14, 82. 8 Dittenberger, 439; Dem. 39,4; 43, 13 ; 44, 4; 57, 14; Is. 6, 21; 7, 17; 8, 19. Chez les Démotionides il y avait deux exemplaires. 3 Is. 7, 15-17; 2, 14-17; Dem. 43, 11. Si l'adoption est testamentaire, on soumet le testament à la phratrie. 10 Is. 3, 73-79, d'où parait venir Pollux, 8, 107. 11 Is. 8, 88. tr Dittenberger 439. 13 1s. 3, 37; C. i. att. 1, 59; 2, 51, 108, 115 b, 187.-14 Une liste dephratores n'a que vingt noms. V. Bdrte, Hernies, 1902, p. 582-583. 15 A Ténos, Egine, Byzance, Samos, lasos, Ilion, Ephése (C. i. gr. 2330, 2333, 2139 b, 2060, 2671, 3596 ; Dittenberger, 162, 183, MIR minés par un règlement 13 [DEMOPOIETOSj. Mais en fait il est probable que beaucoup d'Athéniens ne se font pas inscrire dans les phratries, par indifférence et pour éviter les frais des sacrifices 14. Dans le monde grec, la phratrie a le même, caractère et le même rôle qu'à Athènes. Elle reçoit les nouveaux citoyens, inscrits en même temps dans la tribu et dans le dème ou dans le groupe correspondant'' ; elle surveille l'état civil. Dans plusieurs pays elle a comme subdivision la7rzTCa ou 7rx'ptx qui parait correspondre au genos primitif et qui, à l'époque ancienne, forme une sorte de petite phratrie 16 [GENS, p. 1504 ; EUPATRIDES, p. 861 ; ainsi, à Elis, sur une inscription antérieure à580 et d'interprétation très difficile, une r/aetra parait protéger contre l'abus de la vengeance privée la7rcc té, layavaéetlesbiensdel'accusé" qui est sous le coup de la poursuite judiciaire. Dans queIques villes, la phratrie se confond avec la rruyyava(« 18. A Cos les anciennes tribus et phratries se maintiennent à côté de tribus et de phratries nouvelles 19 ; en plusieurs endroits, elles cèdent la place à de nouveaux groupements [Pnvai:t. Dans le synoecisme de Stiris et de Médéon, les gens de Médéon forment une phratrie 20. A Chios, les Clytides sont très probablement une ancienne phratrie, pourvue d'épimélètes; après l'adjonction de nouveaux cito, eus, les vieilles familles avaient d'abord pratiqué exclusivement. chez elles le culte de Zeus Patroios, puis avaient chi accepter un temple commun 21. On a un règlement de la phratrie des Lahyades àDelphes 22: elle a des biens, des revenus, surtout le produit des amendes ; des assemblées (L),(«) qui ont jusqu'à cent quatre-vingt-deux membres, des règlements qui complètent les lois de Delphes ; des magistrats, des tapés qui prêtent et font prêter à leurs successeurs le serment d'administrer avec probité et équité, des démiurges, un collège des Quinze et des commissaires créés pour cinq jours, sans doute pour la fête des Apellaia des dieux, Apollon, Poseidon Phratrios et Zeus Patroios; des sacrifices particuliers. Elle est divisée en patries (7ratip(xt), touche une portion des victimes offertes soit par chaque Labyade pour les grandes fêtes publiques 23, soit par les accouchées pour leur convalescence ; les tages surveillent l'entrée dans la phratrie, subordonnée à des offrandes et à un examen ; il y a deux catégories d'offrandes, les iî pé.T« et les na)J,xïa, présentées seulement une fois par an, les premières à la fête des Eucleia, les secondes à celle des Apellaia qui correspond aux Apaturies ; les darata sont des pains azymes a4 offerts probablement pour les 7ratb-ÎICx à la naissance de l'enfant, et pour les y«µi,),t« soit pour le mariage, soit pour la puberté de la fille; les Apellaia paraissent correspondre au Koureion d'Athènes. Les tages n'acceptent les offrandes qu'après un premier vote favorable de la patrie de Fini 186, 329, 470). 16 Trézène (Iriser. Pelop. 757 ; liste de eoo1 i;o, qui cèdent à la ville leurs terrains funéraires); Milet (C. i. gr. 2855; I,e Bas-Wadd. As, Min. 238, 240, 242; voir Haussonllier, Dèmes et tribus de Milet, Re. Phi/. 1897, p. 38-49) ; Delphes (Dittenberger 438); Rhodes (Iriser. gr. insul. I, 695, p. 228; on connaît cinquante-quatre patries et six phratries) ; Olymos (Le Bas, 334). 11 Rob], laser. gr. antlq. 112. Voir la bibliographie de ce sujet dans Glol, (Ber. des ét. gr. 1G, 1903, p. 143-153; La solidarité, p. 247-259) dont l'explication est probable. L'inscription ne cite pas la phratrie. 18 Calymna, Mviasa, Oiymos, Labranda (Brit. Mus. bisa 2, 338; I,e Bas, 334, 360; Bull. de corn, hell. 1895, p. 421). 19 MM'. Mus. fasc. 2, 247; Dittenberger, 614, 440 (Enryanacl.ides, nom probable de phratrie). 20 Dittenberger 42G, I. 77. 21 Id. 571. Voir Schocll, Sut. Sauppio oblalae, p. 168. 22 Homolle, Bull. de aorr. /tell. 19,1895, p. 5-119; Uragoumis, Ibid. 1896, p. 296; Dittenberger, 438; Keil, Remues, 31, 1890, p. 508 sq.; biser. gr. antiq. 319, 2. 23 Sens probable de Dittenberger, 1. 1-1'..24 A lien. 3, p. 110 D, 114 B; Hesyoh. s. o'. 8up8sw. PHll 446 --PHR pétrant; les oppositions sont jugées en appel par tous les Labyades au nombre d'au moins cent un. Les phratries sont encore mentionnées à Syros, Andros, vigai 1, Byzance, Panorme, Messana 2, à Naples où elles ont des biens, une assemblée (âyapptsl, un local (sooz;rceiov, ~pr~e.pya), des fonctionnaires, un yprizp yoç, des lution démocratique a peut-être modifié les phratries comme à Athènes t. Dans les villes de Crète', la phratrie est représentée par le groupe plus vivant et plus compact de l'hétairie i É-ratpaia) ; elle a comme dieu Zeus phratrios, ne comprend que les citoyens à l'exclusion des âres'cz:pot 6 qui sont soit des sujets libres, soit, dans une autre théorie'. des métèques, des affranchis, des bâtards, des citoyens frappés d'atimie, des fils reniés par les pères adoptifs; l'hétairie garantit la légitimité des naissances. .9 Gortyne', l'adoptant présente le fils adoptif aux citoyens sur l'agora, puis à son hétairie à laquelle il offre un sacrifice et du vin. Plus tard, l'hétairie paraît avoir dévié de son râle primitif. Les membres de l'hétairie vivent et mangent en commun les repas (avipeia) sont alimentés parla dîme des revenus de chaque convive [svssivTA] 9. Les jeunes Crétois entrent dans ces groupes au sortir des corps d'éphèbes, des è'ysèoi. Il y a un juge des hétairies dont nous ignorons les fonctions' °. Sparte parait avoir, eu à une basse époque vingt-sept phratries " [mufti. Cu. LECRIVAIN. Grecs. llésychius dit' qu'on s'y servait de fèves. Ladescriplion de Pollux montre qu'on y employait ordinairement ou des tessons ou des coquilles (fictiaaxa) 2 : «lesjoueurs placent des dacpoxz unis entre les doigts de leur main gauche et avec la main droite ils les frappent en cadence. » La description est obscure. Il s'agirait d'une sorte de bruit des detipaxz, se heurtant les uns contre les