Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article PILARIUS

PILARIUS. Jongleur qui faisait des tours d'adresse avec des balles [PILA]. Nous connaissons des vases peints où sont représentés des personnages qui se livrent à cet exercice pour se distraire (fig. 5663). Il faut les distinguer des jongleurs de profession (fig. 1326) habitués à se montrer en public sur des tréteaux (scenae) comme les escamoteurs (ventilalores). Ceux-là étaient si habiles « que les balles qu'ils lançaient en l'air semblaient venir d'elles-mêmes entre leurs mains et accomplir toutes seules le mouvement qu'ils leur imprimaient' ». Un de ces baladins est pompeusement appelé dans son épitaphe pilarius omnium eminentissimus. Il était affranchi impériale. A la fin de l'antiquité des jongleurs étaient offerts en spectacle dans les grands jeux publics 3. Celui que en s'adaptant sur des monuments de tout genre (fig. 5670 et 519, 771, 3325, 5095) 6. Quand le couvre-chef avait besoin de plus de résistance, par exemple pour être porté à la guerre ou à la chasse, oulerenforçait par des lanières de cuir, des tiges de métal, des bossettes et des clous, que les peintres de vases ont indiqués sommairement par des traits droits et par des ronds (fig. 5671 et 508)1; le icJÀoç et la xuv'n sont alors devenus de 0 PI L 79 PIL représente la figure 56681, d'après un bas-relief d'époque romaine, jongle avec sept balles, dont les deux plus basses semblent être actionnées par ses C pieds. G. LAFAVE. PILENTI M. Voiture en usage chez les Romains. Elle se rapprochait beaucoup du CARPENvusi et du PETORRITUM 1 ; elle servait uniquement à transporter les objets du culte et les dames lorsqu'elles devaient se rendre soit aux temples, soit aux courses et aux divers spectacles des jeux publics. En 395 av. J.-C. le Séqat, voulant les récompenser de leur dévouement à l'État, leur avait reconnu le droit de sortir de chez elles en pilentum, sous la réserve que l'usage en serait limité à ces circonstances solennelles; au contraire, le même décret leur accordait le droit de jouir du carpentum en tout temps et sans aucune restriction 2. 11 en faut nécessairement conclure que le pilentum était plus richement orné ; c'était un carrosse de luxe ; les auteurs anciens l'appellent molle sans doute parce qu'il était garni de coussins moelleux. I1 était aussi de dimensions plus larges ; il avait en effet quatre roues `, tandis que le carpont am, à l'ordinaire, n'en avait que deux. Le pilentum, dans les premiers temps de Rome, avait eu une destination exclusivement religieuse; on y faisait monter, avec les objets sacrés confies à leur garde, les Vestales et les prêtresses des divers cultes, quand leurs fonctions les obligeaient à se déplacer 5. Il ne cessa jamais d'être employé pour cet usage; il pouvait recevoir un coffre (arca) contenant les objets sacrés, et en pareil cas l'intérieur était protégé contre les regards indiscrets, sans être cependant entièrement couvert Quand on l'affectait à des besoins profanes, le pilentunr, devait être encore moins sévèrement clos. Au temps d'1Iorace, on en faisait défiler sur la tscène des théâtres pour émerveiller les spectateurs Dans les grands mariages, la nouvelle épouse et son cortège étaient conduits à la demeure de l'époux par des pilenta aux ornements éclatants L'empereur Héliogabale voulut restreindre l'usage de ces voitures somptueuses ; il fit publier, pour l'interdire à certaines catégories de femmes, des sénatusconsultes, probablement inspirés de lois plus anciennes; mais on les trouva ridicules et surannés, tant leegoût des beaux équipages, sous l'Empire, était devenu commun parmi les gens riches 9. PILEUS t ou PILEUM, lltXoç• Le nom grec et le nom latin qui en est venu, désignaient toutes sortes d'objets faits de laine foulée ou du poil de divers animaux façonné en feutre [coACTILIA], tels que tapis, couvertures, vêtements 2, chaussures [IMPLLIA], peut-être même des cuirasses 3 ; il s'applique principalement à des bonnets qui, dès les temps les plus éloignés, furent en usage en Grèce et en Italie aussi bien qu'ailleurs Une calotte plus ou rnoins haute, arrondie ou poin tue, est une invention si simple que l'on Big. 5669. -Bonnet n'a pas besoin d'en chercher la première de rentre. idée chez les Égyptiens, les Chaldéens, les Phéniciens ou chez tout autre peuple qui en e eu de semblables. Ces bonnets feutrés remplacèrent, sans les faire jamais disparaître, ceux qui étaient confectionnés en peaux d'animaux, débarrassées ou non de leur poil [PELLES, GALEA] ; il n'est pas toujours facile de distinguer les uns des autres dans les peintures de vases, où l'on a pris soin d'indiquer par des mouchetures, des points, des traits irréguliers une matière laineuse ou velue (fig. 5669 et 318, 886, 33214, 4946) La souplesse du cuir ou du de cuir. feutre qui se plisse et qui se modèle au crâne, est visible sur les peintures et PIL 4.80 -PIL véritables casques [GALBA]. Tels on les voit encore, dans les ouvrages de la période classique, portés par les héros et les dieux (fig. 508, 2432, 2480, 3117)'. Lepilos est l'attribut d'Hermès et de Persée [SIERCURIUS, PERSEUS], presque aussi souvent que le pétase [PETASUSI,, avec lequel il se confond', surtout quand son bord allongé se relie en arrière ou s'étire comme une visière en avant. Ordinairement ce bord est replié en bourrelet tout autour de la tête (fig. 318, 3173, 5548. 5669) 3 ; ou bien c'est une bande plate qui se rabat et qui a l'apparence d'une pièce rapportée(fig. 2432, 3326, 4946, 5670) A cette bordure ou à des boutons de la coiffe on pouvait adapter des brides, qui se nouaient. sous le menton de manière à assujettir le chapeau sur la tête (fig. 5670, 5672) ou à le retenir sur les épaules quand il était rejeté en arrière (fig. 118) 3. Une autre attache fixée au sommet, quelquefois un simple anneau (fig. 504) servait à le suspendre ou à le tenir à la main (fig. 5672) 6. Rarement un véritable ornement fait saillie à l'extrémité. On ne rencontre guère, dans les monuments figurés de la Grèce propre ces gaines terminées en apex ou en boule, fréquentes au contraire dans ceux de la Grèce des îles et de la Fig. 5672. Bonnet côte ionienne, toute imprégnée des à brides• influences de l'Orient. Ce qu'on a appelé le bonnet phrygien [TIARA], même dépourvu de la coiffe haut dressée et des appendices qui des cendent sur le col et le long des joues, a toujours, pour les Grecs et pour les Romains, caractérisé le Barbare, qu'il fût d'Asie ou du nord de l'Europe [BARBAM, p. 673]. Mais ils ont connu, eux aussi, des coiffures de proportions démesurées, telles que le KEIRVPHALOS ancien et le TUTULUS, que nous n'étudierons pas ici; elles ont pu se conserver fort tard dans le costume de certaines divinités 8; on en citerait même des exemples dans le costume ordinaire. Ces coiffures sont peu à peu sorties d'usage, et si l'on avait à. représenter quelque antique idole avec cet attribut, on mettait sur sa tête un pilos de moyenne grandeur, comme on le voit (fig. 5673) dans une peinture du rapt de Cassandre, où le pilos tombé aux pieds d'Ajax et celui de l'Athéna troyenne ne diffèrent pas sensiblement'. A l'époque classique, ce bonnet est figuré sur des monuments de toute espèce avec des formes très diverses, rond, conique, ovoïde, pointu ou aplati, droit ou projeté en arrière; souvent teint, si l'on en juge d'après les vases peints. où il est coloré en blanc 10, en noir, en rouge, en jaune, en violet, avec une bordure quelquefois de couleur différente, toujours très simple et sans ornement" : c'est la coiffure commune des gens d'humble condition à. la ville et à la campagne, laboureurs (fig. 433, 538)'', bergers (fig. 519, 5546) et autres travailleurs des champs (fig. 5305), ouvriers du bois (fig. 504, 2277) et du métal (fig. 860, 937, 942, 955), celle de Dédale comme d'Héphais pêcheurs [PISCATOR] et les marins (fig. 318) s'en couvrent la tête, et c'est pourquoi le pilos a été attribué aux Dioscures, leurs dieux protecteurs il rappelle les longs voyages (fig. 156, 725, 836, 5548) et au nocher des enfers [CHARON et fig. 5669] ; il est porté par les chasseurs (fig.5539) ", les conducteurs de chars (fig. 2212), les petits artisans (fig. 3173), même par les femmes et par les enfants (fig. 567.4) t5, par les vieillards 16, les malades17, les mendiants (fig. 4898, 5548). Des aGot très bas, adhérant au crâne, pouvaient être placés sous un casque pour en rendre le contact moins rude, comme celui que l'on voit sur la tète de Patrocle (fig. 1400), au fond de la coupe de Sosias. De même. les acteurs en portaient sous le masque (4.3856). Les textes où le pilos est nommé avec une indication d'origine fournissent peu de renseignements sur la forme qui serait propre aux différents pays. Il y est question du PIL .,481 P1L peut-être qu'un'. II faut sans doute en chercher le type parmi les chapeaux coniques portés sur les monuments par Hermès, le dieu arcadien [MERCURIUS, p. 1803, 18091, et particulièrement dans les reproductions en terre cuite (fig. 5675) 2, que l'on croit posséder de l'Hermès d'Onatas, consacré par les Arcadiens de Phénée à Olympie'. On peut mettre à côté de ce modèle des bronzes qui s'en rapprochent, l'un d'eux provenant des fouilles récentes du mont Lycée `, et une stèle sur laquelle est représenté un guerrier que l'inscription gravée au-dessus de l'effigie indique• comme Tégéate 5. Un piles arcadien, à bord sans doute plus allongé, était en usage à Athènes où on le prenait pour se garantir du soleil'. On rencontre aussi la mention d'une xov-7l potw'(x que, d'après les lexicographes on portait à la campagne, distincte par conséquent du casque béo tien du même nom. Théophraste en compare la forme avec celle d'une pomme de pin 3, c'est-à-dire d'un cône allongé, terminé en pointe. Ainsi elle ressemblerait au casque ou xevïi sans bord ni visière figuré sur une monnaie de Larisse en Thessalie (fig. 3454); d'un autre côté les passages des auteurs où il est question d'une Rouir ou d'un 7cGoç thessaliens prouvent qu'ils ont en vue un véritable pétase, ou au moins un chapeau ayant un bord descendant sur le front comme celui de la stèle du Tégéate citée plus haut ou de celle de Pella, en Macédoine, qui est conservée au musée de Constantinople (fig. 3456). Quant au piles mysien dont parle Aristophane ('cb 7ct)0(3tov 'cà MGatov)10, parlant de celui de Télèphe, roi de Mysie, on peut admettre que ce n'est autre chose que le bonnet Les recherches que M. Helbig a faites sur le pileus l'ont amené à conclure que les Romains des premiers siècles, aussi bien que les Étrusques et d'autres peuples italiens, ont porté un haut bonnet à peu près semblable à celui qui fut longtemps en usage chez les Grecs : il leur serait venu d'Orient par l'entremise des Phéniciens. Quoi que l'on puisse penser de cette origine, il faut bien reconnaître chez les Étrusques et chez les Romains ". pour lesquels nous avons le témoignage concordant des textes et des VI1, monuments, l'identité de la coiffure appelée tantôt pileus, tantôt tutulus (ou encore apex et galerus) f2, à laquelle les auteurs attribuent Ies mêmes caractères : haute, droite ou conique, comparable à une borne, dans certains cas, garnie de bandelettes et d'autres accessoires : telle on l'observe dans beaucoup d'oeuvres de l'art étrusque et on la retrouve sur celles des Romains, conservée 13 par la tradition comme un insigne du sacerdoce [TUTULUS, FLAMEN, p. 1169 sq., PONTIFEX, SALIT]. Le nom communément employé, pileus, indique que ce chapeau de cérémonie était de feutre, de cuir onde laine, comme le pileus ou galerus ordinaire que portaient constamment les gens de la campagne qui avaient besoin de se garantir la tète [GALERUS;, les chasseurs (fig. 5539), sans doute les marins, les soldats'; de même les gens de la ville', toutes les fois qu'ils ne voulaient pas sortir nu-tête comme on en avait pris l'habitude. Celui-ci était simple et bas, mais l'ancien pileus n'était pas oublié ; il faisait toujours partie du costume du citoyen romain, qui le reprenait en certaines circonstances : à la fête des Saturnales, tout le monde en était coiffé. L'esclave le prenait au moment de son affranchissement'0: capere pileum (fig. 48`7)". Les esclaves affranchis par testament devaient s'en couvrir pour assister aux funérailles de leur maître ' 3 ; de même les captifs libérés pour sui vre le triomphe du général vainqueur ". Le pileus devint le symbole de la liberté. On le voit sur des monnaies dans la main de la déesse qui la personnifie [LIBERTas] 20, Brutus en plaça l'image entre deux poignards sur les deniers qu'il fit frapper après la mort de César (fig. 5676), pour se glorifier de la liberté reconquise 21. Pour la même raison, après la mort de Néron, toute la plèbe se répandit dans les rues de Rome en arborant le PILU!'I. I. Pilon. servant à broyer dans un mortier H. PILUM, `Y'cadç'. Arme de l'infanterie romaine. Histoire du pilota. Sur l'origine du pilum, les modernes, à la suite des anciens, se divisent entre deux théories : ceux qui veulent que les Romains aient tout tiré des ressources de leur génie national soutiennent, avec Servius que pila Romana sunt sicut gaesa Gallorum et sarissae Macedonum. Ceux qui prétendent que les Romains ont dû leur progrès aux peuples vaincus 61 par eux le rapprochent, soit, avec Athénée', du gaesuni ibère, soit, avec Denys du verutum sabin. II est certain que l'une et l'autre arme ont été employées par les Romains' ; le rapprochement des deux armes entre elles ainsi que de toutes deux avec le pilum parait légitime, mais ne suffit pas à établir que le pilum ne soit qu'une adaptation romaine des deux autres. Bien que nous en trouvions antérieurement quelques mentions', l'emploi du pilum dans les armées romaines n'est pas attesté avant le iii' siècle ; aussi la plupart des auteurs, à la suite de Koechly ont-ils fait de l'introduction de cette arme une conséquence de la guerre de Pyrrhus. Voyant leurs hastae impuissantes à atteindre la phalange protégée par ses longues sarisses, les Romains y auraient substitué une arme de jet dont les décharges répétées devaient finir par avoir raison de ce mur d'airain : c'était le pilum samnite, dont auraient déjà été armés les triarii pilani 6. Koechly ne pouvait s'appuyer que sur le texte de Salluste qui fait emprunter aux Samnites par les Romains leurs arma et tela militaria °. Nous pouvons confirmer aujourd'hui et compléter cette hypothèse grâce à une yoa:ce du lev siècle ap. J.-C., récemment mise au jour : ce serait pendant les guerres samnites (343-290) que, pour se mettre en état de mieux résister à leurs adversaires en empruntant leur armement, les Romains auraient abandonné leurs 7a1riôxç xxi ôopxTx, clipeos et hastas, pour adopter les Oup€ou; xxi Gcaouç, seule et pila°. Pendant deux siècles, les hastati et les principes furent seuls à porter le pilum, tandis que les triarii portaient encore la hasta10 : ce n'est qu'avec les réformes de Marius que ceux-ci le reçurent à leur tour. Le pilum resta désormais l'arme caractéristique des légionnaires", jusqu'aux réformes d'Hadrien et de Dioclétien qui ne le laissèrent qu'aux quatre ou cinq premiers rangs (ou cohortes) sur neuf ou dix, tandis que les autres reçurent une hanta à arnentum [A;HEVTDIt[[ d'origine espagnole, la lancea 12. Au ive siècle le pilum se modifie pour donner ces deux variétés, verutum et spiculum, qui forment avec la lancea, le fond de l'armement de jet des dernières armées romaines ta : le pilum n'est plus qu'un terme générique pour désigner toute espèce d'arme de jet". Forme du pilum. La plus ancienne description que nous ayons du pilum est celle de Polybe " : la hampe, ronde ou carrée, et le fer, qui se termine par une pointe en forme d'hameçon ou de broche 16, ont l'un et l'autre trois coudées (1 m. 35). Le fer pénétrant jusqu'au milieu de la hampe et s'y emboîtant solidement, le pilum peut se diviser en trois parties sensiblement égales hampe seule, hampe et fer, fer seul chacune longue de 67 cm. environ sur une largeur de 3 cm. pour la hampe 17 Marius, voulant que le pilum ne pût être arraché des boucliers ennemis et réemployé par l'adversaire, romplaça l'un des deux rivets qui maintenaient le fer à son entrée dans la hampe par une cheville de bois qui se brisait sous le choc en laissant l'arme inutilisable 13. C'est à la même fin que César imagina de tremper le fer à sa pointe, qui se recourbait ainsi à l'endroit où elle s'était fixée et, quand même on arrivait à l'en arracher, restait hors d'usage 19. Cette modification heureuse paraît avoir persisté; nous voyons dans Appien que, tandis que le reste du fer est mou, la pointe seule est dure. Elle permit également de diminuer la longueur de la partie du fer engagée dans le bois et, par suite, d'alléger l'arme : le fer, qui mesure 135 cm. du temps de Polybe, n'en mesure PiL 7183 --PIL plus que 90 du temps de Denys', dont une vingtaine seulement engagés dans la hampe. Du moins en est-il ainsi dans les pilums trouvés à Alise Sainte-Reine ', avec leurs pointes en cône, en pyramide, en triangle, en harpon ou en coeur, mesurant de 65 à 30 mm., leur hampe large de 27 à 32 mm., un peu plus épaisse que le fer (long de 30 à 60 cm.), et leur longueur totale qui varie entre 1 m. 60 et 2 m. Cette tendance à raccourcir le fer s'accusa sous l'Empire : les deux fers ti de pilum à lame triangulaire 5679. de 5 à 6 cm. reproduits ci- contre ont l'un (fig. 5677) 69, l'autre (fig. 5678) 64 cm.' La forme du pilum paraît d'ailleurs avoir varié selon les époques et les lieux, sans que nous soyons encore en mesure de classer ces variations ; remarquons toutefois que les deux monuments (fig. 5658 et 56794'' dans lesquels on a voulu reconnaitre le pilum lourd de Polybe a ont été trouvés l'un et l'autre près de )N iesbaden; et que cette forme de l'arme fut peut être pour un temps propre à l'armement de la l ILIrr _1 n qusta. Outre la longueur double du fer et le poids plus grand de l'arme, celle L ci se distingue par un sys tème de jointure du fer qui s'évase en douille pour recevoir la hampe maintenue par des rivures. C'est là un des trois systèmes qu'on rencontre déjà à Alésia, mais les deux autres paraissent avoir prévalu : c'est la tête de la hampe, renforcée et taillée en carré ou en pyramide, qui reçoit la soie du fer, tantôt effilée pour s'engager dans une rainure centrale (fig. 5680), tantôt aplatie pour être forcée à coups de maillet dans la tête du bois fendue à cet effet (fig. 5681), le tout fortement chevillé, riveté ou virolé. C'est l'un ou l'autre de ces deux systèmes déjà décrits par Polybe et par Tite-Live ', qui parait avoir triomphé sous l'Empire et abouti au pilum-spieulum de Végèce, ou un fer triangulaire et effilé dépasse de 26 à 30 cm. une hampe de ii ut. 609. l'IL !48 PIN Usage du pilum. Ainsi constitué, le pilum pèse de 700 à 3200 gr. ; à treize pas, il peut percer une planche de sapin de 3 cm. ou une planche de chêne de 1 cm. et demi, bardée de tôle sur les deux faces. Il peut atteindre jusqu'à 30 et 40 m. ; la portée moyenne devait être de 23 m. ', il fallait donc, pour que la décharge fût efficace, que la première ligne romaine fût à cinquante pas de l'ennemi. On comprend aisément qu'il eût été difficile de contenir à une si faible distance deux armées impatientes d'en venir aux mains ; aussi est-il pro bable que facies restait Farine au pied, pilis de/ixis 2, à une distance au moins double ; au moment où l'on donnait le signal de l'emissio 8, la première ligne se portait en avant au pas de charge et, arrivée à cinquante pas, la jambe gauche tendue t, lançait de la main droite' le pilum, dont la force se trouvait ainsi accrue de tout l'élan donné par la course. Quand chaque ligne en avait fait autant', on profitait du désordre où ces décharges successives avaient mis les rangs ennemis pour ordonner la charge l'épée au clair, concursio cum itnpetu gladiorum 7. L'effet de ces salves de pila était tel que, le plus souvent, il suffisait pour décider de la journée Le pilum ne s'emploie pas seulement en tant qu'arme de jet: comme la sarisse ou le confus, suivant Strabon 9, c'est aussi une lance qui peut servir dans le combat de près. Ainsi nous voyons Camille apprendre à ses soldats à parer avec leurs pila les taillades des grandes épées gauloises 10, et César exhorter les siens à Pharsale à ne pas les jeter, mais à s'en servir pour briser l'attaque des brillants cavaliers de Pompée en les frappant au visage " Pilum lourd. A côté du pilum dont nous venons d'étudier la forme et le rôle et qu'il appelle léger, Polybe en met un second aux mains des hastati et des principes : de ce pilum lourd il dit seulement qu'il avait une hampe ronde ou carrée mesurant une palai.stè (de 7 à 8 cm.) de diamètre ou de côté (sans doute au renforcement supérieur qui doit recevoir le fer). Comme il n'est nulle part ailleurs question de cette arme, il faut admettre qu'il s'agit d'un véritable pieu, dont les légionnaires faisaient usage comme ils employèrent à partir de Marius le pieu de vallunt où, en marche, ils suspendaient leur bagage et qui, à la halte, servait à construire et à défendre le camp. C'est sans doute du même pilum lourd, sous le nom de pilum murale, qu'on se servait pour l'attaque ou la défense des places ; on donnait encore le nom de pilum au trait qu'on mettait dans certaines machines de siège 12. Le plus souvent, on le jetait à la main du haut des murs i3 ; parfois on l'enduisait de poix ardente, soufre, résine, bitume et autres matières inflammables qui, embrasées par la rapidité même du mouvement, l'épandaient le feu parmi les assaillants et les PINNA. I. Plume [l'ENNA]. II. Pinne marine (77(vvx ou -aboi.), coquillage qui par sa forme allongée et sa légèreté a quelque ressemblance avec une plume. Il est attaché aux rochers par une touffe de filaments soyeux que l'on peut filer pour en faire des tissus souples et chauds. Les anciens ont connu cet art depuis le 11' ou le fIIa siècle ap. J.-C. Tertullien est le premier auteur qui en parle 1. Il en est aussi question dans le Périple de la mer Erg )IP --185-PI P tha'ée' et il est possible que l'on ait fabriqué de bonne heure en Orient des étoffes avec les fibres de la pinne; on la pêche dans les mers de l'Inde aussi bien que dans la Méditerranée, Saint Basile en a vanté la couleur d'or 2. III. Pinna est aussi le nom des grandes rames servant de gouvernail, placées dans les navires de chaque côté de la poupe [NAVIS, p, 37 et fig. 5271-3274, 5279-3281, 5293-52951. Le plat que la barre divise rappelle en effet la tige cornée d'une plume garnie de ses barbes. 1V. Palette d'une roue hydraulique [MACHINA, p. 1468]. V. Marche d'un orgue hydraulique [nYDRAULUS, p. 3141. 1. Créneau ainsi appelé, selon Varron 4, parce quo sa saillie au-dessus d'un mur fait l'effet d'une plume sur un casque. E. SAGLIO. PIPER, Ilé7teat. Les auteurs anciens parlent du poivre comme d'un produit exotique importé d'Orient' et plus particulièrement de l'Inde 2 ; Pline l'appelle indictou piper'. L'expression Mus et piper désignait tout l'ensemble des denrées orientales, parfums et épices 4. Le mot 7t ttspt venait lui-même du sanscrit pippali Le poivre est entré tard dans l'alimentation des peuples européens. Cependant Hippocrate le mentionne déjà et signale son emploi en médecine 6. Les Grecs l'auront connu sans doute par l'intermédiaire des Phéniciens'. Il ne semble pas qu'ils s'en soient beaucoup servis comme condiment avant la conquête romaine [CONDIMENTA, p. 1439]. Si Théophraste le décrit 8, c'est que les compagnons d'Alexandre l'ont observé dans l'Inde même. Il n'est cité de nouveau qu'au temps de la comédie moyenne 9. Il en est encore question à Athènes à l'époque de Sylla 10. Les premiers auteurs latins qui le nomment, Horace, Columelle, Celse, appartiennent au siècle d'Auguste; il était ignoré jusqu'alors en Italie" ; les Romains se servaient auparavant des baies du myrte 12 ou de la graine du dryophonon n pour assaisonner leurs aliments. Plutarque assure que pendant longtemps les anciens eurent en horreur le goût du poivre'°. Sous l'Empire, ils en faisaient une grande consommation. Pline s'étonne qu'il soit très recherché de ses contemporains, car il n'a rien pour plaire, si ce n'est son âcreté même'°. La réflexion de Pline et les nombreuses allusions des satiriques du premier siècle" nous attestent qu'à cette date, l'usage courant du poivre venait seulement d'être mis à la mode" Les anciens n'avaient que des notions très vagues et fort inexactes sua° le poivrier, piper nigrum de Linné f8. Philostrate le rapproche de la vigne et dit qu'il est cultiva dans l'Inde par des singes", Pline le considère comme un arbre, piperis arbor 20, et le compare au genévrier de nos pays 2'. Dioseoride et Pline croient à tort que ses graines sont réunies en grappes 2. D'après Théophraste, il n'y aurait que deux espèces de graines, les unes rondes et rougeâtres, les autres longues et noires, d'une saveur plus forte 23, La plupart des auteurs 2'" distinguent trois sortes de poivre : long, blanc et noir, provenant des mêmes fruits, cueillis à différents degrés de maturité 25. On ne sait ce que les Grecs et les Romains entendaient par poivre long ; ce ne peut être l'espèce appelée précisément par Linné piper longuet, qu'ils ont ignorée. Pline affirme à deux reprises qu'on rencontrait en Italie, de son temps, des poivriers dent les fruits auraient eu le même goût, mais non la même couleur, que les grains de poivre frais de l'Inde26; en réalité le climat d'Italie ne convient nullement au poivrier, qui exige une chaleur ardente, continue et humide. Pline désigne ailleurs sous le nom de piperitis ou siliguastrum, une plante qui avait la même saveur que le poivre ; on l'employait contre l'épilepsie et pour Ies soins de la bouche et des dents27; il faut y reconnaitre sans doute une sorte de piment, qui n'appartient pas au genre piper, mais au genre capsicuet dé Linné. Le poivrier croissait dans l'Inde à l'état sauvage : silvestre gentibus suis est 96, La région d'où les anciens tiraient leur poivre s'appelait Cottonara ou Cottonaricé". D'après Pline, le poivre était apporté de la Cottonara sur des canots jusqu'au port de Bacaré 30. D'après l'auteur du Périple de la mer Érythrée, on importait dans les ports de la Limyrique (au sud-ouest de la péninsule hindoustanique, sur la côte du Malabar), des tissus, des verroteries et des métaux, avec un peu de vin et de blé, pour en exporter du poivre et de la cannelle ; le poivre venait, dit-il, de la Cottonaricé 31, c'est-à-dire, à ce qu'il semble, du pays de Ka.tudinada, où on le récolte encore en abondance 32. Il est probable qu'à l'origine, le poivre était conduit de l'Inde jusqu'aux rivages de la Méditerranée par voie de terre o3. Plus tard, lorsque les navigateurs eurent appris à utiliser les moussons, le commerce se fit surtout par mer ; les vaisseaux chargés d'épices partaient des ports de la Limyrique ou du grand marché de Barygaia, situé plus au nord, que le Périple signale aussi comme un centre d'exportation du poivre long 3', et se dirigeaient P1P -i S6 PER vers le littoral égyptien de la mer Rouge. Des caravanes apportaient à Alexandrie les marchandises débarquées sur la côte orientale de l'Égypte, le poivre voyageait, comme tout le reste, à dos de chameau'. D'Alexandrie, d'autres navires l'amenaient à Ostie, d'oie il gagnait Rome, Dans un édit de Mare-Aurèle et de Commode, reproduit au Digeste ', parmi les objets de luxe d'origine étrangère frappés d'un droit de douane à leur entrée en Italie figurent le piper longum et le piper album. II y avait à Rome, sous l'Empire, des horrea piperatoria, entrepôts réservés aux épices et spécialement au poivre 4; ils se trouvaient au nord-est du Forum, sur l'emplacement occupé plus tard par la basilique de Constantin ; élevés par Domitien, ils avaient été incendiés sous Commode en 191. Les fouilles récentes du Forum en ont fait retrouver les vestiges devant la basilique de Constantin, en façade sur la Voie Sacrée'. Le commerce du poivre devait être très productif : Juvénal met en scène un négociant pressé de s'enrichir, qui n'hésite pas à surcharger son navire de blé ou de poivre et à mettre à la voile malgré le mauvais temps'. D'après Pline, le poivre long valait, de son temps, quinze deniers la livre, le blanc six deniers, le noir quatre Les avares ménageaient ce précieux produit, sacrum piper, et en saupoudraient eux-mêmes très légèrement leurs mets'. Les marchands le livraient aux acheteurs dans des cornets de papier 9. Ils le falsifiaient en le mêlant avec des grains de sénevé d'Alexandrie ou avec des baies de genévrier; comme on le vendait au poids, on avait recours à divers artifices pour le rendre plus lourd". Alaric, en 409, exigea des Romains comme rançon. avec une grande quantité d'or et d'argent, des robes de soie et des draps écarlates, trois mille livres de poivre ". Le poivre a été utilisé d'abord à titre de médicalisent. De nombreux textes, et de toutes les époques, témoignent de la place qu'il tenait dans la thérapeutique 1L A partir du premier siècle de l'Empire, les auteurs latins et grecs font maintes allusions à l'emploi du poivre dans la confection des apéritifs (vins poivrés, piperata vina13 ; vinaigre poivré" pour la préparation des olives confites et du moretum, etc.)". On avait des moulins pour moudre le poivre (piperariae molae) ". Les vases oh il était renfermé sur les tables se nommaient piperatoria "; ils étaient rangés parmi les rasa argentea. On a découvert à Chaource, dans l'Aube, un piperatorium d'argent" : il représente un esclave nègre vêtu d'une paenula à capuchon; sa tête est percée de trous, par lesquels on répandait sur Ies mets le poivre en poudre (fig. 5685), Des petits vases en terre cuite, de formes et de dimensions très variables, mais tous renflés à leur partie moyenne et munis au sommet d'un obturateur fixe perforé, véritable pomme d'arrosoir, ont été recueillis en divers points de l'ancien monde romain, à Arles-Trinque taille, à Saintes, à Saint-Maur-deGlanfeuil en France, à Pompéi et à Corfinium en Italie, à Murmuro en Sicile"; la destination de ces objets n'est pas encore définitivement éclaircie; peut-être à partir d'une certaine époque ont-ils été employés par les anciens, entre autres usages, en guise de piperatoria pour asperger d'épices leurs PIRATAE. I. GRFŒ. Dans le monde oriental grec primitif, la piraterie fut exercée par la plupart des peuples riverains de la MéditerranéeLes Phéniciens et les Cariens se livraient à la fois au commerce et à la piraterie, pillant les navires marchands, faisant des descentes sur les côtes, y enlevant par force ou par ruse des hommes, des femmes, des enfants dont ils tiraient rançon ou qu'ils vendaient comme esclaves sur les marchés de l'Asie'. Chez les Grecs, aux époques légendaire et homérique, la piraterie (aT,a-rn.a.)' n'est coupable qu'entre concitoyens'; elle est licite et honorable à l'égard des clans et des peuples étrangers elle constituait, d'après Aristote', un moyen d'existence légitime comme la chasse et la pêche. II paraît tout naturel de demander à des marins étrangers s'ils sont pirates ou non'. On enlève les habitants et le bétail ((tori)e(zsic)'; il y a des règles fixes pour le partage du butin et la répartition des bénéfices, une plus grosse part pour les chefs 8. Les pirates se recrutent dans toutes les classes de la société, surtout parmi les bâtards, les cadets qui quittent le ge'nos, qui vont fonder des colonies', Naturellement quand les victimes n'obtiennent pas satisfaction à l'amiable t', la piraterie, comme le vol terrestre, provoque déjà des représailles (pvata), exercées sous la même forme, à main armée, avec partage du butin entre les intéressés, comme indemnité ". La légende attribue à Minos, le représentant de la thalassocratie crétoise, des mesures contre les pirates 12. A l'époque historique, la piraterie est toujours, dans les mers grecques, un fléau endémique favorisé par les 4 IR guerres incessantes des États. On a conjecturé' que des scènes de combats maritimes représentées sur des vases du Dipylon avaient trait à des luttes d'Athènes contre des pirates dès le 5me siècle av. J.-C., et que la corporation des â_IvoéTu: qui existait à Milet et à Chalcis avait pour fonction d'arrêter les pirates 2, Une loi de Solon' admet, comme valables les statuts des sociétés s 't ),e:«v, qui ont peut-être eu pour but aussi bien le pillage en commun que la course ou les représailles légales. Les îles Lipari eurent, de 580 environ av. J.-C. jusqu'à la conquête romaine, une république de corsaires grecs qui avait lutté contre les corsaires étrusques`. Thucydide cite comme peuples pirates les Locriens Ozoles, les Étoliens, les Acarnaniens et leurs voisins continentaux 6; Hérodote parle des pirateries des Samiens, des Ioniens, puis de celles des Cariens en Égypte à l'époque de Psammétichus' ; d'autres textes signalent encore les Ioniens, les Phocéens de Phocée et d'Alalia de Corse les Lyciens, les Dolopes de Scyros à l'époque des guerres médiques e. Polycrate de Samos avait toute une flotte de course'. Dans cette période, d'après Thucydide, Corinthe lutte énergiquement contre la piraterie1' Le mal continue après les guerres médiques jusqu'à la conquête de l'Asie par les Romains, à toutes les époques", malgré les mesures de défense et de répression qu'il provoque, surtout de la part d'Athènes qui essaie de faire la police de la mer Égée, du Pont et hème de l'Adriatique, puis de la part de la Macédoine12, de Rhodes", d'autres villes", de tyrans tels que Denys le jeune, Anaxilas de Rhégion ". La piraterie est exercée soit par des individus isolés, soit par des bandes sous la direction de ),?1nti4't.pyot, d'âpytauuxv«: et pourvues de navires de toutes les catégories, myoparones [l'ARON], IIEMIOLIA, hirèmes, trirèmes16. Les principaux peuples pillards sont encore les Étoliens, les Crétois, les Mysiens17 ; aucune ville n'est à l'abri ; Athènes elle-méme est souvent menacée is ; on enlève encore les hommes, les femmes et les enfants''' ; la plupart des pièces de la comédie nouvelle, de celles qu'ont imitées Plaute et Térence, roulent sur des enlèvements de ce genre. Les victimes, États ou particuliers, qui n'obtiennent pas satisfaction, peuvent user de représailles, soit sur les personnes, soit sur les biens ; Démosthène 20 blâme les pirateries de triérarques athéniens qui exposent ainsi leurs concitoyens à des âvôao) rd (at et à des 65),«t fANDROLEPSIA: FOEDUS, p. 1198, 1206.1, La procédure est la même que pour les autres genres de préjudices : c'est l'État lésé qui doit légalement autoriser les représailles" et qui, si elles provo PI R quent la guerre, proclame par héraut le droit de prise". Un mode de piraterie consiste à piller les biens et vaisseaux d'un pays étranger sous le prétexte qu'il est ennemi : à Athènes, c'est en pareil cas l'assemblée du peuple qui décide si les prises sont valables". L'asylie est une protection légale contre tous les actes désignés par le mot uDctu non seulement contre les prises de gage et les représailles, mais aussi contre la piraterie [ASYLIA]. D'après la légende, l'oracle d'Apollon serait intervenu de bonne heure contre la piraterie, pour conseiller l'octroi de réparations"; à l'époque historique, les Amphictyons condamnent à restitution les Dolopes de Scyros 2G. I1. Ross.. Le bassin occidental de la Méditerranée fut longtemps livré aux pirateries des Étrusques, contre lesquels les Grecs de la Sicile, de la Grande-Grèce, de Rhodes luttèrent et exercèrent des représailles 2fi, Rome eut naturellement ensuite à faire la police de la mer d'abord sur les côtes du Latium contre les Étrusques et les Grecs", et sans doute aussi contre les Carthaginois : les deux premiers traités entre Rome et Carthage déterminaient les territoires sur lesquels les actes de piraterie étaient réciproquement interdits28. Rome combattit ensuite les pirates ligures des Apennins et des Alpes maritimes et ceux des îles Baléares pour assurer les communications avec la Gaule transalpine et l'Espagne", En 267 av. J.-C., l'institution des quaestores clo_ssici améliora la protection des côtes [QUAESTOB]. Dans la mer Adriatique, les pirates illyriens, établis surtout à Scodra, montés sur leurs noces liburnicae, pillaient les villes grecques, Issa, Pharos, Épidamnos, Apollonia; ils avaient, avec l'alliance des Épirotes et des Acarnaniens, battu les Étoliens et les Achéens, pris Corcyre. Rome les écrasa à deux reprises différentes; en 229, à la suite du traité imposé à la reine Teuta, elle s'allia avec les villes grecques et envoya sans doute à. Corcyre et ailleurs des préfets secondaires placés sous le contrôle des magistrats d'Italie et plus tard des gouverneurs de la Macédoine ; en 168, la flotte de Genthius, roi d'Illyrie, fut confisquée, et donnée aux villes grecques"o Puis la décadence de la marine romaine et l'incurie du gouvernement sénatorial amenèrent une renaissance de la piraterie dans tout le bassin oriental de la Méditerranée, malgré les efforts de quelques villes grecques, telles que Rhodes et Byzance". Les réclamations des Romains, l'envoi de Scipion Émilien en 119 en Syrie et en Égypte furent inutiles'. En 102, l'expédition du préteur Marcus Antonius en Silicie, avec une flotte d'alliés grecs, surtout de Byzance, amena l'occupation de la Cilicie Trachée et d'un commandement militaire avec I' 1 R 188 PIR des stations navales'. La guerre de Mithridate donna un nouvel essor à la piraterie. Elle régna en maîtresse dans la Méditerranée malgré les efforts de Sylla, de ses lieutenants, de Dolabella; plus de cent villes non seulement des côtes, mais de l'intérieur, par exemple Samothrace, Clazomène, Cnide, Colophon, Samos, Iasos, furent pillées ainsi que quantité de temples de Grèce et d'Asie Mineure ; celui de Samothrace fournit un butin de mille talents'. Le commerce de mer de toute la Méditerranée, même occidentale, était interrompu, les approvisionnements de Rome compromis ; de nombreux Romains de distinction, des magistrats, étaient pris, rançonnés, ou tués. Les pirates, renforcés de transfuges, de bandits, de mercenaires de tous les pays, de soldats des armées de Fimbria et de Sertorius, formaient une sorte de république, avec une forte organisation militaire et politique, et dont les membres étaient liés par une étroite solidarité. Ils avaient des abris sur toutes les côtes, leurs principales forteresses dans la Lycie, la Pamphylie et la Cilicie. Ils avaient peu de birèmes et de trirèmes, mais surtout des barques légères, des myoparones'. Les plaintes des marchands romains amenèrent enfin des mesures plus énergiques du Sénat, et de 78 à 761es belles campagnes de Publius Servilius qui détruisit les forteresses d'Olympe, de Korikos, de Phasélis dans la Lycie, d'Attaleia, d'Oroanda, d'Isaura dans la Pamphylie et la Cilicie, supprimèrent momentanément la piraterie' et valurent à ce général le surnom d'Isauricus. Mais les pirates reparurent bientôt dans la Crète ; ils s'allièrent avec Sertorius'; en 74 le préteur Marcus Antonins fut chargé d'une mission extraordinaire, ruais, après quelques succès dans les eaux de Campanie, sa flotte insuffisante et mal équipée fut battue par les Crétois à Cydonia La conquête de la Crète par Q. Metellus en 66-67 n'empêcha point le développement de la piraterie; en 69 le pirate Athénodore détruisit Délos malgré la flotte de Lucullus ; d'autres chefs firent des descentes en Sicile, pillèrent le temple de Héra lacinienne à Crotone, débarquèrent à Brindes, Misène, Caiete, détruisirent une flotte à Ostie'; tout commerce était suspendu, l'Italie menacée de la disette. Aussi en 67 la loi Gabinia investit Pompée de pouvoirs extraordinaires ; il avait le commandement sur mer depuis les colonnes d'Hercule jusqu'au Caucase, sur toutes les côtes jusqu'à cinq milles dans ['intérieur, concurremment avec les gouverneurs locaux, pour trois ans, avec le droit de se nommer vingt-cinq lieutenants de rang sénatorial, pourvus des insignes et de la puissance de préteurs, de lever 120000 fantassins, 4000 cavaliers, d'équiper 500 vaisseaux de guerre, de disposer sans limites des ressources des provinces et des États clients ; la loi Gabinia fut complétée en 66 par la loi Manilia qui, rappelant Glabrion de la Bithynie et du Pont, Marcius Rex de la Cilicie, confiait la guerre d'Orient à Pompée sans conditions et sans limites'. En 65 Pompée divisa son champ d'opérations en treize circonscriptions, débarrassa d'abord des pirates l'Afrique, la Sicile et la Sardaigne, laissa à ses lieutenants le soin de nettoyer les côtes d'Espagne et de Gaule, puis alla en Orient, et en trois mois rasa les forteresses de Lycie et de Cilicie, après la victoire de Korekesion, brûla 1 300 navires, prit 30000 pirates, en établit un certain nombre dans des villes dépeuplées, Soloe, Adana, Malins, Epiphanie, Dyme, jusqu'en Calabre 9. Pompée compléta sa victoire par la constitution d'escadres permanentes. Dès lors la piraterie est réduite à des forces insignifiantes 10; elle reparaît sur les côtes de Chypre, de l'Egypte, sert de prétexte à la conquête de ces deux pays en 58 et en 55 ; les pirates s'allient avec Sextus Pompée dont on peut considérer les dernières luttes comme des actes de piraterie " ; Octave en 35, dans sa première campagne d'Illyrie, achève de détruire les pirates de l'Adriatique 12. Aux deux premiers siècles de l'Empire, la piraterie est exceptionnellei3 et les mers généralement sûres, sauf l'océan Indien, le nord-est de la mer Noire ", les mers du Nord 15. Mais au me siècle la piraterie renaît partout f6, grâce au désordre et à l'affaiblissement de l'Empire, et constitue une des formes les plus dangereuses des invasions barbares. Il suffit de citer les ravages des Goths et des Hérules qui, sous les règnes de Valérien et de Gallien, transportés sur des vaisseaux de pirates, dévastent les rivages de la Grèce, de l'Asie Mineure, pillent Athènes, Ephèse, Trapezus, Chalcédoine, Cyzique et ne sont arrêtés que par Claude II17; des Isauriens et des Ciliciens, dirigés sous Gallien par leur empereur usurpateur l'archipirate Trebellianus 18 ; des Francs sous Probus 19 ; des pirates francs et saxons combattus sur le bas Rhin et en GrandeBretagne par Maximien et Carausius20. L'histoire de la piraterie se confond désormais avec celle des invasions, surtout des Vandales. LaNotitia dignitatum montre les mesures prises pour la défense des côtes, en particulier du tractus Armoricanus de Gaule, A l'époque classique, la piraterie n'est prévue par aucune loi particulière ; elle aurait pu être atteinte par la loi Cornelia de sicariis ; mais en général les pirates (piratae21, latrones, praedones), considérés comme des ennemis du genre humain 22, sont traités en brigands, poursuivis par les magistrats extra ordinem, en vertu de leur imperium 23, condamnés, sous l'Empire, sans appel '4, soit à la vente2', soit à la mort par décapitation ou mise en croix après le supplice préalable des verges 26. CK. LGGHIVAIN. PIS f489 PIS PISCATIO et PISCATUS, 'AXlEUUx, Oitauitx-r . La pêche. La pêche avait fait dans l'antiquité le sujet d'un grand nombre de traités et de poèmes didactiques, répandus généralement sous le titre d'Halieutica (`AatEUitxx) ; les plus anciens, à ce qu'il semble, remontaient au Il' siècle avant notre ère' ; ils ont été imités par Ovide dans un poème dont nous avons conservé un fragment assez étendu 2; mais cet ouvrage n'offre pas à beaucoup près le même intérêt que le poème en cinq chants publié par Oppien vers l'an 180 ap. J.-C. L'histoire naturelle y tient une assez large place, mais c'est aussi le document qui nous fait le mieux connaître les procédés employés par les pêcheurs de l'ancien monde. Oppien, né en Cilicie, sur une côte où une notable partie de la population tirait de la mer sa subsistance quotidienne, a mêlé aux connaissances puisées dans les livres ses observations personnelles '. Le poisson ne semble pas avoir été à l'origine très apprécié des Grecs. Les anciens eux-mêmes ont noté que chez Homère il ne paraît pas sur les tables bien servies, dans les repas des personnes de condition '. Les hommes de l'époque homérique connaissent bien la ligne le filet' et le harpon 8; il y a même parmi eux des plongeurs qui vont chercher au fond des eaux des huitres et autres coquillages Mais les héros ne recourent aux produits de la pêche que sous l'empire de la nécessité, quand tout autre aliment leur fait défaut"; la société étant encore voisine de l'état pastoral, les troupeaux forment le principal élément de la richesse ; la viande est la nourriture de la classe aisée ; seuls les pauvres font entrer le poisson dans leur ordinaire". Cet état de choses cependant semble déjà s'être modifié dans l'Odyssée, ou du moins dans les parties de ce poème auxquelles on croit pouvoir attribuer une origine plus récente 12. Peu à peu on en vint à considérer le poisson comme un mets délicat, digne de figurer dans le menu des festins les plus somptueux ; les poètes comiques d'Athènes, surtout, ne tarirent point en plaisanteries sur les prodigalités auxquelles les gastronomes de leur temps se laissaient aller pour s'en procurer. A partir du v° siècle tous les marchés de la Grèce en furent abondamment pourvus, à tel point qu'on employait communémentlesmots i~oe,êjo(vtov,obsoniutn, aliment cuit, pour désigner d'une manière plus particulière le poisson [CIBARIA]". La configuration géographique du pays devait naturellement amener une grande partie de la population à chercher dans la pèche son gagne-pain. Vil. Platon ne la considère pas comme une occupation digne d'un homme bien né et bien élevé, parce que d'ordinaire elle exige plus de ruse et d'adresse que de force ; elle n'est pas pour les, jeunes gens, comme la chasse, l'occasion d'un exercice salutaire. Il est probable que ces idées étaient communes; on les retrouve longtemps après chez Plutarque Elles sont, en somme, la source du préjugé populaire et des railleries traditionnelles contre le pêcheur à la ligne. Il n'en est pas moins vrai que la pêche, soit comme passe-temps, soit comme métier, fut pratiquée sur toutes Ies côtes de la Méditerranée. Chez les Romains, après avoir eu, aussi bien qu'en Grèce, les débuts les plus humbles 15, elle occupa un nombre toujours plus grand de travailleurs, au fur et à mesure que se répandit le goût du poisson rare et fin. Les moralistes de l'Empire ont tout dit sur les coûteuses folies par lesquelles se signalaient les grands seigneurs jaloux d'offrir de belles pièces à leurs convives 15. Les procédés employés par les anciens pour capturer le poisson ne diffèrent guère de ceux que nous employons actuellement ; les auteurs de traités spéciaux sur cette matière " ont adopté une division qui semble avoir été constante"; ils comptent quatre sortes d'engins (axEUr, icX,tuTtxx)'s : la ligne, le filet, la nasse et le harpon. 1° Lapêche à la ligne, ou à l'hameçon (yxtstiao:x), comprend d'abord la pêche à la canne. Celle-ci est généralement faite d'un roseau (ôbvx;, xxaauoç, calantes, canna, arundo) 20, quelquefois d'une tige de férule 21, ou, si on a affaire à des poissons vigoureux qui ont de la défense, d'une branche de cornouiller 22 ou de genévrier u. A l'extrémité est suspendue la ligne en fil de lin (),lvoç, bo.z, lima) ; elle peut être aussi en crins de cheval ou en soies de sanglier, au moins dans la partie qui plonge sous l'eau, et il faut les choisir d'une couleur blanche ou neutre, de manière à ne pas exciter la méfiance du poisson 2i. A la ligne on attache le flotteur en liège (indicium) 2', puis, au-dessous, le plomb (i.oauêl.f(v-q) 26 et enfin l'hamecon [HAMOSI. Au temps d'Homère, la ligne, entre le plomb et l'hameçon, était enfilée dans un tube en corne destiné à la protéger contre la morsure du poisson qui aurait cherché à la couper en se débattant u. Mais cette pièce tomba en désuétude de très bonne heure, car les Grecs eux-mêmes, dès le temps d'Aristote, n'entendaient plus bien la description du poète et en discutaient le sens 28. On employait comme appats, pour les petites 02 PIS f9(3 'PIS espèces de poissons, des vers', des mouches 2 et autres insectes' ; on prenait les grosses espèces avec des poissons plus petits. dont Oppien nous a laissé une nomenclature très exacte'; on utilisait aussi les déchets des fabriques de salaisons' et les résidus de boucherie 0. Les anciens avaient fait des observations très minutieuses sur l'art de fixer l'appât ; ils savaient aussi qu'il y a avantage à le faire griller pour attirer les poissons par l'odeur 8. Oppien recommande diverses amorces propres à être jetées dans l'eau autour de la ligne, la farine, la mie de pain, le fromage et certaines plantes à l'odeur forte 9. Les anciens ont connu même les appâts artificiels, tels que les mouches fabriquées avec des plumes et des morceaux de laine rouge f0. Quand ils pêchaient « au vif », c'est-à-dire avec un petit poisson vivant en guise d'appât, ils lui attachaient à la bouche un appareil de plomb nommé « dauphin » (uo)p(v), disposé de manière à lui imprimer un mouvement ininterrompu, même s'il venait à mourir 11. Ainsi toutes les finesses de la pêche à la ligne flottante étaient familières aux anciens. Elle occupait agréablement les loisirs des enfants 32, des femmes u et même des gens les plus graves; c'était le repos rêvé des hommes quand ils se retiraient du tumulte de la vie active '4. Pline le Jeune avait sur les bords du lac de Côme une villa, où il pouvait, de sa chambre et presque de son lit, jeter son fil dans l'eau u. De grands personnages ne dédaignaient pas, en dépit de Platon, de se livrer à cet exercice pacifique. Il fut une des distractions favorites d'Antoine et de Cléopâtre 30, d'Auguste u, de Mare-Aurèle, de Commode '$. Le pécheur à la ligne (à°ïxl(TTpcéT-rç, hamieta) n a été très souvent figuré. II apparaît dès le ve siècle sur les vases peints (fig. 5686) 20 et même dans des peintures à figures noires u ; par la suite on le voit fréquemment représenté sur les fresques et les mosaïques qui représentent des paysages ou des scènes de genre 22 et dans des statues, des figurines de bronze et d'argile où les artistes semblent avoir mis parfois une pointe de malice 23. La pêche à la ligne de fond (xàOsveç), qui se pratique sans canne (fig. 6667)2`, convient mieux pour les poissons de forte taille ; le pêcheur tient dans sa main l'extrémité de la ligne et il peut même tenir une ligne dans chaque main ; en pareil cas, une barque manoeuvrée au moins par un rameur est généralement nécessaire. Oppien décrit ce procédé en ternies fort clairs ; pour capturer les plus gros poissons on se servait de cordes tressées, reliées à l'hameçon par une chaîne de fer ; HAMUS, fig. 3699] , le pêcheur enroulait le bout de la corde autour de sa main, ce qui l'exposait à avoir la peau meurtrie et déchirée par la résistance de la bête 20.11 y a encore un autre procédé celui de ta ligne dormante, qu'on fixe au rivage et qu'on vient tirer de l'eau après un certain laps de temps. Comme ce procédé est de tous le plus simple, il ne peut avoir été longtemps ignoré". i?° La pêche au filet (ètx-tuu(n). Oppien énumère dix espèces de filets différentes (llxTVov). On en trouvera la description à l'article RETE. 3° La pêche à la nasse (xépToçl, xu7TEtX [NASSA]2. Il faut rattacher à cette sorte d'engins les claies mobiles en jonc; on en formait près du rivage des parcs, ou des labyrinthes, dans lesquels le poisz son, attiré par un appât, venait se prendre 25, 4° La pêche au 110a67GevT7iOV) ]ru'scis k, TRIDENS]. Ces armes étaient em ployées non seulement contre les cétacés et contre les plus gros poissons de mer, mais même contre les espèces de taille moyenne qui fréquentent les côtes2°. Elle est pratiquée encore aujourd'hui avec une habileté extraordinaire dans la Méditerranée, là où les eaux sont peu profondes et parfaitement limpides. Le fer de l'arme était emmanché à une longue perche en PIS -4 PIS bois d'olivier t et souvent on attachait encore une corde à l'extrémité pour en augmenter la portée', comme on le voit dans une mosaïque africaine'. Le trident qui accompagne les images de Neptune comme attribut caractéristique du dieu protecteur de la pêche représente, avec ses formes variées, le trident qui fut en usage pendant toute l'antiquité [NEPTUNUS, TRIDErx9]. On le voit ici llg. 5688) employé par des pécheurs étrusques. C'était l'engin ordinaire de la pêche au flambeau (au.euria-f) `; elle se pratiquait de nuit avec une barque portant à ravant une lanterne ou une torche de résine allumée. Si l'on a vu les pécheurs du Midi transpercer d'un seul coup le poisson et le rejeter pantelant dans la barque, on comprendra mieux les témoignages des auteurs sur ce genre de pêche, évidemment très populaire. On capturait aussi avec le trident le homard et les autres crustacés'. A tous ces procédés bien connus les anciens en joignaient d'autres, qu'ils appropriaient aux moeurs particulières de chaque espèce. Ainsi, pour el hier celles qui aiment l'ombre et la retraite, on jetait an fond de l'eau des fascines de joncs et de roseaux, maintenues par une grosse pierre; on venait ensuite pêcher à la ligne autour de ces asiles artificiels'. Il y avait aussi, comme aujourd'hui, les pêcheurs peu scrupuleux qui trouvaient plus expéditif d'empoisonner les eaux avec des drogues stupéfiantes ou enivrantes ; la plante appelée r,rIauielt passait pour être très propre à ces mano'uvres condamnables'. Quelques recettes indiquées par les maitres de Fart nous paraissent aujourd'hui singulières ou discutables. On croyait venir plus facilement à bout de certains gros poissons en les pourchassant avec des barques construites à leur image'. Ou bien, comme on tenait la gent aquatique pour très sensible à la musique, on cherchait à l'attirer par des chants et par le son de divers instruments, tels que la flûte ou le tambourins. On prenait le mulet, le scare et le ntenula en attachant au bateau un filet ou une nasse, où on avait enfermé une femelle; les males s'y engageaient bientôt en quantité'° Ce qui nous paraît beaucoup plus étrange, on attribuait au cru' Lits un goût passionné pour les chèvres ; pour l'attirer, les pécheurs allaient lui tendre leurs lignes affublés d'une peau de chèvre pourvue de ses cornes. Élien range cet accoutrement parmi les accessoires du pêcheur". Les anciens avaient fait les observations les plus justes sur les conditions climatériques, sur les heures et les lieux qui conviennent le mieux à la pèche; ils avaient étudié avec le plus grand soin les habitudes du poisson Le. Oppien nous a conservé le résultat de leur expérience. Il est vrai qu'il traite exclusivement de la pêche sur mer. C'est que pour les Grecs le poisson d'eau douce comptait à peine dans la consommation en comparaison du poisson de mer; seules les anguilles du lac Copals, en Béotie, avaient quelque renom L3. Les Romains admirent sur leurs tables les poissons du. Tibre, du Pô et des lacs italiens ; à l'époque impériale on vit même paraitre sur les marchés de la capitale ceux du Rhin et du Danube". Ausone a tracé dans son poème sur' la "loselle un tableau très agréable de la pêche fluviale. Mais la pèche maritime eut toujours beaucoup plus d'importance. Un des poissons qui procuraient les plus gros bénéfices était le thon. Il faut lire ce que les anciens en rapportent, si l'on veut savoir comment étaient organisées chez eux les grandes entreprises de pêchel1". La campagne durait généralement du 15 mai au 25 octobre*. Il y avait, sur les promontoires, des postes d'observation 9 vvc~ia ctal, composés d'une cabane en planches que supportaient de hautes perches 11, On y plaçait des et de signaler les passages". Ces hommes, immobiles pendant des heures, les yeux fixés sur la mer, excellaient à reconnaitre les bandes de thons rien qu'a la couleur ou au mouvement des eaux; ils arrivaient mt",ne par '_'habitude à évaluer l'importance du passage. Chie expédition se formait, composée de plusieurs barques sous le commandement d'an chef et on jetait un immense filet dans lequel on faisait entrer les thons; puis les barques se rapprochaient les unes des autres et les thons amenés à (leur d'eau étaient transpercés à coups de trident ou assommés à coups de gaffe". C'est la pêche qui est encore connue en Provence sous le nom de pèche « -t la madrague » et qui se pratique aussi bien sur les côtes d'Espagne, d'Italie et de Sicile. Elle devait se faire, comme aujourd'hui, avec une certaine solennité, si l'on PIS -492 -PIS en juge par les prières que les pêcheurs adressaient aux dieux à cette occasion', La fig, 5689 représente, d'après une mosaique, une scène analogue. Un pêcheur debout assomme avec un aviron' un gros poisson capturé dans un filet circulaire 3. Les grands cétacés ne devaient plus fréquenter beaucoup la Méditerranée à l'époque classique' ; mais il est probable qu'ils apparaissaient plus souvent qu'aujourd'hui dans la mer des Indes et sur les bords de l'océan Atlantique ; on les pêchait principalement le long de la côte occidentale d'Espagne, près de Cadix, et aussi dans le golfe de Gascogne. Oppien décrit les scènes émouvantes auxquelles donnaient lieu les expéditions organisées contre ces animaux'. On prenait la baleine et le cachalot avec d'énormes crocs à double pointe, fixés au bout d'un câble qu'on laissait filer autant qu'il était nécessaire ; des outres gonflées d'air y étaient suspendues de distance en distance, Elles forçaient l'animal à remonter à la surface ; là les équipages de tous les bateaux, unissant leurs efforts, l'attaquaient à coups de tridents, de harpons et de haches, jusqu'au moment où, épuisé par la lutte, il était halé sur le rivage. Le requin, le chien de mer, le phoque, la tortue ont aussi leur place dans le poème d'Oppien 6, et il n'a pas oublié la pêche des huîtres, qui alimentait les viviers célèbres des Romains [VIVARIUM], ni celle de la pourpre, source d'une industrie florissante [PURPURA], ni celle des éponges [URINATOR] 7. Le même poète a trouvé matière à des vers agréables dans une singulière superstition, à peu près générale parmi les pêcheurs de l'antiquité : ils épargnaient religieusement les dauphins ; ils les considéraient non seulement comme des protégés des dieux, mais comme des amis de l'espèce humaine, comme des auxiliaires dévoués ; les dauphins passaient pour rabattre le poisson dans les filets comme les chiens de chasse rabattent le gibier. On taxait d'impiété et de barbarie les habitants de Byzance qui seuls s'affranchissaient de l'opinion commune a. Nous connaissons assez bien les principaux ports de pêche échelonnés depuis le détroit de Gibraltar jusqu'au fond de la mer Noire; on a pu en dresser une liste très copieuse', grâce aux renseignements fournis par les textes et aussi par les monnaies des villes maritimes ; on y voit souvent gravés les objets de commerce d'où elles tiraient leurs ressources; de ce nombre étaient les poissons que l'on consommait sur place ou que l'on salait pour les expédier au loin [SALSAMENTA], Dans beaucoup de villes de la Grèce la pèche était soumise à certains droits particuliers ; ils étaient quelquefois perçus au profit des grands sanctuaires, possesseurs de domaines ruraux. Ainsi à Délos et dans le dème attique d'Halai, les sommes provenant annuellement de cette source étaient versées au trésor d'Apollon i0 ; à Éphèse ils comptaient parmi les revenus du temple de Diane 11e Ailleurs, à Byzance par exemple, l'impôt sur la pêche (Tb TEào)vtov Trç iyOutxgg) revenait à la cité''. Des officiers spécialement chargés de ce soin traitaient au nom du temple ou de la ville avec des fermiers qui faisaient rentrer l'argent à leurs risques et périls". Après la conquête romaine, l'impôt perçu jusque-là par les villes sur certaines eaux fut, en général, attribué à l'État et levé par l'intermédiaire des publicains'', Il y eut des villes qui continuèrent à jouir de leurs droits comme parle passé Les lacs, les étangs et les rivières en furent tous frappés, sauf de rares exceptions. Pour la réglementation de la pêche sur le bord de la mer et des fleuves, voyez LITTUS'f Les pêcheurs avaient leurs divinités protectrices, d'abord Neptune; ils lui offraient des sacrifices pour appeler ses bénédictions sur leurs entreprises ; de là le thon et le dauphin, qui figurent parmi les attributs de ce dieu [PRPTUNL'S, fig. 5305, 5309, 5312, 53141 ; de là le surnom d'âyoeÛç qu'on lui donne quelquefois E7. Après lui venait Mercure qu'on lui a associé dans cette fonction particulière ; Mercure est un dieu des pêcheurs parce qu'il est le dieu de la ruse ; c'est lui qui a inventé les pièges de toutes sortes où on attire le poisson, comme Oppien le dit expressément, lorsqu'il l'invoque au début de son troisième livre, avant de décrire chacun de ces engins 1B. Sur les rivages se dressaient des statues de Mercure, au pied desquelles les vieux pêcheurs, forcés par l'âge de renoncer à leur profession, allaient déposer leurs lignes et leurs filets". Priape, fils de Mercure, a été initié aux secrets paternels et il est aussi d'un grand secours pour les pêcheurs, qui lui rendent les mêmes hommages 20. Enfin, parmi les patrons de la pèche il faut encore compter Nérée et Phorcus, à qui certains auteurs en attribuaient l'invention 2f, les Néréides V2, Diane Dictynna, ou Diane au filet 23, Apollon Delphinien [APOLLO, fig. 3701, etc. A Rome, le 7 juin de chaque année, les pêcheurs du Tibre célébraient une fête particulière accompagnée de jeux (ludi piscatorii), que présidait le préteur urbain ; elle avait lieu au Champ de Mars sous l'invocation du dieu du Tibre. On la considérait comme un témoignage de reconnaissance offert par la ville à la corporation des pêcheurs, parce qu'ils fournissaient gratuitement les poissons appelés marnas, qu'on sacrifiait dans la fête de vulcain le 23 août 26. Les scènes de pêche sont devenues un des sujets favoris de l'art antique à partir du jour où il s'est tourné vers l'observation des moeurs familières. On a vu le pêcheur apparaitre sur les vases peints dès le v° siècle"; plus PIS -493 PIS tard il anime de sa présence les peintures des habitations pompéiennes (fig. 5690) 1, les mosaïques les bas-reliefs pittoresques dont les sculpteurs du me siècle 3 ont répandu le goût 4. Philostrate, dans ses Tableaux' , vrais ou fictifs, a décrit une vaste composition où était représentée avec une grande richesse de détails la Pêche du thon 6. La littérature a poussé l'art dans cette voie. L'idylle connue, introduite dans le recueil des oeuvres de Théocrite, dépeint la vie des pêcheurs, leurs travaux et leurs moeurs'. Le même sujet avait inspiré d'autres compositions ; la comédie notamment s'était plu à reproduire le type populaire du pêcheurs Si nous avons perdu la plus grande partie des écrits où il jouait un rôle, nous en avons conservé, dans les monuments de l'art, des images fidèles et expressives. La statuaire, à l'époque alexandrine, les a multipliées avec une faveur évidente ; le vieux pêcheur a souvent servi de modèle aux sculpteurs; son corps usé par l'âge et la fatigue a fourni à l'art réaliste un sujet d'étude devenu banal avec le temps'. La figure 5691 reproduit un bronze du Musée de Naples90. Le pêcheur porte en général le vêtement des travailleurs rustiques : une tunique qui laisse le bras dégagé (exomis) et quelquefois un manteau, ou bien il est nu avec un linge noué au haut des jambes [CINCTUS, SUBLIGACULUM] sur sa tête on voit une calotte de laine épaisse ou un altup(Swv, saup(ylov, sportula), où est enfermé l'appât t2. Quelquefois il porte un panier plus grand, ou même deux, à l'aide d'une perche munie d'arrêts qui les em Les pêcheurs formaient dans beaucoup de villes des corporations. Elles apparaissent en Grèce vers le me siècle av. J.-C. 14o A Pompéi nous voyons les piscicapi intervenir dans l'élection d'un édile 15. On rencontre des sociétés du même genre sur les côtes des Alpes maritimes I6 et de l'Espagne 1'. Une des mieux connues est celle de Rome ; on s'est demandé si son siège n'était pas plutôt à Ostie et si les inscriptions qui la mentionnent n'en ont pas été apportées 18. 11 est peut-être plus simple de supposer que les pêcheurs de Rome s'étaient associés à ceux d'Ostie; car la corporation s'intitule Corpus piscatorum totius altlei Tiberis, quibus ex senatus consulto coire licet. Les documents qui la concernent datent du ne et du me siècle de notre ère. En 206 elle avait à sa tête deux patrons et présidents honoraires, deux présidents quinquennaux en fonctions, trois trésoriers et décurions, chefs de sections de dix membres chacune. Elle comprenait, outre les pêcheurs, les plongeurs du Tibre [uRINATOR]13 et probablement aussi les marchands de poisson, d'autant plus que les pêcheurs devaient fréquemment vendre euxmêmes leurs captures (piscatores propolae, (yOuo7ciacu 20) On appelait piscatores cetarii, ceux qui prenaient et vendaient le gros poisson, tel que le thon par exemple 21 le mot grec xi,' oç (pl. x-éiri, tete), qui désignait les cétacés, ayant été détourné de son acception première PIS .ii91r PIS et appliqué abusivement à tous les animaux aquatiques de grande taille'. On les débitait à la poissonnerie, au /bruni. piscator°lurn IMACI=LLUM,!,dans les tabernae celariae avec les salaisons et. les marinades de tout genre iseLsnMIv'rAi'. Les régions où on se livrait à la. fabrication de la pourpre IpuHPURAj possédaient. des corporations de pècheurs dits Hturilegztli et conchrtlioleguli,qui allaient chercher sous les eaux les coquillages nécessaires à celle industrie GEon,,Es L-IF.Il'r.