Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article PLUTEUS

PLUTEUS ou PLUTEUM. Paroi, dossier, appui. Ce nom fut donné d'abord' à des abris faits de clayonnage d'osier ou de bois assemblés, par-dessus lesquels on mettait encore des cuirs et des centons, pour protéger les approches des assiégeants devant une place. Végèce dit 2 qu'ils étaient comme des niches en cul-de-four (ad similitudinem absidis), se mouvant sur trois roues, que l'on faisait marcher devant les soldats. Les assiégés se défendaient à l'aide de mantelets de même façon, plantés sur les remparts et Ies murs 3. On en plaça sur les tours mobiles 4; on en enveloppa des vaisseaux 5. On appela du même nom des constructions basses, de pierre aussi bien que de bois, cloisons, parapets, murs d'appui, placés en entre-colonnement ou de toute autre manière ;-un parement garnissant un mur 7 ; le dos PLU -516 PLU lit [LECTUS, p. 20`x2] ; -un rayon portant des livres ou d'autres objets'. E. SAGLIO. PLUTO, en grec "A,r,ç, lI)niTwv, Les Grecs se sont successivement représenté ce dieu sous deux aspects fort différents. Sous le nom d'Hadès (dont l'étymologie la plus plausible semble être â, ieïv l'Invisible'), ils l'ont d'abord conçu comme le souverain des Enfers. Plus tard, sous celui de Pluton (_celui qui donne la richesse), ils ont adoré en lui, au contraire, un dieu bienfaisant, dispensateur de la fécondité agricole. La seconde conception s'est surajoutée à la première, sans la supplanter. Chez Homère, Hadès est encore exclusivement le dieu des morts. Fils de Cronos et de Rhéa, frère de Zeus et de Poseidon, il a, dans le partage de l'univers entre les trois Cronides, obtenu pour son lot l'abîme ténébreux, Ulpov ëiepdevTx2. (Sur la situation géographique du royaume infernal, et la distribution de ses parties, voyez INFERI, III, p. 494 sq.) Là, Hadès exerce sur le peuple innombrable des ombres 3 une toute-puissance, comparable à celle de Zeus au ciel : d'où le surnom, que déjà lui donne Homère, de ZEÛg xzTaZ66vtoç 4. Les épithètes homériques, appliquées à ce dieu, expriment unanimement sa brutalité, sa force indomptable, l'effroi et l'horreur qu'il ins .xi.aaTa; 10) : c'est, dit le poète de l'Iliade« la plus odieuse aux hommes de toutes les divinités ». A ses côtés siège, aussi farouche et inflexible que lui i2, son épouse Perséphonè [PROSERPINA]. Mais chez Homère, Hadès et Perséphonè ne sont pas seulement les souverains des enfers ; vengeurs de la morale offensée, ils ont aussi pour fonction de frapper de mort les malheureux ou coupables de parjure " sur qui pèse une imprécation. La conception homérique d'Hadès se maintint à peu près sans changement chez les poètes postérieurs. Toutefois c'est presque uniquement par des épithètes ou des allusions qu'elle s'y exprime". Hadès tient, en effet, fort peu de place dans les légendes mythologiques. De lui, comme de ses frères, la fable racontait qu'il avait, à sa naissance, été englouti par son père Cronos, puis délivré plus tard, comme eux, par Zeus'. Dans la lutte de Zeus contre les Titans nous le voyons, protégé par la coiffure magique qui le rend invisible ("Aïoç xuv€fi), combattre aux côtés de son frère S6. Lors du partage du monde, qui suit la victoire de Zeus, il reçoit l'empire infernal47, où il régnera désormais, étranger et indifférent à ce qui se passe dans le ciel et sur la terre i8. Selon la légende, il n'en sortit, en effet, que deux fois; la première, pour enlever sur terre Perséphonè, la seconde, quand, blessé d'un trait par Héraclès, ravisseur de Cerbère, il dut aller au ciel demander à Paeon sa guérison ". Mais le dieu infernal n'était pas toujours pour les hommes un objet d'épouvante et d'horreur. Les profon deurs du sol, où on plaçait son séjour, étant, en même temps, l'inépuisable réservoir des végétaux, on en vint à le considérer comme une divinité présidant à la production agricole20. Dès le temps d'Hésiode, cette assimilation est faite, car le poète des Travaux et Jours recommande au paysan béotien d' « implorer avant le labour Zeus Chthonien (c'est-à-dire Hadès) et la chaste Déméter, afin qu'ils rendent lourd le grain sacré de la déesse 21 » De même,dans une périphrase connue,Empédocle appelait la terre u Aidoneus nourricier » (pep.oitoç Ai«,veuç 22) Toutefois ce n'est guère qu'au v° siècle que cette con ception nouvelle paraît s'être popularisée. Le nom ou surnom qui la traduit, fI),odT«,v (ou, chez les poètes postérieurs, IIaouTeuç23), n'apparaît en tout cas, pour la première fois, que chez les tragiques athéniens 24. On a supposé", non sans vraisemblance, qu'il !provenait du culte d'Éleusis, dans lequel Hadès, comme époux de Perséphonè, était intimement associé aux deux grandes déesses de l'agriculture [cERES, ELEUSINIA]. Ce serait cette association usuelle qui aurait insensiblement transformé Hadès en un dieu agricole. Quoi qu'il en soit, c'est cette conception adoucie du dieu que traduisent plusieurs monuments où Pluton porte une corne d'abondance. La [figure 5715] le montre avec cet attribut, ayant une place d'honneur au banquet des dieux, à côté de son épouse Perséphatta26. L'horreur instinctive qu'inspirait le dieu des morts suffit à expliquer qu'il n'ait été que tout à fait exceptionnellement l'objet d'un culte. A la vérité, Eustathe exagère en affirmant qu'Hadès n'avait nulle part d'autels". Car, au témoignage de Pausanias, il existait à Pylos un temple élevé par les Éléens au dieu infernal, en reconnaissance du secours qu'il leur avait apporté contre Héraclès, envahisseur de leur pays. Mais le périégète ajoute lui-même que « de tous les peuples qu'il connaît les Éléens sont le PLU 517 seul qui honore Hadès' ». Au contraire, sous le nom de Pluton, et la plupart du temps conjointement avec Déméter et Coré, le dieu était vénéré en maints endroits de la Grèce Souvent le lieu de son culte étai tune de ces grottes, appelées H).ouzoSvt«, et qu'on regardait comme des entrées de l'Enfer [INFERI, III, p. 502]. Sur les rites usités dans le culte d'Hadès et de Pluton nous avons fort peu de renseignements. Dans l'Iliade', Althée invoque Hadès et Perséphonè « en frappant de ses mains la terre féconde ». Le même geste rituel est attesté par Pausanias' qui, dans les mystères de Déméter, à Phénéos en Arcadie, nous montre les prétres « battant d'une verge les dieux souterrains », c'est-à-dire, évidemment, la terre qui les recouvre'. Dans les sacrifices on offrait à Hadès des brebis et des béliers de couleur noire, le noir étant la couleur du deuil et des enfers 6. Le narcisse' lui était spécialement consacré ; parmi les arbres, le cyprès Les représentations du souverain des enfers sont fort rares dans l'art grec. Cette rareté s'explique, tout naturellement, et par le caractère mystérieux du dieu, et par le peu de popularité de son culte. Il a, comme de juste, sa place marquée dans un certain nombre de scènes mythologiques, telles que le rapt de Perséphonè [PROSERPINA ], la descente d'Héraclès aux enfers, le tableau du monde souterrain [INFERI, fig. 4051, 4052] 9. Mais, en dehors de ces sujets précis, l'identification d'Hadès reste souvent douteuse. La plus ancienne image du dieu nous serait offerte, dit-on, par une série de bas-reliefs funéraires, de style archaïque, découverts aux environs de Sparte 1', oit l'on voit assis sur le même trône un homme, qui tient un canthare et une grenade, et une femme enveloppée d'un voile qu'elle relève de la main". Cependant, d'après l'opinion la plus autorisée, ce couple ne serait pas Hadès et Perséphonè en personnes, mais un mort et une morte héroïsés [HEROS, p. 153], représentés dans l'attitude et le costume du couple infernal". Sur un vase, également archaïque, qui représente la descente d'Héraclès aux enfers, Hadès, qui de frayeur a quitté son trône et s'enfuit, nous apparaît barbu, vêtu d'une longue tunique blanche et d'un manteau, et porte dans la main gauche le sceptre royal surmonté d'un oiseau 13. Nous ne connaissons, à l'époque classique, aucune oeuvre de sculpture qui représente avec certitude Hadès. Cependant, c'est très probablement à cette date que s'est formé le type le plus connu du dieu. Deux faits, indirectement, témoignent en ce sens. A Coronée, en Béotie, était consacré un groupe d'Agoracritos, élève de Phidias, sur l'interprétation duquel Strabon et Pausanias ne sont pas d'accord : tandis que le premier l'identifie avec Athéna et Zeus, le second y reconnaît Athéna et Hadès4°. De cette divergence n'est-il pas permis, au moins, de conclure que les types de Zeus et d'Hadès étaient voisins et faciles à confondre ? A l'appui de cet indice vient encore une tradition, rapportée par ® PLU Clément d'Alexandrie''. Selon cet auteur, Bryaxis d'Athènes, contemporain de Scopas, est l'artiste grec. qui, le premier, en s'inspirant du type d'Hadès, avait fixé celui de Sérapis '''1. Or le type de Sérapis est, comme on sait, une évidente imitation du type de Zeus, dont il ne se distingue guère que par une expression de visage plus sombre. En résumé, ces deux indications nous autorisent à reconnaître Hadès dans un certain nombre de représentations où l'on voit un dieu, assis majestueusement sur un trône, dans une attitude qui rappelle celle de Zeus Olympien, mais avec une expression morose, qu'accentuent encore la barbe inculte et la chevelure tombant en désordre sur le front. Parmi les monuments de cette catégorie, il faut surtout citer une statue de la villa Borghèse 1", sur l'identification de laquelle la présence de Cerbère aux pieds du dieu ne laisse aucun doute (fig. 5716). Les mêmes traits caractéristiques se répètent aussi sur la tête de marbre de la collection Chigi 18, que Visconti autrefois tenait pour la seule image authentique d'Hadès 17, et sur le buste qui orne le monument des Aterii 2°. Ils ont passé également, avec certaines particularités locales, dans les représentations étrusques et romaines de ce dieu. Sur une peinture murale d'une tombe d'Orviéto on voit [ETRUSCi, fig. 2772], assis sur un trône à côté de Proserpine, Hadès barbu et coiffé d'une tête de loup (qui n'est sans doute qu'une variante de l"'Atloç xuvir,). Il porte dans la main droite une lance autour de laquelle s'enroule un serpent, et appuie sa main gauche sur l'épaule de son épouse 41. A partir de l'époque des Antonins, on trouve souvent aussi le groupe d'Hadès et de Perséphonè figuré sur les sarcophages 22. O. NAVARRE.