Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article POPLIFUGIA

POPLIFUGIA. Fête romaine, et sans doute aussi latine, célébrée en l'honneur de Junon et dont la signification reste assez obscure'. Nous en avons décrit l'épisode principal à l'article .iuxo il ne nous reste ici qu'à en marquer les rapports avec d'autres pratiques, afin de démêler la confusion qui en fait varier la date, dans les calendriers et chez les auteurs, du è au 8 juillet. Remarquons d'abord qu'elle porte aussi le nom de 11-ones Caprofines, lesquelles sont probablement distinctes de Poplifugia proprement dite, ce qui expliquerait que les Nones tombant le 7 juillet, la date donnée à Poplifugia par certains témoignages est le 3. D'autre part, le 7 juillet sont célébrées encore les premières Consualia d'été, les secondes étant fixées au 21. août : ces dates concordent avec le commencement et la fin de la moisson. Enfin les iïones Caprotines, confondues avec les Consualia, ont pour lendemain une fête nommée Vitulatio 3, sorte de cortège rustique dont les détails pour Rome nous sont inconnus, mais qu'un document originaire d'lguvium nous permet de conjecturer. Les habitants de cette ville, au cours de la moisson, chassaient devant eux une troupe de veaux, tels des ennemis, pour les capturer ensuite et les immoler, en signe de joie et de lustration. Nous avons signalé des pratiques semblables dans le culte de Héra en Grèce G. À la lumière de ces faits et de ceux que nous avons énumérés à l'article Jcno, on s'explique les diverses interprétations dont la fête de Poplifugia a été l'objet chez les anciens et l'on peut en entrevoir le sens véritable. Varron la considérait comme une fête des femmes en général dans tout le Latium'. A Rome elle était une fête spéciale des servantes 3, ce qui lui donnait son caractère de joie dissolue. Quant aux explications plus nobles qui en ont été données, commémoration de la dernière lustration de l'armée par Romulus, sur le Champ de Mars au lieu dit le Marais de la Chèvre, ou de la défaite des Fidénates venus pour assiéger Rome après l'invasion gauloise, elles sont d'invention assez récente et de subtilité tout archéologique°. En réalité Poplifugia, les Nones Caprotines, les Consualia de juillet et la Vitulatio forment, un groupe de fêtes reliées par une idée commune 70, à la faveur du culte de Juno Caprotina, déesse de la fécondité: fêtes de la moisson où la déesse même qui y préside, la chèvre immolée en sacrifice, l'arbre capri/icus, sous lequel les femmes se réunissaient, la sortie tumultueuse du peuple, la bataille à coups de branches de figuier et l'offrande à Junon de la sève de cet arbre signifient lustration de la terre nourricière et glorification de sa fertilité. Son caractère rustique, comme celui de toutes les fêtes analogues, LLPERCALIA, AMBAR vnLIA, etc., se modifia à travers les âges ; mais la pratique dura jusqu'au déclin du paganisme, parce qu'elle était une réjouissance populaire; les premiers apologistes chrétiens en croient devoir censurer la licence qui sétale encore sous leurs veux'. J.-A. HILO.