Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article PORTITOR

PORTORIUM, PORTES. Expressions qui se rattachent à la racine qui a donné les mots grecs TEpaao, e.paa, 7fdpoç,w1pr t.ot; 1 et signifiaient dans le langage technique un impôt payé pour le transport des marchandises à travers le territoire romain, au moment où elles passaient en différents points déterminés, Il correspond à trois sortes d'impôts ou de taxes connus chez les modernes : la douane, c'est-à-dire l'impôt perçu à la frontière d'une province ou d'un État et pour le compte de cet État l'octroi, c'est-à-dire l'impôt levé à l'entrée ou à la sortie d'une ville ou du territoire d'une ville pour le compte de cette ville, et le péage, c'est-à-dire la taxe frappée pour le passage à certains endroits, par exemple, sur un pont 2. Les Romains n'ont jamais eu de termes pour différencier ces diverses formes de taxes semblables; bien plus, avec les progrès successifs de la conquête et les variations des divisions administratives il est arrivé que des portoriums municipaux sont devenus ultérieurement porto POR 587 POR riums d'État, les Romains s'étant substitués aux communes pour la perception des droits, et que des stations établies primitivement à la limite de certaines provinces eL qui par suite offraient le caractère de douanes ont été transformées en stations de péages, ces provinces ayant été incorporées à l'État romain et la frontière ayantdisparu en principe '. La seule distinction qu'aient faite les Romains est la division des portoriums en terrestres et maritimes 2, suivant que le droit était perçu sur Ies frontières de terre de l'empire, d'une province ou d'une cité, ou bien dans un port de mer. On trouve comme synonyme employé quelquefois l'expression vectigal3 ; en grec, les mots ) .cvlxbv °, ,reawvrov T€ao, s, sans compter les termes propres à chaque province et dont il sera question plus loin. d'abord à Rome sous la forme d'un octroi prélevé sur les marchandises expédiées par le port d'Ostie ; il semble que le Sénat Fait aboli après l'expulsion des rois 7. Mais, à mesure que les possessions romaines s'étendaient, on avait soin de tirer parti pour le trésor des territoires conquis, soit en percevant au profit de Rome victorieuse les octrois déjà établis ailleurs, soit en établissant des droits de péage, maritimes ou terrestres, dans les pays soumis. Les textes que nous possédons pour la période républicaine sont peu nombreux et leur manque de précision rend à peu près impossible de décider de quel genre de portorium il s'agit dans chacun d'entre eux ; il suffira de les rappeler en peu de mots successivement. En 555-199 les censeurs P. Cornelius Scipio Africanus et P. Aelius Paetus afferment au profit du trésor romain le portorium de Capoue et de Pouzzoles e. lin 575-199, les deux censeurs M. Aefnilius Lepidus et M. Fulvius Nobilior créent de nouveaux portoriums ° et C. Gracchus suit leur exemple". En G9i-G0, les provinces, surtout la Sicile et l'Asie, fournissant de grandes ressources gràce auti douanes qui yexistaient, Q Caecilius Metellus fait passer une loi qui supprime le portorium en Italie". Mais à la suite de la dictature de César et devant les besoins du trésor, on revint en partie sur cette mesure et les marchandises étrangères importées dans la péninsule furent de nouveau taxées 12. Sous Néron, il fut question de supprimer tous les vectigalia ' '. Niais deo ant les objections qui lui furent présentées et considérant l'importance du portorium pour les finances de l'État, l'empereur renonça à son projet; il se contenta d'édicter des mesures destinées à combattrelesabusintroduitsparlespublicains.Pertinax, d'après Ilérodien'7, aurait fait remise de toutes les taxes imposées par ses prédécesseurs aux embouchures des fleuves, aux abords des villes et même sur les routes, et rétabli l'antique liberté. Il faut comprendre non pas qu'il abolit le portorium, puisque nous le trouvons existant encore dans la suite, mais que, comme l'ont pensé certains auteurs, il édicta la suppression de surtaxes imaginées par ses prédécesseurs 16 et notamment par Commode". La douane est citée dans plusieurs constitutions du code Théodosienf7 et du code Justinien, et il n'est pas douteux qu'elle ait subsisté, à travers l'époque des invasions, jusque sous le moyen ige ; mais aux derniers temps, à cause de la misère générale, elle avait pris une forme de plus en plus vexatoire; il est probable qu'à ce moment le taux en était du huitième de la valeur des objets taxés. Dès lors. en effet, on ne la trouve plus désignée que sous le terme deoctava. Il semble bien, malgré l'ingéniosité des conjectures proposées à cet égard par certains auteurs 9', que ce terme désigne non pas des espèces particulières de taxes douanières, mais la douane elle-même, celle qui auparavant portait, suivant les pays, le nom de vieesima, quadt'agesima, quinquagesima, précisément d'après le taux de l'impôt, calculé suivant la valeur des marchandises, qui y était exigé. Je me suis étendu longuement ailleurs sur cette question L3. Le changement dans l'élévation de l'impôt n'est pas antérieur au règne de l'empereur Théodose, sous lequel il est encore question de l'ancien quarantième20. Il. CIRCONSCRIPTIONS DOUANIÈIIES. Dès l'époque répu blicaine il existait dans l'étendue du monde romain un certain nombre de circonscriptions douanières, correspondant aux différentes provinces conquises, Sicile, Asie, Gaule, etc. Mais si nous saisissons le fait, nous ne pouvons pas analyser les détails, faute de textes suffisants. r1 l'époque impériale, au contraire, grace surtout aux inscriptions, les choses se précisent et il est possible d'arriver à des résultats quelque peu surs : on peut distinguer, en dehors de l'Italie, dix provinces douanières au moins, qu'il faut étudier successivement. 1° Sicile. -La première (lue les Romains aient organisée futla Sicile. Il y existaitdesdistricts de perception, ayant pour centres les principaux ports de lite, qui étaient au nombre de six: l.ilybée et Drépane sur la côte ouest, Panorme au nord, Messine et Syracuse à l'est, peut--être Pllintias au sud"; les autres ports avaient chacun leur poste douanier propre niais ils étaient rattachés à l'un des pr cédents 0. C'est peur cela que l'impôt portait dans la province le nom de tex J9llbli0a7 en mème temps que celui de ricesiola portoeii ou portteum 2'. Cette dernière appellation nous apprend que le taux de la taxe y était du vingtième, test-à-dire de f; p. 100. La Sicile resta sous l'Empire ce qu'elle avait été à l'époque républicaine, une circonscription douanière distincte ; nous y trouvons sous Domitien un pI'Qetagi.ctro potÉUutat pt'ovinciae Siciliae 2". ° Espagne.Toutes les provinces espagnoles paraissent avoir constitué un seul district douanier 27 peut-être le taux du portorium y était-i1 du cinquantième, p. 100'-8. :i° Gaule 20. Les différentes provinces gauloises, POR --58$ POIi Lyonnaise, Aquitaine, Narbonnaise, Alpes Cottiennes et Alpes Maritimes étaient réunies en une seule circonscription dans l'intérieur de laquelle l'impôt était désigné sous le nom de Quadragesilna Galliarutn. La ligne douanière longeait les Pyrénées au sud, suivait la côte jusqu'à la limite des Alpes Maritimes qu'elle enveloppait ainsi que les Alpes Cottiennes; à partir de Zurich elle se dirigeait vers l'ouest, entourant soit la Lyonnaise, soit la Belgique, et aboutissait à la côte de la mer du Nord. Le littorall septentrional était, lui aussi, gardé par une série de postes douaniers '. Nous connaissons les bureaux de perception suivants : Lugudunum Convenaruna «Saint-Bertrand de Comminges sur la frontière espagnole) ; Illiberis (id.) 3 ; Arelate (Arles) sur la frontière orientale : Pedo Piasco 5, Fines Cottii ou ad Quadragesimam 7 (Avigliana) ; ad Publicano.s 8 (Gilly sur l'Isère); Tarnaiae (ou Tarnadae, Saint-Maurice en Valais) ° ; Jlagia (Mayenfeld) '0 et Tulieuni (Zurich) 11 Comme lieux de péage établis dans l'intérieur du pays, nous trouvons mentionnés dans les inscriptions Cularo (Grenoble) 12, à la limite du territoire des Allobroges et de celui des Voconces, et peut-être Lugudunuln' (Lyon), qui était, en tout cas, le centre administratif de la Quadragesima Galliarum, de toute la province douanière, comme le prouve le nombre d'épitaphes d'employés subalternes qui y a été recueilli'''. C'est là que résidait le procuratoe XL Galliarum. A Langres existait pareillement une station de portorium 15 Mie, sans doute, à la limite de la Lyonnaise et de la Belgique. Le taux de l'impôt était, en Gaule, de 2 1/2 p. 100 de la valeur des objets (quadragesima), ainsi que l'indique le nom mème qu'il portait. Quant à la Germanie, il est impossible de savoir comment le portorium y était organisé et mémo s'il y existait. On verra plus bas que les objets destinés aux troupes était exempts de toute taxe douanière; il est possible que cette province toute militaire ait été, à cet égard, un territoire franc. M. Rostovtzew a émis l'idée que la perception y était peut-être assurée par les soins de l'armée "'. IV Bretagne. La Bretagne formait, il est impossible d'en douter, une circonscription douanière spéciale, mais Ies documents que l'on possède sont à peu près muets à cet égard ", b°dllyricum ". --On sait que les Romains désignaient ainsi une vaste région qui s'étendait depuis la source du Danube jusqu'à son embouchure, depuis la Germanie jusqu'à la mer Adriatiquet°, et qui comprenait les provinces suivantes : Dacie (du moins àpartir du He siècle) 2ll, Mésie Inférieure21, que l'on trouve désignée sous le nom de Ripa Thraciae dans une inscription Mésie Supérieure' , Pannonie Inférieure, Pannonie Supérieure11, Dalmatie 2p, Noricum 25, Rétie 27. La présence de la Dacie dans cet ensemble prouve que l'organisation définitive du portorium de ce côté ne remonte pas plus haut que le règne del' empereur1Iadrien.L'impôtétaitpereu, comme ailleurs, non seulement à la limite extérieure de la circonscription, mais aussi à la limite de chacune des provinces qui la composaient; autrement dit, on y rencontre également le portorium-douane et le portoriumpéage. Les stations connues actuellement sont les suivantes (Voy. la carte, fig. 57 î2) : Frontière de l'Italie : Atrans, sur la route d'Emone à Celeia 28 Larix (Saifnitz), entre Aquilée et Virunum 29 francium, sur la voie de Carnuntum à Aguntum 30 ; Sublavio, 31 entre Vipitenum et Tridentum ; Partschins, dans la vallée supérieure de l'Adige 32 Frontière du nord. La ligne douanière suivait de ce côté, sur la plus grande partie de son étendue, le cours du Danube. C'est ainsi qu'on rencontre des postes de portorium à 13oiodurum (Innstadt), ville qui était située à la fois à la frontière de l'Illyricum et de la Germanie et à celle de la Rétie et du Noricum 53 ; Aquincum 34 ; Intercisa (Dupa I'entele 3'); Sirmium ; i»Iarguin 37 ; Tsierna 38, près d'Alt-Orsova. Le fleuve formait aussi la limite douanière dans son cours inférieur, au temps où la Dacie ne faisait pas partie de l'Empire ; elle y fut ramenée dans la suite après l'abandon de la province. Mais au 11e et au lue siècle, il coupait le territoire romain, si bien que les postes de portorium antérieurement constitués sur son parcours et qui avaient subsisté à cette époque se trouvaient être non plus à la frontière des possessions impériales, mais à la limite de la Mésie et de la Dacie. Ce sont : Ratiaria 39, Almus Oescus 11, Dimus 42, Nikopoli43, Durostorum'`. Quant à la ligne douanière, à cette date, élle se détachait du Danube à Tsierna pour se diriger vers le nord à travers la Dacie occidentale; on constate la présence d'agents du portorium à ad tlledias°5, à Pons Augusti°6, à Suriniregethusa'a7, à Micia58 et à Ampelum "° (Zalatna). Frontière de l'est. Sur la mer Noire il existait sans doute des bureaux de perception à Typa 50 et à Tomis 51 Les stations douanières connues, établies à la limite de deux provinces voisines de la circonscription, sont: a. Entre la Mésie supérieure et la Thrace 62, Fanons magnum (Kumanovo) et Trn 53. b. Entre la Mésie supérieure et la Dalmatie, la statio Ulpiana 54 et la statio Viziana. POR .;89 P011 e. Entre le Noricutn et la Pannonie, Poetovio et Savarin d. Entre la Rétie et le Noricum, Boioduruin 3 et ad Pontent Eni (statio Enensis) Le poste mentionné par une inscription trouvée près d'Apian (r in villa Ischel » (statio Escensi.s), doit-il ètre placé à cet endroit?C'est ce dont on peut douter, car il est difficile d'admettre une station de portorium perdue ainsi au centre du Noricum 6 ; ce serait, en tout cas, un péage. Dans toute l'étendue de cette circonscription, l'impôt portait le nom depublicumportorii Illyrici't publicain portorii 7, vectigal Illyricutu et même, à cause du nombre des provinces réunies, octo publica Le taux du portorium dans l'Iilyricum n'est pas connu d'une (acon certaine ; il était peut-être du vingtième t0. 6° Asie. Les différentes provinces d'Asie Mineure n'étaient pas, comme d'autres, constituées en un seul tout. La distinction entre elles existait déjà sous la République, époque où Cicéron parle souvent de la douane d'Asie f f, c'est-à-dire de la province proconsulaire, tandis qu'ailleurs" il mentionne les socii Bith ynlire13. Elle persista sous l'Empire.Les auteurs comme les inscriptions 74 nous font connaître le taux de l'impôt dans cette province : il était du quarantième (21/2 p. 100), d'où le nom de Quadragesinia qu'il y portait. 7' Bithynie, Pont,Paphlagonie. La Bithynie, citée comme province douanière à l'époque républicaine 15, est réunie au Pont et à la Paphlagonie sur une inscription contemporaine de Gordien 16. Le taux de l'impôt y était, comme en Asie, de 2 1/2 p. 100. 8° Syrie.Nous savons fort peu de chose surladouane de Syrie. Deux textes seuls en font mention 17 ; ils nous enseignent que les droits étaient perçus non seulement sur la côte, mais aussi sur la frontière de l'Euphrate, principalement àZeugnia. Palmyre et son territoire formaient un districtà part; les revenus du portorium y étaient laissés à la ville, conformémentà un tarif dont il sera question plus bas. 9° Égypte. Les taxes levées en Egypte à l'époque des Ptolémées subsistèrent à l'époque romaine, comme tous les rouages administratifs qu'ils avaient créés. Il y avait d'abord des postes de douane au nord près d'Alexandrie, à Schedia. On avait fermé la bouche Canopique par une sorte d'écluse qui empêchait les vaisseaux d'entrer ou de sortir sans avoir acquitté les droits 18. I1 en était de même pour les autres embouchures du fleuve 1e. Au sud, le portorium était perçu à Syène, à l'entrée de la Thébaïde, s'il faut regarder comme des agents du portorium impé mentionnésparles inscriptions 20. Sur lamer Rouge, où se faisait un commerce important avec l'Arabie, le portorium était assurément exigé des commerçants 2t, mais POR 590 POR nous n'avons pas gardé de documents sur d'autre port que celui de Leukè C,omel' ; encore le droit réclamé dans ce port n'est-il pas regardé par tous les auteurs comme un portorium romain; si les uns le croient tel', certains 3 ont émis l'avis, bien moins acceptable, qu'il était levé par le roi des Nabatéens, pour l'exportation de la myrrhe, et encaissé par lui. En outre, les épistratégies étaient séparées par des bureaux de portorium ; nous le savons pertinemment pour 1Hermupolis, qui était à la limite de la Thébaïde et de l'Heptanomide'. Enfin on a relevé la trace de nombreux octrois ou péages locaux qui paraissent désignés sur les ostraca par le terme de r.EVT-rlxo2r Nous ne connaissons pas le taux du portorium en Égypte. Le droit levé à Leuké-Comé était, nous dit l'auteur du Périple de la mer Rouge, de 1/4 (TETQpTv/1). M. Hirschfeld propose de corriger ce nombre en rETTaoaxocz)r„ ce qui n'est point inadmissible 6. Il est donc possible que cette province ait eu sa quadragesima, comme plusieurs autres. 100 Afrique. La douane porte en Afrique le nom spécial de quatuor publica. Il semble établi' que ce nom lui a été donné parce que le pays était divisé en quatre circonscriptions financières, ayant pour chef-lieu respectivement Carthage, Hadrumète, Hippone et Leptis Magna 3, et qui donnèrent lieu plus tard aux quatre provinces dioclétiennes de: Afrique proconsulaire, Nu midie ancienne, Byzacène et Tripolitaine 3. Ces quatre circonscriptions formaient une seule province douanière dans laquelle toutes les taxes de portorium relevaient d'une même administration so On ne connait pas encore de poste de perception sur la frontière de l'Afrique, ce qui ne laisse pas d'être étonnant, étant donnée la quantité d'inscriptions qu'elle a fournies. On a recueilli pourtant à Carthage" et à Philippeville 12 den plombs avec marques ou inscriptions qui peuvent révéler la présence d'une station dans ces deux ports. Il est, d'ailleurs, presque impossible qu'il en ait été autrement 1'. On ignore pareillement le taux de perception du portorium en Afrique. Au v` siècle, on réclamait le vingtième, comme en Sicile, à Philippeville et à Colle 14 Cette organisation laissait en dehors la Numidie proprement dite et la Maurétanie, c'est-à-dire la partie militaire de l'Afrique. Nous n'avons gardé que deux souvenirs du portorimu dans ces provinces, le tarif (lex portus) découvert à Lrn'ai, sur la frontière de la Numidie et de la Maurétanie '°, et la mention par les Itinéraires '6 d'une station ad Po/dam sur la route de Sigus à Sétif, qui était peut-être aussi établie à la limite des mêmes provi nces, au nord de la précédente t7. Ils Italie. Quant à l'Italie, c'est à son sujet que nous possédons le moins de renseignements. Depuis César les seules marchandises de luxe y étaient frappées '8 ; et encore ne l'étaient-elles peut-être que dans certains ports, comme Pouzzoles 19, entrepôt de l'Égypte et de l'Orient, Brindisi 20, Tergeste n et Aquilée 22. Il est possible que le taux de l'impôt y ait été du quarantième ; mais tout cela est très incertain 23. plupart des impôts romains, le portorium était dans l'origine affermé à des financiers qui prenaient à leur charge le recouvrement de l'impôt [coNDUCTOR( pour un lustrum : les censeurs déterminaient dans un cahier des charges (lex censoria) le tarif des droits à percevoir et les conditions imposées aux fermiers [cENson] ; puis il y avait adjudication publique après enchères 24. On pouvait, du reste, louer les douanes soit seules, soit unies à d'autres vectigalia, par exemple la scriptura 2s. Pour suffire à des opérations aussi importantes, il s'était formé des sociétés de capitalistes, composées généralement de chevaliers, ce sont les conductores portorii 26. Les uns étaient de simples bailleurs de fonds ; d'autres jouaient le rôle d'administrateurs, le manceps qui traitait avec les censeurs 27, le magister societatis 28, le promagistro. qui représentait la société dans les provinces 29 et avait à sa disposition un nombreux personnel, tabellarii 30, douaniers, percepteurs des taxes et employés aux écritures 31 (portitores}32 Ce régime persista au début de l'époque impériale 33 les inscriptions signalent des socii portorii et leurs employés dans toutes les provinces douanières, Sicile ", Asie", Afrique 36, Gaule 37, Espagne 3e, Illyricumcomme par le passé. Mais les revenus du portorium tombant dans le fisc, même dans les provinces sénatoriales "0, il était nécessaire qu'une surveillance sévère fit établie pour sauvegarder les intérêts du trésor comme pour défendre ceux des commerçants. De là la création d'un contrôle local exercé, certainement depuis l'époque de Vespasien 41, par des affranchis et des esclaves impériaux résidant dans les différents bureaux de perception, à côté des employés du fermier. Ainsi, dans la station de Fines Cottii, on trouve un esclave des socii employé comme contrôleur 03, tandis que des esclaves et des affranchis impériaux exercent la fonction de vilicu.s et de tabularius ". De même, à côté des fermiers de l'impôt à Carthage", on rencontre la mention de représentants de POR 591 POR l'empereur L'un d'eux porte le titre de procurator ]III publicorum Africae 2. Bientôt on eut recours à un autre procédé. L'impôt ne fut plus affermé à une société de capitalistes comme précédemment, mais à un seul personnage, parfois à deux ou trois associés, qui étaient en même temps des fonctionnaires impériaux, qui avaient à rendre compte de leur gestion au prince et qui touchaient comme bénéfice tant pour cent sur les sommes qu'ils faisaient entrer au trésor. Cette évolution ne se produisit pas partout, semblet-il, à la même époque. En Sicile, plusieurs inscriptions d'Ephèse nous ont gardé le nom d'un C. Vibius Salutaris, du temps de Trajan 3, qui porte le titre de promagistro porluum provinciae Siciliae (àpywr,ç )gzivaro); mais le reste de sa carrière, mentionnée sur les textes, prouve que c'était un procurateur impérial ; il avait en Sicile une situation intermédiaire entre un des anciens fermiers du portorium et un agent de perception directe 4. En Afrique, un contemporain de Marc-Aurèle, Q. Saenius Pompeianus, était conductor 1111 publicorum A frieue ' ; néanmoins ses comptes étaient soumis à l'inspection de l'empereur dont il dépendait de quelque façon. En Gaule, la réforme apparaît un peu plus tardivement. A la fin du n° siècle, ou plutôt sous le règne de Commode, il y avait encore des manceps, il est vrai, avec un procurateur auprès d'eux chargé de les surveiller 7. Pour l'Illgricum, nous possédons de très nombreux documents, desquels il ressort que cette organisation remonte, dans cette province, à l'époque d'Hadrien 6. En 146-157, le portorium était affermé par deux personnages, T. Julius Saturninus et T. Antonins Rufus 9, qui étaient associés. Saturninus est nommé tout seul dans un certain nombre d'inscriptions i0, Rufus pareillement. Or dans les unes il porte le titre de conductor" dans les autres celui de procurator 12, cumul qui parait caractéristique. A cette époque, les fermiers organisés en grandes compagnies avaient donc fait place à des individualités relevant en même temps de l'empereur. Telle fut aussi la situation d'un nommé Julius Proclus qui avait loué le portorium à une époque antérieure à la séparation de la Dacie en trois provinces 13, d'un M. Autonies Fabianus dont on ignore la dateet de trois contemporains de Marc-Aurèle et de L. Verus, Julius Capito , Julius Januarius et Julius Epaphroditus 13. Ceux-ci furent, sans doute, les derniers fermiers de l'Illyricum. Même constatation pour la province d'Asie ; une inscription du temps de Marc-Aurèle nous signale un ancien esclave de Matidie, affranchi de l'empereur, Ce système de recouvrement assez singulier pour un fermier-agent impérial ne pouvait être qu'une étape vers la perception directe de l'impôt; c'est ce qui arriva à l'époque de l'empereur Commode, pour 1'Illyricum ". Depuis lors, on rencontre très souvent des procurateurs ou des préposés dans les différents bureaux douaniers de la circonscription 16. En Gaule et en Afrique, on ne peut pas affirmer que le changement se soit fait aussi rapidement. La mention la plus récente d'un procurateur est du temps de Sévères Alexandre '9 pour la Gaule, du temps de Septime-Sévère pour l'Afrique 20. Au me siècle, les exemples de ces procurateurs et de leurs employés se multiplient21. Fermiers et procurateurs n'avaient pas toujours dans leurs attributions l'ensemble d'une circonscription douanière, mais seulement une ou plusieurs des provinces qui la composaient ; ainsi nous connaissons un procurateur d'Illyricum qui ne fonctionnait que dans la Mésie Inférieure et la Dacie 22, tandis que le conductor Q. Sabinius Veranus avait autorité sur trois d'entre elles03. La durée du bail, à l'époque impériale, n'était plus, comme auparavant, d'un lustre ; sa longueur indéterminéeétaitlaissée au bon plaisir du prince. Ainsi, en 147 T. Julius Saturninus avait affermé la douane de l'Illyricum depuis dix ans 24. Chaque année le fermier, ainsi qu'il a été dit plus haut, avait à rendre ses comptes aux bureaux de l'empereur, ne fût-ce que pour prouver la légitimité des retenues qu'il prélevait pour rémunération de ses services''. Il existait en effet, au début du moins, un bureau central à Rome pour le portorium de Gaule et d'Afrique, ayant à sa tête un procurateur spécial" ; ultérieurement. la création d'agents directs de l'empereur chargés de la surveillance locale des douanes rendit son existence superflue. Le contrôle se faisait dans les provinces, sauf vérification, en dernier ressort, par le service a rationibus installé à Rome27. Les fermiers, comme plus tard les procurateurs, avaient sous leurs ordres, pour percevoir les taxes, un certain nombre d'employés, esclaves, affranchis qui portaientle nom générique de publicani, iequeldésignaitplus exactement les fermiers eux-mêmes, ceux qui publica vectigalia llabentconducta n. Lesagents inférieurs operas dabant publicanis n. On trouve parmi les employés des vil ici , qui paraissent être les préposés delastation douanière 10; ils avaient pour les aider des esclaves à eux, des vicarii 31, des contrascriptores ou contrôleurs 32, des arcarïi ou caissiers 33, des scrutatores, chargés de visiter les bagages etles colis3'",destebularii,employésauxécrituresti(affranchis On trouve aussi quelques affranchis impériaux, au début du m° siècle, avec le titre de praepositus ou praefeclus stationis On connaît mal le mode de perception du portorium postérieurement à Dioclétien et à Constantin. Il semble POR -592POR certain que l'on revint au système du fermage, tel qu'il était appliqué autrefois 1 ; il y avait adjudication en présence du préfet du prétoire 2; la durée du bail fut réduite à un minimum de trois ans par une constitution de 3213. EXEMPTIONS. En règle générale, tous les objets destinés au commerce étaient soumis au portorium ; c'était la règle sous la République 4, ce fut aussi la règle pendant toute la durée de l'Empire 6. Par contre, les objets réservés à l'usage des particuliers étaient exempts de droits 6. Pouvaient également passer en franchise : a. Les instrumenta itineris, c'est-à-dire les moyens de transport, bêtes de somme, chariots, attelages ' ; b. Les instruments destinés à l'agriculture, du moins à l'époque de Constantin 6 ; c. Les objets appartenant au fisc " ; d. Ceux qui étaient destinés aux troupes 10. Ces principes généraux étant posés et les différents objets taxés ad valorem, il n'y avait pas lieu de dresser un tarif général contenant la liste des objets que l'on pouvait exporter ou importer Si parfois on établit des catalogues de cette sorte, ce ne put être que parce qu'ils offraient un intérêt particulier pour spécifier un adoucissement ou un enchérissement par rapport au tarif général. Nous en possédons quelques-uns, en effet, soit dans les Codes, soit par l'épigraphie. Le Digeste a emprunté à un ouvrage de Marcien sur les dénonciations faites au fisc (de delatoribus) l'énumération d'une série d'objets d'importation orientale : parfums ou substances employées en médecine, épices destinées à la consommation, matières textiles, tissus, fourrures, métaux et pierres précieuses, teintures, eunuques et bêtes féroces ". On suppose que ce fragment devait appartenir à quelque rescrit impérial réglant les droits des délateurs sur les objets saisis à la suite d'une dénonciation faite par eux 1'. I;n second tarif est celui qui a été trouvé à Zm'ai (Zraia), sur la limite de la Numidie et de la Maurétanie11, Il fut gravé en 202, à la suite du départ de la cohorte qui était campée en cet endroit. La perception civile avant remplacé la perception militaire, il était utile, pour éviter les discussions, d'afficher le montant des taxes exigées par le fisc 14, d'autant que le taux en était extrêmement modéré, et qu'il n'était certainement pas établi ad valorem'. Un troisième document de même sorte a été fourni par un papyrus; on y lit la liste d'un certain nombre de denrées, surtout des parfums, avec la taxe qui est exigée à leur sujet 16 Mais il est difficile d'affirmer qu'il s'agisse dans ce document d'un droit de douane plutôt que d'un droit d'octroi. De même qu'en principe toutes les marchandises étaient sujettes à l'impôt, de même tous les hommes devaient y être soumis 2 ; c'est le propre des impôts indirects de frapper ainsi sans exception tous ceux qui se mettent dans le cas de les acquitter. Les exceptions étaient excessivement rares et motivées par la raison d'État. On trouve, parmi les personnes exemptées : a. L'empereur et sa famille"; b, Les ambassadeurs des nations étrangères pour les objets qu'ils exportaient du territoire romain 19, àl'exception de ceux que la sécurité de l'empire défendait de faire sortir (vin, huile, fer, etc.); c. Les magistrats pour les animaux destinés aux jeux du cirque 20 d. Les officiers attachés àla personne de l'empereur ; e. Les soldats, nisi in eis quae veno exercerent23, ceci jusqu'au règne de Valentinien et Valens " f. Les vétérans depuis Constantin i4 ; le privilège fut étendu à leurs fils en 366 21 ; q. Les navicularii'--6. Enfin certains particuliers avaient été déclarés par les empereurs exempts du portorium, soit eu égard à leurs mérites propres, soit à cause de la cité dont ils faisaient partie : tels le philosophe Polémon qui était autorisé par Trajan à ne jamais payer le porlorium ni sur terre ni sur mer, faveur qu'Hadrien accorda à ses descendants 27, ou les habitants de la ville de Typa, sur la rive droite du Dniester. Pour assurer la stricte exécution de ces différentes mesures et pour combattre la fraude, qui a toujours existé en matière de douane et d'octroi, les percepteurs avaient été armés par la loi. On était, naturellement, tenu de leur déclarer les différents objets que l'on portait avec soi ou que l'on transportait, non seulement ceux qui devaient payer, mais aussi ceux qui, étant destinés à l'usage personnel, ne tombaient pas sous le coup de l'impôt (Nive venalia, sine ursualia)29. Par contre, les agents n'étaient pas obligés d'ajouter foi aux déclarations; ils avaient le droit de fouiller les marchands et les ballots pour s'assurer de la vérité de leur dire 30. Ce droit était même nettement indiqué dans les règlements de portorium 31, et l'on a vu plus haut que certains des employés de la douane portaient le nom caractéristique de scrulator. Si la déclaration était reconnue exacte, les agents écrivaient sur leurs livres la nature et le nombre des objets avec la somme perçue 32 et devaient donner reçu aux voyageurs". S'il y avait eu fraude ou fausse déclaration, l'objet était confisqué au profit des fermiers d'abord, du fisc ensuite (in coin m issu nu cadere) 34, puis vendu aux enchères32, à moins qu'il ne frit intervenu une transaction qui permît au propriétaire de rentrer en possession de son bien 36. En cas d'erreur non frauduleuse dans la déclaration, la loi édictait non plus POR 593 POR confiscation, mais amende s'élevant au double des droits ordinaires'. A cette série de mesures destinées à protéger les publicains correspondait une autre série destinée à protéger les commerçants. Le règlement de la douane devait être affiché dans chaque bureau 2, afin qu'on connût bien le taux suivant lequel elle était perçue et les particularités admisespour chaque station particulière ; quiconque avait à se plaindre d'un agent du portorium pouvait demander justice; elle lui était rendue extra ordinem par le préteur à Rome, dans les provinces par les gouverneurs 3. Condamné, le publicain devait rendre le double de ce qu'il avait exigé à moins qu'il n'y eût eu violence, auquel cas il était passible du triple °. V. PÉAGES. Qu'il ait existé dans toute l'étendue de l'empire romain des péages, c'est ce qui ressort de tout ce que nous avons dit précédemment et aussi de certains témoignages tout à fait précis 6. Ils étaient désignés sous le nom de portorium, et loués en même temps que les autres droits de douane. La véritable distinction' qui existait entre les uns et les autres, c'est que les péages étaient exigibles non seulement sur les marchandises destinées au commerce, mais sur les personnes et sur les moyens de transport 7 ; on allait jusqu'à le percevoir sur les cadavres qu'on transportait d'un lieu dans un autre 8. On conçoit combien ces péages multipliés, s'unissant aux droits de douane, devaient augmenter le prix des denrées dans l'Empire. Pline nous dit que les produits de l'Inde, pour cette cause, en grande partie, se vendaient au centuple de leur valeur'. VI. OCTROIS. On constate l'existence d'octrois, c'est-à-dire de portoriums perçus au profit d'une ville, à Home et en province. 1° Rorne A Home il. n'y eut pas d'octroi pendant longtemps, la caisse de la ville étant celle de l'État, l'aerarium. Mais après la conquête du monde, les intérêts particuliers de la capitale commencèrent à se distinguer des intérêts généraux de la république et on établit dès lors une caisse particulière municipale [ARCA]. Parmi les ressources que l'on créa pour la remplir il faut compter les octrois, taxe perçue à l'entrée des marchandises dans l'enceinte ou droit de marché. Suétone raconte que Caligula établit un impôt sur tous les comestibles qui se vendaient à Rome 10 et Pline nous fait connaître qu'il existait un portorium sur les légumes ". Celui-ci souleva une telle indignation, nous dit le même auteur, que devant les réclamations incessantes des Romains, on fut obligé de le supprimer. Claude serait l'auteur de la mesure, s'il faut expliquer, avec M. Kubitstchek10, les sigles P•N-R d'une monnaie de Claude " a par p(ortorium) n(undinarium) r(emissum). VII. C'est pourtant encore un octroi que nous trouvons existant au temps de Marc-Aurèle, sous le nom de vectigal foricularii et ansarii promerealium [AxsAx1Cil. Les inscriptions, toutes rédigées de même, qui nous le signalent, permettent de croire qu'il avait été édicté bien antérieurement ". On notera qu'elles ont été trouvées en face des anciennes portes de la ville, ainsi qu'une cinquième, recueillie au pied de l'Aventin, et dont le texte prouve qu'elle se rapporte au même impôt". D'après le témoignage mémo de ces inscriptions, l'octroi romain était loué à des fermiers (nuincipes) ". `3° Provinces. Bien des villes dans l'étendue des possessions romaines percevaient à l'entrée et même à la sortie de leur territoire des taxes d'octroi. Tantôt celles-ci avaient été établies avant la conquête et maintenues ensuite par autorisation de l'État, tantôt elles étaient une récompense accordée par lui en retour de services rendus. Ainsi à Ambracie, qui avait eu à souffrir des violences de M. Fulvius, les habitants reçurent en 189 le droit de lever un portorium sur terre et sur mer 12, la taxe n'étant perçue ni sur les Romains ni sur leurs alliés latins; en 7-2, pendant la guerre de Mithridate. les Romains concédèrent aux gens de Termessus Major en Pisidie, la jouissance de leurs portoria terrestria maritumeaque'°, toujours avec exemption pour Rome. Même privilège, cette fois sans restriction, en 1.71) av. J.•C. pour la ville de Thisbé, en Béotie10, et sous Sylla pour la ville d'Oropos, en Attique" ; même privilège pour Rhodes 2t, Marseille 2', etc. Plus d'une ville, à l'époque impériale, possédait encore ou avait acquis le droit de percevoir ses octrois"; nous en avons deux exemples particulièrement intéressants. Le premier regarde l'Égypte. Les ostraca signalent un impôt appelé 7rEVTr1XOVril E;x•rea 1ç à Syène24 et à Iler monthis22. M. Wilcken admet que c'est là un droit payé pour l'exportation à la sortie du territoire de ces deux villes". De même la 7cEVTrteoari Eiaaywy'ilç de Thèbes et d'Arsinoé"-" serait un droit d'entrée sur le territoire. Ce principe d'une double taxe prélevée à l'entrée aussi bien qu'à la sortie était appliqué constamment ailleurs, ainsi qu'il résulte du second document auquel nous avons fait allusion plus haut, le tarif de Palmyre2B. Ce texte est un décret rendu par le conseil municipal du lieu en 137, pour réglementer la perception de l'octroi et accorder la loi écrite avec la coutume, pour mettre fin ainsi aux réclamations perpétuelles des marchands, si nombreux dans cette grande place de caravanes. On peut y noter des particularités dignes de remarque. Ainsi la taxe d'entrée n'est pas toujours la même quo la taxe de sortie, pour le même objet"; les instrumenta itineris n'étaient pas dispensés de toute rede 75 594 __ POP varice 1 (les chameaux chargés ou à vide étaient assujettis à un droit d'un denier'); les objets destinés à ]'usage des particuliers ne payaient rien 3, excepté ceux que les marchands portaient pour se nourrir eux et leurs bêtes pendant la route `; les caravanes qui avaient fait une fausse déclaration ou dissimulé la nature de leurs marchandises devaient donner des gages aux publicains, qui étaient autorisés à vendre lesdits gages à l'encan, si les contrevenants n'avaient pas payé l'amende encourue en temps voulu, (die. li est probable que d'autres places de commerce de la même région "", comme Bostra et Petra °, jouissaient du même privilège que Palmyre Les octrois étaient affermés à des particuliers ou à. des compagnies financières'. R. CACNAT. PORTUXUS, PORTUAALIA. Des fêtes étaient célébrées à Rome et à Ostie en l'honneur du dieu Portunus ou Portumnus lequel dans la vieille religion romaine était identique auPater Tiberinns2, mais envisagé comme un génie qui ramène au port et qui en sauvegarde les ressources accumulées. A Rome, le culte de Portunus était localisé dans la partie du fleuve qui allait de l'emporium au pont Émilien; c'est à proximité du pont que s'élevait l'unique temple du dieu et file du Tibre était considérée comme sa retraite sacrée Là on célébrait sa fête, appelée encore Tiberinalia, le 17 août'' C'est sans doute à ce dieu que se rapporte une image de dieu marin qui se voit sur un des bas-reliefs de l'arc de Trajan à Bénévent (fig. 5773). Placé à côté d'Hercule et de Bacchus, au fond et au-dessus de la scène repré ' sentée, il en fixe la localité qui est bien le Portas Tiberinus, à Fig. 3773. Portunus. proximité du Forum Boarium". Alors que le Tibre lui-même était barbu, Portunus a les traits d'un jeune homme imberbe et porte comme attribut une clef de forme ancienne, ce qui concorde avec les témoignages de hestus et de Varron e. il est figuré de même entre deux autres dieu;., les trois statues placées au haut d'un arc de POR triomphe, sur un bas-relief de la colonne Tra,jane 1. Quant aux Portunalia d'Ostie, ils nous sont connus par le même Aarion, qui parle d'un temple élevé sur le port à l'embouchure du fleuve et de la fête à l'adresse de la divinité du porte. Lorsque la littérature confondit Portunus avec le Mélicertès des Grecs ', la signification des Portunalia s'élargit; il est probable que dès le déclin de la République, Portunus ne fut plus que le dieu des ports en général et qu'on dut célébrer sa fête ailleurs encore qu'à Rome et à Ostie ; du moins ou peut le conjecturer par divers indices L9. Les ports eux-mêmes étaient parfois individuellement divinisés, tant en Grèce qu'en Italie, sous des vocables divers1l, ce qui parait avoir limi té la divinité de Portunus à Rome et à Ostie. J.-A. Hum. l'OBTUS, Principes de la construction des ports. Les Grecs appelaient 1,.o:' et les Romains statio tout point des côtes où les navires pouvaient jeter l'ancre pendant la belle saison et s'arrêter quelque temps. Un port, ),tµrv, portas, répondait à d'autres besoins qu'un simple mouillage. Pour bien remplir son rôle, il fallait qu'il réunît un certain nombre de conditions favorables'. Tout d'abord il devait offrir un abri sûr contre les vents et les vagues; les vaisseaux de commerce et de guerre y faisaient de longs séjours dans l'intervalle de leurs navigations; ils passaient tout l'hiver au repos; il était nécessaire qu'ils n'eussent pas à ressentir le contre-coup des tempêtes. On prenait garde, en outre, à ce que le port fût bien exposé par rapport aux vents du large, pour que l'entrée et la sortie s'effectuassent aisément et sans péril ; au besoin, plusieurs ouvertures diversement orientées permettaient d'entrer et de sortir par tous les temps. Les anciens n'avaient pas les mêmes raisons que les modernes de rechercher les rades profondes; grime au médiocre tirant d'eau de leurs navires [vavis,J, ils se contentaient de fonds moyens, qui seraient aujourd'hui insuffisants ; ils évitaient cependant, autant que possible, les trop faibles profondeurs, qui empècliaient les vaisseaux d'approcher du rivage et obligeaient à élever des quais pour l'embarquement et le débarquement des marchandises. Plus encore qu'au tirant d'eau, ils faisaient attention à la nature des fonds ; ils redoutaient les rochers, d'où l'on avait peine à arracher les POR rie; P0R ancres, et appréciaient surtout les plages de sable'. La question de la commodité des approvisionnements d'eau douce les préoccupait justement ; les ports étaient toujours situés auprès d'une ou de plusieurs sources potables 2. De même le voisinage des forêts, où l'on allait chercher des bois de construction pour réparer les navires, influait sur le choix des emplacements 3. 11 n'était pas indifférent enfin que l'arrière-pays fût riche en denrées comestibles et en produits d'exportation. Les meilleurs ports étaient ceux qui se trouvaient pourvus à la fois de tout ce qu'exigeaient les besoins de la marine et les intérêts du commerce. Il s'en fallait que l'on rencontrât partout des localités conformes, trait pour trait, à ce type idéal. Des travaux d'art devaient fréquemment suppléer aux insuffisances de la disposition du terrain ou corriger ses inconvénients. On distinguait les ports naturels (ay-oci,uEïç) et ceux faits de main d'homme (ystpo7toir,zoi)4. Vitruve nous dit ce que l'on entendait dans l'antiquité par un portas nataraliter bene positus : c'était une anse fermée par deux promontoires qui s'avançaient l'un vers l'autre en se recourbant ; ii n'y avait, pour l'utiliser, qu'à bâtir sur son pourtour des portiques, des chantiers, des magasins, et aux extrémités deux tours d'où l'on tendait des chaînes en travers de l'entrée à l'aide de machines Un port artificiel ou cothon était un mouillage (statio) transformé en portas véritable par le travail des ingénieurs ; à la place de ces promontoires recourbés dont parlait Vitruve dans le premier cas, on jetait en pleine mer des môles de pierre, derrière lesquels s'abritaient les navires. Les ports entièrement creusés sur le rivage, AiU. VE; ~ourio.7 étaient rares. D'autre part, le régime particulier de la Méditerranée obligeait à s'écarter des fleuves; la Méditerranée n'a pas de marées; les rivières qu'elle reçoit charrient des déblais qui ne sont pas balayés à leur arrivée dans la mer par l'action alternative du flux et du reflux; leurs embouchures s'ensablent et sont impropres à la navigation. Pour construire en pleine mer, les anciens se servaient quelquefois d'enrochements naturels par-dessus lesquels ils édifiaient les digues (yo,goTa 8, ~rÂa( s, aggeres) ; le plus souvent, surtout à l'époque romaine, ils établissaient leurs jetées sur des fondations en maçonnerie (structurae). Celles-ci pouvaient être faites, selon les cas, suivant plusieurs procédés que Vitruve décrit en détail. Quand on avait à sa disposition de la pouzzolane, on fabriquait des bétons qui durcissaient sous l'eau. Deux parties de pouzzolane et une partie de chaux formaient un mortier dans lequel on noyait des pierres de tuf de très petites dimensions. Le béton était versé dans la nier à l'intérieur d'enceintes de madriers juxtaposées (arcae), dont on avait nettoyé et égalisé te fond. Si la violence des courants et des vagues empêchait de bien exécuter l'opération, il fallait façonner à sec les blocs de béton et les immerger ensuite ; on bàtissait sur le rivage ou sur la partie du môle déjà faite un massif de maçonnerie (pulvinus) qui descendait en pente douce vers la mer, mais dont la partie inclinée était recouverte jusqu'au niveau de la partie plane par un lit de sable que maintenaient des petits murs légers en avant, à droite età gauche; on édifiait sur le sable un bloc de béton qu'on laissait sécher pendant deux mois, puis les petits murs étaient abattus, le sable s'écoulait et le bloc tombait dans l'eau. A défaut de pouzzolane, on avait recours à une troisième méthode, qui consistait à procéder à la fondation par épuisement entre des batardeaux ; deux enceintes concentriques de madriers, reliées entre elles par des ais, étaient enfoncées profondément dans la mer, mais de telle sorte que leur partie supérieure émergeât ; des corbeilles de terre argileuse bien battue remplissaient l'intervalle qui les séparait l'une de l'autre et faisaient obstacle aux infiltrations; de puissantes machines (cochleae, rotae, tynlpana) retiraient du caisson 'toute l'eau qu'il contenait ; on ne commençait à bâtir qu'après avoir atteint, en creusant, un sol ferme et incompressible. Lorsque le sol, malgré tout, restait mou et sans consistance, on l'affermissait à l'aide de pilotis d'aune, d'olivier ou de chêne, durcis au feu; entre les pilotis on disposait des couches de charbon pilonné, qui s'opposaient aux glissements et consolidaient l'ensemble. Les vestiges subsistants d'un certain nombre de ports antiques d'Italie nous attestent, malgré le silence de Vitruve sur ce point, que les Romains construisaient presque toujours des jetées discontinues, composées de piliers espacés supportant des arches "; la nécessité de lutter contre l'ensablement, si dangereux sur les côtes de l'Adriatique et de la mer Tyrrhénienne, les y obligeait; les vagues pénétraient dans les bassins intérieurs et entraînaient les sables. Pour empêcher cependant les agitations du dehors de se propager dans les eaux des ports, on ne perçait les jetées que d'ouvertures étroites, très écartées les unes des autres, ou on les opposait obliquement au vent dominant, ou encore on élevait deux jetées parallèles, les arches de la première faisant face aux piles de la seconde, et réciproquement" Différentes constructions complétaient l'aménagement des ports". Des deux côtés de l'étroite entrée (xAEïlioa 13, 176u.91.'7X ", ostia'°) que laissaient libre les promontoires naturels ou les môles artificiels qui les remplaçaient, en forme de bras, bracchia16, se dressaient des tours : elles indiquaient le chemin aux navires et pendant la nuit des chaînes les reliaient, fermant le passage". On trouvera à l'article PnARLS tout ce qui concerne les phares. A l'intérieur des bassins, quand on ne se contentait pas de tirer les vaisseaux à sec sur le sable du rivage, on amarrait à des quais, crepidines18 [cREPIDO], au moye. de cordages qu'on attachait à des pierres percées de trous POR 596 POR (3zx-u).;o;, ansae). Les ports de guerre différaient nécessairement des simples ports de commerce. Ils comprenaient toujours d'importants chantiers, vEGlctxx, vEwcmxu,, NAVALIA, oit l'on fabriquait et réparait les navires et où ceux-ci venaient se remiser entre deux campagnes, ainsi que des arsenaux, exEuce ttxt, ARMAMENTARIA, où l'on déposait 1es agrès [AIIMAMENTA] des navires désarmés et les pièces de rechange. Les ports de commerce étaient désignés sous un nom particulier, Éu74rip3x, emporia 2 [MERCATURA, NEGOTIATOR]. Ils étaient ornés d'édifices nombreux (boutiques, marchés, basiliques, etc.), qui se groupaient autour de 1'âyoox a [AGORA] OU FORUM`. 11 convient de mentionner spécialement les magasins, x,r0cTxcEt, 3 E,«tp€cul; G, receptacula, où étaient déposées les marchandises d'exportation avant leur embarquement et les marchandises importées en attendant leur mise en vente les portiques, 0r oz: [PORTICUS] sous lesquels les négociants [MEBCATORES] effectuaientleurs transactions à l'abri du soleil et de la pluie, les SE(yµaTa ou ôetàT'ab °, où les vendeurs soumettaient aux acheteurs des échantillons de leurs produits. Chez les Grecs, dans un même port la partie des bassins accessible aux vaisseaux de commerce et celle réservée aux vaisseaux de guerre étaient très nettement séparées ; on a retrouvé au Pirée des bornes qui marquaient la limite de l'une et de l'autre 00 ; très souvent une ville possédait au moins deux ports distincts, dont le premier servait exclusivement à la marine de guerre et le second au commerce 11. Les ports phéniciens et grecs. Ce sont les Phéniciens qui apprirent aux Grecs l'art de construire et d'aménager les ports. Ceux qu'ils avaient fondés dans leur pays d'origine, en Syrie, témoignaient du savoir et de l'intelligence de leurs ingénieurs '2. Sidon était située à l'extrémité d'une langue de terre très basse, que longeaient à quelque distance des bancs de récifs ; des jetées, dont la base s'appuyait sur ces enrochements naturels, délimitaient les bassins de deux ports, l'un au nord, l'autre au sud. Tyr, bâtie dans une île, possédait aussi deux ports, au nord et au sud, que faisait communiquer un canal intérieur. De même à Aradus, à Tripolis, à Berytus, on avait créé artificiellement de bons ports, en utilisant pour le mieux la configuration de la côte et les bancs rocheux du large. Les comptoirs commerciaux établis par les Phéniciens sur tout le pourtour de la Méditerranée" se trouvaient toujours au bord de lamer, et de préférence dans des îles, dans des presqu'iles ou sur des promontoires élevés ; des ports, faits sur le modèle de ceux des métropoles syriennes et d'après les mêmes principes, les desservaient. Il suffira de rappeler, à titre d'exemple, le nom de Carthage, la principale colonie phénicienne, devenue à son tour, après la chute de Sidon et de Tyr, la capitale d'un Empire". Appien décrit l'état des ports de Carthage punique en 146 av. J,-C., lors de la prise de la ville par les Romains ; ils étaient au nombre de deux et se faisaient suite, d'abord le port marchand, ensuite le port militaire ou Cothon, de forme circulaire dans l'une de ses parties et quadrangulaire dans l'autre, avec une île à son entrée, d'où l'on avait vue sur la haute mer, sans qu'il fût possible d'apercevoir du dehors l'intérieur du bassin ; le port militaire était entouré de larges quais avec des logettes où pouvaient prendre place 220 navires ; il y avait au-dessus de ces logettes des magasins pour les agrès; la façade de chacune d'elles était ornée de colonnes ioniques''. On remarque encore aujourd'hui, au pied de la colline de Byrsa, deux petites lagunes, l'une au sud, très allongée, l'autre au nord, à peu près circulaire, renfermant une petite île. Les modernes ont beaucoup discuté pour savoir si ces lagunes ne sont autres que les deux ports mêmes que mentionne Appien, ou si elles n'ont au contraire rien de commun avec eux, ou si plutôt elles n'en représentent pas simplement une partie, le port militaire 'G. Cette troisième hypothèse paraît la plus vraisemblable. Des sondages ont permis récemment de constater l'existence de substructions antiques en pleine mer dans la baie du Kram ; ce sont les restes des môles qui limitaient le port de commerce, très vaste et maintenant disparu 17. Les plus importants des ports grecs étaient ceux d'Athènes'$. A l'origine les navires athéniens jetaient l'ancre ou s'échouaient sur la plage dans la rade de Phalère, qui suffisait à tous les besoins des premiers temps. Au v0 siècle Athènes eut l'ambition de devenir une grande puissance maritime et commerciale. Thémistocle et Périclès entreprirent des travaux considérables pour mettre en valeur les découpures profondes de la presqu'ile du Pirée, au sud-ouest de la capitale, à laquelle la relièrent les Longs-Murs. Le Pirée devint une véritable ville, entièrement faite pour la marine et le commerce, pourvue de plusieurs bassins très abrités et parfaitement aménagés, ainsi que de tous les édifices nécessaires à l'emmagasinement des marchandises et aux transactions (fig. 5774). Une ligne continue de fortifications l'entourait, sur le bord de la mer et du côté de la POR 597 P0R terre ; les murs, flanqués de tours et percés d'un petit nombre de portes basses, mesuraient plus de six mètres de hauteur sur cinq à six de largeur. Il y avait troisports : le Grand Port, du côté du nord-ouest, Zéa et Munychie du côté du sud-est. Le Grand Port, fermé par des jetées qui ne laissaient entre elles qu'une ouverture d'une cinquantaine de mètres, comprenait deux parties : près de l'entrée le Cantharos, réservé aux vaisseaux de guerre, et plus loin le port de commerce, limité par des bornes ; Zéa et Munychie étaient exclusivement des ports militaires. Les vccéu du Cantharos, de Zéa et de Munychie, dont il reste des vestiges, pouvaient contenir en tout au Ive siècle 372 navires' [NAVALIA]. L'arsenal ou czEOO84-ri, bâti en 339 par Philon sur le bord de la mer à Zéa, est connu par une longue inscription qui donne le devis des travaux ' ; il était divisé en trois nefs par deux rangées de colonnes et comportait deux étages; il fut brûlé en 86 par Sylla, en même temps lue les VÉo cix 3. L'Ep.ecôçrov étai tbor dé d'un quai en grand appareil ; les navires déchargeaient. leurs marchandises sur une place où aboutissait la routed'Athè nes et où se trouvaient plusieurs grandes halles servant d'entrepôts et les ôE(y rxTx ; en arrière s'élevaient les magasins particuliers des négociants, les comptoirs des trapézites ou banquiers, les tribunaux de commerce, etc., et plus loin, au delà de la ligne d'octroi indiquée sur le terrain par des bornes, les rues et les places, les maisons et les monuments publics, les temples et les lieux de divertissement de la ville du Pirée, qui ne différait pas des autres cités helléniques, mais qui devait à ses ports toute son activité et sa richesse. La Grèce et l'Asie Mineure, avec leurs côtes très accidentées et leurs îles multiples et rapprochées, offraient à la navigation antique les conditions les plus favorables; aussi les ports y étaient-ils nombreux ; beaucoup nous sont connus, en dehors même des témoignages littéraires ou épigraphiques, par les ruines qu'ils ont laissées'. Nous nous bornerons à citer quelques types caractéristiques. Dans la Grèce continentale, la principale place de commerce était d'abord Corinthe , qu'Athènes éclipsa ensuite; deux ports la desservaient, Lechaeum sur le golfe de Corinthe et Cenchreae sur le golfe Saronique ; on a retrouvé à Cenchreae des vestiges de ,jetées °. De même à Nisaia, le port de Mégare °, à Gythium, le port de Sparte', à Pylos en Messénie, dont les ruines en appareil pélasgique remontent à une époque très reculée 3, à Oeniadae en Acarnanie 3, à Larymna en Béotie10, etc., et, dans l'île d'Eubée, à Chalcis et à Érétrie''. Dans la mer Égée, les jetées très longues et très hautes de Samos, construites au vie siècle av. J,-C., sous le règne de Polycrate, étaient célèbres 1' ; il en reste des tracesla. Rhodes fut pendant des siècles le grand marché de l'Égéide ; la ville de Rhodes, à l'extrémité nord-est de file, possédait deux ports ; le plus grand, au sud, pour le commerce etle plus petit, au nord, très solidement fortifié, pour les navires de guerre 1M. Délos à l'époque romaine supplanta Rhodes; avant de devenir un centre commercial très florissant, elle avait joué un grand rôle comme métropole relit?) gieuse de la confé dération maritime athénienne 1" : des fouilles récentes ont permis de re connaître la dispo sition de son port; situé dans le chenal qui sépare File de Délos des deux ilots Rheumatiari, il était très vaste, très abrité et abordable par tous les vents ; il comprenait trois parties : au centre, le port sacré, exclusivement réservé au débarquement des processions qui se rendaient au sanctuaire d'Apollon et protégé par une jetée construite sur une ligne de récifs sous-marins ; au nord el. au sud, les deux ports marchands, bordés de quais et de magasins 1" ; des inscriptions nous renseignent sur l'activité économique des Déliens et sur l'organisation de leurs corporations commerçantes". Tout à fait au nord Thasos garde quelques débris de ses jetées et de ses quais18. Koldewey a étudié de très près les petits ports de l'île de Lesbos ; le seul des deux ports de Mitylène qu'il ait retrouvé, celui du nord, et ceux d'Eresos et d'Antissa étaient fermés par des digues artificielles bàties en pleine mert9. Sur la côte d'Asie Mineure, Pphèse avait été bâtie à l'embouchure du Caystre, dans une plaine d'alluvions ; son port, creusé artificiellement et relié à la mer par des canaux, PO R --598 POR fut de bonne heure ensablé et dut être reconstruit à l'époque romaine; le port sacré de l'Arternision était distinct du port marchand'. Ceux de Milet et du golfe betmique furent pareillement comblés par les alluvions du Méandre'. Les deux ports de Cnide occupaient l'espace compris entre la ville, àl'extrémité de la Chersonèse cnidienne, et une petite ale qui lui faisait face; ils étaient entourés de jetées, adossés l'un à l'autre et séparés par une chaussée ; un canal, qui s'ouvrait au milieu de cette digue, les mettait en communication ; le grand port avait la forme d'un trapèze, le petit celle d'un pentagone irrégulier'. Sur la côte de Cilicie, repaire de pirates pendant les derniers siècles avant l'ère chrétienne, il faut signaler tout au moins les ruines de Soloi, avec des murs de quais très hauts, solidement construits et bien conservés'. La colonisation grecque, comme la colonisation phénicienne, était essentiellement maritime. Dans toutes les régions du monde méditerranéen où ils s'établirent, les Grecs fondèrent des ports, dont il subsiste en maints endroits des vestiges importants. Syracuse pouvait rivaliser avec le Pirée; file d'Ortygie séparait le grand port, au sud, du petit port, au nord; celui-ci servait aux navires de guerre; il était entouré de vecéaoizot; le port de commerce, qu'un canal passant entre Ortygie et le continent reliait au port de guerre, avait une superficie considérable ; Pite le protégeait contre les vents du large" (tag5775). Ait temps d'Alexandre et à l'époque hellénistique, de nouvelles villes furent créées; elles étaient situées souvent au bord de la ruer. De grands travaux dotèrent Alexandrie de deux ports ; file de Pharos avait été reliée à la ville par la chaussée de l'lleptastadium; d'un côté se trouvait le port Eunostus, où l'on entrait par le sud-ouest, en passant entre l'extrémité de file et une digue artificielle; de l'autre, le grand port, ouvert au nord, entre la tour du Phare et le cap Lochias. d'un accès difficile par te gros temps, à cause des récifs sous-marins du voisinage; l'aménagement intérieur, avec les quais, les débarcadères, les vco(iaotxot et les magasins, rie le cédait en rien à celui du Pirée ou de Syracuse «fig. 5776). Un bas-relief du palais Raaccari à Rome, sur lequel on voit figurées les diverses parties d'un port (phare, portique, temple avec un croissant au fronton, auprès d'un palmier), se rapporte peutêtre à Alexandrie' (fig. 5777). Antioche, la capitale des Séleucides, avait pour port Séleucie de Piérie, au nord de l'embouchure de l'Oronte ; un bassin intérieur, creusé de main d'homme, de forme ovale, était entouré de murs en gros blocs massifs ; un court canal le mettait en relation avec le port extérieur, fermé par deux jetées; un système compliqué de canaux et de digues permettait de détourner les eaux de la montagne et prévenait les ensablements 8. Les ruines de Séleucie montrent jusqu'à quel point les Grecs avaient poussé l'art de la construction des ports. Les ports romains. Les Romains héritèrent de l'habileté technique de leurs devanciersIls ne reculèrent (levant aucune difficulté pour mettre en valeur le littoral de l'Italie et des provinces, assurer les communications avec les pays d'outre-mer et ménager aux navires des points de reltiche et d'abri aussi nombreux et aussi bien outillés que possible". Rome elle-même, quoique située à quelque distance de la côte, était accessible aux vaisseaux et pourvue de deux ports sur le Tibre : l'emporium ou port de commerce, au pied de l'Aventin [MERCATCÎA, p. 1783, les navalia ou port de guerre, plus en amont, au Champ de Mars, près du théàtre de Pompée [NAVALIA, p. 18L, L'Italie était loin de présenter pour l'établissement des ports les mêmes commodités que la Grèce ; les rades naturelles et les bons mouillages V sont rares ; presque partout il faut lutter contre les alluvions et les ensablements10. Le port d'Ostie, fondé, d'après la légende, par Ancus Martius à l'embouchure du Tibre, était déjà ensablé aux derniers temps de la République ; il fut reconstruit sous l'Empire, par les soins de Claude et de Trajan I i ; il comprit désormais deux POPE X99 -POR bassins, situés l'un derrière l'autre, au nord d'Ostie, et 1 port cte Claude était circulaire; le port de Trajan, creusé réunis au Tibre par un canal, la rossa Trajana, auprès eu arrière et, communiquant arec lui, hexagonal ; à duquel s'éleva la ville nouvelle de Portais (fig. 7781. Le l'entrée du premier, au milieu de l'ouverture laissée libre par les deux jetées recourbées qui l'entouraient, on avait coulé le navire sur lequel le grand obélisque était venu d'Égypte et c'est dans Pile ainsi formée que se dressait le phare 1; les deux jetées, semble-tétaient discontinues, avec des arches par où pénétraient les vagues2; cette précaution n'empècha pas qu'au lie ou au ve siècle les ports se trouvassent de nouveau comblés ; 1 on dut alors les abandonner. Plusieurs monnaies de Néron mettent sous nos yeux le Portos Ostiensis de Claude, avec la ligne circulaire de l'enceinte, les arches et les portiques du pourtour 3, le phare et des navires au repos ou voguant «fig. 5261). Un bas-relief de la collection Torlonia représente deux vaisseaux abordant au port de Claude, qu'entourent des monuments de toutes sortes '. Le Portas Trajani qui est figuré sur les monnaies de Trajan parait être le port intérieur POR -600POR d'Ostie, plutôt que celui de Centumcellae'. On sait pourtant que cet empereur fit exécuter à Centumcellae de grands travaux, que décrit Pline le Jeune ; il y avait, comme à Ostie, deux digues puissantes, bracchia, et, à l'entrée, une île artificielle : du haut d'un navire on précipitait au fond de la mer de gros blocs de rochers, par-dessus lesquels on construisait'. L'un des ports les plus remarquables de l'Italie du Nord, sur la mer Tyrrhénienne, était le Portus Pisanus en Étrurie, au sud de l'embouchure de l'Arno; une barrière d'algues et des bas-fonds de sable le protégeaient contre les vents et les vagues, sans qu'on ait eu besoin d'élever de jetées ; depuis l'antiquité, la ligne du rivage a été profondément modifiée par les alluvions. Au sud de Rome et d'Ostie, sur la côte du Latium, Antium possédait un port avec des jetées à arches, restauré par Néron. ; celui de Terracine est peut-être le seul dont le môle ait été bâti sur un enrochement de blocs naturels, alors que partout ailleurs on jetait les digues en pleine mer; du reste, cet enrochement, habilement utilisé dans les restaurations du temps des Antonins, est antérieur à la conquête romaine La baie de Naples, profonde et bien abritée, était bordée dans l'antiquité comme de nos jours par toute une série de ports; les plus importants se trouvaient sur la rive septentrionale 0. Misène avait un bassin intérieur très profond et très bien protégé; Auguste en fit un port de guerre, l'une des deux stations des flottes militaires d'Italie'. En 37 av. J.-C., Agrippa avait créé à cet effet le Portus Julius, en réunissant les lacs Averne et Lucrin et en les mettant en communication avec la mer ; mais le peu de profondeur de ces bassins obligea très vite à chercher ailleurs un meilleur emplacement Avant la construction des ports de Claude et de Trajan à Ostie, Pouzzoles était le grand emporium de Rome, et sa prospérité persista jusqu'aux derniers temps de l'Empire [MERCATURA, p. 1783]. La qualité du sable des environs, appelé pouzzolane, qui se trouvait particulièrement propre aux constructions sousmarines, fut pour beaucoup dans le développement de son port. II était fermé du côté du sud par une grande jetée composée de piles espacées, en briques, sur fondations de béton, que reliaient des arches; cet ouvrage, dont les parties subsistantes sont maintenant à 2 mètres sous l'eau, par suite de l'affaissement du littoral, et recouvertes par un môle moderne, dut être construit dès l'époque républicaine ; les Antonins le réparèrent'. La côte de l'Adriatique se prêtait moins encore à la navigation que celle de la mer Tyrrhénienne. Les deux seuls points naturellement disposés pour recevoir des ports étaient Tarente et Brindisi, au fond de baies très bien protégées ; à Tarente, deux jetées encadraient l'étroit goulet par lequel on pénétrait dans la rade10; à Brindisi, les digues construites par César à l'entrée du port extérieur, par nécessité stratégique", provoquèrent l'ensablement; en arrière de ce port, dont le séparait un chenal long de 200 mètres, était un golfe intérieur formant deux bassins très sûrs". Le port d'Ancône, figuré sur les bas-reliefs de la colonne Trajane f3, fut créé par Trajan ". VII. 76 POS 601 POS Celui de Rimini, fondé par Auguste, restauré par Trajan, et celui de Ravenne, station de la flotte de guerre de l'Adriatique au début de l'Empire, ont été de bonne heure rendus inutilisables par les ensablements. Hors d'Italie les Romains créèrent ou restaurèrent un très grand nombre de ports. Forum Julii (Fréjus), à l'embouchure de l'Argens, fut choisi par César pour être le point d'attache des navires de guerre romains sur les côtes de Narbonnaise; le bassin qu'il avait aménagé devint sous Auguste le port de commerce, tandis que le port militaire était reconstruit plus en avant; de nouvelles jetées très développées délimitèrent son emplacement; il en reste des vestiges considérables sous les alluvions de l'Argens, qui ont éloigné la ville romaine de la mer'. Marseille, le vieil emporium phocéen, bien déchu de son ancienne prospérité après la conquête romaine, garda malgré tout une grande importance jusqu'aux derniers temps de l'Empire, grâce à sa situation privilégiée et à l'heureuse disposition de son port'. César aurait voulu substituer Narbonne à Marseille comme centre principal du commerce maritime de la Gaule méridionale ; la ville était placée au fond d'une sorte de lac intérieur relié à la mer et dans lequel débouchait l'Aude; les empereurs firent beaucoup de frais pour la doter de plusieurs bassins ; pendant des siècles elle put rivaliser avec l'antique colonie de Phocée, mais ensuite les ensablements la ruinèrent 3. En Afrique, Caesarea de Maurétanie (Cherchel) possédait deux ports, de commerce et de guerre, dont les ruines ont pu être étudiées de près; le premier, entre la côte et une petite ile, n'était qu'à demi fermé par des jetées et devait souffrir des vents du large ; le second, qui communiquait avec le précédent par un passage étroit, avait la forme d'un hexagone irrégulier'. Le petit port de Tipasa, entre la terre ferme et deux îlots voisins munis de solides brise-lames, se trouvait en dehors de l'enceinte de la ville ; trois jetées le défendaient; la côte étant à pic, il ne communiquait avec l'intérieur que par un escalier dans le roc; les quais de débarquement des marchandises s'alignaient plus à l'ouest, le long d'une baie ouverte'. Dans la Méditerranée orientale, en Palestine, Hérode avait bâti à l'embouchure du Chorseus une ville nouvelle, Caesarea Palaestina, munie d'un port magnifique, imité de ceux de Grèce, d'Égypte et d'Italie ; il s'appelait le Ic atsr6S 4.1v ; des jetées hardies l'abritaient, des quais, des magasins et des édifices multiples l'entouraient'. Les monnaies nous ont conservé le souvenir de quelques ports de l'Orient à l'époque romaine; c'est le cas, par exemple, pour Caesarea Germanica de Bithynie r, et pour Sidé de Pamphylie 8. Il est nécessaire de dire quelques mots du service des ports et de la navigation qui s'y rattache. Nous sommes renseignés sur cette question par les inscriptions d'Ostie, qui nous font connaître les noms des corporations professionnelles chargées de transborder les marchandises à l'intérieur du port et de les conduire par le Tibre jusqu'à Rome'. Des articles spéciaux ont été consacrés aux CAUDJCARU et aux NAVICULARII. On appelait LENUNCULA1371, du mot lenunculus, diminutif de LEMBUS, des bateliers qui montaient de petites embarcations rapides, terminées en pointe et manoeuvrées par un grand nombre de rames". C'est sous ce terme général que l'on désignait tous les mariniers du port d'Ostie. Au ne et au me siècle ap. J.-C., ils formaient cinq collèges ", dont chacun, semble-t-il, portait un titre particulier et avait des attributions distinctes ; trois d'entre eux sont mentionnés dans les textes épigraphiques : l'ordo corporatorum lenunculariorum pleromariorum auxiliariorum Ostiensium '2, l'ordo corporatorum lenunculariorum tabulariorum auxiliariorum Ostiensium1', le corpus scaphariorum et lenunculariorum trajectus Luculli14. Le terme d'auxiliarii, commun aux deux premiers, s'explique peut-être par un texte de Strabon, qui parle d'ürt-gpertxai axcnp.O', barques auxiliaires dans lesquelles on déchargeait une partie de la cargaison des gros navires pour leur permettre d'entrer dans le port ou de remonter le Tibre; on entendait par rtkfpm,u.a tantôt un équipage ou une cargaison, tantôt un bateau de transportt° ; les pleromarii étaient probablement les lenuncularii auxiliarii qui se servaient d'embarcations à rames, tandis que les tabularii remorquaient des radeaux (tabulae)u. Quant aux scapharii et lenuncularii du bac dit de Lucullus sur le Tibre, ils tiraient leur nom de la forme de leurs bateaux