Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article PRAEDIUM

PRAEDIUM. Mot générique embrassant dans le droit romain toute espèce de fonds de terre ou d'immeubles. On peut distinguer les acceptions suivantes : Praedia provincialia. [Les parties du territoire provincial, qui n'avaientpas été réunies au domaine public, étaient censées appartenir au peuple romain ; les propriétaires en conservaient la possession perpétuelle (possessio) et l'usufruit, moyennant l'impôt foncier dont Rome pouvait les grever.] Ces immeubles s'appelaient tribu vINCIA]. Sauf dans les cités pourvues du jus italicum, ils ne comportaient ni la mancipation, ni la cessio in jure, ni l'usucapion ; la possession perpétuelle s'en transmettait par la simple tradition. Justinien abolit en 531 une distinction déjà en grande partie tombée en désuétude entre le sol italique et le sol provincial'. 2° Praedia subdita, subsignata, immeubles affectés à la sûreté de la créance de l'État ou d'un municipe contre tout débiteur ou entrepreneur de travaux publics [PRAES]. 3° Praedium dotale ou fondusdotalis. -Cet immeuble ne pouvait être aliéné par le mari sans le consentement de sa femme, ni hypothéqué, même avec ce consentement'. Au temps de Gains on doutait encore de l'application de cette règle aux fonds provinciaux. Sous Justinien la prohibition devint absolue même pour l'aliénation, que la femme ne pouvait plus approuver 4. Jo Praedia urbana et rustica. Le droit civil distinguait ces deux catégories d'immeubles pour leur destination ; les premiers comprenaient les maisons de ville et de pur agrément 5° Praedium pupillare, Biens de mineurs. D'abord le tuteur dut vendre tous les biens, sauf les praedia rustira net suburbana, ou productifs qu'il pouvait garder. En 193 ap. J.-C. il fut interdit d'aliéner les immeubles sans l'autorisation du gouverneur de province 6, et ce régime fut maintenu dans la suite'. 6° Praedia decuriorum, naviculariore'nt, pistoria. -Les immeubles des décurions ne purent être aliénés, au Bas-Empire, sans un décret du gouverneur et à charge de prouver la nécessité de la vente'. Les immeubles des navicularii ne purent également être aliénés qu'à la condition, pour les acquéreurs, de supporter une part proportionnelle des charges de la corporation ° [COLLEGIUM]. Les biens des pistores, boulangers, meuniers de Rome, furent soumis au même régime 10 [ PISTOR]. 7° Praedia publica, entpltyteutica, tamiaca; praedia de l'administration romaine, on désignait par praef ectus un fonctionnaire délégué par un pouvoir supérieur à la tète d'un service, d'une administration, d'une circonscription. Par suite, le mot praefectura est usité dans les textes classiques ou épigraphiques pour désigner soit la situation occupée par un préfet, soit le territoire sur lequel s'étend l'autorité d'un préfet. Toute praefectara suppose un praefectus et réciproquement ; c'est pour cette raison que les deux termes ont été réunis dans cet article. Les différents personnages qui portaient le titre de préfets peuvent se diviser en un certain nombre de catégories dont il sera parlé successivement. ROMAIN. A. Praefecti jure dicundo. -On tonnait la politique que pratiquaient les Romains, au cours de l'époque républicaine, dans l'annexion des populations italiques : ils leur accordaient peu à peu l'entrée dans la cité romaine, afin de les détacher de leurs anciens intérêts et de briser leurs alliances antérieures ; mais du jour où une ville italique recevait la civitas romana, où elle était par suite réunie à Rome et à ses lois, elle devenait justiciable du préteur urbain. D'autre part, celui-ci ne pouvait guère s'occuper de toutes les affaires qui s'élevaient dans l'étendue du territoire rattaché à l'État romain. Dans le Latium, il lui était possible de rendre la justice; il ne pouvait en être de même pour les localités plus éloignées : on ne faisait venir devant lui que les causes les plus importantes; pour les autres, il fallait avoir recours à des intermédiaires, opérant sur place. Ces intermédiaires étaient les praef ecti jure dicundo, et les villes soumises à ce régime étaient des praefecturae Festus nous a conservé la liste des communes qui portaient ce titre`-'; il cite, outre quatre colonies de citoyens romains, Puteoli, Volturnum, Liternum, Saturnia, auxquelles il convient de joindre Forum Clodii, qui était un forum civium rornanorum, les cités suivantes : en Étrurie : Caere ; en Sabine : Nursia, Amiternum, Reate ; chez les Vestini : Peltuinum ; chez les Herniques : Anagnia ; chez les Volsques : Fundi, Formiae, Privernum, Arpinain, Atina, Frusino; en Campanie : Venafrom, A llifae, Capua, Cumaeet les cités soumises elles-mêmes it Cumes : Castilinum,Atella,Calatia,Acerrae,Suessula. Dans toutes ces villes, les préfets étaient désignés par le préteur urbain lui-même 11 n'y avait d'exception que pour quatre d'entre eux qui exerçaient leurs fonctions dans les cités de Capua, Cumae, Castilinum, Y olturnum, Liternum, Puteoli, Acerrae, Suessula, Atella, Calatia 4 ; ceux-ci portaient le titre de praefecti jure dicundo Capuae Curais et faisaient partie du collège des XA'VI viri. Ces préfets furent, à partir de 436=313 av. J.-C., élus par les comices, sur la désignation du préteur', les autres continuant à être nommés directement par lui PILA --. 612 P Pr A lies préfet é spllae Cariais sont mentionnés sur certaines Un e neiubre de préfectures reçurent d'assez bonne heure le titre de municipe, d'autres gardèrent le nom de pets :eue. 'n, de telle sorte qu'après la promulgation ale ' . g ' ra muaieipalis il existait encore trois caté gories villes en Italie, les municipes, les colonies et les preiiectures'. Dans la. suite elles devinrent de plus en plus rares aussi les praefecli C'alauae Clumis disparurent-ils se es Auguste, en 73!4-`3t) av. J.-C. 3. Mais ces prt P-_ c mie , .t derniers temps offrent avec les précédentes ul,e di ''-"•»e _ capitale : tandis que celles-ci étaient des villes privé 'e du jus suffragii ou du jus ltonorum ou n'x e ans pas encore atteint le droit de cité dans sa plénitude, celles-là étaient investies du plenum jus civitatis; il leur manquait simplement de posséder les Il viii ou IV viré jure dicundo qui étaient l'apanage des municipalités romaines` Ii resterait à savoir pourquoi elles étaient pr'`aient privées de cet avantage, et comment, le ilrs praefeeturae ayant cessé, il subsistait encore au "'ut de l'Empire des villes qui portaient ce nom' ; que personne n'a expliqué jusqu'à présent. 3. J'rlefectus Urbi D'après la constitution romaine primitive, lorsque le roi était amené à sortir du territoire romain et à en rester éloigné plus d'un jour, il était tenu de se faire remplacer par un représentant dépositaire de sa puissance judiciaire. C'est l'origine du fonctionnaire auquel les textes donnent le nom de praefectus Urbi Tacite nous indique très nettement le but de celte institution : in tempus deligebalur qui jus redderet ac .subitis mederelur. Ultérieurement, quand le roi eut fait place à deux consuls, la même obligation leur fut imposée. Par exemnie, chaque fois qu'ils, avaient à conduire des opérations militaires et l'on sait qu'ils exerçaient généralement le commandement en commun ils se substituaient, au moment de leur départ, un praefectus Urbi'. Pour le chrsisir ils n'avaient. recours ni aux comices, ni au Sénat ° ; nui n'avait à intervenir en dehors d'eux. De même, leur choix n'était limité par aucune condition; l'élu n'avait besoin d'aucune capacité spéciale", si Lee qui suivant 1lca ms n, les plébéiens eux-mêmes ont pu élire désignés à. ce poste, du jour où ils ont été regardés comme des citoyens romains. La fonction principale d'un tel praefectus était de rendre la justice" ; il pouvait aussi, en cas de nécessité, exercer un commandement ?militaire sur la ville et sur la réserve de l'armée 1 Le mandatprenait fin par le retour des consuls ou del'un d'entre eux, ou par la mort ou la disparition du préfet43. La condition essentielle pour qu'un praefectus Urbi fût s mIt était l'absence ,Te tout magistrat supérieur. Ac,,,,, an dû, le loi L '=inicnne eut créé un préteur urbain, légalement attaché à la ville, les situations anormales qui privaient Rome de gouvernement immédiat ne se produisirent plus que tout à fait exceptionnellement; et dès lors il n'y eut presque jamais lieu de recourir au procédé de la préfecture. Pourtant il est une circonstance où l'on étaitencore obligé d'en user Ions lesans il étaitcoutume de célebrer sui'lemont Albain la fête nationale des Latins (Latiar, feriae Latinae). Elle était présidée par les consuls, et tous les magistrats devaient y assister fr'ERIAE LATINAE. Dès lors, le préteur lui-même étant éloigné de Rome, il devenait nécessaire de nommer un magistrat intérimaire, les cérémonies du mont Albain durant quatre jours entiers 14, sinon plus''. Celui-ci reçut le nom de praefectus Urbi feriarum latinaruan n, et on le trouve souvent cité par des inscriptions 17. II était, à l'époque impériale, choisi parmi de tout jeunes gens de l'ordre sénatorial, qui n'étaient pas encore entrés au Sénat; ils étaient appelés à cette situation soit avant le vigintivirat n, soit avant la questurel0Il n'est jamais question de préfets pris parmi les sénateurs en fonction, ce qui indique le peu d'importance de la charge. Le nom même que porte le titulaire, praefectus Urbi feriarum latinarum, indique qu'il n'a rien de commun avec le praefectus Urbi dont il sera question plus loin dans un paragraphe spécial. C. Praefecti civils dans les provinces. -Il étaitd'usage vers la fin de la république que les gouverneurs emmenassent avec eux dans la province dont ils avaient la direction des personnes investies de leur confiance10 ou à eux recommandées par des amis91 Cette situation de choix était appelée praefectura2Z.Les préfets de cette sorte recevaient des missions purement civiles, le recouvrement des impôts'' ou certaines juridictions pour lesquelles ils remplaçaient les gouverneurs 2t.. Mais assez souvent leurs fonctions n'étaient qu'honorifiques. En pareils cas leur principale occupation était de faire des affaires à leur profit" ou de surveiller les intérêts pécuniaires de ceux par le crédit desquels ils avaient obtenu leur nominations. Parfois même ils restaient en Italie; là, obligés de se tenir a la disposition d'un magistrat provincial, ils étaient regardés comme absentes reipublicae causa, ce qui leur permettait de s'affranchir de services personnels onéreux L7. Comme, en même temps, ils recevaient une indemnité [cIBARIA,~ , ils trouvaient à leur situation un double avantage. Dans cette catégorie on doit ranger trois préfets, qui ont joué un rôle considérable dans l'histoire de l'Empire romain, le préfet d'Égypte. le préfet du prétoire et le préfet de Rome. Chacun d'eux sera étudié dans un article spécial. Leur nombre n'est pas considérable : praefectus PRA --613 RRA. aerarii Saturait [AERARIOMi ; praefectus aerarii militaris [In. ; praefectus elimenlorunt [ALIMEsrA] ; praefectus annonae [ANNONAI; praefectus fruinenti dandi ex s. c. [m.[ ; praefectus velaiculorum [vEUICULa républicaine, les chefs des contingents alliés qui combattaient it côté des légions romaines portaient le titre de préfets ; les praefecti coltortis étaient les chefs indigènes des cohortes levées dans chaque cité; à la tête des contingents rattachés à l'armée légionnaire et divisés en deux « ailes », ala dextra et ala .sinistre, étaient d'autres officiers, beaucoup plus élevés que les précédents, choisis parmi les Romains et nominés par les consuls: ces derniers étaient appelés praefecti socïuan [SOCII]. Après la guerre sociale, il n'y avait plus lieu de conserver de tels officiers, puisqu'il ne subsistait plus de socii. Mais on trouve encore auprès des gouverneurs à cette époque des praefecti 2. Les uns étaient employés par eux à des missions militaires; il en est question en particulier dans César : le général leur donne le commandement de la cavalerie, de détachements, de postes fortifiés 3, suivant les nécessités du moment. Les autres n'avaient que des occupations civiles ; il en a été question plus haut (1°, C). Après la réorganisation de l'armée par César et Auguste, on trouve mentionnés les préfets suivants : praefectus equitum, praefectus alae, commandant une aile de cavalerie auxiliaire [ALA, EQULrES ; praefectus castrorum ou legionis, commandant de place d'un camp légionnaire [CASTRA, LECIO] ; praefectus classis, commandant une flotte [cLAssis ; praefectus cohortis, commandant une cohorte auxiliaire [Gouoes]; praefectus /arum [Fiumi ; praefectus nuarteri, commandant un corps irrégulier .NUMERUS] ; praefectus statorum [STATOR, ; praefectus vexillationibus, commandant de détachements [VEAIL Le même titre était appliqué aux officiers placés à la tête de groupements de troupes plus ou moins nombreux, formés pour un temps, par exemple : praefectus auxiliorum omnium adverses Gerlnanos 4, praefectus auxiliorum tempore expeditionis ex Ilispania in Mauretaniam Tingitanarn missorum, praefectus tironum 1;alliae TVarbonensis°. On nommait également praefectus des personnages, généralement d'ordre équestre, que l'on préposait au gouvernement de districts encore peu romanisés, pour y maintenir la paix et les administrer au mieux des intérêts de l'Empire : praefectus civitatum in Alpibus maritamis 3, praefectus llloesiae et Triballiae °, praefectus _Raetis Yindolicis L'allis Poeninae et levis arnlaturaeio, praefectus praesidioruin et montis Beronices ", praefectus gentis, en Afrique surtout". praefectus orae enaritimae conventus Tarraconensis 13, praefectus insularum Baliarum", etc, Dans cette catégorie on peut faire rentrer les gouver neurs de petites provinces impériales à qui convient proprement le titre de procurator Auguste', mais que leur caractère militaire a fait quelquefois appeler aussi praefectus, par exemple le procurateur de Sardaigne (procurator et praefectus Sardiniae)13. Cette dénomination désignait encore apres Dioclétien des commandants militaires. On trouve, outre les anciens titres, praefectus alae1B. classis f7, equitum 18, legionis 19, nttnaeri40, ceux de praefectus gentiliunt21 et praefectus laelorutn22 [I.AETI que nécessite la réorganisation de l'armée à la fin du 1v° siècle ' EXERCITUS. 62 PRÉFETS MUNICIPAUX. -On nommait praefectus dans les villes jouissant du droit municipal romain, à l'époque impériale, des citoyens appelés à gérer les magistratures à la place des titulaires empêchés. absents ou morts. Ces magistrats subrogés étaient dits praefecti jure dicundo quand ils remplaçaient soit les empereurs et les princes qui avaient accepté des fonctions dans une cité, et qui, naturellement, ne pouvaient les gérer effectivement, soit les quatuorvirs et les duumvirs manquants [MUNICIFrFM]. Le même titre se donnait aux personnages qui étaient chargés de rendre la justice dans les bourgades rattachées à une colonie ou à un municipe, mais trop éloignées du chef-lieu pour que les habitants pussent utilement s'adresser aux magistrats ordinaires de la cité ML RJS IPIUM, COLOMA]. Ces localités secondaires portaient, suivant certains auteurs, le nom de praefectura 23, comme celles dont il a été question plus haut (1°, A) ; mais elles doivent en être soigneusement distinguées, de même qu'il n'y a aucun rapport entre les praefecti jure dicundo, représentants du préteur, et ceux dont il est question dans le présent paragraphe. lesquels sont les représentants d'une autorité purement municipale. On appelait pareillement préfets dans certaines villes des fonctionnaires chargés de services divers, pour la plupart de commandements militaires : praefectus armorum et vigilum, à Nîmes; praefectus arcendis latrociniis, à Noviodunum ; praefectus inuror-um, à Tarra Enfin on rencontre dans les textes épigraphiques le même terme appliqué à des prêtres, dont la fonction technique nous échappe : praefectus rebus divinis 24, à Teanum ; praefectus sacrorurn 25, à Tusculum ; praefectus sacris faciundis 23, à Meules, etc. tains collèges étaient dits praefectus, la plupart du temps à cause du caractère militaire de ces collèges ou de leur organisation voisine de celle d'une milice27. De ce nombre sont les eollegia fabrum, qui faisaient, on le sait, dans les villes municipales, l'office de pompiers (fabri lignarii) 23 [FABRh, les collegia centonariorum29 et les collegia dendrophororum30 qui concouraient aussi à l'extinction des incendies, les collegia juvenum 31, troupe de police municipale [MILITIAE MUNICIPALES], le corpus nautarum Bhodanicorum 92, celui des Cisalpine et Transalpini 33 PRA -61 PRA qui opérait le transport des marchandises entre Lyon et la Cisalpine par les routes des Alpes, etc. R. CSGNAT.