Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article PRAESCRIPTIO

PRAESCRIPTIO, Prescription.-DROIT GREC. S'il est fort douteux que la prescription ait été admise dans le droit grec comme mode d'acquisition de la propriété [HSLCAPIOI, il est certain qu'elle y a été revue, et même dans une large mesure, comme mode d'extinction des obligations. On ne saurait dire, il est vrai, quelle est exactement l'expression par laquelle cette institution se trouvait désignée, soit dans le langage usuel, soit dans la terminologie juridique. On rencontre bien quelquefois l'expression açolceyix 1, mais elle parait se référer plutôt au délai de la prescription qu'à la prescription elle-même'-. L'institution parait d'ailleurs remonter à Solon, et Démosthène dit que c'est une des meilleures mesures du grand législateur athénien'. La prescription extinctive se justifie dans le droit attique par les mêmes considérations d'ordre public que dans le droit moderne, et l'on peut observer que l'importance de la preuve testimoniale à Athènes y rendait encore plus nécessaire une semblable institution. En ce qui concerne d'abord le délai de la prescription, la règle parait avoir été la prescription quinquennale. Ainsi c'est par l'expiration du délai de cinq ans que se prescrit l'action en paiement d'une somme d'argent,'dlx-ri ryoop~S [,PUORMàs Dnili[, et nous voyou , en effet, que c'est pour repousser une demande de cette nature que Phormion invoque contre Apollodore la loi de prescription quinquennale, v6N.oç npoleap.(x; 4. Mais l'application de cette prescription était plus générale, et l'on doit dire que toutes les obligations contractuelles se prescrivaient par le même laps de temps de cinq années'. La règle de la prescription quinquennale est, du reste, applicable aux actions réelles, comme la pétition d'hérédité', aussi bien qu'aux actions personnelles. Cette règle n'était pas admise dans tout le droit grec. Ainsi, un édit du roi Antigonos avait établi pour Téos et Lébédos la règle de la prescription annale'. Le délai de cinq ans admis dans le droit attique peut être augmenté ou diminué. Il est d'abord notablement augmenté lorsqu'il s'agit des actions en restitution de la dot,,ir?otxbç 3ix-0 et 'ITOU ô(xv [nos] : par un privilège spécial fait à la femme, ces actions ne se prescrivent que par vingt ans. Mais l'intérêt du fisc avait probablement dû faire abréger pour certaines actions le délai à l'expiration duquel la prescription était acquise contre la femme 11 est possible, d'autre part, que cette même faveur due aux intérêts du fisc ait fait sinon rendre imprescriptibles les créances du trésor contre ses débiteurs, du moins allonger notablement le délai de leur prescription'. Le délai normal de cinq ans est, d'autre part, suscepm PRA 626 PRA Little (le diminution. Tel est le cas, d'après certains auteurs, en matière de cautionnement. Tandis que la dette principale ne serait prescrite qu'après l'expiration d'un délai de cinq années, une seule année suffirait pour que la caution fut libérée de son engagement'. Mais cette opinion nous parait Unit contestable, et nous croyons plutôt que, sauf peut-être dans les affaires commerciales et dans les matières criminelles, les cautions ne pouvaient invoquer que la prescription de droit commun, c'est-à-dire par l'expiration d'un délai de cinq ans'. On a voulu trouver un antre cas de prescription abrégée pour l'action en revendication d'une épicière fr:PnLr-:nosl. Mais quelque désirable que puisse paraître ici la réduction du délai de la prescription ordinaire, rien n'établit que le droit attique en ait senti le besoin et l'ait admise '. Peut-être, d'autre part, la revendication des meubles était-elle soumise à une prescription plus courte que celle des immeubles; mais ce n'est là qu'une simple conjecture''. La loi attique ne parait avoir autorisé en faveur des incapables aucune suspension de la prescription analogue à celle qu'ont admise la plupart des législations modernes. Le pupille, lésé par suite de l'inaction de son tuteur, n'avait donc qu'une action en dommages-intérêts contre ce dernier, action qui naturellement ne s'ouvrait qu'au jour de la majorité du pupille et ne commençait à se prescrire qu'à partir du même moment. On pourrait se demander encore si, conformément à la règle contra non zalentent agere non curr'il praescriptio, la prescription n'est point suspendue dans le cas où l'exercice de l'action a été empêché par le dol de l'adversaire. Mais si la solution affirmative parait fort équitable, on ne peut la fonder sur aucun texte'. La prescription ne parait pas pouvoir être suppléée d'office par les magistrats lorsque les parties négligent de l'invoquer. L'emploi d'un moyen comme celui qui est tiré (le la prescription peut, en effet, répugner à la conscience d'un plaideur scrupuleux et jeter une certaine défaveur sur celui qui l'invoque. On comprend que le législateur athénien ait abandonné aux parties intéressées le droit de se prévaloir de la prescription. Aussi voit-on, dans nombre de cas, les parties plaider sur le fond même du droit, bien que la prescription leur soit acquise, et cela sans que les tribunaux déclarent a priori l'action non recevable '. Le moyen tiré de la prescription rentre dans la catégorie de ceux qui, dans la procédure attique, sont qualifiés de r, pceyxrfl [nAnacamim'if .11 a lieu d'ailleurs de supposer que ce moyen, étant tiré du fond du droit, peut être opposé non seulement in lirnine litis, mais en tout état de cause 3. 1)110n' ROMAIN. Dans le système de la procédure for mulaire, usité à Rome en matière civile depuis le siècle de Cicéron jusqu'au règne de Dioclétien, on donnait le nom de praescriptio à une partie accessoire de la formule d'action, placée en tète de celle-ci', tantôt à la requête et dans l'intérêt du demandeur, ex parte «loris, tantôt à la requête et dans l'intérêt du défendeur, ex parte rei. Praescriptiones ex parte actoris. Le demandeur, lorsque l'ACgto était incerta, pouvait avoir intérêt à restreindre la portée générale des termes de la formule pour ne pas déduire in judieium la totalité de son droit. Ainsi, par exemple, quand il s'agissait de réclamer Ies arrérages échus d'une rente viagère, il fallait éviter de paraître demander tout ce qui pouvait être dit à l'avenir ou éventuellement; autrement, la condemnatio n'autorisait le juge qu'à accorder au demandeur les termes exigibles, et néanmoins le droit d'action eût été épuisé par l'effet de la lins contestatio 10. La praescriptio conçue en ces termes : ea res agatur cujus rei dies fuit, prévenait ce danger. Quelquefois elle était mêlée à la demonstratio de la formule ". Praescriptiones ex parte rei. Il y avait aussi des praescriptiones introduites dans l'intérêt du défendeur, reus, par exemple afin d'écarter une demande dont l'appréciation actuelle préjugerait une autre question plus importante et dont le jugement préalable doit être réservé. Ainsi un défendeur peut écarter une action en partage d'une hérédité en déniant au demandeur la qualité d'héritier. Pour cela, le reus fera placer par le préteur en tète de la formule d'action une praescriptio ainsi conçue : ea ras agatur si in ea re praejudiciunt hereditati non féal ". I1 y a là une exception préjudicielle à vider d'abord, et si elle est justifiée par le défendeur, celui-ci sera absous, sans entrer dans l'examen du fond de la demande en partage (familiue erciscundae). Les textes offrent plusieurs exemples de semblables praescriptiones,13 nommées aussi praejudicia dans un sens différent de celui où ce mot désigne des actions dont la formule ne contient que la partie appelée intentio". L'incompétence du juge était également mise en question au moyen d'une praescriptio fori que le défendeur faisait placer par le préteur en tète de la formule''. Enfin le reus pouvait encore repousser une action limitée à un certain temps soit par l'édit du préteur, soit par une constitution impériale, à la faveur d'une praescriptio temporis qui, si elle était justifiée, dispensait le juge d'entrer dans l'examen de l'intentio de l'action ou du fond du litige. Vers la fin du système formulaire, certaines praescripe tiones se confondirent avec les exceptions ou furent remplacées par celles-ci. Après l'abolition des formules, le nom de praescriptio disparut, si ce n'est dans un cas fort important, celui de la praescriptio longi temporis, institution qui est le complément de celle de l'usucAPlo 11 nous faut insister spécialement sur la praescriptio employée pour repousser les actions temporaires, c'està-dire constituant une fin de non recevoir équivalente à la prescription libératoire dans le droit moderne. A Rome, même dans le droit de l'époque classique, les actions civiles sont, en général, perpétuelles, comme les obligations auxquelles elles servent de sanction. Certaines actions civiles avaient, par exception, une durée PIRÀ 627 PElA durait cinq ans, l'action ex stipulatu résultant de la sponsio et de la fdeproulissio, qui s'éteignait au bout -le deux ans, l'action en restitution donnée contre les héritiers d'un magistrat concussionnaire, qui était limitée à un an '. Par contre, les obligations créées, à l'aide de concessions d'actions par les préteurs et les édiles, étaient le plus souvent temporaires. Ainsi toutes les actions édiliciennes s'éteignent par une année au plus'. Quant aux actions créées par le préteur, certaines d'entre elles sont sans doute perpétuelles, celles qui viennent en aide au droit civil pour le compléter, comme l'action publicienne, l'action hypothécaire, l'action furti rnani festi 3, mais la plupart étaient annales, comme les fonctions du magistrat qui les accordait4. La perpétuité des actions civiles ainsi que de certaines actions prétoriennes avait de graves inconvénients. Aussi, dans l'intérêt de la paix publique et de la sécurité des débiteurs, jugea-t-on utile de fixer un délai passé lequel les demandes tardives seraient écartées par une fin de non-recevoir appelée praescriptio : ce délai était de trente ans. La prescription extinctive fut établie en Orient par Théodose II en 424, et vingt-cinq ans après, elle fut admise en Occident '. L'expression action perpétuelle s'appliqua désormais aux actions trentenaires e. Quant aux actions temporaires, elles demeurèrent soumises aux règles anciennes. La prescription trentenaire ne commence à courir que du jour où le droit est devenu exigible'. Le délai de trente ans est un délai continu. Mais la prescription peut être interrompue ou suspendue. Elle est interrompue par une reconnaissance de la dette émanée du débiteur, ou par l'exercice de l'action et, si le débiteur est absent, par une protestation du créancier. Elle est suspendue, d'autre part, au profit de l'impubère, et de l'héritier pendant les délais qui lui sont accordés pour délibérer Il est, du reste, un certain nombre d'actions qui ne se prescrivent que par quarante ans, à savoir l'action hypothécaire l'action qui a fait l'objet d'une instance périmée, le délai courant alors à partir du jour du dernier acte de procédure70, et les actions appartenant aux églises et aux établissements qualifiés de lori venerabiles. Aucune prescription n'est même admise contre le fisc en ce qui concerne les impôts et charges de toute nature qui peuvent grever la propriété immobilière". En matière répressive, comme en matière civile, le mot praescriptio, par opposition à defensio, désigne chez les Romains un moyen de défense qui, sans contredire l'action directement, tend à l'écarter par une fin de non-recevoir 72. Aussi toute cause de praescriptio devaitelle être opposée, sous peine de déchéance, au moment même de l'accusation, nominis receptio, afin de la faire déclarer non recevable 13. Cette règle s'appliquait non seulement aux exceptions dilatoires ou déclinatoires relatives au droit d'intenter la poursuite, par exemple, quand la femme mariée était poursuivie avant le complice de l'adultère f4, ou bien au cas où l'on prétendait l'instance éteinte par une abolitio pttblica'', mais encore aux exceptions péremptoires du droit d'action: telle était notamment la praescriptio lias /ini«m't, lorsque l'accusé prétendait qu'il y avait instance commencée par un autre sur le même chef, ou bien terminée par une absolution'', ou bien s'il se fondait sur le désistement de l'accusateur1e, ou enfin si le reus invoquait le secours de la praescriptio tenaporis, qui correspond à la prescription de l'action publique en droit français. La loi Julia de adltlteriis, de l'an 18 ou 16 av. J.-C., avait, en effet, introduit pour la première fois une véritable prescription du droit d'action publique par le délai de cinq ans à partir du crime'. La même règle fut appliquée au cas de peculatus par une autre loi Julia, de l'an 8 av. J.-C 2e. Un peu plus tard, nous voyons établie, comme formant le droit commun sous l'Empire. l'extinction de l'action publique en matière criminelle ans 2'. Cette prescription s'appliquait même aux affaires intéressant le fisc". Néanmoins on trouve encore plusieurs cas de prescription plus courte, comme pour l'adultère [ADCLTE111I'M'] et le péculat PECULATLSj. En sens inverse, certains crimes furent déclarés imprescriptibles, comme le parricide =3 [renuicmif;M1, la supposition d'enfant'n SOPPOSI'rio PA11TUS] et, en l'an 416, sous les empereurs chrétiens, l'apostasie 2' [APOSTASIA]. Quant aux actions pénales nées de délits privés, elles se prescrivaient en général par trente ans 26, mais l'action prétorienned'injure s'éteignait parle délai d'une seule année °-'. La prescription commentait à courir à partir de l'infraction. Le délai était continu (tenrpus continuum)" et non pas utile, c'est-à-dire qu'on y comprenait même les jours où l'action n'eût pas pu être intentée ; mais il était interrompu par une postulalio. L. BEAUCIIET.