LITES. L'origine d'une garde d'honneur permanente affectée à un général en chef remonte, dit-on, à Spicion Emilien'. Celui-ci, allant faire le siège de Numance, emmena avec lui cinq cents clients ou amis dont il forma un corps à part : primus furlissimum quenaque delegit qui ab en in belle non di scederent et cetero munere nulitiae zacarent3, et sesquiplex stipendiunt acciperent. A la fin de l'époque républicaine, c'était devenu un usage que chaque général eût sa eu/tors praetoria : Cicéron en Cilicie °, Antoine ensuite`, les trois triumvirs lors de leur entrée à Rome', Petreius dans la bataille livrée contre Catilina°, etc. Après la bataille de Philippes, en 712, une grande partie des légions victorieuses durent être dissoutes, et ceux qui désiraient rester au service furent formés en une troupe de choix de 8 000 hommes'.
Quand Auguste eut été proclamé imperator permanent avec un quartier général régulièrement fixé à Rome [PRAETORILM], les cohortes prétoriennes dont il était entouré, suivant l'usage, auraient dit être établies dans la capitale en résidence durable, mais il n'en fut point ainsi dans la pratique. Sur les neuf cohortes qui furent alors créées trois seulement étaient logées à Rome dans différents quartiers, mais sans campement fixe° ; les autres étaient disséminées en Italie, dans les diverses résidences impériales. Tibère compléta cette organisation ; entre autres mesures que Séjan prit pour accroître l'autorité de la charge de préfet du prétoire,' dit Dion, il réunit dans un seul camp les cohortes prétoriennes éparses et logées séparémen t l'une de l'autre... de sorte qu'elles recevaient ses ordres toutes à la fois et promptement, et que cette concentration dans un camp les rendait redoutables à tous 10. Caligula ou Claude éleva le nombre des cohortes à douze" ; Vitellius à seize 12, A l'époque de Vespasien, il n'y en avait plus que neuf, ainsi que le constatent les diplômes militaires 13. Enfin, à une date postérieure 14, on porta le nombre à dix et les choses restèrent en cet état jusqu'à la fin du III° siècle, date où cessent les diplômes militaires50, probablement jusqu'à la suppression du corps au commencement du Ive siècle.
Les prétoriens ayant été créés spécialement pour la garde du général en chef et ensuite de l'empereur, leur rôle était de l'accompagner partout en temps de paix comme en temps de guerre. C'est pour cette raison qu'il y avait, toujours une cohorte de service au palais impérial" il està noter qu'en pareil cas les soldats portaient non l'habit militaire, mais la toge 17. On les voit figurer à côté du prince dans les cérémonies officielles (réception de Tiridate à Rome"), comme dans ses voyages et ses parties de plaisir (défilé des cohortes [tin suite de Caligula sur un pont de bateaux entre Baies et Pouzzoles 10, chasse à la baleine par Claude dans le port d'Ostie 20, combat naval organisé par le même sur le lac Fucin 21, représentation donnée par Néron"). comme ausssi à ses funérailles, où ils défilaient autour de son bûcher et prenaient part à des exercices militaires [DEcuaslo]23. On les trouve pareillement dans les expéditions militaires que dirigeait l'empereur, un membre de sa famille, ou ménie un général commandant à sa place. Deux cohortes prétoriennes prirent part à la bataille d'Idistaviso" ; Caligula avait avec lui des prétoriens dans son expédition de Germanie -5 et Claude dans celle de Bretagne 01; il y avait dans l'armée d'Othon toutes les cohortes du pré
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toire, cinq d'entre elles commandées par Annius Gallus et Spurinna, les autres par l'empereur lui-même ' ; nous savons que des prétoriens prirent part à la bataille de Crémone 2, à la guerre de Domitien contre les Caftes
et contre les Daces '', à celle de Trajan en Dacie à l'expédition de ce prince contre les Parthes etc.
Naturellement le prince pouvait leur confier aussi telle mission qu'il lui plaisait et qu'il jugeait utile àlui ou aux siens. Il les envoyait en Italie 7 et même dans les provinces s pour calmer des séditions ou veiller à la sécurité ; il leur faisait monter la garde dans les spectacles t 0; il leur ordonnait d'aller au-devant des membres de sa famille qui abordaient en Italie. Quand Germanicus revint de Germanie après y avoir apaisé la révolte des troupes, toutes les cohortes prétoriennes se portèrent à sa rencontre, quoique l'ordre n'eût été donné qu'à deux d'entre elles " ; Tibère envoya pareillement deux cohortes en Calabre pour recevoir Agrippine qui allait y débarquer avec les cendres de son mari S2. On leur confiait même le soin d'accomplir des travaux ou, du moins, de les diriger : quand il voulut percer l'isthme de Corinthe, Néron en chargea les prétoriens et leur adressa une harangue pour les exhorter à se mettre à l'oeuvre 13
On sait, par contre, dans quelle dépendance les cohortes prétoriennes tinrent les empereurs, et le rôle qu'elles jouèrent dans l'élévation et dans la chute d'un certain nombre de souverains. Caligula est tué à la suite d'une conspiration des préfets du prétoire, des officiers des cohortes prétoriennes et des soldats eux-mêmes14. Elles saluent empereur, le lendemain, Claude qui se cachait sous une tapisserie; en échange, celui-ci promet 15000 sesterces à chaque soldatf5. C'est aux prétoriens que s'adresse Néron pour se faire reconnaître, et le Sénat se conforme à la décision des troupes 16 ; ce sont eux qui, après avoir reconnu Galba, l'abandonnent ensuite pour se tourner vers Othon 17 ; eux encore qui renversent Domitien et élisent Nervai°. Après leur adoption, MarcAurèle et L. Verus s'empressent de se rendre auprès des prétoriens et de payer à chacun d'eux 20 000 sesterces". Pertinax va leur demander leur appui en montant sur le trône 2"; quatre-vingt-sept jours après, les mêmes cohortes qui l'avaient salué le mettent à mort 21. Alors on voit se passer une scène inouïe. Sulpicien, beau-père de Pertinax, que celui-ci avait envoyé au camp prétorien pour calmer les esprits, offre de l'argent aux soldats pour être créé empereur. Ceux-ci refusent ses propositions, mais font crier sur les remparts du camp que l'empire sera au plus offrant. Didius Julianus se présente ; Sulpicien lui tient tête ; c'est à qui renchérira sur la proposition de son rival. Finalement le premier ayant promis 6250 deniers par tète, on le reçoit dans la forteresse et on le proclame Auguste22. Plus tard Gordien III est
salué par les cohortes du prétoire, qui viennent de mettre à mort Maxime et BalbinY3. Il en fut ainsi jusqu'aux derniers temps de leur existence; le prédécesseur immédiat de Constantin, Maxence, s'adressait encore à elles pour être salué AugusteB6.
Cette influence des prétoriens et le rôle qu'ils avaient joué àla mort de Commode et de Pertinax25, explique les réformes de Septime-Sévère. A peine parvenu au pouvoir, celui-ci n'hésite pas à les dissoudre. Avant d'arriver à Rome, il leur donna l'ordre de venir le trouver sans armes, avec les habits qu'ils portaient dans les grandes solennités; ils obéirent. Les faisant alors entourer par d'autres soldats, il rnonta sur le tribunal, leur reprocha vivement leur conduite, l'assassinat de Pertinax, la vente de l'empire aux enchères, et leur ordonna de se retirer à cent milles de Rome 26. Mais c'était pour rétablir presque aussitôt ce qu'il avait supprimé, toutefois en prenant des précautions pour l'avenir ; il modifia donc profondément le recrutement des cohortes du prétoire, ainsi qu'il sera expliqué plus loin, et substitua au régime des engagements volontaires, le seul qui eût été admis jusquelà27, un tout autre système : désormais on demanda aux légionnaires de toutes les parties du monde les effectifs nécessaires pour remplir les cadres des troupes prétoriennes 28. La suite de l'histoire romaine montre que ces réformes n'empêchèrent point les prétoriens de conserver une grande influence dans les affaires publiques. Constantin se décida à licencier définitivement la milice prétorienne après sa victoire au pont Milvius et son entrée à Rome, à la fin de l'année 3122°.
Surnoms des cohortes prétoriennes. Les cohortes prétoriennes reçurent au temps de Septime-Sévère les surnoms de Pia Vindex 30. On trouve aussi appliquées à ces corps, en dehors des surnoms tirés de l'empereur régnant, Antoniniana, Severiana, Gordiana, quelques épithètes comme Aeterna 31 et Valens 32. Sur les rnonnaies de Gallien elles portent les noms de Piae Fideles 33.
Camp des cohortes prétoriennes. Le camp des prétoriens, où se passèrent tant de scènes historiques à l'époque impériale, était situé au nord-est de Rome, entre la voie Nomentane et la voie Collatine 34 ; il fut utilisé en partie par Aurélien, lors de la construction de sa muraille 33. On a fait en plus d'une occasion des fouilles sur l'étendue de sa muraille ou dans l'intérieur38. C'est un rectangle de 380 mètres sur 440, dont le côté le plus long regarde la ville " (fig. 5783). La muraille, épaisse de deux mètres et flanquée de tours de distance en distance 38, était précédée d'une voie dallée qui en suivait toute la longueur, intérieurement. Au mur étaient adossées des chambres de 5 m. 75 sur 3 m. 50, devant la porte desquelles courait la la voie dallée. On en a découvert de semblables à quelque distance de la porte prétorienne 39, disposées à
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l'est et à l'ouest d'une muraille parallèle au grand côté du camp; il y en avait assurément bien d'autres encore qui ont été détruites au cours des âges ou n'ont pas été retrouvées; ce sont les casernements des soldats. Les
fouilles ont révélé qu'elles étaient voûtées et que leur uniformité était interrompue à intervalles réguliers par des escaliers à deux rampes conduisant à un étage
La porte prétorienne, tournée vers l'intérieur de la
ville, n'a pas été retrouvée. A 26 mètres en arrière s'élevait un arc triomphal, l'arc de Gordien, orné 2 de hauts-reliefs représentant des trophées, des étendards, etc., et couronné d'un groupe colossal. La porte décumane encastrée dans la muraille d'Au
rélien est bien conservée. La porta principalis sinistra existe encore, pour la même raison que la précédente; elle était flanquée de deux tours, percées de fenêtres qui donnent une idée très nette de sa disposition d'autrefois «fig. 5784).
On n'a pas retrouvé la porte qui lui faisait pendant (porta principalis dextra). Le camp prétorien est représenté sur une monnaie de l'empereur Claude «fig. 5785).
L'espace qui s'étend entre le mur du camp et l'agger de Servius, à l'ouest, était destiné aux exercices des cohortes prétoriennes et urbaines 5 ; il ne contenait guère de grands édifices ; on n'y signale que de petites
constructions religieuses dédiées par les prétoriens, des thermes à eux réservés 5 et des latrines '. Des tombes de soldats étaient disposées le long des deux voies qui limitaient cette étendue de terrain, la voie Nomentane et la voie de la porte Vimi
nale 8.
Au sud du camp existait un large rectangle bâti comme un camp, un enclos construit en gros blocs de pierre C'était l'enclos où l'on gardait les bêtes féroces destinées aux jeux du cirque, le
Vivarium. On y e noté une suite de chambres où était enfermée la ménagerie; un euripe courait devant ces chambres. Au centre de l'enceinte campaient, sans doute, les venatores et les custodes vivari, détachements spéciaux aux cohortes prétoriennes signalés par ces inscriptions 10.
Recrutement des cohortes prétoriennes. Le recru
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tement de la garde prétorienne fut soumis à des lois qui ont été étudiées de très près Tout d'abord, on n'y admit que des citoyens romains de vieille date ; les citoyens des villes latines de droit récent en étaient exclus 2. Dès l'origine, elles représentaient nettement, ce qu'elles continuèrent à représenter au 1" et au ne siècle, l'élément romain par opposition avec l'élément provincial qui remplissait les cadres légion
naires Sous Claude, les Transpadans pénétrèrent dans le prétoire'`; Fig. 5785. -Monnaie peu à peu les habitants des autres
de Claude. contrées de l'Italie y furent incor
porés 6. On y fit même entrer certains provinciaux' ; le premier exemple qu'on en connaisse remonte à Caligula; c'est celui d'un Macédonien engagé à cette époque 7, L'Espagne fournit ensuite des recrues, sans doute au temps de Galba, qui amena à Rome avec lui une garde espagnoles. Dion dit' que les pays appelés à donner des prétoriens jusqu'à l'époque de Septime-Sévère étaient, avec l'Italie, l'Espagne, la Macédoine et le Norique. Les inscriptions confirment les données de l'historien et permettent d'ajouter quelques autres provinces, comme on le verra dans le tableau suivant f0 :
Vingt provinces sont absentes de cette liste. Ce sont la Sicile, la Sardaigne, la Corse, la Bretagne, l'Achaïe, Chypre, l'Arabie, la Mésopotamie, la Crète et Cyrénaïque, qui n'ont jamais donné de recrues aux cohortes prétoriennes, la Gaule (moins la Narbonnaise), la Bretagne, la Dacie, l'Asie, la Lycie et Pamphylie, la Cilicie, Chypre, la Commagène et la Maurétanie, qui n'en fournirent
I t 'après Septime-Sévère, ainsi que le montre le tableau suivant :
Ce tableau est le commentaire du texte de Dion que j'ai déjà cité plus haut43.
On sait que Septime-Sévère décida que les vides du prétoire seraient remplis désormais par des hommes pris dans les cadres légionnaires du monde entier. Ce n'était point là, d'ailleurs, une mesure tout à fait nouvelle ; il ne fit que généraliser un fait dont on a déjà des exemples avant lui "Al voulait, ce faisant, substituer aux Italiens et aux provinciaux les plus romanisés, en qui il n'avait pas confiance, des soldats dont il avait éprouvé le dévouement et qu'il pensait s'attacher plus encore à l'avenir en leur offrant comme récompense l'entrée dans les cohortes prétoriennes, plus estimées et mieux payées que les autres troupes. Or, à cette époque, les légions se recrutaient, dans toute l'étendue de l'Empire, parmi les indigènes des provinces où les légions étaient campées [DILECTUS]. Peu à peu, les cohortes prétoriennes furent donc envahies par l'élément provincial ou, comme dit Dion,« par une foule confuse de soldats affreux à voir, terribles à entendre et intraitables dans leur manière de vivre ». Les inscriptions prouvent que les régions qui en fournirent le plus furent la Pannonie et la Thrace. Dans quelles proportions entraient les autres provinces, c'est ce que montrent deux fragments de listes militaires, contemporaines de Septime-Sévère et de Caracalla5l, cornmentées par Henzen et M. Hülsen 52, dont l'analyse donne le résultat suivant
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Dans cette liste, les provinces occidentales, comme on le voit, sont représentées par un nombre de recrues très minime, comme aussi l'Afrique et surtout les pays grécophéniciens'.
Les réformes de Septime-Sévère, relatives au recrutement, ne furent pas appliquées strictement par ses successeurs, ainsi qu'il résulte de l'analyse des inscriptions. D'une part, les Italiens furent de nouveau incorporés aux prétoriens, peut-être par une mesure de SévèreAlexandre 2; d'autre part, on semble être revenu aussi au système d'engagement volontaire direct, répudié par Septime-Sévère, sans doute pour éviter d'affaiblir les légions en les privant régulièrement de leurs meilleurs éléments'.
Durée du service. Tandis que la durée du service dans les légions était de vingt années, elle était régulièrement, dans les cohortes prétoriennes, de seize ans'.
Ce temps achevé, les empereurs renvoyaient les prétoriens dans leurs foyers avecl'honesta missio; afin de les récompenser de s'être acquittés de leur service pie et fortiter, ainsi que s'expriment les différents diplômes militaires à eux relatifs que nous avons conservés', ils leur concédaient, en outre, le droit de conubium avec la première des femmes qu'ils épouseraient à leur sortie du régiment, si bien que, même si c'était une pérégrine, les enfants nés du mariage étaient citoyens romains'. Certains diplômes contiennent parfois des clauses supplémentaires ; ainsi, sous Vespasien, il leur était accordé (en 79 ou 80) 7, avec la retraite, l'immunité pour les terres qui leur venaient de la générosité impériale et pour leurs autres possessions (guimpe res possiderint) '.
L'étude de ces diplômes militaires relatifs aux cohortes prétoriennes nous a appris, en outre, certaines particularités intéressantes. La libération des vétérans n'avait pas lieu tous les ans, mais seulement tous les deux ans; depuis l'an 29 jusqu'à l'an 2219, on ne connaît pas un seul exemple de congé accordé plus fréquemment, Encore pourrait-on citer des exceptions, par exemple, lorsque l'empereur était engagé dans quelque grande guerre qui nécessitait le maintien sous les armes des effectifs libérables 90,
Il n'y avait pas de jour fixe pour cette opération au Ter siècle et au début du 11e; au nie siècle, il semble que l'on ait toujours choisi pour cela la date du 7 janvier ", sans doute parce que c'était l'anniversaire du jour où Auguste inaugura son imperium12. Le premier exemple du fait est de l'an 150"
Organisation des cohortes prétoriennes. -On ne sait pas, d'une façon positive, quelle était la force des cohortes prétoriennes au ter et au n° siècle ; Tacite dit pourtant que sous Vitellius elles comptaient chacune mille hommes ",; mais ce peut n'avoir été là qu'une mesure temporaire 1". Dion donne le même chiffre pour son temps en l'appliquant à tort au passé16 ; le renseignement n'est valable que pour le me siècle.
Elles étaient toutes equitatae, c'est-à-dire composées de fantassins et de cavaliers l7. Les inscriptions font très souvent mention de ces derniers ; elles montrent qu'ils ne formaient pas un groupe à part, mais étaient incorporés dans les centuries 16, sous le commandement d'un option spécial f3. On doit croire que chaque centurie comprenait une turme de cavaliers [EQUtTES].
On admet généralement dans les manuels que les différentes cohortes étaient divisées chacune en dix centuries 2°. M. Hülsen a établi que cette conjecture était erronée 21. Plusieurs inscriptions prouvent qu'il n'y avait que six centuries par cohorte.
A la tête de chaque cohorte 22 était un tribun; celui-ci appartenait très souvent à la catégorie des anciens primipiles et avait passé successivement par le commandement des différentes troupes de Rome (trib. coda. vigilum, trib. coh. urbanae) P3. De ce poste on était nommé, soit à un commandement militaire plus important, par exemple à celui d'une flotte 2b, soit à une procuratèle 23 Au-dessous viennent les centurions. 113' en avait six par cohorte, ainsi qu'il a été dit plus haut. M. Mommsen a supposé que le premier d'entre eux, dans chaque cohorte, portait le titre de trecenarius 25. Mais son opinion n'est pas admise par tous les auteurs (voy. page suivante).
Il est à remarquer qu'on ne trouve pas chez les prétoriens mention de primipile. Au début de l'Empire, sous Auguste et Tibère 27, la place était occupée par un primus ordo ; mais il semble que la fonction n'ait pas été conservée, sans doute parce que l'on craignit de créer ainsi un officier dont l'influence particulière sur les troupes de Rome aurait pu devenir dangereuse pour l'empereur 2a
Au lut siècle, on rencontre la mention d'un princeps castrorum 29. Une inscription nous prouve même qu'il pouvait y en avoir deux en même temps 30 : l'empereur choisissait parmi les centurions prétoriens deux officiers à qui il confiait le commandement du camp du Viminal.
Les centurions avaient sous leurs ordres, pour assurer le service journalier, des lieutenants (optiones)" ; on en
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connaît de nombreux exemples 1. Certains options étaient détachés dans des postes particuliers, comme cela avait lieu aussi dans les légions (optio valetudinari optio carceris3) LOPTI01.
Les autres officiers. sous-officiers et spécialistes que l'on rencontre chez les prétoriens sont : des porteenseignes, signiferi, qui au premier siècle étaient répartis dans chaque cohorte à raison d'un par manipule ' et au lie siècle, sans doute à partir d'Hadrien, à raison d'un par centurie ; des tesserarii 6; des médecins' ; des victimaires ; des musiciens (corni
bucinatores 90, tubicines "); des ingénieurs (mensor, librator ", architectus 13) ; des instructeurs (campidoctor ", exercitator 13) ; des commis d'étatmajor (librarius'3, curator fisci M); des adjudants et ordonnances (corniculariuste, singularis19, beneftciarii20, secutores2i), auxquels il faut ajouter certains soldats d'élite comme les dupliciarii 22.
Vers le milieu du tue siècle apparaît un nouveau titre de sous-officier, celui de tector; il s'applique exclusivement, autant que nous le savons, à des cavaliers 23 ; le nomprouve qu'ils étaient attachés plus particulièrement encore que leurs compagnons d'armes à la garde de l'empereur 2".
C'est ce que l'on peut dire également d'autres soldats d'élite que l'on rencontre aussi dans les cohortes prétoriennes et qui sont désignés sous le nom de speculatores 25. Leur mission spéciale était de suivre les empereurs et de veiller personnellement à leur sûreté, soit à Rome, soit dans les voyages et les expéditions militaires 26. Certains auteurs, comme Marquardt" et Caner ", pensent qu'ils étaient, au moins pendant le premier siècle, constitués en un corps à part, corps monté, placé sous les ordres d'officiers spéciaux et distinct du reste des prétoriens. Ce n'est que postérieurement à Vespasien qu'ils auraient été répartis dans les différentes cohortes 29, ce qui est établi par un certain nombre de textes". M. von Domaszewski a émis une opinion différente"' i Pour lui, les speculatores ont toujours fait partie intégrante des cohortes ; on les trouve déjà tels au temps de la mort de Galba et l'on sait par Tacite qu'une cohorte en contenait 24 32, Les cohortes prétoriennes étant alors au nombre de douze, c'est un total de 288 speculatores pour tout le corps, soit, en chiffres ronds, 300. Le centurion qui les commandait se nommait centurie speculatorum33 et était hiérarchiquement supérieur aux autres centurions du prétoire 3"
Le même savant, remarquant que le titre ne se trouvait plus après l'époque de Néron, a émis l'idée que ce centurion avait pris, depuis lors, le titre de trecenarius, dont il a été question plus haut, précisément parce qu'il
aurait eu sous ses ordres15 les 300 spéculateurs. Il n'y aurait donc pas eu autant de trecenarius que de cohortes comme le voulait Mommsen, mais un seul pour l'ensemble du corps, ce qui explique sa prééminence rnarquée sur tous les autres centurions36
Solde des cohortes prétoriennes, Il sera traité avec plus de détail ailleurs de la solde des troupes romaines en général et des prétoriens en particulier [STIPEND103I]. Il suffira d'indiquer ici, d'après M. von Domaszewski, que ceux-ci reçurent, suivant les époques, un traitement différent et qui progressa avec le temps ; sous César, il était de 250 deniers ; il s'éleva sous Auguste à 500 puis à 750 deniers, sous Domitien à 1000, sous Commode à 1250, sous Septime-Sévère à 1710 et sous Caracalla à 2 500 37.
Enseignes des cohortes prétoriennes. -Les cohortes prétoriennes avaient comme enseignes, pour les fantassins des signa, pour les cavaliers des vexilla. Ces signa, dont l'existence résulte de celle de signiferi 36, sont figurés sur un certain nombre de monuments 33 [siGNA]
on y fixait les médaillons représentant l'effigie des empereurs [IMAGINES!, ce qui explique l'absence d'imaginiferi parmi les officiers des cohortes prétoriennes", M. von Domaszewski admet que certaines d'entre elles avaient le privilège de porter sur leurs enseignes des images divines ; la première cohorte aurait ainsi eu comme divinité distinctive Jupiter, la deuxième Mars et la troisième la Victoire ". Les vexilla, dont l'existence parait certaine 42, semblent représentés sur quelques bas-reliefs militairesS3 ItExILI.LM]. Cette question des enseignes sera traitée plus complètement ailleurs _SIGNA MILITAIOI.].
Religion des prétoriens. -Les cohortes prétoriennes, comme toutes les troupes de l'armée romaine, étaient tenues à une religion officielle (religio costrensis), leurs membres restant libres, d'ailleurs, de se livrer à leurs dévotions particulières en dehors du camp.
La religion officielle se composait du culte des enseignes, des empereurs et des dieux militaires ". Il a été question plus haut des enseignes prétoriennes ; elles étaient déposées dans la chapelle centrale du camp, au praetorium"° [PRAETOBAJM]. Là aussi se dressaient les statues de l'empereur régnant, et celles des empereurs divinisés, au centre des signa". Quant aux dieux militaires, les prétoriens avaient en l'un d'eux un patron particulier ; ils l'honoraient d'un culte spécial dans une chapelle édifiée à l'intérieur du camp b7 et confiée au ministère de soldats du corps : c'était Mars. Pour expliquer ce choix, M. von Domaszewski a fait remarquer 19 que cette divinité préside au mois dans lequel le soleil se tient dans le signe du Scorpion et quec'est précisément dans ce mois que naquit Tibère, le véritable créateur de la garde prétorienne. Le
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dieu sous les auspices duquel Tibère avait vu le jour était le protecteur désigné des prétoriens.
Du culte privé des soldats prétoriens nous avons gardé de nombreux témoignages : l'espace libre qui s'étendait, ainsi qu'il a été dit plus haut, entre le camp et le mur de Servius était semé de chapelles et de monuments votifs dédiés par eux à des divinités de toute sorte, surtout à des divinités étrangères' au Panthéon romain : Asclepios Zimidrenus 2, Belinus 3, le deus Iferos', le deus dom'inus Apollo Vergulesis, de Thrace le deus paternus Biuba 0, les deus Sberthurdus et Ianzbadula, praestantissimi 7, les dii sancti patrienses Jupiter Optimus maximus et Invictus et Apollo, Mercurius, Diana, Hercules, Mars s. Il est certain que dans cette grande esplanade, réservée aux cohortes prétoriennes et aux autres troupes de la garnison de Rome, on avait laissé les soldats élever des monuments religieux à leurs divinités favorites ; ces monuments, entretenus par les fondateurs et par leurs successeurs pendant toute la durée de l'Empire, tombèrent ensuite en ruines, après la suppression du corps par Constantin, et les restes en furent employés comme pierres de construction dans différentes parties de la ville 9. Cette particularité explique pourquoi une partie des inscriptions qui y figuraient autrefois10 ont été retrouvées sur l'Esquilin : ce qui a permis à quelques auteurs " de penser à tort que là aussi il existait un sanctuaire bâti aux frais et pour l'usage des cohortes prétoriennes.
On s'est demandé si cette facilité laissée aux prétoriens de rendre un culte aux divinités de leur pays n'était pas le résultat d'un calcul politique 12. Il était à craindre, a-t-on écrit u, que ces hommes venus du fond des provinces danubiennes ou germaniques, et sur lesquels Septime-Sévère et ses successeurs comptaient pour renouveler l'esprit du prétoire, ne suivissent l'exemple de leurs prédécesseurs, et que, après quelques années de séjour à Rome, ils ne fussent gagnés par l'esprit d'indépendance qui animait les prétoriens du ter et du lie siècle. On s'attacha donc à les isoler au milieu de la population qui les entourait, à leur conserver autant que possible leur caractère de soldats barbares; on s'assura leur soumission enles tenant àl'écart des agitations politiques, en leur donnant les moyens de rester fidèles aux usages de leurs provinces. Mais il n'est pas nécessaire de supposer une politique aussi raffinée du côté des empereurs du Ine siècle. Partout à cette époque les soldats légionnaires ou autres continuaient, dans le voisinage des camps, de rendre un culte aux divinités de leur pays [LECI0) ; la tolérance religieuse qui permettait aux troupes de Pannonie ou de Numidie d'adorer Mithra et Jupiter Dolichenus fut simplement appliquée à Rome en faveur des prétoriens ; du jour où on les fit venir des régions les plus reculées du monde romain, il fallut leur donner
le moyen d'adorer, comme auparavant, leurs dieux nationaux, et on le leur donna 14.
Costume desprétoriens.-Nousavons indiqué, à l'article EQUITES, quel était le costume des cavaliers des cohortes prétoriennes. Nous n'avons donc à parler ici que de l'uniforme des fantassins. Il est assez difficile de le déterminer, nos renseignements sur ce sujet étant insuffisants. Les auteurs sont à peu près muets à cet égard. Dion nous
apprend cependant que, de son temps, ils portaient la cuirasse imbriquée (Xcitt wTOç) et le bouclier rectangulaire
Les monuments funéraires qui les représentent sont peu nombreux et assez peu concluants ; la liste en a été dressée par M. Müller '9. Le plus précis est une stèle du musée du Capitole (fig. 3786)17. Le soldat, M. Aurelius Lucianus, originaire de Dacie, de la sixième cohorte, y est figuré avec la tunique et le sagum; il porte une épée attachée par un baudrier et tient en main le pilum", lequel parait aussi comme attribut des prétoriens sur d'autres monuments' s.
Ailleurs, en particulier sur les colonnes Trajane et Aurélienne, il est assez difficile de distinguer les prétoriens des autres soldats. M. Frôhner veut les reconnaitre au cimier de leur casque 20 et M. Cichorius à leurs boucliers ornés de foudres d'un dessin caractéristique 21, indices qui ne sauraient être tenus pour suffisants 22 Un
semblance pour un
portrait du dieu Mars
D'autre part, dans un article récente, M. Bienkowski a essayé d'établir que trois représentations de guerriers vêtus du sagum et de braies et armés d'une épée étaient, non pas des types de Barbares, comme on le pensait jusqu'ici, mais des prétoriens, se fondant pour cela sur la similitude de ces sculptures avec une figure de bas-relief du musée de Naples ; ce costume, tout barbare, serait celui des soldats du prétoire postérieurs à SeptimeSévère et à l'introduction de l'élément non romanisé dans les cohortes prétoriennes (voir ce
prétorien qui surmonte un
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bas-relief, pourtant, mérite considération ; c'est celui qui, en double exemplaire, ornait la hase de la colonne Antonine et qui, lui
aussi, est conservé aujourd'hui au musée du Vatican'. La scène représentée étant une decursio funèbre et une decursio autour du bitcher de l'empereur '. les troupes qui y paraissent ne peuvent être que des prétoriens. On les y voit revêtus de tuniques et de cuirasses (segmentala), le bras
défendu par des boucliers ovales ornés du foudre, la tête couverte de casques à cimiers et le pilum à la main (fig. 5787). On admet aussi, d'habitude, que ce sont des prétoriens que présente un bas-relief du musée du Louvre3 (fig. 5788); les soldats y portent également la tunique sous une cuirasse, un bouclier ovale dont l'emblème est le foudre, une épée du côté droit, le pilum et le casque à haut cimier. Mais il faut reconnaître
que l'identification des personnages est loin d'être certaine.
Quant aux briques estampillées de la légende castris praetorianis, dont certains ont fait argument en la matière, à cause de l'image qui accompagne cette légende (fig. 5789), si les uns regardent l'effigie en question comme celle d'un prétorien armé du pilum et coiffé d'un
casque à cimier, d'autres la tiennent avec moins de vrai
que nous avons dit plus haut du recrutement de ces cohortes). Cette théorie, démentie par d'autres monuments 8, ne saurait être acceptée ; elle prouve, en tout cas, comme tout ce qui précède, qu'on ne saurait être bien affirmatif sur le costume et sur l'armement des prétoriens'. Il se pourrait qu'il n'ait différé de celui d'autres troupes que par la couleur ou par certains insignes ornementaux que les monuments figurés sont incapables de nous révéler clairement.
Les speculatores étaient armés de la lance f0. M. von Domaszewski reconnaît l'un d'eux à ce signe, sur la colonne Antonine, dans un fantassin
figuré auprès de l'empereur 11. Il Fig. 5790. Speculator.
porte le casque avec cimier et jugu
laire, la cuirasse, le manteau militaire attaché sur l'épaule droite et le glaive (fig. 5790). R. CACIAT•
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